BGE 104 Ia 403 | |||
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60. Extrait de l'arrêt rendu le 5 décembre 1978 dans la cause X. contre Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Fribourg | |
Regeste |
Art. 4 BV; überspitzter Formalismus: Aufforderung an einen Anwalt, der seinen Klienten im ganzen Verfahren vertreten hat, während der Verhandlung eine spezielle schriftliche Vollmacht vorzulegen. | |
Sachverhalt | |
Le préfet du district du Lac a reconnu X. coupable de violation des règles de la circulation et l'a condamné à une amende. Tout au long de cette procédure pénale, X. a été représenté par un avocat fribourgeois, respectivement par une avocate stagiaire de l'étude de ce dernier, agissant conformément à une procuration. Cette procuration habilite ledit avocat, comme "mandataire spécial" avec pouvoir de substitution, à représenter son mandant "dans toutes les procédures engagées à la suite de l'accident du 24 mai 1976". Le texte relève qu'il s'agit d'une procuration générale mais précise qu'elle donne à l'avocat en particulier le pouvoir d'"interjeter tous recours ordinaires ou extraordinaires" et qu'elle confère "pouvoirs spéciaux chaque fois que la loi ou la jurisprudence l'exigent".
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X. a recouru contre ce jugement auprès de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal fribourgeois. L'acte de recours est signé par son avocat et par l'avocate stagiaire de ce dernier. Il mentionne que "l'avocat soussigné agit en vertu d'une procuration littérale qu'il produira à première réquisition".
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La Cour de cassation a déclaré le recours irrecevable, X. n'ayant pas comparu à l'audience et son avocat, interpellé par la Cour, n'ayant pas été en mesure de déposer séance tenante une procuration littérale spéciale.
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X. forme un recours de droit public fondé sur l'art. 4 Cst., invoquant le formalisme excessif de la Cour cantonale. Le recours a été admis et la décision attaquée annulée.
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Extrait des considérants: | |
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a) L'art. 54 al. 2 CPP dispose simplement que "le droit de recourir en cassation appartient au Ministère public et au condamné". Il n'est pas contesté que le condamné peut former un tel recours en cassation par l'intermédiaire d'un avocat. Il n'est pas contesté non plus que les avocats n'ont aucun droit propre à se pourvoir en cassation. Les art. 54 ss. CPP ne contiennent aucune prescription quelconque relative à la procuration établissant les pouvoirs de l'avocat, pas plus en ce qui concerne sa nature "spéciale" qu'à propos du délai dans lequel elle devrait être produite.
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b) La juridiction cantonale exige que l'avocat qui formule un recours en cassation soit au bénéfice d'une "procuration spéciale", à défaut de quoi le recours serait irrecevable. Formulée en termes aussi généraux, cette exigence procède manifestement d'un formalisme excessif. La procuration écrite n'est que le moyen de preuve établissant que l'avocat est habilité par son mandant à agir pour lui dans les limites du mandat confié. Si ce mandat est très général, il peut fort bien englober le pouvoir d'interjeter tous les recours prévus par la loi, dans toute la mesure où le mandant n'a pas obtenu satisfaction par l'arrêt de la juridiction inférieure. Cette portée du mandat est absolument indiscutable lorsque le texte de la procuration précise que l'avocat est habilité à recourir, et qu'il est ajouté que la procuration confère "pouvoirs spéciaux chaque fois que la loi ou la jurisprudence l'exigent". En pareil cas, l'autorité de recours a - par la procuration - la preuve que l'avocat a le pouvoir de recourir. Exiger par principe que l'avocat produise encore une procuration spéciale est inutile et inadéquat. Sanctionner le défaut d'une telle production par l'irrecevabilité du recours équivaut à un déni de justice. Certes, il peut se produire des cas extraordinaires dans lesquels la juridiction de recours est fondée à avoir des doutes sérieux sur la question de savoir si tel avocat, au bénéfice d'une procuration générale, n'agit pas contrairement à la volonté de son client en recourant, notamment si les circonstances sont telles que le condamné apparaît d'emblée comme n'étant pas en mesure de résilier - ou de limiter - le mandat (art. 404 al. 1 CO). Mais il appartient alors à cette autorité de recours de procéder aux démarches nécessaires pour acquérir la conviction qu'exceptionnellement l'avocat, qui est en principe dûment mandaté aux termes de la procuration, n'a pas le pouvoir de recourir. Même dans une telle hypothèse, l'autorité ne saurait exiger systématiquement de l'avocat - à peine d'irrecevabilité du recours - qu'il produise par surabondance une procuration spéciale, en particulier lorsque le mandant ne peut plus être atteint par voie postale ou n'est plus en mesure pour une autre raison de remettre à son mandataire une nouvelle procuration spéciale.
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En l'espèce, il est constant que l'avocat consulté agissait au bénéfice d'une procuration générale l'autorisant notamment à recourir, et que la Cour de cassation pénale n'a entrepris - avant l'audience - aucune démarche quelconque pour vérifier si, exceptionnellement, cet avocat intervenait contrairement à la volonté manifestée par son client. Dans la mesure où la juridiction cantonale a déclaré le recours irrecevable faute d'une procuration spéciale, elle a dès lors commis un déni de justice.
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c) Le recourant n'a pas comparu personnellement à l'audience de la Cour de cassation pénale, mais il y était représenté par son défenseur, agissant par son avocate stagiaire. Il découle de ce qui précède (consid. 4 litt. b) que ce défenseur avait le pouvoir de recourir en cassation pour X. contre la décision préfectorale.
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La juridiction cantonale semble exiger que la procuration soit produite simultanément au recours. Comme le Tribunal fédéral l'a jugé, une telle exigence ne saurait être qu'une prescription d'ordre. En exiger le respect à peine d'irrecevabilité du recours relèverait d'un formalisme excessif, équivalant à une violation de l'art. 4 Cst. La Cour de cassation pénale l'admet d'ailleurs elle-même implicitement puisque, nonobstant le fait que la procuration n'était pas jointe au recours, elle a fixé audience et y a cité les parties par mandat de comparution en s'adressant notamment aussi au conseil de X. A tout le moins aurait-elle dû, conformément à la jurisprudence susmentionnée, avertir l'avocat de la prétendue informalité et l'inviter à produire sa procuration dans un délai déterminé. Elle n'en a rien fait.
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d) Mais la Cour de cassation admet à juste titre qu'une procuration n'est pas nécessaire lorsque le condamné comparaît personnellement à l'audience. Cette comparution est un élément incertain, aléatoire, qui dépend du libre vouloir du condamné, et qui ne peut être contrôle qu'à l'audience elle-même. Si donc la Cour de cassation veut avoir d'avance la certitude de pouvoir examiner à l'audience un recours qui soit formulé par un avocat habilité à cet effet, elle doit nécessairement - attendu qu'elle ignore si le condamné se présentera à l'audience - demander à cet avocat, avant ladite audience, de produire sa procuration si celle-ci ne figure pas déjà dans le dossier de la juridiction inférieure. Une telle démarche ne porterait atteinte à aucun intérêt méritant considération. On peut certes concevoir que la Cour s'abstienne de toute démarche de ce genre jusqu'à l'audience pour y demander à l'avocat, après constatation de l'absence du condamné, de produire immédiatement (ou dans un laps de temps de quelques minutes, ce qui revient au même) sa procuration. Ce qui, dans une telle hypothèse, relève toutefois d'un formalisme excessif et constitue un déni de justice, c'est que la Cour, si l'avocat n'est pas en mesure de donner suite à sa demande, en déduise sans impartir un délai supplémentaire convenable que le recours est irrecevable, et prive ainsi pratiquement le condamné du droit de recours qui lui est assuré par la loi. Or, c'est bien ce qui s'est passé en l'espèce.
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e) Sans doute l'avocat de X. a-t-il mentionné, dans son recours à la Cour de cassation pénale, qu'il agissait "en vertu d'une procuration littérale qu'il produira à première réquisition".
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Il est établi que celui-ci était bien au bénéfice d'une procuration littérale l'habilitant à recourir. En revanche, il n'a pas été en mesure de produire ce document à la "première réquisition" qui a été formulée par la Cour au début de l'audience. Cela ne change toutefois rien au déni de justice commis par la Cour de cassation pénale cantonale. L'avocat, qui a représenté son client pendant toute la procédure de première instance sans que le dépôt d'une procuration littérale ait été exigé, peut admettre que, si l'autorité de recours en exige la production, elle le lui fera savoir en temps utile. L'offre de produire un document à première réquisition ne constitue nullement une déclaration exceptionnelle. De bonne foi, elle doit être interprétée comme signifiant que l'avocat qui l'a formulée part de l'idée que, normalement et au vu des circonstances de la cause, il n'aura pas à produire ce document. Si l'autorité de recours ne partage pas cette manière de voir, il lui incombe - s'agissant d'une pièce qu'elle considère comme décisive pour la recevabilité du recours - d'en aviser ledit avocat en lui impartissant un délai suffisant pour qu'il soit en mesure, selon le cours normal des choses, de donner suite à son offre. En aucun cas l'autorité de recours ne saurait, sans avoir prévenu l'avocat au préalable, exiger de lui à l'audience, à brûle-pourpoint, qu'il produise sa procuration à peine d'irrecevabilité du recours. Une telle exigence ne se justifie par aucun intérêt digne de protection. Or, ce n'est rien d'autre qu'a fait en l'espèce la Cour de cassation, étant établi par ailleurs que la procuration générale conférée par le recourant à son conseil l'habilitait à recourir. Le jugement d'irrecevabilité qu'elle a prononcé est dès lors incompatible avec les droits découlant de l'art. 4 Cst. et doit être annulé.
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Cette situation juridique ne serait en rien modifiée s'il était établi que l'autorité cantonale avait donné à l'avocate stagiaire représentant le conseil du recourant "un délai de quelques minutes pour faire venir la procuration", selon la formule utilisée par le procureur général du canton de Fribourg. Un tel délai est en tout état de cause manifestement insuffisant. Il n'est pas tolérable que le condamné soit privé en fait de la possibilité de recourir parce que son mandataire ne retrouverait pas immédiatement - par exemple en raison d'une erreur de classement - sa procuration dans la partie du dossier qu'il peut avoir laissée à son étude. L'intérêt du condamné à faire revoir le jugement par une juridiction de recours, même au détriment de la rapidité de la procédure, est évidemment supérieur au besoin de trancher le recours rapidement sur la base d'une exigence purement formelle (cf. ATF 102 Ia 36).
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