BGE 101 Ib 120 | |||
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22. Extrait de l'arrêt du 16 mai 1975 dans la cause Bornand contre Département fédéral de justice et police | |
Regeste |
Schweizerbürgerrecht, Wiedereinbürgerung. Art. 21 BüG. | |
Sachverhalt | |
A.- Descendant d'une famille originaire de Sainte-Croix, Georges Bornand est né le 8 avril 1940 à Marseille, où étaient déjà nés son père en 1905 et son grand-père en 1876. Au moment de sa naissance en 1940, Georges Bornand a acquis, par filiation, la nationalité suisse que possédait encore son père en vertu des dispositions légales en vigueur à l'époque; il a également acquis la nationalité française en vertu de la législation de ce pays.
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Comme sa naissance n'avait pas été annoncée aux autorités suisses et que lui-même n'avait pas non plus déclaré, avant d'avoir atteint l'âge de 22 ans révolus, vouloir conserver la nationalité suisse, Georges Bornand a perdu, dès le 9 avril 1962, cette nationalité ainsi que son droit de cité communal et cantonal en vertu de l'art. 10 de la loi fédérale du 29 septembre 1952 sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (en abrégé: LN).
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B.- Le 11 février 1971, Georges Bornand a rempli et signé, au Consulat général de Suisse à Marseille, une formule officielle de demande de réintégration dans la nationalité suisse, en application de l'art. 21 LN. Il y explique l'omission de souscrire une déclaration dans les délais prescrits par le fait qu'il ignorait avoir à faire une telle déclaration pour conserver sa nationalité suisse; son attention aurait été attirée sur ce point par la lecture, en 1970, d'un article paru dans une revue de la Chambre de commerce suisse en France.
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Sur préavis du Département de l'intérieur du canton de Vaud, le Département fédéral de justice et police (en abrégé: le Département fédéral) a rejeté la demande de réintégration de Georges Bornand, en relevant notamment que la seule ignorance de la loi ne constitue pas une raison excusable au sens de l'art. 21 LN et que le requérant aurait dû établir qu'avant la perte de sa nationalité suisse, ses relations avec la Suisse étaient telles qu'il se considérait et se comportait comme un citoyen suisse.
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Sur recours de Bornand, le Tribunal fédéral a annulé la décision attaquée et déclaré que le recourant était réintégré dans la nationalité suisse ainsi que dans ses droits de cité communal et cantonal.
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Extrait des motifs: | |
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a) Au cours des débats devant les Chambres au sujet du projet de loi sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse, deux propositions avaient été formulées, relatives à la procédure de réintégration de la femme dans la nationalité suisse, prévue à l'art. 18 du projet (devenu l'art. 19 LN): l'une, présentée par la majorité de la commission du Conseil national, tendait à maintenir en vigueur la solution de l'ancien droit, c'est-à-dire à ne pas reconnaître en faveur de la femme un véritable droit - Rechtsanspruch - à sa réintégration dans la nationalité suisse; en revanche, la minorité de la commission proposait de renverser la situation et d'accorder ce droit aux femmes se trouvant dans les conditions énoncées par la loi. En réalité, comme l'avait fait remarquer un conseiller national, ces deux propositions étaient au fond beaucoup moins divergentes qu'elles ne pouvaient paraître, car, même selon le rapporteur de la majorité, "l'autorité accorde la réintégration lorsque les conditions prévues par la loi sont remplies" (cf. Bull.stén. CN, 1951, p. 811).
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Il faut donc admettre que l'autorité compétente ne dispose que d'une liberté très restreinte dans l'appréciation de l'ensemble des circonstances: dans le cadre de l'art. 21 LN, comme dans les autres cas de réintégration dans la nationalité suisse, l'autorité compétente doit accepter la demande lorsque les conditions légales sont remplies.
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b) L'art. 21 LN subordonne la réintégration à deux conditions de fond seulement, l'une négative, l'autre positive: d'une part, la procédure de réintégration dans la nationalité suisse suppose qu'il n'y a eu, en temps utile, ni annonce, ni déclaration à une autorité suisse comme l'exige l'art. 10, sinon il n'y aurait même pas péremption au sens de cette disposition; d'autre part, la réintégration doit être accordée si cette omission a pu s'expliquer par des raisons excusables. Cela résulte clairement non seulement du texte même de la loi, mais aussi de la volonté que le législateur a nettement exprimée, notamment par la voix du rapporteur de la commission du Conseil des Etats: "Liegen entschuldbare Gründe dafür vor, dass die erforderliche Meldung oder Erklärung unterlassen wurde, so soll hiernach eine Restitutio in integrum erfolgen können. Das empfiehlt sich mit Rücksicht auf die betonte Notwendigkeit, das Instrument des Verfalles überhaupt nur mit grösster Vorsicht zu handhaben" (Bull.stén. CE, 1952, p. 101).
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C'est donc à tort que le secrétariat général du Département vaudois de l'intérieur a donné un préavis négatif en faisant valoir notamment que Georges Bornand et son père ne se sont jamais inscrits, annoncés ou manifestés au Consulat général de Suisse à Marseille: cette abstention ou omission ne peut évidemment pas priver le recourant de son droit d'invoquer en sa faveur la disposition de l'art. 21, puisqu'elle en constitue précisément l'une des deux conditions d'application.
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En outre, c'est également en opposition avec le texte légal que, dans la décision attaquée, le Département fédéral de justice et police a soutenu que "le requérant doit bien plus faire valoir qu'avant la perte de sa nationalité suisse ses relations avec sa patrie étaient telles qu'il se considérait et se comportait comme un citoyen suisse". Il faut admettre, au contraire, que dans la mesure où il a présenté sa demande de réintégration dans les dix ans qui ont suivi la péremption, le requérant doit simplement justifier, par des raisons excusables, l'absence d'annonce ou de déclaration à une autorité suisse dans le délai de péremption fixé à l'art. 10. Il n'a pas d'autre preuve à rapporter: en particulier, il n'a pas à établir qu'avant d'avoir perdu sa nationalité suisse, il s'était considéré et comporté comme un citoyen suisse.
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a) La notion de raison excusable semble être de celles que l'on qualifie d'imprécises (cf. MAX IMBODEN, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, 3e éd., I No 221 Ib, p. 72/73). Cependant, il ne s'ensuit pas que les premiers juges disposent, en appliquant cette notion imprécise, d'une certaine marge d'appréciation, ni que le Tribunal fédéral doive limiter son pouvoir d'examen. Une restriction du pouvoir d'examen de l'autorité de seconde instance ne se justifie que si cette autorité ne dispose pas de connaissances techniques ou de renseignements de fait aussi complets que l'autorité inférieure (RO 99 Ib 67 consid. 2a). Or tel n'est pas le cas en l'espèce: d'une part, l'interprétation de la notion de raison excusable n'exige pas de connaissances techniques particulières que le Tribunal fédéral n'aurait pas, mais que le Département fédéral de justice et police posséderait; d'autre part, le Tribunal fédéral, saisi d'un recours de droit administratif, dispose des mêmes renseignements de fait que l'autorité inférieure; en vertu de l'art. 105 al. 1 OJ, il peut d'ailleurs revoir librement les constatations de fait, la disposition de l'art. 105 al. 2 OJ étant inapplicable en l'espèce.
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Au surplus, l'interprétation de cette notion pose une question de droit que le Tribunal fédéral peut résoudre avec un plein pouvoir d'examen.
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b) La raison excusable n'est pas une notion juridique d'application courante en droit public ou en droit privé; cette expression ne figure ni dans la constitution fédérale, ni dans les principaux textes de droit public ou de droit privé, ni même, sauf erreur, dans certaines lois particulières; elle ne semble pas non plus avoir fait l'objet d'une étude dans la doctrine.
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Dès lors, une interprétation par référence à d'autres textes se révèle impossible. En particulier, les dispositions des art. 20 et 33 al. 2 CP sont trop différentes pour qu'on puisse appliquer à l'art. 21 LN, même par analogie, les règles de doctrine et de jurisprudence relatives à l'erreur de droit et à la légitime défense. Il en va de même de la disposition de l'art. 10 al. 4 LN, qui permet à celui qui, contre sa volonté, a été empêché de faire la déclaration prévue à l'al. 1, d'éviter la perte de sa nationalité suisse en présentant une telle déclaration dans le délai d'un an dès la fin de l'empêchement: en raison du texte même et de la genèse de cette disposition, le Tribunal fédéral a déclaré (RO 91 I 387 consid. 3) que l'ignorance de la loi ne constituait pas un tel empêchement; mais on ne saurait appliquer cette jurisprudence à la notion de "raisons excusables" de l'art. 21 LN, dont le contexte est tout différent.
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c) En revanche, la notion de raison excusable figure dans le texte de deux articles de la LN: elle est, en effet, prévue comme une condition de la réintégration dans la nationalité suisse non seulement à l'art. 21, mais aussi à l'art. 19 al. 1 lettre b.
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Or, dans le cadre de cette dernière disposition, le législateur de 1952 a très clairement exprimé la volonté de considérer l'ignorance de la loi comme une raison excusable, justifiant la réintégration de la femme mariée qui, avant la célébration de son mariage avec un étranger, n'avait pas fait la déclaration exigée à l'art. 9 LN. Dans ce sens, les membres de la commission du Conseil national avaient autorisé le rapporteur de langue allemande à donner la précision suivante: "Nichtkenntnis des neuen Rechtes soll als Entschuldigungsgrund im Sinne dieser Bestimmung gelten. Die Kommission ermächtigte die Herren Referenten ausdrücklich, diese kurze Erklärung abzugeben; es soll das der Wille des Gesetzgebers sein" (Bull. stén. CN 1952, p. 637).
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En outre, dans deux arrêts récents, le Tribunal fédéral a également interprété dans ce sens cette disposition de l'art. 19 al. 1 lettre b LN: la femme qui, avant la célébration de son mariage avec un ressortissant étranger, n'a pas déclaré vouloir conserver sa nationalité suisse, doit obtenir sa réintégration si elle a omis de faire cette déclaration par ignorance de la règle de péremption établie à l'art. 9; au sens de l'art. 19 al. 1 lettre b, l'ignorance de la loi peut donc être une raison excusable (cf. ATF Toccafondi et Augugliaro, du 28 février 1975, non publiés; cf. aussi la jurisprudence antérieure du Conseil fédéral: JAAC fasc. 29, 1959/60, p. 203).
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d) Dans le cadre de l'art. 21 LN, le Conseil fédéral a, il est vrai, adopté une interprétation beaucoup plus restrictive de la notion de raison excusable. Considérant que la procédure de réintégration doit demeurer exceptionnelle, être ainsi pratiquement admise seulement en faveur des citoyens qui ont été injustement privés par péremption de leur nationalité suisse, il a jugé, dans deux décisions de 1956 et 1967, que ne constitue une raison excusable pour le requérant ni l'ignorance de sa nationalité suisse, ni le fait d'avoir ignoré la possibilité, prévue à l'art. 10, de s'annoncer à une autorité suisse ou de déclarer vouloir conserver sa nationalité suisse. La réintégration n'a pas été prévue pour ceux dont la nationalité suisse était une pure fiction; avant d'accorder la réintégration, l'autorité compétente doit donc s'assurer que le requérant a bien été assimilé et qu'il a gardé des contacts étroits avec son pays d'origine (ZBl 1968, p. 453 ss consid. 5 et Revue de l'état civil 1962, p. 66 ss).
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Cette jurisprudence apparaît cependant trop restrictive au regard du texte des art. 10 et 21 LN: en effet, il a déjà été établi que l'autorité compétente doit accorder la réintégration dans la nationalité suisse lorsque les deux conditions d'application de l'art. 21 sont réunies, c'est-à-dire lorsque le requérant peut, par des raisons excusables, expliquer pourquoi il n'a pas fait l'annonce à l'autorité suisse ou la déclaration prévues à l'art. 10 (consid. 2 b ci-dessus); en particulier, elle ne peut pas subordonner la réintégration à d'autres conditions, par exemple à la condition de l'assimilation.
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Au surplus, il n'y a pas de raison impérieuse d'adopter une interprétation différente de la notion de raison excusable dans le cadre des art. 19 al. 1 lettre b et 21 LN. En abandonnant le principe traditionnel de la pérennité de la nationalité suisse, le législateur a voulu, comme dans le cas de la femme mariée, donner encore une possibilité d'être réintégré à celui qui, par omission et péremption, a perdu son droit de cité communal et cantonal ainsi que sa nationalité suisse. Dans les deux cas, il a jugé nécessaire de limiter les conséquences de la péremption aux cas où la nationalité suisse est devenue une pure fiction, "la condition première de cette rupture étant toujours, bien entendu, que cette famille n'ait plus aucune attache de fait avec la Suisse" (Message du Conseil fédéral du 9 août 1951, FF 1951 II 676). En revanche, le citoyen né à l'étranger d'un père né lui-même à l'étranger échappe à la péremption prévue à l'art. 10 dès que, en fait, il entretient certains liens avec son pays d'origine, savoir si sa naissance a été annoncée à une autorité suisse, à l'étranger ou en Suisse, ou si, avant d'avoir atteint l'âge de 22 ans révolus, il a fait quelque chose pour exprimer sa volonté de conserver sa nationalité suisse et du même coup son droit de cité communal et cantonal. En outre, en considérant comme une annonce toute communication, au sens large du terme, faite à une autorité suisse, selon l'art. 10 al. 3, le législateur a voulu dire "dass der Verlust des Schweizerbürgerrechtes nach Artikel 10 nur im äussersten Falle in Kauf genommen werden soll" (Bull.stén. CE 1952, p. 95).
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Il résulte ainsi clairement du texte de l'art. 10 LN que l'absence de tout lien avec la Suisse constitue la condition première de la perte de la nationalité suisse par péremption; il est dès lors logiquement impossible de considérer l'existence de tels liens comme une condition de la réintégration selon l'art. 21.
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e) L'ignorance des exigences nouvelles de la loi peut donc constituer une raison excusable, suffisante en soi pour justifier la réintégration dans la nationalité suisse non seulement de la femme mariée en vertu de l'art. 19 al. 1 lettre b, mais aussi, selon l'art. 21, du citoyen né à l'étranger d'un père qui y était né lui aussi.
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Dans ces deux cas, il faut cependant réserver la possibilité pour l'autorité compétente de refuser cette réintégration lorsque l'ignorance de la loi est en elle-même fautive, donc inexcusable.
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a) A titre principal, il a affirmé qu'il avait toujours ignoré, avant 1970, avoir perdu par péremption sa nationalité suisse et son droit de cité communal et cantonal. Or, ni la Division fédérale de police qui a instruit l'affaire, ni le Département fédéral de justice et police qui a statué, n'ont mis en doute la sincérité de cette affirmation: au contraire, dans la décision attaquée, l'autorité inférieure a expressément admis ce fait, soutenant simplement en droit que l'ignorance de la loi n'est pas une raison excusable; par ailleurs, elle n'a pas non plus retenu à la charge du recourant des circonstances particulières qui auraient permis de penser que cette ignorance fût, en l'espèce, fautive ou inexcusable.
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Au surplus, il ressort des pièces du dossier que Georges Bornand, comme son père et son grand-père, n'ont jamais perdu le contact avec les autres membres de la colonie suisse de Marseille, ni même avec certains de leurs parents en Suisse. On peut dès lors penser que le recourant aurait été informé des changements intervenus en 1952 dans la législation suisse relative à la nationalité suisse s'il avait été plus âgé à l'époque de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi du 29 septembre 1952; en effet, c'est probablement à cette époque surtout que l'on a parlé de ces changements dans les colonies suisses à l'étranger; or le recourant n'avait pas encore 15 ans, de sorte qu'on ne saurait lui reprocher son ignorance de ces changements.
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Les conditions d'application de l'art. 21 LN sont ainsi réunies, puisqu'il faut admettre que l'ignorance - de la règle nouvelle de l'art. 10 - dans laquelle se trouvait le recourant avant 1970 constitue une raison excusable, suffisante en soi pour justifier la réintégration dans la nationalité suisse. En refusant d'accorder cette réintégration, et de ce seul fait, le Département fédéral de justice et police a donc violé une disposition de droit fédéral; sa décision doit être réformée et Georges Bornand doit être réintégré dans la nationalité suisse de même que dans son droit de cité communal et cantonal.
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b) Dans la procédure, le recourant a encore expliqué que sa naissance à Marseille, le 8 avril 1940, n'avait pas été annoncée aux autorités suisses parce que son père était, en cette période de guerre, mobilisé dans l'armée française, et, de ce fait, empêché de faire cette annonce au Consulat général de Suisse à Marseille.
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Au sens de l'art. 21 LN, cet empêchement serait également une raison excusable, justifiant la réintégration, Georges Bornand s'était par la suite abstenu de s'annoncer lui-même à une autorité suisse parce qu'il croyait avoir été régulièrement inscrit dans le registre d'état civil de Sainte-Croix, sa commune d'origine. Or, par lettre du 25 octobre 1971 adressée au Département fédéral, son avocat a affirmé que "M. Bornand était convaincu qu'il était resté de nationalité suisse et que les inscriptions avaient suivi leurs cours, sans qu'il ait à faire quoi que ce soit", mais, dans la décision attaquée, l'autorité inférieure ne s'est pas prononcée sur cette question de fait; normalement, il faudrait lui renvoyer le dossier pour lui permettre de vérifier la vérité de cette allégation.
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Cependant, comme le recourant ignorait jusqu'en 1970 les nouvelles règles de la loi relatives à la perte de la nationalité suisse et que cette ignorance constitue une raison excusable suffisante pour justifier la réintégration selon l'art. 21 LN, il est inutile de renvoyer le dossier au Département fédéral pour qu'il statue à nouveau dans le sens des considérants. Saisi d'un recours de droit administratif, le Tribunal fédéral peut statuer lui-même sur le fond (art. 114 al. 2 OJ). Il peut donc accorder à Georges Bornand sa réintégration dans la nationalité suisse et dans son droit de cité communal et cantonal.
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