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Bearbeitung, zuletzt am 15.03.2020, durch: Sabiha Akagündüz, A. Tschentscher | |||
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42. Extrait de l'arrêt du 17 juin 1975 en la cause Ernst c. Conseil d'Etat du canton de Fribourg. | |
Regeste |
Art. 85 lit. a OG; Meinungsäusserungsfreiheit. | |
Sachverhalt | |
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Les organisateurs du spectacle le recommandèrent dans un tract, rédigé en allemand et en français, portant le nom de Marie-Louise Ernst. Le texte français est libellé en ces termes:
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"HISTOIRE D'A
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UN FILM SUR L'AVORTEMENT
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Ce film correspond à la réalité. Il présente la nouvelle méthode d'avortement connue sous le nom de "Karman" (méthode par aspiration).
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Celle-ci peut être appliquée jusqu'à la dixième semaine de grossesse.
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A la demande une discussion aura lieu après le film."
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Le 29 mai, le chef de la police de sûreté informa le préfet du district de la Sarine que le tract avait été distribué le matin aux élèves du Collège Saint-Michel et que le film devait être interdit en France. Le même jour, sur l'ordre du préfet, un agent avisa Véronique Rütsche que l'autorisation était retirée jusqu'à ce que le film ait été visionné; il la priait d'en remettre les bobines à la Préfecture, avant le 31 mai, aux fins de contrôle. Cette communication, établie sur un papier sans en-tête et non signée, fut déposée dans la boite à lettres de la destinataire, absente de son domicile lors du passage de l'agent.
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Le 30 mai, en tant que porte-parole du MLF, Marie-Louise Ernst adressa à la Préfecture une lettre recommandée qui conteste, pour des raisons de forme et de fond, la validité du retrait de l'autorisation accordée.
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Ce jour encore, le préfet répondit à Marie-Louise Ernst que la projection du film était soumise aux conditions suivantes:
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"1. Aucune publicité ne sera faite.
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2. L'entrée sera interdite aux personnes de moins de 18 ans."
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Il se déclarait prêt à donner des renseignements complémentaires.
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Selon un rapport de la police de sûreté, la manifestation eut lieu à la date et à l'endroit fixés, en présence de quelque deux cents personnes, âgées pour la plupart de moins de trente ans. La séance de cinéma fut suivie d'une discussion. Les conditions posées par le préfet ont été respectées.
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Le 22 octobre 1974, le Conseil d'Etat du canton de Fribourg rejeta le recours que Marie-Louise Ernst avait formé, au nom du MLF, contre la décision préfectorale. Le Tribunal fédéral a admis le recours de droit public formé contre cet arrêté et l'a annulé dans la mesure où il approuve l'interdiction de faire de la réclame en faveur du film "Histoire d'A".
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Considérant en droit: | |
3. Dans son recours cantonal, la recourante s'en était prise aux deux conditions dont le préfet avait fait dépendre la projection du film, soit à la limitation de l'âge d'admission et ![]() | 17 |
a) La recourante voit dans la décision attaquée une atteinte à ses droits politiques. Ce grief n'est pas fondé.
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Lorsqu'elle est invoquée dans un recours de droit public, la notion de droits politiques doit être entendue au sens qui lui est attribué à l'art. 85 lit. a OJ. Dans cette acception, elle comprend non seulement le droit de participer aux votations et aux élections populaires, mais aussi celui de signer une demande de référendum ou une liste d'initiative (RO 97 I 895). En vertu de ses droits politiques, un citoyen peut former un recours de droit public contre le refus de consulter les électeurs sur une demande de référendum ou une initiative valables (RO 100 Ia 388; 98 Ia 640), ainsi que contre la décision de leur soumettre une initiative inconstitutionnelle ou illégale (RO 100 Ia 381; 99 Ia 729 s.). De plus, il a la faculté d'attaquer par le même moyen les irrégularités de la procédure électorale, de même que les scrutins dont le résultat a été faussé ou constaté inexactement (RO 99 Ia 644; 98 Ia 78, 621; cf. BIRCHMEIER, Bundesrechtspflege, p. 341 s.).
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En l'espèce, la recourante veut sans doute faire valoir que les partisans de l'avortement libre ou de l'allégement des peines prévues en cas d'avortement ont été entravés dans l'exercice de leurs droits politiques par l'interdiction de la publicité en faveur du film "Histoire d'A", qui présente une nouvelle méthode d'interruption de la grossesse. Il est vrai qu'une initiative populaire régulièrement déposée le 1er décembre 1971 tend à faire introduire dans la constitution fédérale une disposition sur la "décriminalisation" de l'avortement (FF 1971 II p. 2045; cf. également FF 1974 II p. 706 ss), qu'elle fut abondamment discutée, cette année même, par le Conseil national au cours de sa session de printemps (Bull.stén. CN 1975 p. 208 ss), et qu'elle sera incessamment soumise au Conseil des Etats. Toutefois, les débats parlementaires n'étant pas terminés, les électeurs ne seront pas appelés à voter avant plusieurs mois. Dès lors, bien que le film "Histoire d'A" se rapporte à une question qui sera probablement soumise au peuple tôt ou tard, la mesure prise par le préfet et approuvée par le Conseil d'Etat n'est pas liée assez étroitement ![]() | 20 |
b) Reconnue par certaines constitutions cantonales, la liberté d'opinion fait partie des droits constitutionnels non écrits du degré fédéral (RO 100 Ia 399). Elle doit être respectée dans le canton de Fribourg, quand bien même la constitution de ce canton ne l'énonce pas expressément. Une opinion est un jugement émis sur un objet quelconque, en particulier sur une personne, son comportement, voire ses propres opinions. Après avoir contesté - à propos de la liberté de la presse, il est vrai - qu'un film serve à l'expression d'opinions (arrêt Burckhardt et cons., du 14 juin 1918), le Tribunal fédéral a laissé entendre que les représentations cinématographiques bénéficient de la liberté d'opinion dans la mesure où elles visent à instruire (RO 87 I 288). Il n'a pas tardé toutefois à élargir la portée de la garantie constitutionnelle, notamment en ce qui concerne la projection de films. Il a ainsi admis qu'au sens du par. 6 de la constitution lucernoise, la notion d'opinion embrasse non seulement les manifestations de la pensée, prises de position, jugements de valeur, conceptions, etc., mais aussi la création artistique et ses produits. Un film qui se présente comme une pure oeuvre d'art est protégé constitutionnellement (ZBl 64/1963 p. 365; cf. J.-D. PERRET, La liberté d'opinion face à l'Etat, thèse Neuchâtel 1968, p. 43 s.). Cette manière de voir est toujours actuelle (cf. RO 101 Ia 150).
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La recourante peut donc en l'espèce se prévaloir de la liberté d'opinion. Le tract distribué par le MLF qualifie l'"Histoire d'A" de "film instructif pour femmes et hommes, qu'ils soient pour ou contre l'avortement". Même s'il ne s'agit pas d'un film à thèse proprement dit, destiné à rallier les spectateurs à une cause déterminée, l'"Histoire d'A" a été utilisée par le MLF comme un moyen de répandre les idées qu'il défend; preuve en est que la projection du film a été suivie d'une discussion. Dans ces conditions, puisqu'un film à vocation artistique est censé exprimer une opinion au sens de la jurisprudence, il en est de même, à plus forte raison, de l'"Histoire d'A", qui a servi d'instrument de propagande.
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c) La liberté d'opinion n'est pas absolue. Pour être valables, ses limitations doivent reposer sur une base légale, à moins qu'elles ne se justifient en vertu de la clause générale de police; il faut en outre qu'elles tendent à sauvegarder un intérêt public, tel l'intérêt au maintien de l'ordre, de la sécurité, de l'hygiène et de la moralité publics (cf. RO 101 Ia 150). Lorsque la base requise consiste dans un texte de loi ou une ordonnance, le Tribunal fédéral n'en revoit l'application que sous l'angle de l'arbitraire. En revanche, il examine en principe librement si l'interprétation non arbitraire du texte répond à un intérêt public suffisant (RO 87 I 119). Dans le domaine de la censure cinématographique, il a tranché cependant avec retenue la question de l'intérêt public, estimant qu'il incombe en premier lieu aux autorités cantonales de faire respecter l'ordre et la moralité publics, que les mesures propres à cet effet varient selon les circonstances ou les conceptions locales et que les appréciations portées sur la qualité d'un film dépendent de ![]() | 24 |
Le Conseil d'Etat constate que la projection du film "Histoire d'A" se rapproche des spectacles interdits par l'art. 10 de la loi du 1er février 1949 sur les cinémas et les théâtres, ainsi que par l'art. 39 du règlement d'exécution du 2 mai 1949; l'interdiction de faire de la réclame en faveur de ce film ne serait donc pas inconstitutionnelle. La première de ces dispositions interdit "les spectacles contraires à l'ordre public et aux bonnes moeurs", alors que la seconde considère comme tels, sous lettre a, "les spectacles de nature à troubler la paix et spécialement ceux qui sont de nature à suggérer ou à provoquer des actes criminels ou délictueux ou à blesser le sentiment religieux de la population". Il est soutenable d'admettre que l'"Histoire d'A" tombe sous le coup de ces textes, qui constituent donc la base légale nécessaire: d'une part, en décrivant un nouveau procédé d'interruption de la grossesse, le film en cause peut encourager le recours à l'avortement, qui est réprimé en tant que crime ou délit; d'autre part, dans la mesure où il s'oppose à la doctrine de l'Eglise catholique, il était propre à offusquer une partie importante de la population fribourgeoise. Encore faut-il examiner si cette solution, défendable au regard des textes, se concilie avec les exigences de l'intérêt public.
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L'arrêté attaqué insiste sur le risque que l'"Histoire d'A" n'incite à transgresser la loi pénale. Certes, d'après la jurisprudence, il s'agit là d'un juste motif d'interdiction (RO 87 I 120 s.). Toutefois, quelle que puisse être l'influence de ce film sur le nombre des interruptions de grossesse, une autre considération est ici déterminante. Si l'avortement est un crime ou un délit, il se singularise parmi les infractions pénales. Sa ![]() | 26 |
Il ressort en outre de l'arrêté attaqué qu'en prônant un comportement contraire à la doctrine de l'Eglise catholique, l'"Histoire d'A" est propre à blesser le sentiment religieux de la population. Ce n'est cependant pas un motif suffisant pour interdire la publicité en faveur de ce film. En principe, dans une démocratie, chacun a le droit d'exposer ses vues sur un sujet d'intérêt public, même si elles déplaisent à certains (cf. RO 97 I 901). La majorité ne peut prétendre réduire la minorité au silence.
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Il est clair que l'expression d'opinions outrageantes ou obscènes, qui tombe de ce fait sous le coup du Code pénal, ne peut bénéficier d'une autorisation. Il en est de même lorsqu'elle menace d'engendrer des troubles que la police serait incapable de maîtriser. Ces hypothèses n'étaient cependant pas réalisées en l'espèce. Le Conseil d'Etat ne critique ![]() | 28 |
En ce qui concerne l'interdiction de la réclame, l'arrêté attaqué ne fait pas état non plus du refus de remettre au préfet les bobines du film. C'est avec raison. En ne déférant pas à une injonction émise sur un papier sans en-tête et non signée, les représentantes du MLF n'ont pas commis un acte d'insubordination. Elles ont simplement manqué de bonne volonté, ce dont on ne saurait tirer contre elles une conséquence juridique.
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