BGE 105 Ib 343 | |||
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54. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 16 novembre 1979 dans la cause Masse concordataire par abandon d'actif de Jean Turin c. Coopérative suisse pour l'approvisionnement en bétail de boucherie et en viande (CBV) et Département fédéral de l'économie publique (recours de droit administratif) | |
Regeste |
Art. 41 VwVG; Voraussetzungen für die Anordnung einer Ersatzvornahme. | |
Sachverhalt | |
Jean Turin a exploité pendant plusieurs années un commerce de bestiaux et de viandes en gros, à Prilly. Jusqu'à fin novembre 1975, il a régulièrement pris en charge la part de production indigène - moutons de boucherie et agneaux de pâturages - que la Coopérative suisse pour l'approvisionnement en bétail de boucherie et en viande (ci-après: la Coopérative CBV) lui attribuait chaque mois. Par la suite, certaines difficultés financières l'ont amené à demander un sursis concordataire, puis à proposer à ses créanciers la conclusion d'un concordat par abandon d'actif, qui a été homologué le 2 mars 1977.
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La Coopérative CBV a fait valoir dans la procédure concordataire une créance de 148'170 fr., représentant le prix (1 fr. 50 par kg) "de la prise en charge des moutons par d'autres importateurs". Elle soutenait en effet que, depuis décembre 1975 jusqu'en mai 1976, Jean Turin n'avait pas entièrement exécuté ses obligations découlant de l'arrêté du Conseil fédéral du 27 décembre 1966 sur l'importation et le placement de moutons et de chèvres de boucherie ainsi que de la viande de ces animaux (en abrégé: ACF).
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Le liquidateur ayant écarté cette production, la Coopérative CBV a demandé à la Division fédérale de l'agriculture de contraindre la masse à accepter cette créance. La Division s'est déclarée compétente pour statuer sur cette requête, par décision motivée du 21 juin 1977. Au fond, elle a prononcé que la créance de 148'170 fr. était légale et devait être colloquée en 5e classe dans la procédure de sursis concordataire.
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La masse concordataire par abandon d'actif a recouru contre cette décision auprès du Département fédéral de l'économie publique, en faisant valoir que Jean Turin avait entièrement rempli ses obligations. Ce recours a été rejeté par décision motivée du 31 août 1977. Le Département a considéré notamment que, pour déterminer si un importateur avait satisfait à ses obligations de prise en charge, il fallait tenir compte non seulement de ce que la recourante appelait les invendus sur les marchés, mais aussi de ce que les importateurs ont acheté directement. Il a en outre relevé qu'au vu de la situation financière de Jean Turin, il était exclu que la Coopérative CBV lui attribue la totalité du contingent de moutons du pays qu'il aurait dû prendre en charge.
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Agissant par la voie du recours de droit administratif formé au nom de la masse concordataire, le liquidateur a demandé au Tribunal fédéral d'annuler la décision du Département fédéral de l'économie publique.
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Considérant en droit: | |
4. a) Lorsqu'un importateur n'exécute pas son obligation de prise en charge, ni l'ACF du 27 décembre 1966 (voir SR 916.342), ni l'ordonnance sur le bétail de boucherie (voir SR 916341) ne donnent expressément à la Coopérative CBV le droit de faire exécuter cette obligation par d'autres importateurs aux frais du débiteur en demeure. Il est vrai qu'en vertu de l'art. 15 al. 2 de l'arrêté, la caution versée par l'importateur en demeure "échoit au fonds de réserve dans la proportion du double des frais qu'il a économisés ou dont il a acquis un avantage", mais, en réalité, la Coopérative CBV n'a pas pu faire application de cette règle particulière, car la caution de Jean Turin - versée conformément aux dispositions de l'art. 6 de l'arrêté - avait été entièrement utilisée pour de la marchandise livrée en 1975. On doit dès lors se demander si la Coopérative peut fonder sa réclamation sur le principe de l'exécution par équivalent. Telle est l'opinion que son représentant a soutenue devant le Tribunal fédéral et que la Division fédérale de l'agriculture a admise dans sa décision du 21 juin 1977.
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b) L'administration fait exécuter une obligation par équivalent ("Ersatzvornahme") lorsqu'elle charge ses agents ou un tiers de remplir cette obligation à la place du débiteur et à ses frais (voir ZBl vol. 56, p. 189, vol. 59, p. 561). L'exécution par un tiers, étranger à l'administration, fait naître deux rapports de droit, l'un entre l'Etat et ce tiers, l'autre entre l'Etat et le débiteur tenu de rembourser les frais payés à ce tiers; ce second rapport relève du droit public (voir ANDRE GRISEL, Droit administratif suisse, p. 333). C'est là un moyen d'exécuter ou de faire exécuter une obligation de droit public - telle, par exemple, l'obligation de prise en charge selon l'art. 8 al. 1 de l'arrêté - que l'autorité peut utiliser. Or, selon une opinion exprimée dans la doctrine, il n'est pas indispensable que ce moyen de contrainte ait une base légale (voir ANDRE GRISEL, op.cit., p. 337; IMBODEN/RHINOW, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, I, p. 310, no 52 V). En outre, depuis l'entrée en vigueur de la loi de procédure administrative, cette base légale existe en faveur de l'administration fédérale (art. 41 al. 1 lettre a PA).
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Toutefois, l'emploi de ce moyen propre à obtenir l'accomplissement des obligations de droit public est subordonné à plusieurs exigences. Il faut d'abord que l'obligation à exécuter soit valable et que la décision dont elle résulte ne puisse plus faire l'objet d'un recours à effet suspensif (voir ANDRE GRISEL, op.cit., p. 336). En outre, selon l'art. 41 al. 2 PA, l'autorité fédérale doit adresser au débiteur la sommation d'exécuter son obligation dans un délai déterminé. Cependant, même en droit fédéral, cette règle n'est pas absolue. L'autorité peut faire procéder à l'exécution par équivalent sans sommation préalable, s'il y a péril en la demeure ou lorsqu'il apparaît d'emblée que le débiteur ne voudra pas - ou ne pourra plus - exécuter lui-même son obligation dans un délai raisonnable; dans ces deux cas, l'autorité peut agir immédiatement sans perdre le droit d'exiger du débiteur le remboursement des frais. Cela est admis non seulement en jurisprudence, notamment en matière de pollution des eaux selon l'art. 12 LPEP (ATF 94 I 408 consid. 3; ATF 91 I 300 /301 consid. 3 a), mais aussi en doctrine (voir en particulier IMBODEN/RHINOW, op.cit., I, p. 309, no 52 IV a et b).
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c) D'après les renseignements donnés par le représentant de l'intimée, il n'y a pas eu de décision formelle annonçant à Jean Turin ce qu'il devait prendre en charge, mais, en réalité, Jean Turin savait bien - notamment par les décomptes mensuels qu'il recevait régulièrement et qu'il n'a jamais attaqués par la voie du recours - qu'il avait accumulé les retards dans l'exécution de son obligation de prise en charge. Bien que cela soit discutable, on peut donc admettre que la Coopérative CBV n'était pas tenue de notifier une décision formelle avant de recourir au moyen de contrainte prévu à l'art. 41 al. 1 lettre a PA. Mais, comme il n'y avait pas péril en la demeure, elle aurait dû normalement adresser à Jean Turin un avis comminatoire, conformément à la règle de l'art. 41 al. 2 PA. La recourante a certes fait valoir que Jean Turin n'avait jamais été mis en demeure de prendre du bétail indigène. Toutefois, l'intimée a expliqué que s'il n'avait pas eu de sommation préalable, c'est parce qu'elle avait constaté l'incapacité dans laquelle Jean Turin se trouvait de rattraper son retard en raison de ses graves difficultés financières. Cette explication paraît valable; la recourante elle-même ne l'a pas contesté.
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Dans ces conditions, on ne peut pas dire qu'en recourant à la procédure d'exécution par équivalent sans sommation préalable, la Coopérative CBV a violé les dispositions de l'art. 41 PA ou d'autres normes de droit public fédéral. L'intimée a donc droit au remboursement des frais qu'elle a subis du fait qu'elle s'est vue contrainte, en raison de la défaillance de Jean Turin, d'attribuer aux autres importateurs un contingent supplémentaire de moutons indigènes. Cependant, elle ne peut obtenir, selon le principe de l'exécution par équivalent, que le remboursement de l'indemnité qu'elle a effectivement versée aux importateurs. Sa créance doit donc être réduite en conséquence.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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