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Informationen zum Dokument  BGE 106 Ib 118  Materielle Begründung
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Regeste
Sachverhalt
Considérant en droit:
2. Selon l'art. 10 al. 1, première phrase, LTr, le travail ...
3. En l'occurrence, il y a lieu d'examiner les intérê ...
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20. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 23 avril 1980 dans la cause Pfister Meubles S.A. c. Conseil d'Etat du canton de Vaud (recours de droit public)
 
 
Regeste
 
Abendverkauf in Detail-Verkaufsgeschäften.  
- Abwägung der zu berücksichtigenden Interessen: der beteiligten Arbeitnehmer einerseits, für welche die Verschiebung gewisse Nachteile mit sich bringt (E. 3a) und der um die Bewilligung ersuchenden Handeltreibenden anderseits, deren Interesse sich praktisch mit demjenigen der Kunden am Abendverkauf deckt (E. 3b).  
 
Sachverhalt
 
BGE 106 Ib, 118 (119)La société Pfister Meubles S.A., à Suhr (Argovie), a construit un grand centre de vente à Etoy (Vaud), inauguré en novembre 1978, qui lui aurait coûté près de 35 millions de francs sans le terrain, d'une superficie de 18'000 m2, avec une place de parc pour mille voitures et destiné à recevoir la clientèle venant de la majorité, sinon de la totalité de la Suisse romande. Le 2 mai 1978, Pfister Meubles S.A. a demandé, en application de l'art. 10 de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964 (LTr; RS 822.11), à pouvoir ouvrir son magasin jusqu'à 21 h 30.
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Par lettre du 21 juillet 1978, l'Inspection cantonale du travail du canton de Vaud a rejeté cette requête, pour le motif que le "besoin" au sens de l'art. 10 al. 2 LTr n'était pas établi en l'espèce.
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Statuant sur recours, le Département de l'agriculture, de l'industrie et du commerce a, par décision du 28 septembre 1978, rejeté la demande d'ouverture du centre de vente pour le même motif.
3
Pfister Meubles S.A. a recouru auprès du Conseil d'Etat du canton de Vaud qui, par décision du 18 mai 1979, a rejeté le recours.
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Agissant par la voie du recours de droit public, Pfister Meubles S.A. (ci-après: Pfister) a demandé au Tribunal fédéral d'annuler la décision du Conseil d'Etat du 18 mai 1979 et d'autoriser l'ouverture de ses magasins d'Etoy les mercredi et jeudi jusqu'à 21 h 30, le travail ne débutant ces jours-là qu'à 10 h; subsidiairement, elle a requis que la cause soit renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
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Le Tribunal fédéral a rejeté le recours pour les motifs suivants:
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Considérant en droit:
 
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Toutefois, selon l'art. 10 al. 2 LTr, "en cas de besoin dûment établi", l'Office fédéral peut autoriser les entreprises industrielles, et l'autorité cantonale les autres entreprises, à déplacer les limites du travail de jour. En règle générale, selon l'art. 10 al. 3 LTr, le travail ne peut alors commencer avant 4 h ni durer au-delà de 24 h. En cas de déplacement des limites du travail de jour, le travail BGE 106 Ib, 118 (120)effectué est considéré comme travail de jour et ne donne pas droit légalement à un supplément de salaire.
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Le "besoin" est une notion juridique imprécise; en cette matière, il est théoriquement et pratiquement difficile de fixer la limite entre le droit et l'appréciation (cf. en particulier MÜLLER, RJB 115 p. 144; GYGI, RJB 115 p. 192 ss. et références). Cela n'a pas une importance pratique considérable, car, si le Tribunal fédéral ne revoit les questions d'appréciation qu'en cas d'excès ou d'abus de pouvoir (art. 104 OJ), il reconnaît aussi à l'administration une marge de décision pour l'application du droit au sein de ladite notion juridique imprécise, du moins lorsqu'il s'agit de questions techniques ou de questions dépendant des circonstances locales (ATF 104 Ib 112 consid. 3 et les arrêts cités). Or, en l'occurrence, il résulte précisément du texte de l'art. 10 LTr que le législateur a voulu laisser à l'autorité une marge de décision importante.
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La loi ne définit point ce qu'il faut considérer comme un "besoin dûment établi". Avec raison, l'OFIAMT relève dans ses observations que la loi marque une certaine gradation entre l'autorisation pour un simple déplacement des heures de travail de jour selon l'art. 10 al. 2 LTr, l'autorisation pour un travail de nuit temporaire, qui suppose un "besoin urgent dûment établi" (art. 17 al. 1 LTr), et l'autorisation pour un travail de nuit durable, qui suppose que "des raisons techniques ou économiques le rendent indispensable" (art. 17 al. 2 LTr).
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Dans chaque cas, la décision doit résulter d'une pesée des intérêts en présence. L'intérêt des travailleurs à ne travailler que dans le cadre des heures légales résulte en soi du texte légal. Toutefois, des intérêts considérés comme plus importants peuvent justifier une dérogation au système ordinaire. Suivant la nature de la dérogation, la loi attribue un poids plus ou moins grand à l'intérêt des travailleurs à ne travailler que pendant les heures de jour; pour un simple déplacement des limites du travail de jour, l'intérêt des travailleurs au maintien des limites pèse d'un poids moins considérable que lorsqu'il s'agit d'autoriser un travail de nuit. Il est par ailleurs évident que ces dispositions ne sont pas destinées à régler la concurrence entre entreprises et qu'une telle préoccupation ne saurait être prise en considération dans la pesée des intérêts. En revanche, on ne saurait reprocher aux autorités cantonales - lorsqu'elles sont chargées d'accorder des dérogations en application de l'art. 10 al. 2 LTr BGE 106 Ib, 118 (121)- de tenir compte des conditions locales et de s'efforcer de maintenir une certaine égalité lors de l'octroi de telles autorisations. S'agissant en particulier des heures de travail dans les magasins de vente au détail, on ne saurait reprocher aux autorités cantonales de prendre en considération l'incidence indirecte des règles de police relatives à l'heure de fermeture des magasins d'une part, sur les conditions de travail des travailleurs et, d'autre part, sur la concurrence entre entreprises. Ainsi, à supposer que les règles de police prohibent d'une manière générale le travail nocturne dans les magasins, les travailleurs pourraient être défavorisés si, dans des régions limitées, le travail nocturne n'était pas interdit par des règles de police et autorisé en vertu de l'art. 10 al. 2 LTr; dans la même hypothèse, du reste, les entreprises de vente ne pourraient pas non plus invoquer leur "besoin" en se fondant sur les nécessités de la concurrence, puisque précisément les autres entreprises ne bénéficieraient pas d'une faculté similaire.
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a) Du côté des travailleurs, le déplacement des limites du travail de jour, en vue d'une ouverture des magasins le soir, comporte certains désagréments. Sans doute n'en résulte-t-il pas une augmentation de la durée du travail, car les normes légales et contractuelles qui régissent celle-ci n'en doivent pas moins être respectées. Par ailleurs, il ne s'agit point d'un véritable travail nocturne. Cependant, ce déplacement de la durée du travail oblige les travailleurs à exercer leur activité à des heures où les autres travailleurs jouissent généralement de repos, ce qui les prive en même temps de la faculté de jouir des avantages liés à ces périodes de repos (par exemple, dans le cadre de la famille, de l'activité sociale, des distractions organisées...). La proportion de travail exercé à la lumière naturelle s'en ressent également.
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Toutefois, ces désavantages ne sauraient être non plus exagérés. C'est ainsi que bien des pays n'ont pas de législation sur l'heure de fermeture des magasins, sans qu'il en soit résulté d'inconvénient majeur, les entreprises s'étant adaptées aux besoins de la clientèle et à un certain intérêt de celle-ci à pouvoir fréquenter les magasins le soir (PFANNER, Arbeitszeit und Freizeit des Ladenpersonals in rechtlicher Sicht, thèse Berne 1964, p. 77 ss., 86 ss.).
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BGE 106 Ib, 118 (122)Il résulte néanmoins du rapport du Conseil d'Etat que, dans le canton de Vaud, les ouvertures nocturnes se heurtent à des réticences de la part du personnel de vente; l'autorité exécutive signale à cet égard qu'en mai 1979, une pétition a recueilli en une semaine 532 signatures de vendeuses, pour s'opposer à des ouvertures de magasin le lundi matin et le soir.
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b) S'agissant d'un magasin, l'intérêt des commerçants qui requièrent l'autorisation de travailler le soir correspond pratiquement à l'intérêt qu'ont les acheteurs à pouvoir acheter le soir. Il n'est donc pas nécessaire de rechercher si le besoin déterminant serait celui des uns, des autres ou des deux.
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aa) La recourante prétend que le "besoin" au sens de l'art. 10 al. 2 LTr serait établi en particulier par l'intérêt des acheteurs à pouvoir acheter après leur travail et par la constatation statistique que le 50% du chiffre d'affaires serait réalisé le soir.
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La possibilité pour les acheteurs de procéder à des achats le soir présente certains agréments. En effet, les travailleurs occupés pendant les heures diurnes d'ouverture des magasins peuvent difficilement faire leurs achats pendant cette période. Ces avantages ne doivent cependant pas être surestimés. On peut penser que, dans l'ensemble, les acheteurs prennent leurs dispositions pour satisfaire leurs besoins d'achat, quelle que soit l'heure d'ouverture des magasins et qu'en conséquence l'ouverture nocturne a davantage pour effet de déplacer le moment des achats que d'en modifier le montant total. Du reste, dans les conditions actuelles de travail, la plupart des travailleurs disposent pendant la semaine de certains moments pendant lesquels ils sont à même de faire leurs achats (suivant les cas: samedi, après-midi de congé, décalage des horaires, bref congé obtenu à cette fin).
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bb) Concernant les acheteurs, la recourante souligne encore que seule une ouverture nocturne permettrait de recevoir normalement les clients romands provenant d'endroits éloignés, compte tenu des heures où le travail de ces clients prend fin, du temps nécessaire au voyage et à la visite du centre d'Etoy.
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Une ouverture nocturne tient sans doute compte de l'intérêt des personnes éloignées qui peuvent ainsi venir dans le magasin pendant les heures nocturnes, alors qu'elles ne pourraient le faire pendant les heures diurnes. Cet intérêt ne se limite en soi pas aux grands magasins.
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BGE 106 Ib, 118 (123)Toutefois, cette clientèle éloignée, elle aussi, n'est pas dépourvue de toute possibilité d'accéder aux magasins pendant les heures diurnes, aux moments où elle dispose de loisirs.
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Du point de vue des magasins, l'intérêt à attirer le soir une clientèle éloignée est contrebalancé par leur intérêt à ne pas voir la clientèle locale attirée par des ouvertures nocturnes de magasins éloignés. Dans l'ensemble et à la longue, il est donc possible que les magasins n'éprouvent pas ou que peu d'intérêt à atteindre une telle clientèle éloignée.
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Dans le cas particulier, il résulte des chiffres donnés par Pfister qu'actuellement la part des visiteurs provenant de régions éloignées est relativement peu élevée. Le canton intimé déduit de ces chiffres que le besoin lié à la clientèle éloignée est minime. En réalité, l'intérêt de cette clientèle à des ouvertures nocturnes ne pourrait se mesurer que si de telles ouvertures nocturnes avaient lieu, ce qui n'est pas le cas. Il faut comprendre cette appréciation en ce sens que, compte tenu de la part actuelle de la clientèle éloignée, il n'y a pas lieu d'escompter une sensible augmentation de celle-ci dans l'hypothèse d'ouvertures nocturnes. Or une telle appréciation n'est pas manifestement erronée, de sorte que le Tribunal fédéral n'a pas de raison de s'en écarter. Elle pourrait aussi se fonder sur la considération que Pfister dispose déjà de magasins locaux, à même de satisfaire une partie de sa clientèle.
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cc) Pfister invoque aussi l'importance de ses investissements décidés précisément en raison du marché romand qu'elle désire atteindre, ce qui exigerait des ouvertures nocturnes pour permettre l'accès de la clientèle éloignée.
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L'argument n'est pas décisif. Il correspond pour l'essentiel à l'argument général fondé sur l'intérêt à atteindre une clientèle éloignée (ci-dessus bb). Pour le surplus, il apparaît douteux que - dans le cadre déterminant des normes sur la protection des travailleurs - il y ait lieu de se montrer plus large dans l'octroi d'une dérogation en faveur d'entreprises disposant de capitaux importants qu'à l'égard d'entreprises de la même branche et ayant le même genre d'activité (in casu: vente au détail d'objets d'ameublement), mais disposant de capitaux moins importants.
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dd) Pfister prétend enfin que des autorisations de vendre le soir ont été accordées à de nombreuses grandes entreprises de Suisse alémanique et d'autres cantons romands.
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De la liste qu'elle produit (comportant 26 entreprises) - BGE 106 Ib, 118 (124)dont l'exactitude n'a pas été vérifiée et dont on ignore si elle est complète - il résulte qu'en Suisse romande les commerces cités (6) ne procèdent pas à des ouvertures au-delà de 20 h, que certains commerces cités comme ayant des ouvertures le soir ne sont pas ouverts au-delà de 20 h (3) et que, pour le surplus, les ouvertures au-delà de 20 h n'ont pas lieu dans un certain nombre de cas (4 sans la Suisse romande), que pour d'autres elles sont limitées à un jour par semaine (vendredi: 5, jeudi: 5), deux jours par semaine (1) ou qu'elles ont lieu tous les soirs (3); en ce qui concerne les heures de fermeture pratiquées au-delà de 20 h, elles se situent à 21 h, sauf dans un cas à 21 h 30 (deux jours par semaine).
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Pour autant que ces ouvertures nocturnes aient toutes été limitées par le fait d'autorisations fondées sur l'art. 10 LTr, on ne saurait donc inférer des chiffres produits qu'il existe une pratique constante en la matière des autorités cantonales ni que, sur le marché romand auquel le centre d'Etoy serait destiné, Pfister pourrait invoquer que d'autres entreprises ont bénéficié d'un traitement préférable au sien. Il en résulte donc aussi que, dans les relations de travail entre entreprises de vente au détail (magasins) et travailleurs, en ce qui concerne les ouvertures nocturnes, les mêmes règles sont appliquées sur tout le marché de la Suisse romande.
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ee) L'intérêt des commerçants à une ouverture nocturne pourrait être accru, si les concurrents directs ouvraient leur magasin le soir, car ils auraient alors un intérêt évident à lutter contre une telle concurrence.
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En l'espèce toutefois, rien de tel n'est allégué ni établi. Il apparaît au contraire que les concurrents directs de Pfister sur le marché romand ont leur magasin fermé le soir.
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c) Si l'on prend en considération l'ensemble des éléments ci-dessus et en particulier les conditions locales, on ne saurait reprocher à l'autorité cantonale d'avoir outrepassé son pouvoir d'appréciation en refusant l'autorisation demandée. Le recours ne peut dès lors qu'être rejeté.
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