BGE 105 Ib 154 | |||
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24. Arrêt de la IIe Cour de droit public du 13 juillet 1979 dans la cause Kämpf contre Département fédéral de justice et police (recours de droit administratif) | |
Regeste |
Schweizerbürgerrecht, Wiedereinbürgerung. Art. 21 BüG. |
2. Materielle Voraussetzungen für die Anwendung des Art. 21 BüG (E. 2). |
3. Frist zur Einreichung eines Gesuchs nach Art. 21 BüG. Wiederherstellung der Frist gestützt auf den Grundsatz von Treu und Glauben? Frage offen gelassen (E. 3-5). | |
Sachverhalt | |
Descendant d'une famille qui avait acquis la bourgeoisie de Sigriswil au XIXe siècle et qui est aujourd'hui considérée comme l'une des plus anciennes familles de cette commune bernoise, le recourant Serge Kämpf est né le 13 octobre 1934 à Grenoble. Son grand-père, né en 1883 à Wallenried, dans le canton de Fribourg, et son père, né en 1912 à Lorient, en France, sont décédés dans ce pays tous deux en 1945. Le recourant avait alors à peine onze ans.
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Petit-fils et fils de citoyens suisses, Serge Kämpf avait acquis à sa naissance, par filiation, la nationalité suisse et le droit de cité de la commune bernoise de Sigriswil. En outre, étant né en France, d'une mère et d'une grand-mère françaises, il avait également acquis à sa naissance la nationalité française.
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En mars 1961, le recourant s'est adressé au Consulat général de Suisse à Lyon pour obtenir un passeport suisse, car il désirait venir s'installer et travailler dans son pays d'origine. Au cours d'un entretien qu'il eut alors avec un collaborateur du consulat, il apprit qu'il avait perdu la nationalité suisse - et du même coup son droit de cité communal et cantonal - dès le 14 octobre 1956, parce qu'il n'avait pas, avant d'avoir atteint l'âge de 22 ans révolus, adressé à une autorité suisse l'annonce ou la déclaration prévue aux art. 10 al. 1 et 57 al. 3 de la loi fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse du 29 septembre 1952 (en abrégé: LN). Il n'a pu ainsi obtenir le passeport qu'il demandait; aucune décision formelle - avec mention des possibilités de recours - ne lui a toutefois été notifiée.
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Se fiant aux renseignements donnés au Consulat, le recourant n'a pas poursuivi ses démarches. En 1969, ayant appris par des amis suisses l'existence de l'art. 21 LN, il a entrepris les recherches nécessaires pour rassembler les actes d'état civil de son père et de son grand-père, avant de pouvoir présenter une demande de réintégration dans la nationalité suisse. Au terme de recherches longues et difficiles - tant en Suisse qu'en France -, il a pu finalement se faire délivrer, par les autorités françaises, les extraits des registres d'état civil relatifs au mariage et au décès de son grand-père, à la naissance, au mariage et au décès de son père ainsi que son propre acte de naissance.
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Par requête du 21 juin 1976, Serge Kämpf a demandé au Département fédéral de justice et police de prononcer sa réintégration dans la nationalité suisse.
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Les autorités communales de Sigriswil se sont prononcées en faveur de cette réintégration. Pour sa part, la Direction de la police du canton de Berne a déclaré n'avoir pas d'objection à formuler.
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Par décision motivée du 10 mars 1978, le Département fédéral de justice et police a déclaré la requête en réintégration irrecevable, parce que tardive.
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Le recours de droit administratif formé par Serge Kämpf à l'encontre de cette décision a été rejeté par le Tribunal fédéral.
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Considérant en droit: | |
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Interjeté en temps utile et dans les formes requises, le présent recours de droit administratif est dès lors recevable.
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En vertu de l'art. 21 LN, peut être réintégré quiconque a omis, pour des raisons excusables, de s'annoncer ou de souscrire une déclaration comme l'exige l'art. 10 LN et a perdu de ce fait la nationalité suisse par péremption.
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Dans le cas d'espèce, Serge Kämpf n'a pas été annoncé à une autorité suisse, ni n'a déclaré vouloir conserver la nationalité suisse avant d'avoir atteint l'âge de 22 ans révolus (art. 10 al. 1 LN). Cette omission peut s'expliquer notamment par le fait qu'au moment où il a perdu à la fois son père - "mort pour la France" en février 1945 - et son grand-père, décédé le 1er mai 1945, le recourant n'avait pas encore onze ans. De plus, il était encore mineur lors de l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1953, de la loi fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse. Au demeurant, le recourant a toujours affirmé en cours de procédure qu'il avait ignoré - jusqu'en mars 1961 - devoir s'annoncer à une autorité suisse avant d'avoir atteint ses 22 ans révolus; cette affirmation n'a été contredite par personne. La démarche faite en mars 1961 au Consulat général de Lyon pour obtenir un passeport suisse démontre à l'évidence qu'à cette date Serge Kämpf croyait en toute bonne foi avoir conservé la nationalité suisse.
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Dans le cas particulier, il convient donc d'admettre, conformément à la jurisprudence, que l'ignorance dans laquelle s'est trouvé le recourant au sujet de la règle nouvelle de l'art. 10 LN constitue une raison excusable, suffisante en soi pour justifier sa réintégration dans la nationalité suisse.
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Les conditions matérielles d'application de l'art. 21 LN étant réunies en l'espèce, il reste à examiner si l'exigence formelle que prévoit encore cette disposition (délai de 10 ans) a également été respectée.
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A vrai dire, on pourrait se demander si la démarche faite par le recourant en mars 1961 au Consulat général de Lyon en vue d'obtenir un passeport suisse ne devrait pas être considérée comme comportant implicitement une demande de réintégration dans la nationalité suisse. Le délai de 10 ans prévu à l'art. 21 LN aurait été respecté et le recourant devrait obtenir sa réintégration dans la nationalité suisse comme aussi dans ses droits de cité cantonal et communal. Certes, dans son mémoire de recours, Serge Kämpf ne fait pas valoir ce moyen, mais cela n'est pas déterminant. Lorsqu'il est saisi d'un recours de droit administratif, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs que les parties ont invoqués (art. 114 al. 1 in fine OJ). Toutefois, ce moyen ne paraît pas fondé.
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En effet, en mars 1961, le recourant ignorait tout de la procédure prévue à l'art. 21 LN. Se fiant au renseignement donné par un représentant officiel des autorités suisses et selon lequel il avait perdu sa nationalité suisse par péremption, il a renoncé à procéder plus avant. On peut certes s'étonner de cette apparente résignation et du fait que, s'agissant d'une question aussi importante que la perte d'une nationalité, le recourant n'ait pas insisté à ce moment-là pour savoir s'il n'existait pour lui vraiment plus aucun moyen de recouvrer les droits qu'il avait perdus.
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En l'espèce, la démarche en question ne saurait donc être interprétée comme une demande implicite de réintégration. En revanche, elle aurait pu être considérée comme un acte suffisant en soi pour empêcher la péremption au sens de l'art. 10 al. 3 LN, à condition qu'elle ait été effectuée en temps utile, soit avant le 14 octobre 1956.
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Selon le professeur Wildhaber qui, à la demande du recourant, a établi un avis de droit, une restitutio in integrum représente la juste sanction en faveur de celui qui est victime d'un renseignement inexact donné par une autorité compétente. Une telle solution serait commandée notamment par l'application des règles de la bonne foi, valables en droit public. Dans le cas de Serge Kämpf, ce principe de la restitutio in integrum devrait signifier la restitution du délai de péremption de 10 ans de l'art. 21 LN. Toutefois, compte tenu des quatre ans et demi déjà courus d'octobre 1956 à mars 1961, le recourant ne pourrait exiger que la restitution du délai restant à courir, soit cinq ans et demi.
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b) Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le principe de la bonne foi, énoncé par l'art. 2 al. 1 CC, s'applique également en droit administratif. Il s'agit d'un principe découlant directement de l'art. 4 Cst. et qui vaut pour l'ensemble de l'activité étatique; il donne au citoyen le droit d'être protégé dans la confiance légitime qu'il met dans des assurances reçues des autorités. Un renseignement ou une assurance, même erroné, donné par l'autorité à un citoyen et auquel ce dernier s'est fié, peut lier l'autorité dans certaines circonstances. Les conditions en sont notamment que le service qui a donné le renseignement ait été compétent pour le faire, que le citoyen n'ait pas été en mesure de reconnaître d'emblée l'inexactitude du renseignement ou de ses propres déductions et qu'il ait pris pour l'avenir, en se fondant sur ce renseignement, des dispositions irréversibles (ATF 103 Ia 508, ATF 99 Ib 101 consid. 4 et les références, ATF 98 Ia 462 consid. 2).
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La forme selon laquelle le renseignement est communiqué importe peu; celui-ci peut notamment être donné oralement (ATF 91 I 137; cf. IMBODEN/RHINOW, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, 5e éd., I, p. 469; SAMELI Katharina, Treu und Glauben im öffentlichen Recht, RDS 96 (1977) II, pp. 364/365).
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c) Dans son avis de droit, le professeur Wildhaber relève, avec raison, que l'une des tâches essentielles des consulats suisses est de renseigner les citoyens dépendant de leur ressort sur leur situation juridique dans le cadre de la législation suisse. Or, il est évident que les problèmes qui se posent dans l'application de la loi sur la nationalité revêtent une importance particulière pour les Suisses de l'étranger. En cette matière, il faut admettre que les représentations consulaires sont compétentes pour donner des informations valables et que l'on peut attendre d'elles par conséquent qu'elles fournissent des renseignements non seulement exacts, mais aussi complets. Toutefois, dans le cas particulier, on peut se demander jusqu'où allait ce devoir d'information et s'il impliquait notamment l'obligation pour le collaborateur du Consul général d'indiquer au recourant le moyen prévu à l'art. 21 LN, qui devait lui permettre d'obtenir sa réintégration dans la nationalité suisse. Ce collaborateur devait-il en particulier inviter le recourant à consulter un avocat afin que les démarches nécessaires puissent être prises en temps utile? Ce sont là des questions qu'il ne s'impose pas de résoudre en l'espèce et qui peuvent par conséquent demeurer indécises.
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Ce qui importe, en revanche, est de constater qu'à la suite de l'entretien qu'il a eu avec un représentant officiel des autorités suisses, le recourant a cru avoir perdu définitivement la nationalité suisse. En raison des circonstances dans lesquelles il était intervenu au Consulat général de Lyon, il convient d'admettre qu'il pouvait, en toute bonne foi, croire en l'exactitude des renseignements qui lui furent alors donnés et s'y fier pour l'avenir.
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a) Il sied de relever d'emblée que pour Serge Kämpf il n'était pas question de recourir contre le refus du Consulat général de Lyon de lui remettre un passeport suisse. En mars 1961, le recourant avait perdu - par péremption survenue en octobre 1956 - sa nationalité suisse et ses droits de cité cantonal et communal. Le fait que le consulat ne lui a pas notifié une décision formelle, avec indication des voies de recours, ne lui a causé aucun préjudice car, de toute façon, un recours aurait été rejeté. Il est évident, en effet, que Serge Kämpf ne peut pas recevoir un passeport suisse aussi longtemps qu'il n'a pas été réintégré dans la nationalité suisse. Ce moyen n'est donc pas fondé.
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b) Dans les circonstances du cas présent, il paraît vraisemblable qu'une information complète de la part du Consulat général de Lyon aurait conduit le recourant à prendre d'autres dispositions.
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Cela étant, il convient d'examiner les conséquences qui, conformément à la jurisprudence, peuvent découler de cette situation.
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Selon le principe de la bonne foi, la partie que l'autorité engage à ne pas utiliser un délai a droit à restitution. Cette règle s'applique notamment lorsque l'autorité donne une indication inexacte au sujet des voies de recours proprement dites (ATF 98 Ib 338 et les arrêts cités). En l'espèce, l'autorité a simplement omis de signaler le moyen prévu à l'art. 21 LN. S'agissant non pas d'une voie de droit stricto sensu au sens de la jurisprudence, mais d'un délai pour agir prévu par le droit matériel, l'on peut se demander si la règle jurisprudentielle précitée est également applicable. En d'autres termes, faut-il entendre par voies de droit (Rechtsmittel) les seules voies de recours ou bien encore, dans un sens large, tous autres moyens légaux donnés à un particulier d'assurer le respect et la sanction des droits qui lui appartiennent? Toutefois, la question n'a pas à être tranchée ici.
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A supposer néanmoins que le recourant puisse, en vertu du principe de la bonne foi, se prévaloir d'un droit à restitution, on peut se demander quel délai devrait lui être restitué. En l'espèce, une restitution totale du délai de 10 ans ne paraît guère tolérable, puisque le recourant s'est présenté au Consulat général de Lyon en mars 1961, soit après avoir laissé s'écouler près de quatre ans et demi depuis la péremption survenue en octobre 1956. D'autre part, on ne saurait admettre d'emblée la thèse du recourant selon laquelle le délai aurait été suspendu ensuite du renseignement incomplet obtenu à cette époque. A cet égard, il paraît douteux que l'on puisse, in casu, appliquer l'art. 134 CO par analogie. En matière de droit privé, en tout cas, les règles sur la suspension de la prescription ne s'appliquent pas aux délais de péremption, tels les délais d'ouverture d'action prévus par le droit fédéral (ATF 101 II 88).
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Quoi qu'il en soit, la question de savoir dans quel délai le recourant aurait dû agir peut en définitive demeurer indécise car, même si l'on s'en tient à l'hypothèse la plus favorable pour lui - à savoir que le délai restant de 5 1/2 ans n'aurait pas couru tant qu'il se trouvait sous l'impression du renseignement incomplet - il aurait agi tardivement. En effet, le délai aurait recommencé à courir dès 1969, date à laquelle Serge Kämpf a eu effectivement connaissance de la disposition de l'art. 21 LN et a entrepris des démarches en vue de présenter une demande de réintégration. Dans ces conditions, le délai de 5 1/2 ans serait arrivé à échéance en 1974 déjà; Or, la demande de réintégration a été présentée en 1976 seulement.
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c) Certes, il est incontestable - ainsi que cela ressort des pièces figurant au dossier - que le recourant a gardé des contacts étroits avec la Suisse et qu'il s'est toujours considéré et comporté comme un citoyen helvétique. Le témoignage unanime des membres du conseil communal de Sigriswil, son ancienne commune d'origine, est à cet égard significatif. Cependant, de telles considérations ne sauraient avoir d'influence lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, d'appliquer le texte clair d'une disposition légale fixant un délai péremptoire pour faire valoir un droit.
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