BGE 102 Ib 335 | |||
| |||
Bearbeitung, zuletzt am 15.03.2020, durch: DFR-Server (automatisch) | |||
55. Arrêt du 12 novembre 1976 dans la cause Division fédérale de la justice contre dame Bischoff-Froehly | |
Regeste |
Erwerb von Grundstücken durch Personen im Ausland. Art. 17 BewV 1973/1976. |
2. Intertemporales Recht. Lex mitior? Rückwirkung? (Erw. 2). | |
Sachverhalt | |
De nationalité française et domiciliée à Mulhouse, dame Froehly veuve Bischoff a été autorisée, le 2 décembre 1967, à acquérir les parcelles nos 1208 et 811 de la commune d'Icogne, de 2000 m2 environ pour le prix de 240'000 francs; l'autorisation était assortie des charges suivantes, d'une durée de dix ans: restriction du droit d'aliéner, interdiction de louer, obligation de construire dans les trois ans un unique chalet familial de vacances à l'exclusion de toute autre construction; ces charges ont fait l'objet d'une mention au registre foncier. Dame Bischoff-Froehly n'a pas fait construire le chalet familial visé par la charge précitée, mais des projets de construire un bâtiment locatif d'une certaine importance ont été étudiés, à tout le moins dès 1969.
| 1 |
Souhaitant vendre son terrain en vue de la construction du bâtiment projeté en dernier lieu (comptant quatorze appartements, selon les indications de l'Administration communale d'Icogne), dame Bischoff-Froehly a requis le 23 février 1976 la radiation de la restriction au droit d'aliéner, exposant que son âge (elle est née en 1890) et son état de santé ne lui permettaient plus de résider en altitude, ce qu'attestait une déclaration médicale. Le Service juridique du registre foncier du canton du Valais a rejeté la demande le 26 mars 1976. Saisi d'un recours de dame Bischoff-Froehly, le Conseil d'Etat l'a admis le 21 juillet 1976 et a révoqué les trois charges contenues dans la décision du 2 décembre 1967.
| 2 |
Agissant par la voie du recours de droit administratif, la Division fédérale de la justice a conclu à l'annulation de la décision du Conseil d'Etat et au rejet de la requête de l'intimée.
| 3 |
Le Tribunal fédéral a admis le recours.
| 4 |
Considérant en droit: | |
5 | |
6 | |
Mais la charge en question a un double aspect: un aspect positif, à savoir l'obligation de construire dans le délai de trois ans, et un aspect négatif, c'est-à-dire l'interdiction d'ériger sur la parcelle toute autre construction qu'un unique chalet familial de vacances. Sous ce dernier aspect, la charge garde toute sa raison d'être; le grand âge et l'état de santé de l'intimée ne rendent nullement "impossible à exécuter" la charge négative de ne pas construire sur ce terrain autre chose qu'un chalet familial de vacances, et l'intimée n'indique pas d'autre raison qui pourrait faire conclure à un cas de rigueur extrême permettant de justifier la révocation. Le recours doit donc être admis et la décision annulée sur ce point.
| 7 |
b) Quant aux deux autres charges, le Conseil d'Etat a jugé avec raison que leur révocation ne pouvait pas être ordonnée sur la seule base de l'art. 17 al. 4 OAIE. En effet, les interdictions de vendre et de louer pendant dix ans ne sont pas impossibles à exécuter et ne se trouvent pas être non plus d'une rigueur extrême. Leur révocation ne saurait se justifier par les seuls intérêts économiques de l'intimée, désireuse de vendre son terrain dans de bonnes conditions, ni par l'intérêt de la commune d'Icogne à voir prochainement se construire sur son territoire un nouvel immeuble résidentiel. Or, en dehors de ces intérêts non pertinents pour la solution du présent cas, l'intimée n'avance rien qui puisse faire apparaître le maintien des charges comme insupportable.
| 8 |
Tout en partageant cette manière de voir, le Conseil d'Etat a estimé pouvoir révoquer l'interdiction d'aliéner en se référant à la modification apportée à l'art. 17 al. 2 OAIE par l'OCF 1976, qui réduit à cinq ans la durée minimale de l'interdiction d'aliéner, alors que cette durée avait été fixée à dix ans par le texte primitif de 1973. Il s'agit d'examiner si, en procédant ainsi, le Conseil d'Etat a violé le droit fédéral, comme le soutient la recourante.
| 9 |
2. a) La disposition transitoire de l'OCF du 11 février 1976, entrée en vigueur le 1er avril 1976, prévoit (ch. III al. 2) que la modification s'applique également aux demandes d'autorisation et aux recours en suspens lors de son entrée en vigueur. Sont donc visées par là uniquement les procédures d'autorisation d'acquérir - et les recours y relatifs - qui étaient pendantes au 1er avril 1976; la modification en cause ne saurait donc s'appliquer aux procédures d'autorisation qui étaient terminées à la date ci-dessus.
| 10 |
Or, en l'espèce, la procédure d'autorisation d'acquérir les parcelles 1208 et 811 par dame Bischoff-Froehly, procédure au cours de laquelle les charges en cause ont été imposées et mentionnées au registre foncier, s'est terminée à fin 1967 déjà. Les nouvelles dispositions de l'OCF 1976 ne s'y appliquent donc pas.
| 11 |
En revanche, la décision sur demande de révocation, qui est soumise aux dispositions obligatoires au moment où elle est rendue (cf. ANDRE GRISEL, L'application du droit public dans le temps, ZBl 1974 p. 255), pouvait se fonder sur les dispositions en vigueur au jour où le Conseil d'Etat a statué sur le recours. Mais l'art. 17 al. 4 OAIE, qui règle la question de la révocation des charges, n'a pas été modifié par l'OCF 1976; après comme avant le 1er avril 1976, une telle révocation ne peut être ordonnée que si les conditions prévues par cette disposition sont remplies; Or le cas d'une interdiction de revendre qui aurait déjà duré plus de cinq ans n'y est nullement prévu.
| 12 |
b) L'intimée invoque le principe de la lex mitior, qui devrait s'appliquer du moment que les droits acquis des tiers ne sont pas touchés; et de citer l'arrêt rendu par la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral dans l'affaire Buholzer (ATF 97 I 924).
| 13 |
Mais le principe de la lex mitior, qui est une exception au principe de la non-rétroactivité des lois, est soumis aux conditions auxquelles la doctrine et la jurisprudence subordonnent l'admissibilité de la rétroactivité des dispositions légales, notamment à la condition que cette rétroactivité soit expressément prévue par la loi ou qu'en tout cas elle découle clairement de son sens (cf. ATF 102 Ia 72). Si le principe de la lex mitior est admis principalement en droit pénal, c'est qu'il a été expressément voulu et manifesté par le législateur à l'art. 2 al. 2 CP. Et c'est sur le principe découlant de cette disposition que se fonde l'arrêt Buholzer précité, relatif à l'exécution de mesures prononcées par le juge pénal.
| 14 |
En l'espèce, on ne se trouve nullement dans une situation semblable. La disposition transitoire de l'OCF 1976 déclare le nouveau texte applicable aux seules procédures d'autorisation - et aux recours y relatifs - qui sont en suspens au moment de son entrée en vigueur. Les autorités cantonales peuvent donc, dès le 1er avril 1976, fixer à cinq ans au minimum (au lieu de dix ans précédemment) l'interdiction de revendre un immeuble pour lequel la requête d'autorisation a été déposée - ou la décision de première instance rendue - avant cette date. Mais la durée des interdictions de revendre fixée, dans une procédure terminée avant le 1er avril 1976, à dix ans conformément aux normes en vigueur à l'époque ne pourrait être ramenée à cinq ans que si une disposition claire le prévoyait, car il s'agirait alors d'un véritable cas de rétroactivité.
| 15 |
Ainsi, par exemple, le législateur fédéral a-t-il dû, lors de la revision du Code pénal du 18 mars 1971 qui a notamment supprimé la privation des droits civiques comme peine accessoire, prévoir une disposition transitoire expresse (III ch. 3 al. 3) pour faire cesser les effets de privations des droits civiques prononcées dans des jugements antérieurs. En effet, le principe de la lex mitior n'y aurait pas suffi, lequel ne s'applique, selon l'art. 2 al. 2 CP, qu'aux procédures pendantes - ou non encore ouvertes - au moment de l'entrée en vigueur de la disposition plus favorable, et non pas aux procédures qui étaient terminées à ce moment-là.
| 16 |
En l'espèce, où la procédure d'autorisation était terminée en 1967 déjà, la réduction de dix à cinq ans de la durée minimale de l'interdiction de revendre n'aurait donc pu s'appliquer que si l'OCF 1976 l'avait prévu clairement, ce qui n'est pas le cas.
| 17 |
Le Conseil d'Etat a donc violé le droit fédéral en se fondant sur la lex mitior de 1976 pour révoquer les charges imposées lors de l'autorisation du 2 décembre 1967.
| 18 |
c) Il n'en reste pas moins que ladite réduction de dix à cinq ans est un facteur qui pourrait permettre d'apprécier avec moins de rigueur les demandes de révocation de charges dont la durée avait été fixée à dix ans, notamment dans les cas où la procédure d'autorisation aurait été terminée peu de temps avant l'entrée en vigueur de l'OCF 1976.
| 19 |
Mais, en l'espèce, on ne saurait tenir compte de ce facteur: non seulement l'intimée n'indique aucun motif valable qui permettrait de justifier la révocation de l'interdiction de revendre (la contre-indication médicale de résider en altitude ne constitue nullement un tel motif, du moment que le chalet projeté n'a pas été construit), mais encore elle a manifesté, par son comportement, que le but indiqué par elle en vue d'obtenir l'autorisation du 2 décembre 1967 n'avait nullement le caractère sérieux et durable requis pour une telle autorisation. Il ne saurait être question, dans ces conditions, de la libérer des charges destinées à assurer l'application correcte du droit fédéral en la matière.
| 20 |
© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR). |