BGE 108 Ia 323 | |||
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62. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 22 octobre 1982 dans la cause Frutschi-Schlup et consorts contre Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel et Lysak (recours de droit public) | |
Regeste |
Art. 88 OG; Beschwerdebefugnis. | |
Sachverhalt | |
L'hôtel du Guillaume-Tell, sis rue du Premier-Mars 3, à La Chaux-de-Fonds, a été détruit par un incendie dans la nuit du 17 au 18 mars 1978 et n'a pas pu être reconstruit en raison d'un plan d'alignement. A la suite d'un échange de terrain avec la commune, le propriétaire de cet établissement, Bernard Lysak, a obtenu un immeuble, sis avenue Léopold-Robert 11, pour lequel il a sollicité l'autorisation d'ouvrir un hôtel avec débit de boissons alcooliques. Cette requête a été publiée dans la Feuille officielle du canton de Neuchâtel du 2 juin 1979.
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Par décision du 9 mars 1981, le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel a accordé à Bernard Lysak l'autorisation d'ouvrir un hôtel avec débit de boissons alcooliques dans l'immeuble sis avenue Léopold-Robert 11, à La Chaux-de-Fonds.
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Cette décision a été communiquée le 5 mai 1981 à Frutschi et aux autres recourants, qui s'étaient opposés à l'octroi du permis de construire.
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Charles Frutschi et six autres concurrents, tenanciers d'un établissement public à La Chaux-de-Fonds, ont formé auprès du Tribunal fédéral quatre recours de droit public distincts contre la décision du Conseil d'Etat du 9 mars 1981, dont ils demandent l'annulation. Ces recours ont été joints par ordonnance présidentielle du 15 juin 1981.
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Le Tribunal fédéral a déclaré irrecevables trois de ces recours et a rejeté le recours de Charles Frutschi et des époux Schlup dans la mesure où il était recevable. Il a basé son argumentation notamment sur les motifs suivants:
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Considérant en droit: | |
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En l'espèce, Bernard Lysak était le propriétaire de l'hôtel du Guillaume-Tell, mais il n'en était pas l'exploitant. Par ailleurs, faute de locaux, l'hôtel a cessé d'être exploité (art. 17 al. 1, 25 al. 2 et 3, 29, 30 ch. 2 LECDB). Dans ces circonstances, il apparaît que l'autorisation antérieure s'est éteinte et que l'intimé ne pouvait prétendre à l'octroi d'une autorisation sous la simple forme d'un transfert de locaux au sens de l'art. 27 LECDB. L'autorité a donc traité à juste titre sa requête comme une demande tendant à l'autorisation d'ouvrir un nouvel hôtel avec débit de boissons alcooliques. Il en résulte que l'octroi de l'autorisation est soumis à la clause de besoin prévue par l'art. 14 LECDB.
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b) La qualité des recourants pour former un recours de droit public - qui se détermine exclusivement par rapport aux exigences de l'art. 88 OJ - dépend précisément de la question de savoir si cette clause de besoin n'est fondée que sur l'art. 32quater Cst. ou si elle tend également à limiter la libre concurrence entre les tenanciers d'établissements publics, au sens de l'art. 31ter Cst. Dans le premier cas, la clause de besoin n'a en effet été édictée qu'aux fins de combattre l'alcoolisme, soit dans un but d'intérêt public général, et ne donne pas aux particuliers la qualité pour agir par la voie du recours de droit public (ATF 105 Ia 189, ATF 101 Ia 544). En revanche si, comme le soutiennent les recourants, la loi cantonale, au moyen de la clause de besoin qu'elle contient, a aussi pour but d'assurer la protection des cafetiers et restaurateurs menacés dans leur existence par une concurrence excessive, au sens de l'art. 31ter Cst., ceux-ci bénéficient non pas simplement d'une protection de fait, mais d'une protection juridique leur permettant d'attaquer une décision qui léserait de façon inadmissible leur intérêt à la limitation du nombre d'entreprises concurrentes; s'agissant toutefois d'une décision d'application, la disposition constitutionnelle qu'ils pourraient invoquer à l'appui d'un recours de droit public serait l'art. 4 Cst. et non l'art. 31ter Cst. (ATF 82 I 152 consid. 2; ATF 79 I 159; AUBERT, Traité de droit constitutionnel suisse p. 605, No 1685).
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Dans le cas particulier, il s'agit donc d'examiner à titre préjudiciel si la loi neuchâteloise sur les établissements publics, telle qu'elle a été modifiée le 2 juillet 1962, est fondée non seulement sur l'art. 32quater, mais aussi sur l'art. 31ter Cst.
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2. La loi neuchâteloise n'indique pas selon quels critères les besoins de la population doivent être appréciés, ni s'il faut considérer l'évolution de l'alcoolisme ou la situation économique des établissements publics existants. Le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'appui d'un projet de loi, du 13 juin 1961, mentionnait l'inquiétude des milieux professionnels face à l'apparition de nouveaux genres d'établissements et de nouvelles formes de vente, tels que les bars à café et les distributeurs automatiques (Bulletin des séances du Grand Conseil, juin 1961, p. 59). Invoquant expressément l'art. 31ter Cst., le Conseil d'Etat proposait dès lors de soumettre aussi à la clause de besoin les établissements qui ne vendent pas d'alcool, car la prolifération de ces établissements constituait une menace grave pour la profession dans son ensemble (Bulletin cité p. 60/61). Toutefois, le Grand Conseil s'est manifestement écarté de la proposition du Conseil d'Etat et n'a pas voulu soumettre à la clause de besoin les établissements qui ne débitent pas de boissons alcooliques. La Commission chargée d'étudier le projet de loi explique cette modification par le fait qu'elle n'a pas eu l'intention d'instituer une clause de besoin qui, constitutionnellement, ne peut avoir d'autres motifs que le souci de protéger la profession de tenancier d'établissements publics (Bulletin des séances du Grand Conseil, juillet 1962 p. 433/434). Le législateur n'a cependant pas exclu expressément que la clause de besoin ait un but de politique économique. Reste à savoir si cette référence implicite est suffisante pour fonder la clause de besoin sur l'art. 31ter Cst.
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b) L'art. 31ter Cst. prévoit expressément le recours à la voie législative; les conditions qu'il fixe pour l'introduction d'une clause de besoin sont par ailleurs différentes de celles de l'art. 32quater Cst. Selon la jurisprudence, un canton ne peut faire usage de la faculté prévue par l'art. 31ter Cst. qu'au moyen d'une disposition légale expresse et non pas par simple interprétation extensive d'une disposition légale existante (ATF 97 I 889; ATF 95 I 121 consid. 1; ATF 82 I 151; ATF 79 I 159). Aussi le législateur est-il tenu de fixer lui-même les critères relatifs au besoin et il ne saurait accorder à l'administration une délégation de compétence sous forme de blanc-seing (ATF 78 I 208; MARTI, Die Wirtschaftsfreiheit der schweizerischen Bundesverfassung, p. 161/162).
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En l'occurrence, il faut admettre que la loi neuchâteloise sur les établissements publics du 2 juillet 1962 ne contient aucune référence à l'art. 31ter Cst. pouvant être assimilée à une modification législative proprement dite qui, conformément à la doctrine et à la jurisprudence, eût été nécessaire pour adopter une nouvelle clause de besoin destinée à protéger les tenanciers d'établissements publics contre une concurrence excessive.
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Il en résulte que, dans le canton de Neuchâtel, une limitation des débits de boissons ne peut être entreprise qu'en vue de combattre l'alcoolisme, soit dans un but exclusivement d'intérêt public, et que les autorisations délivrées en cette matière par l'administration cantonale, quand bien même elles ne seraient pas conformes à la loi, ne sont pas susceptibles d'être attaquées par des concurrents.
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c) Au vu de ce qui précède, la qualité pour attaquer par la voie du recours de droit public la décision du Conseil d'Etat neuchâtelois du 9 mars 1981 doit être déniée aux recourants, dans la mesure où ceux-ci fondent leurs griefs sur une application arbitraire de la clause de besoin prévue par l'art. 14 LECDB. Il en découle que les trois recours formés par Lilian Juillard, Anne-Marie Monnard et Isauro Santorelli, ainsi que par Paul Monnard, doivent être déclarés irrecevables. En revanche, dans la mesure où Charles Frutschi et les époux Schlup se plaignent aussi de violations de règles essentielles de la procédure, constitutives d'un déni de justice formel, il y a lieu d'entrer en matière sur ce grief, indépendamment de leur qualité pour recourir quant au fond (ATF 105 Ia 198 consid. 4b, ATF 103 Ia 16 et 574, ATF 102 Ia 94).
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