BGE 112 Ia 290 | |||
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45. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 4 juin 1986 dans la cause S. contre Tribunal du IIIe arrondissement pour le district de Monthey (recours de droit public) | |
Regeste |
Art. 58 BV und 6 Ziff. 1 EMRK; Anspruch auf einen unabhängigen und unparteiischen Richter; Personalunion von Untersuchungsrichter und erkennendem Strafrichter; Ablehnung des Richters. |
Das System der Personalunion von Untersuchungsrichter und erkennendem Strafrichter gemäss der Rechtsprechung des Bundesgerichts (E. 3c; Zusammenfassung) und gemäss derjenigen der Organe der EMRK (E. 3e). |
Die Art. 58 BV und 6 Ziff. 1 EMRK sind inskünftig so auszulegen, dass die untersuchungsrichterlichen und die strafrichterlichen Funktionen im gleichen Verfahren nicht vom gleichen Richter ausgeübt werden dürfen. Beurteilung der Unbefangenheit gemäss objektiven Kriterien, die geeignet sind, schon den blossen Anschein von Voreingenommenheit zu vermeiden (E. 5b und c; Änderung der Rechtsprechung). |
Im System der Personalunion stellt einzig der obligatorische Ausstand eine zweckmässige und genügende Garantie für die Unbefangenheit des Sachrichters dar (E. 5e; Änderung der Rechtsprechung). | |
Sachverhalt | |
Saisi de plusieurs dénonciations successives concernant la même personne, le Juge Instructeur du district de Monthey a ouvert une enquête d'office et procédé aux mesures d'instruction qui lui paraissaient nécessaires: interrogatoire du prévenu, audition de témoins, expertise ... L'instruction close, il a renvoyé la cause devant le Tribunal du IIIe arrondissement pour le district de Monthey, au sein duquel il siège lui-même, de par la loi, en qualité de président.
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En son audience du 12 novembre 1984, le Tribunal rejeta d'entrée de cause une exception portant sur sa compétence et fondée sur la présence, en qualité de président, du magistrat qui avait exercé les fonctions de juge d'instruction. Puis il condamna S., pour escroquerie et faux dans les titres, à une peine assortie du sursis.
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Agissant directement par la voie d'un recours de droit public fondé sur les art. 58 Cst. et 6 par. 1 CEDH, S. a requis, avec succès, l'annulation du jugement du 12 novembre 1984. (Dans la même séance du 4 juin 1986, le Tribunal fédéral a aussi admis, pour des motifs semblables, deux autres recours analogues, dirigés également contre deux jugements valaisans rendus, l'un, le 6 mai 1985 par le Tribunal du IIe arrondissement pour le district de Sierre (arrêt non publié F.), et l'autre, le 5 septembre 1985 par le Juge Instructeur II du district de Viège (arrêt A., publié in EuGRZ 1986, p. 670)).
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Extrait des considérants: | |
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a) Lorsque, comme en l'espèce, l'interprétation et l'application du droit cantonal ne sont pas contestées, le Tribunal fédéral examine librement si l'application non arbitraire de ce droit est compatible avec la garantie d'un jugement indépendant et impartial, assurée par les art. 58 Cst. et 6 par. 1 CEDH (ATF 110 Ia 107, ATF 108 Ia 50 consid. 2, ATF 105 Ia 174 consid. 2b et les références, 159/160 consid. 3).
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b) Les faits reprochés au recourant relèvent de la "matière pénale", au sens de l'art. 6 par. 1 CEDH (cf. Cour eur. D.H., arrêt Oeztürk du 21 février 1984, série A, vol. 73, par. 50 ss). Quant à la déclaration interprétative formulée par la Suisse au sujet de cet article (RO 1974, 2149; cf. ATF 108 Ia 313 ss), elle n'entre pas en ligne de compte dans le cas particulier. En matière pénale, elle a en effet pour seul but d'assurer l'application des art. 345 ch. 1 al. 2 et 369 CP qui permettent aux cantons, pour l'un, d'attribuer le jugement des contraventions à une autorité administrative (cf. ATF 111 Ia 268 consid. 2a) et, pour l'autre, de désigner les autorités compétentes pour le traitement des enfants et des adolescents (Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 4 mars 1974, FF 1974 I 1031s.).
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a) Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui a exprimé ce principe en 1907 déjà (cf. ATF 33 I 143 ss; cf. aussi ATF 38 I 95), la garantie du juge naturel offerte par l'art. 58 al. 1 Cst. fait obstacle à ce que des circonstances extérieures au procès puissent influer sur le jugement d'une manière qui ne serait pas objective, en faveur ou au préjudice d'une partie: celui qui se trouve sous de telles influences ne peut être un "juste médiateur" (ATF 33 I 146 consid. 2) et ne doit donc pas pouvoir fonctionner comme juge (ATF 105 Ia 161 /162 consid. 5b). Outre par l'organisation formelle des compétences, insuffisante à elle seule (ATF 105 Ia 161 consid. 5b), cette garantie est assurée par les dispositions de droit cantonal sur la récusation. Mais, avant même ces dispositions cantonales, c'est le droit fédéral qui garantit à chacun que seuls des juges non prévenus statuent sur son litige, c'est-à-dire des magistrats qui offrent la certitude d'une appréciation indépendante et impartiale. La récusation d'un juge suspect de partialité peut donc être demandée directement sur la base de l'art. 58 al. 1 Cst. (ATF 108 Ia 53 consid. 3, ATF 92 I 275 consid. 4). Diverses circonstances, dont certaines seulement constituent des motifs légaux de récusation (ATF 105 Ia 162 consid. 6a), peuvent susciter le doute quant à l'impartialité d'un juge. Il n'est cependant guère possible de définir, d'une façon générale, une limite à partir de laquelle la suspicion devient légitime. De toute façon, l'inobjectivité étant un état intérieur, on ne saurait se montrer trop exigeant quant à la preuve de son existence (ATF 105 Ia 160 consid. 4b et 165, ATF 104 Ia 275 consid. 3a); tout indice qui n'apparaît pas d'emblée sans pertinence doit être pris en considération (arrêt non publié N. du 13 avril 1983, cité par JÖRG PAUL MÜLLER/STEFAN MÜLLER, Grundrechte, Besonderer Teil, p. 276, n. 16). Si la simple affirmation de partialité ne suffit pas, mais doit reposer sur des faits objectifs (ATF 105 Ia 160 consid. 4a, ATF 92 I 276 consid. 5), il n'est pas non plus nécessaire que le juge soit effectivement prévenu: la suspicion est légitime même si elle ne se fonde que sur des apparences, pour autant que celles-ci résultent de circonstances examinées objectivement (ATF 105 Ia 178 consid. 5a, ATF 97 I 95 consid. 3, ATF 92 I 277 consid. 5). Au demeurant, il ne faut pas perdre de vue que la récusation a pour effet de soustraire la cause au juge primitivement prévu par la loi et qu'il y a ainsi une certaine contradiction entre le droit à un juge impartial et le droit au juge originairement institué. Selon la jurisprudence, il y a lieu d'en tenir compte lors de l'application de l'art. 58 al. 1 Cst. (ATF 105 Ia 162 consid. 5c), en ce sens que la récusation doit demeurer l'exception (ATF 105 Ia 163 consid. 6a).
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b) Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de constater que la garantie du juge naturel ainsi offerte par l'art. 58 Cst. a une portée tout aussi étendue que celle assurée par l'art. 6 par. 1 CEDH (ATF 105 Ia 180 consid. 6, 166 consid. 7). S'agissant plus particulièrement de l'impératif d'impartialité, cette disposition de la convention prévoit que "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) par un tribunal (...) impartial (...), qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle".
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Selon la Cour européenne des droits de l'homme, l'impartialité peut s'apprécier selon une démarche subjective, qui conduit à déterminer ce que tel juge pensait dans son for intérieur en telle circonstance, et une démarche objective, qui consiste à rechercher si ce juge offrait des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime à cet égard (arrêt De Cubber du 26 octobre 1984, série A, vol. 86, par. 24; arrêt Piersack du 1er octobre 1982, série A, vol. 53, par. 30; pour une distinction analogue mais autrement définie, cf. STEFAN TRECHSEL, Gericht und Richter nach der EMRK, in Mélanges Peter Noll, Zurich 1984, p. 394 s.). La démarche dite objective implique la prise en compte de "considérations de caractère fonctionnel et organique". A ce propos, la Cour aime à citer l'adage anglais "justice must not only be done: it must also be seen to be done", qui la conduit à mettre l'accent sur l'importance que les apparences mêmes peuvent revêtir. Doit dès lors se récuser tout juge dont on peut légitimement craindre un manque d'impartialité; il y va de la confiance que les tribunaux d'une société démocratique se doivent d'inspirer au justiciable (arrêt De Cubber, par. 26; arrêt Piersack, par. 30; arrêt Sramek du 22 octobre 1984, série A, vol. 84, par. 42; arrêt Delcourt du 17 janvier 1970, série A, vol. 11, par. 31; cf. aussi le rapport de la Commission européenne des droits de l'homme dans l'affaire Ben Yaacoub, du 7 mai 1985, par. 92 ss). Au demeurant, une interprétation restrictive de l'art. 6 par. 1 CEDH, notamment quant au principe fondamental de l'impartialité, ne cadrerait pas avec le but et l'objet de cette disposition, compte tenu de l'importance du droit à un procès équitable (arrêt De Cubber, par. 30; arrêt Delcourt, par. 25).
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c) Le problème particulier de la compatibilité avec la garantie d'impartialité de systèmes qui autorisent des interventions successives d'un même magistrat à divers titres dans une même cause pénale a déjà été porté plus d'une fois devant le Tribunal fédéral. Il a notamment fait l'objet d'un examen approfondi dans un arrêt rendu le 18 octobre 1978, qui concernait le cumul, dans le canton de Berne, des fonctions de juge d'instruction et de président de tribunal d'arrondissement (ATF 104 Ia 271 ss). Ce système a été jugé admissible au regard des garanties offertes tant par l'art. 58 al. 1 Cst. que par l'art. 6 par. 1 CEDH. Procédant à l'appréciation des différentes attributions du juge bernois - chargé de conduire l'instruction, de formuler la requête de renvoi et de juger au fond -, le Tribunal fédéral est parvenu à la conclusion que l'exercice successif de ces compétences par un même magistrat ne mettait pas en cause son indépendance et son impartialité. Il a toutefois précisé que la récusation ne devrait pas être soumise à de trop hautes exigences lorsque certaines circonstances particulières d'une instruction pénale pouvaient créer un risque de prévention, attesté par des indices objectifs. Cette jurisprudence a été jugée applicable "a fortiori" dans une affaire où était mise en doute l'impartialité des juges composant la Chambre d'accusation du canton de Genève, au motif qu'ils étaient intervenus plusieurs fois, en cette qualité, dans le déroulement d'une même procédure (arrêt D. du 10 octobre 1979, partiellement publié in SJ 1980, p. 273 ss); elle a été confirmée dans deux arrêts F. c. Juge Instructeur II du district de Sion, rendus le 16 mai 1979 (consid. 3 et 4 publiés in ASDI 1981, p. 315 ss) et le 4 décembre 1980 (publié in RVJ 1981, p. 405 ss); elle a enfin été rappelée, incidemment, dans une affaire concernant le canton de Fribourg, mais où la question du cumul des fonctions n'avait pas à être examinée (arrêt non publié B. du 30 août 1985).
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d) Cette position du Tribunal fédéral n'est toutefois pas unanimement partagée par la doctrine. Elle l'est par certains auteurs, qui réservent néanmoins, dans une plus ou moins large mesure, la possibilité d'obtenir la récusation (FRANÇOIS CLERC, Chronique helvétique trimestrielle, in RPS 101/1984 p. 94 s., 100/1983, p. 431 ss, 93/1977 p. 97; HANS SCHULTZ, Die strafrechtliche Rechtsprechung des Bundesgerichts im Jahre 1978, in RJB 115/1979 p. 561; HANS SCHULTZ, Zur Revision des bernischen Strafverfahrens, in RJB 107/1971 p. 339 s.). D'autres auteurs, en revanche, considèrent le système de l'union personnelle comme contraire à la constitution et à la convention (J.P. MÜLLER/S. MÜLLER, op.cit., p. 275 s.; D. PONCET, La protection de l'accusé par la Convention européenne des droits de l'homme, Genève 1977, p. 42 n. 118; G. PIQUEREZ, Traité de procédure pénale bernoise et jurassienne, No 216, p. 167 s.; Roland WINIGER, Das solothurnische Strafprozess- und Gerichtsorganisationsrecht im Lichte der EMRK, in Festschrift 500 Jahre Solothurn im Bund, Soleure 1981, p. 440 ss; PETER NOLL, Strafprozessrecht - Vorlesungsskriptum, Zurich 1977, p. 16; PETER NOLL, Gewaltenteilung und Unabhängigkeit des Richters im Strafrecht, in Mélanges Germann, RPS 75/1959, p. 308 ss; MARTIN SCHUBARTH, Die Artikel 5 und 6 der Konvention, insbesondere im Hinblick auf das schweizerische Strafprozessrecht, in RDS 94/1975 I, p. 500; voir aussi, à propos de la révision de la loi soleuroise sur l'organisation des tribunaux, ATF 104 Ia 275 consid. 3a et HUGO ODERMATT, Die Trennung der Personalunion Untersuchungsrichter/Amtsgerichtspräsident, in Festschrift 500 Jahre Solothurn im Bund, p. 385 ss).
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e) Selon J.A. FROWEIN et W. PEUKERT (EMRK-Kommentar, Kehl, Strasbourg, Arlington 1985, No 96 ad art. 6, n. 26), la jurisprudence du Tribunal fédéral, telle que publiée in ATF 104 Ia 271 ss, ne serait plus compatible avec celle de la Cour européenne des droits de l'homme, tout au moins depuis l'arrêt De Cubber précité, où la Cour a vu une violation de l'art. 6 par. 1 CEDH dans la présence, au sein d'un tribunal correctionnel belge, d'un magistrat ayant rempli auparavant les fonctions de juge d'instruction dans la même affaire.
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Après avoir tout d'abord observé que le juge d'instruction belge figure parmi les officiers de police judiciaire, qu'il est soumis à la surveillance du procureur général et qu'il peut, dans les cas de flagrant délit, faire directement et en personne les actes attribués au procureur du Roi, la Cour a relevé les pouvoirs très étendus qui appartiennent à ce magistrat en sa qualité de juge instructeur: décerner un mandat de comparution, de dépôt, d'amener ou d'arrêt; procéder à l'interrogatoire du prévenu, à l'audition de témoins, à des descentes sur les lieux, à des perquisitions et visites domiciliaires, etc. Au surplus, l'instruction, de type inquisitorial, a un caractère secret et non contradictoire. "On comprend dès lors", écrit la Cour, "qu'un inculpé puisse éprouver de l'inquiétude s'il retrouve, au sein du tribunal appelé à statuer sur le bien-fondé de l'accusation, le magistrat qui l'avait mis en détention préventive et l'avait souvent interrogé pendant l'instruction préparatoire, ses questions fussent-elles dictées par le souci de découvrir la vérité". Elle a encore relevé le rôle prépondérant que ce juge peut jouer, en raison de sa connaissance du dossier, au moment de la décision du tribunal dans lequel il siège, tribunal qui peut enfin avoir à connaître de la légalité des mesures accomplies par le juge d'instruction (arrêt De Cubber, par. 29). Le gouvernement belge faisait pourtant valoir que le juge d'instruction jouit d'une entière indépendance dans l'accomplissement de sa tâche, qu'il n'est pas lié par les réquisitions du parquet, qu'il n'a pas qualité de partie à l'action publique mais doit instruire tant à charge qu'à décharge, et, enfin, qu'il ne décide pas du renvoi en jugement. Tout en reconnaissant la force de ces arguments, la Cour ne les a toutefois pas jugés décisifs (arrêt De Cubber, par. 28, 29 in principio et 30 in fine). Mettant l'accent sur des critères organiques et fonctionnels, conformément à la "démarche objective" décrite ci-dessus (consid. 3b), elle a retenu l'importance du rôle assigné par la loi belge au juge d'instruction, des pouvoirs qui lui sont conférés et des conséquences qui en découlent, sous l'angle des apparences, quant à son impartialité comme juge du fond.
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a) Le poids de cette argumentation ne saurait être ignoré, compte tenu des critiques formulées par la doctrine (cf. consid. 3d ci-dessus) et des récentes décisions rendues par les organes de la Convention européenne des droits de l'homme (arrêts précités Piersack et, surtout, De Cubber). La jurisprudence du Tribunal fédéral doit donc être soumise à un nouvel examen.
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b) Il y a lieu de remarquer, préliminairement, que la Cour européenne n'a pas entendu condamner le principe même du cumul des fonctions, quelles que soient les modalités selon lesquelles ce système est organisé. Elle s'est attachée, comme l'avait fait la Commission (cf. rapport du 5 juillet 1983 publié en annexe à l'arrêt De Cubber, série A, vol. 86, par. 65), à déterminer si, au vu des circonstances propres de l'affaire, le tribunal qui avait condamné le requérant répondait aux exigences de l'art. 6 par. 1 CEDH. De la même manière, la question de savoir si les critères retenus dans l'arrêt De Cubber permettent ou non de maintenir la jurisprudence définissant la portée de l'art. 58 Cst. ne doit pas être examinée abstraitement. Il convient, bien plutôt, de rechercher si le droit valaisan a assuré au recourant un juge satisfaisant aux exigences qui découlent de la garantie d'impartialité.
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c) Au vu de la controverse suscitée par ces questions, il sied en outre de préciser qu'il serait vain de mettre en balance les avantages et les inconvénients présentés par le système de l'union personnelle, d'une part, et ceux qui sont inhérents à un système de séparation, d'autre part. Des arguments de cette nature relèvent de l'opportunité et sont étrangers à la question de savoir si tel système est compatible ou non avec les exigences de l'art. 6 par. 1 CEDH. De même, une comparaison des procédures pénales belge et valaisanne, qui présentent certes des analogies mais ne sont pas identiques, est superflue. Seule est décisive la référence aux critères posés dans l'arrêt De Cubber, dans la mesure où ils ne permettraient plus de maintenir la jurisprudence actuellement rendue en application de l'art. 58 Cst.
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Le juge instructeur ouvre une instruction lorsqu'une infraction poursuivie d'office parvient à sa connaissance par une dénonciation ou de toute autre manière et lorsqu'une infraction qui ne se poursuit pas d'office lui est déférée par voie de plainte (art. 42 CPP val.). Sa décision sur l'ouverture de l'instruction doit être motivée (art. 46 ch. 2 et 3). Au cours de la procédure d'instruction, le juge instructeur accomplit d'office toutes les recherches et ordonne toutes les opérations propres à constater l'infraction et à en découvrir l'auteur (art. 51 ch. 1). Il rassemble les preuves, à charge et à décharge, en vue des débats (ch. 2). L'instruction est, en principe, secrète (art. 53), quand bien même les parties peuvent en tout temps requérir le juge de procéder à des opérations d'instruction (art. 54 ch. 1). Le secret de l'instruction connaît toutefois des exceptions lorsque la bonne marche de celle-ci ne s'y oppose pas. Ainsi en va-t-il de la consultation du dossier avant la fin de l'enquête (art. 56 et 58 ch. 2) et de la présence des parties à l'administration des preuves, encore que les parties ne peuvent poser des questions qu'avec l'assentiment du juge (art. 57). Lorsqu'il estime l'enquête suffisante, le juge instructeur fixe aux parties un délai pour requérir un complément d'instruction. Dès ce moment, les parties ont le droit de prendre connaissance du dossier complet. Le juge statue sur les réquisitions et, s'il y a lieu, complète l'instruction (art. 58). Il est aussi compétent pour interroger le prévenu (art. 61), pour décerner un mandat d'arrêt (art. 66) ou faire arrêter sans mandat l'individu pris en flagrant délit (art. 68), pour ordonner la détention provisoire (art. 72) et la mise au secret (art. 73), pour entendre des témoins (art. 88 ss), pour procéder à des inspections locales, à des visites domiciliaires, à des séquestres, à des perquisitions dans des papiers et à des expertises (art. 95 ss). Pour l'accomplissement de ces opérations, les agents de la police judiciaire lui sont subordonnés et il peut leur déléguer le pouvoir d'exécuter certaines mesures (art. 38 et 40). Le juge conduit l'instruction de manière indépendante; il n'appartient pas à la police judiciaire ni n'est soumis à la surveillance du ministère public (cf. art. 113 ch. 3).
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Sitôt l'instruction terminée, le juge instructeur en prononce la clôture (art. 111). Lorsqu'il s'agit d'un délit poursuivi sur plainte ou d'une contravention de sa compétence, il rend une ordonnance appointant la cause à jugement (ordonnance de renvoi) s'il estime que l'instruction fournit les preuves suffisantes pour constater l'existence de l'infraction, ordonnance qui n'est pas susceptible de recours; si tel n'est pas le cas, il rend une ordonnance de non-lieu (art. 112 ch. 1). L'ordonnance de renvoi désigne le prévenu, énonce les faits retenus contre lui et leur qualification juridique, ainsi que les dispositions de la loi pénale qui paraissent applicables (art. 112 ch. 1 lettre a). Lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit poursuivi d'office, le juge instructeur rendra soit un arrêt de renvoi, soit un arrêt de non-lieu; dans la première hypothèse, il transmet le dossier au ministère public pour la rédaction de l'acte d'accusation; il cite ensuite les parties aux débats si la cause est de sa compétence ou procède conformément aux art. 116 ss si elle est de la compétence du tribunal d'arrondissement (art. 113 ch. 1). Il faut encore préciser que, dans les causes instruites et jugées par le juge instructeur, il n'y a pas de nouvelle administration de preuves aux débats (art. 121 ch. 2). Devant le tribunal, les parties peuvent faire administrer les preuves dans les limites fixées par l'art. 116 ch. 2.
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b) Le recourant ne met pas en cause l'impartialité personnelle du juge instructeur, laquelle se présume (arrêt De Cubber, par. 25; arrêt Piersack, par. 30). Se réclamant de critères objectifs, tels que définis dans l'arrêt De Cubber, il soutient qu'un même magistrat ne pouvait, sans violation de la garantie d'impartialité, successivement instruire sa cause, ordonner son renvoi et le juger.
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A elle seule, l'ouverture de l'instruction par le juge instructeur n'est guère de nature à faire douter de son impartialité. Il lui appartient certes d'apprécier s'il est en présence d'une infraction poursuivie d'office ou si une plainte répond aux conditions légales (art. 42 CPP val.), et il doit déterminer si les faits incriminés sont punissables et si les conditions légales de l'action publique sont remplies (art. 46 ch. 1 CPP val.). Mais, lorsque tel est le cas, il a l'obligation d'ouvrir l'instruction.
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On ne saurait, en revanche, sous-estimer l'importance du fait que le juge dirige lui-même l'instruction et qu'il dispose à cet effet, comme on l'a vu, de prérogatives très étendues, allant notamment jusqu'à la faculté d'ordonner la détention provisoire et la mise au secret (cf. arrêt De Cubber, par. 29). Le Tribunal fédéral a déjà admis que, dans ces conditions, il n'est pas exclu que des tensions puissent survenir entre le juge instructeur et le prévenu et que ce dernier puisse, du point de vue objectif, en concevoir des doutes, même infondés, quant à l'impartialité du magistrat (ATF 104 Ia 274 consid. 3a). Si ce risque peut en particulier se réaliser lorsque l'inculpé n'a pas avoué ou lors d'enquêtes pénales de longue durée (ibid.), il ne peut pas non plus être exclu en cas de procédures moins importantes, les fonctions et pouvoirs du juge instructeur étant en soi de nature à susciter, selon les cas, de la défiance quant à sa capacité de connaître sans parti pris de la cause au fond. A cet égard, même une entière indépendance du juge vis-à-vis de la police judiciaire et du ministère public (cf. art. 113 ch. 3 al. 2 CPP val.), même son devoir d'instruire à charge comme à décharge (art. 51 ch. 2 CPP val.) - institutions qui visent à assurer au juge une position juridiquement impartiale (ATF 104 Ia 274 consid. 2a et les arrêts cités) - ne constituent pas des correctifs suffisants, tant il est vrai que le déroulement de la procédure, inquisitoire et largement secrète, échappe en grande partie au contrôle de l'inculpé (cf. arrêt De Cubber, par. 28 et 29).
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Un autre élément d'appréciation important réside dans les compétences qui appartiennent au juge à l'issue de l'instruction. Selon les preuves rassemblées et l'appréciation qu'il porte sur celles-ci, il ordonne soit le non-lieu soit le renvoi pour jugement. L'ordonnance, ou l'arrêt, de renvoi constitue certes le dernier acte de la procédure d'instruction et, en l'établissant, le juge instructeur ne préjuge pas; juridiquement, il ne constate pas l'existence de l'infraction ni ne se prononce sur la culpabilité, et il garde en principe la liberté, à l'issue des débats, de condamner ou d'acquitter. Néanmoins, à la différence du magistrat bernois, il ne fait pas qu'une simple proposition au procureur de district (cf. ATF 104 Ia 275 /276 consid. 1b), mais il ordonne lui-même le renvoi. Cette distinction n'est pourtant pas déterminante (cf. arrêt précité F. du 16 mai 1979, consid. 4b publié in ASDI 1981, p. 317). Ce qui est significatif, sous l'angle des apparences, c'est que le juge appointe la cause à jugement lorsqu'il "estime que l'instruction fournit des preuves suffisantes pour constater l'existence de l'infraction et pour renseigner sur son auteur" (art. 112 et 113 CPP val.). Ainsi que le Tribunal fédéral l'a déjà constaté (arrêt précité F. du 16 mai 1979, consid. 4b, loc.cit.), un tel système recèle le danger que ce magistrat soit, en tant que juge unique ou en tant que président du tribunal, influencé - ou tout au moins donne l'impression de l'être - par sa précédente activité de juge d'instruction. Le justiciable peut alors légitimement nourrir l'appréhension que le juge qui a ordonné son renvoi en jugement ne soit pas à l'abri de toute prévention à son égard (cf., dans ce sens, le rapport précité de la Commission européenne des droits de l'homme dans l'affaire Ben Yaacoub, par. 109; d'une autre opinion: la minorité de cette même Commission, par. 5 de son rapport; FRANÇOIS CLERC, op.cit., RPS 100/1983, p. 432; arrêt précité F. du 16 mai 1979, consid. 4b, loc.cit.; arrêt précité D. du 10 octobre 1979, consid. 5c in SJ 1980, p. 277 ss). Pour le prévenu, il peut sans doute être difficile d'admettre que le juge qui a dirigé l'instruction et ordonné son renvoi puisse ne pas s'être forgé au moins une première idée sur le sort du procès et n'ait aucun parti pris. Cela est particulièrement vrai dans les causes instruites et jugées par le juge instructeur comme juge unique, puisqu'il n'y a pas de nouvelle administration de preuves aux débats (art. 121 ch. 2 CPP val.). Ce sentiment sera moins fort dans les causes de la compétence du tribunal, des preuves pouvant être administrées dans les limites posées par l'art. 116 al. 2 CPP val. Il ne disparaîtra toutefois pas. En revanche, l'appréhension du prévenu ne pourra qu'être renforcée par le risque que ce magistrat, dès lors qu'il a déjà une connaissance approfondie du dossier, joue un rôle prépondérant et exerce une influence déterminante au sein du tribunal d'arrondissement (cf. arrêt De Cubber, par. 29). A l'inverse, la situation du juge lui-même peut s'avérer délicate, notamment lorsque les déclarations du prévenu ou de témoins aux débats ne correspondent pas à celles faites à l'instruction, et cela qu'il s'agisse par exemple d'un aveu sur lequel le prévenu reviendrait (TRECHSEL, op.cit., p. 396) ou d'un témoin qui varierait dans ses déclarations. Il peut aussi advenir que le juge du fond soit amené à contrôler des preuves ou toute mesure ordonnée au cours de l'instruction (cf. art. 128 ss CPP val.): de toute évidence, "le prévenu peut estimer alarmante la perspective d'un concours actif (du juge d'instruction) à pareil contrôle" (arrêt De Cubber, par. 29).
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Pour autant qu'elle soit donnée (art. 176 en rapport avec l'art. 12 CPP val.), la voie du recours ouverte contre le jugement, même s'il s'agit de l'appel, n'est pas déterminante. La Cour a en effet jugé que l'art. 6 par. 1 CEDH concerne d'abord les juridictions de première instance (arrêt De Cubber, par. 32), qu'il y va du renforcement de la protection des justiciables par l'instauration de plusieurs degrés de juridiction (ibid.) et que le vice - organique - affectant la composition d'un tribunal n'est pas corrigé si l'autorité de recours ne met pas le jugement à néant pour ce motif (ibid., par. 33).
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c) Il découle de ce qui précède que la procédure pénale valaisanne est susceptible de ne pas offrir en toutes circonstances au prévenu un juge ou un tribunal présentant des apparences d'impartialité suffisantes au sens de l'interprétation donnée à l'art. 6 CEDH, sans pour autant que leur impartialité subjective puisse être mise en doute. Ce risque est inhérent en particulier à la position du juge instructeur au cours de l'instruction et aux pouvoirs étendus qui lui sont conférés, d'une part, et à sa qualité d'autorité de renvoi, d'autre part.
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d) Comme beaucoup d'autres cantons, celui du Valais connaît l'institution de l'ordonnance pénale (art. 143 à 147 CPP val.), dite aussi ordonnance de condamnation ou mandat de répression (Strafbefehl, Strafmandat, decreto penale), soit ce type particulier de procédure de jugement qui permet au juge instructeur de statuer sur le fond de la cause au moment de la clôture de l'instruction, par une décision qui n'acquiert valeur de jugement qu'en l'absence d'opposition (cf. ATF 92 IV 161 ss; cf. HAUSER, Kurzlehrbuch, p. 245 ss; PIQUEREZ, op.cit., nos 793 ss, p. 600 ss). Bien que cette procédure, considérée isolément, ne satisfasse sans doute pas aux exigences des art. 58 Cst. et 6 par. 1 CEDH, il n'y a pas lieu de déduire des considérants qui précèdent que l'ordonnance pénale, dont la caractéristique est d'être conditionnelle, serait incompatible notamment avec la garantie d'un jugement impartial (cf. TRECHSEL, op.cit., p. 388 s.; WINIGER, op.cit., p. 442 s.; Cour eur. D.H., arrêt Deweer du 27 février 1980, série A, vol. 35, par. 49). Simplement, le Tribunal fédéral n'a pas à trancher ici cette question, qui ne se pose pas en l'espèce.
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e) Dans son arrêt, plusieurs fois mentionné, du 18 octobre 1978, le Tribunal fédéral reconnaissait déjà que le cumul des fonctions de juge d'instruction et de juge du fond pouvait, dans certains cas, comporter un risque de prévention, ce qui l'amenait à recommander que la récusation ne soit alors pas soumise à de hautes exigences (ATF 104 Ia 275 consid. 3a). FRANÇOIS CLERC est d'avis que la récusation facultative, telle qu'elle est ordinairement régie par les codes cantonaux de procédure pénale, offre des garanties suffisantes (op.cit., RPS 101/1984, p. 95). HANS SCHULTZ va plus loin, qui propose d'admettre, dans ce cas, la récusation du juge sans indication de motifs (op.cit., RJB 115/1979, p. 561 et RJB 107/1971, p. 340). En revanche, J.P. MÜLLER/S. MÜLLER contestent que la récusation puisse constituer un correctif adéquat lorsque le risque de partialité résulte déjà de l'organisation des compétences (op.cit., p. 275 s.).
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L'importance donnée, dans l'arrêt De Cubber, à l'apparence même d'impartialité (par. 26) et le rappel qu'une interprétation restrictive, quant à cette garantie, de l'art. 6 par. 1 ne cadrerait pas avec l'objet et le but de cette disposition (par. 30 in fine) conduisent également à remettre en question la solution naguère préconisée par le Tribunal fédéral. Si l'on se place, en effet, sur le plan organique et fonctionnel, il apparaît douteux que la récusation facultative, même admise facilement ou sans motif, suffise à assurer la garantie d'un tribunal impartial. Un tel système comporterait le risque de se pervertir en une sorte de régime de libre choix du juge. L'organisation normale des compétences des tribunaux pourrait ainsi devenir illusoire et la garantie du juge naturel - qui comprend aussi le droit à la composition régulière du tribunal (ATF 108 Ia 53 consid. 3) - serait mise en péril (ATF 105 Ia 162 consid. 5c et 163 consid. 6a; cf. ci-dessus, consid. 3a in fine). D'autres motifs que celui de s'assurer un magistrat impartial conduiraient souvent le prévenu à demander la récusation du juge instructeur, notamment parce qu'il espérerait obtenir un juge présumé plus clément. Au demeurant, les limites seraient difficiles à tracer et il ne serait guère possible d'assurer une pratique cohérente. De nombreuses procédures de récusation prolongeraient la durée des procès et permettraient en outre souvent à la prescription absolue d'intervenir là où elle est de courte durée.
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