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26. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 13 juin 1989 dans la cause Farine contre Grand Conseil du canton de Genève (recours de droit public) | |
Regeste |
Art. 12 BV, 178 KV-GE; Verbot der Annahme eines von einem ausländischen Staat verliehenen Ordens durch ein Mitglied des Grossen Rates. |
2. Art. 12 BV verbietet auch Orden humanitärer und kultureller Art (E. 3). | |
Sachverhalt | |
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Agissant par la voie du recours de droit public, Jacky Farine a demandé au Tribunal fédéral d'annuler la décision du Grand Conseil et de renvoyer la cause au bureau de cette autorité. Il s'est plaint d'une application arbitraire des règles cantonales applicables, notamment de l'art. 178 Cst. gen., et d'une violation de l'art. 12 Cst. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours, dans la mesure où il était recevable.
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Extrait des considérants: | |
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a) L'art. 178 Cst. gen. prévoit, pour les membres du Grand Conseil et les fonctionnaires et employés de l'Etat, une interdiction des titres, décorations, traitements ou pensions de gouvernements étrangers qui correspond à celle de l'art. 12 Cst.; cependant, la possibilité d'une autorisation est prévue. Pour les membres du Grand Conseil, l'autorisation est donnée par ce corps.
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Le recourant reproche au Grand Conseil de n'avoir pas fait usage du pouvoir d'appréciation qui lui est conféré et qui lui permet d'autoriser, éventuellement, l'acceptation d'une décoration. A son avis, il est faux de se référer simplement à la Constitution fédérale et à la pratique des autorités fédérales. Cette argumentation méconnaît que le droit fédéral prime le droit cantonal, et qu'une autorisation cantonale n'est par conséquent pas possible lorsque l'acceptation d'une décoration se heurte à l'interdiction de l'art. 12 Cst.
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"[l'art. 178] interdit aux membres du Grand Conseil, ainsi qu'aux fonctionnaires et employés de l'Etat d'accepter, sans autorisation soit du Grand Conseil soit du Conseil d'Etat, titres, décorations, émoluments ou pensions d'un gouvernement étranger. ici aussi il faut réserver la prohibition et la sanction de l'art. 12 Cst. en ce qui concerne les membres du Grand Conseil et rappeler qu'en vertu du droit fédéral l'interdiction des décorations et des titres étrangers s'applique en outre à tous les militaires."
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La Confédération a ainsi refusé d'accorder sa garantie à l'art. 178 Cst. gen. dans la mesure où cette disposition n'est pas conforme à l'art. 12 Cst. S'il constatait que l'acceptation d'une nomination à l'Ordre des arts et des lettres était contraire à l'interdiction des décorations de l'art. 12 Cst., le Grand Conseil devait en déduire que l'autorisation prévue par la Constitution cantonale n'entrait pas en considération. Il a appliqué l'art. 12 Cst. en se conformant à la pratique des autorités fédérales, qu'il a étudiée de manière détaillée. Le recourant lui reproche d'avoir omis arbitrairement d'exercer le pouvoir d'appréciation qui lui est conféré par l'art. 22 de son règlement, qui répète la règle de l'art. 178 Cst. gen. Il est exact que les décisions des autorités fédérales relatives à l'art. 12 Cst. sont des précédents qui ne lient ni le Grand Conseil ni le Tribunal fédéral; un jugement indépendant est garanti. Le Grand Conseil connaissait cette situation; cela ressort de l'examen approfondi de l'affaire par la commission législative et aussi de la discussion du plénum. Il a étudié l'origine et le sens actuel des art. 12 Cst. et 178 Cst. gen. Il en a conclu, avec la volonté de respecter le droit fédéral, que l'acceptation de la décoration était interdite par l'art, 12 Cst, Les critiques du recourant sont donc injustifiées.
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b) Ce dernier soutient à tort qu'il était inadmissible d'appliquer l'art. 224 du règlement du Grand Conseil. Cette disposition règle ![]() | 10 |
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a) Les méthodes développées pour l'interprétation des lois ordinaires s'appliquent en principe aussi aux dispositions constitutionnelles (ATF 112 Ia 212 consid. 2a, avec références). Le Tribunal fédéral fait usage de plusieurs critères (ATF 110 Ib 7 consid. cc, avec références). Il se réfère d'abord à la lettre de la disposition (ATF 111 Ia 209 consid. 6a) et il détermine le sens et le but de la réglementation légale avec toutes les méthodes d'interprétation reconnues (ATF 109 Ia 303 consid. 6c et d). Il met à contribution les travaux préparatoires et respecte la volonté originelle du constituant ou du législateur, dans la mesure où celle-ci a été exprimée dans le texte à interpréter (ATF 109 Ia 303 consid. 12c avec références). Les travaux préparatoires sont pris en considération lorsqu'ils permettent d'attribuer un sens net à un texte obscur, mais plus ils sont anciens, moins ils sont concluants (ATF 111 II 152 consid. 4a, ATF 108 Ia 37).
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Le Tribunal fédéral a jugé que, pour les règles constitutionnelles, le rôle des divers critères d'interprétation varie selon qu'il s'agit d'une prescription organique ou de la garantie d'un droit fondamental dont il faut déterminer l'étendue. Dans le premier cas, la marge d'interprétation est relativement étroite. En effet, les règles organiques de la Constitution n'ont pas la portée et la souplesse des dispositions qui régissent, sur le fond, les rapports de l'Etat à ses citoyens. Ces dernières nécessitent, plus qu'une interprétation, une concrétisation qui tienne compte de conditions historiques et de conceptions sociales en évolution. En revanche, les règles organiques reflètent la volonté du constituant quant à la ![]() | 13 |
b) Le texte de l'art. 12 Cst. est dépourvu d'ambiguïté. Il interdit l'acceptation de pensions, traitements, titres, cadeaux ou décorations de la part de gouvernements étrangers. Cette disposition vise d'abord les membres des autorités fédérales, les fonctionnaires fédéraux civils et militaires et les représentants et commissaires fédéraux. Il a son origine dans la Constitution de 1848; la révision totale de 1874 ne lui a apporté qu'une modeste extension. Ce n'est que sur la base d'une initiative populaire déposée en 1928 que l'interdiction a été élargie aux membres des gouvernements et des autorités législatives des cantons (BURCKHARDT, Kommentar zur Bundesverfassung von 1874, 3e éd., p. 101 ss).
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aa) En qualité de membre du Grand Conseil du canton de Genève, le recourant appartient au cercle des personnes auxquelles l'acceptation d'une décoration est interdite tant par l'art. 12 Cst. que par l'art. 178 Cst. gen. La notion constitutionnelle de la décoration ("Orden") est également claire. Il s'agit de la marque extérieure de l'appartenance à une collectivité, réelle ou seulement fictive, qui n'existe que pour honorer des personnes méritantes par une dénomination commune, et qui est décernée selon des règles précises, de manière qu'elle constitue une institution durable (BURCKHARDT, op.cit., p. 104). L'Ordre des arts et des lettres est sans aucun doute, selon ces critères, une décoration. Il ressort de la lettre du Ministère de la culture et de la communication, du 25 mai 1987, que cet ordre est une institution permanente créée en 1957, et que la nomination à l'un de ses trois grades (commandeur, officier, chevalier) intervient selon des règles déterminées, aux fins de reconnaître des contributions artistiques ou littéraires particulières. Il faut donc retenir, à première vue, que l'acceptation de cette distinction se heurte au texte clair de l'art. 12 Cst.
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bb) D'après l'origine historique de l'interdiction des décorations, le recourant prétend que celle-ci n'est pas dirigée contre ![]() | 16 |
Au regard de ces éléments, l'influence historique du service militaire à l'étranger, qui a pu jouer un rôle dans la constitution de 1848, n'impose nullement l'interprétation restrictive de l'art. 12 Cst. qui est préconisée par le recourant. D'après le message relatif à l'initiative précitée, cette disposition doit combattre toute influence indésirable, pouvant se manifester aussi dans les cantons, exercée par la remise de décorations et de pensions. Le Conseil fédéral relevait que les cantons entretiennent de multiples relations culturelles et économiques avec l'étranger, qui peuvent les mener à entrer en rapport direct avec les autorités étrangères dans le cadre des art. 9 et 10 Cst.; cette situation ne devait pas être ignorée, car quatorze cantons ou demi-cantons touchaient au territoire étranger (rapport du Conseil fédéral du 30 août 1929; FF 1929 II p. 795). L'art. 12 Cst. est destiné à exclure toute influence propre à compromettre l'indépendance des personnes concernées; cet objectif rigoureux ressort clairement du texte constitutionnel ainsi que des travaux préparatoires. Même des liens purement moraux, engendrés par des distinctions humanitaires ou culturelles, doivent être évités; à ces fins, les membres des parlements et gouvernements cantonaux ont également été assujettis à l'interdiction des décorations. Le constituant de 1931 a voulu aussi interdire, au sein des parlements cantonaux, l'acceptation de décorations à caractère culturel.
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dd) Il reste à examiner si les modifications de la situation politique, survenues depuis 1931, imposent une appréciation différente. La jurisprudence du Tribunal fédéral n'exclut pas qu'une interprétation contemporaine puisse mettre en évidence une évolution du sens donné à une règle constitutionnelle, notamment en raison d'une transformation du contexte historique (ATF 104 Ia 291 consid. c). Cependant, la signification attribuée à l'art. 12 Cst. n'a pas changé. Il importe peu qu'en raison du cercle des personnes concernées et de l'objet de l'interdiction, l'art. 12 Cst. ne parvienne qu'imparfaitement à prévenir des ingérences de l'étranger. A cet égard, les arguments du recourant ne dispensent pas le juge constitutionnel d'appliquer le droit en vigueur en en respectant le sens et le but. Contrairement à l'opinion soutenue dans le recours, l'interdiction des décorations ne fait pas obstacle à la collaboration de la Suisse, en matière culturelle et humanitaire, avec les autres pays et les organisations internationales. Elle n'entrave pas non plus les citoyens dans leurs travaux scientifiques, littéraires ou artistiques, même s'ils appartiennent au groupe défini par la disposition critiquée.
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De plus, l'interdiction des décorations s'apparente étroitement avec les règles organiques de la Constitution, cela même si elle ne peut pas tout à fait être assimilée à celles-ci. L'évolution des conceptions ne peut pas être prise en considération lors de l'interprétation des règles sur l'organisation des pouvoirs publics et la compétence des organes de l'Etat; elle doit plutôt mener à un amendement de ces règles (ATF 112 Ia 213 consid. 2a, 216 consid. 2dd). Ce principe s'applique également à une interdiction des décorations étrangères visant un groupe déterminé de personnes; une telle règle ne perd pas sa validité simplement parce que, le cas échéant, le rôle de l'institution a changé.
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