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70. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 3 novembre 1982 dans la cause Bufano, époux Martinez et époux Sanchez Reisse c. Ministère public fédéral et Département fédéral de justice et police (opposition à une demande d'extradition) | |
Regeste |
Auslieferung. Politisches Delikt. Allegemeine Grundsätze des Völkerrechts. |
2. Verweigerung der Auslieferung aufgrund allgemeiner Grundsätze des Völkerrechts (Präzisierung der Rechtsprechung) (E. 8). | |
Sachverhalt | |
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Ruben Osvaldo Bufano et Luis Alberto Martinez, tous deux de nationalité argentine et domiciliés à Buenos Aires, ont été arrêtés à Genève, aux moment et lieu qu'ils avaient fixés pour le paiement de la rançon. Trois comparses, Amalia Maria Covas, épouse de Martinez, et les époux Leandro Angel Sanchez Reisse et Mariana Bosch de Sanchez Reisse, également citoyens argentins, domiciliés à Fort Lauderdale, en Floride (USA), ont été appréhendés à Lausanne.
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Bufano, les époux Martinez et les époux Sanchez Reisse se sont opposés à leur extradition à l'Argentine.
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Le Tribunal fédéral a admis l'opposition.
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Extrait des considérants: | |
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a) Le grief tiré du caractère exceptionnel des juridictions argentines ne saurait être retenu vu la définition jurisprudentielle des tribunaux d'exception, qui sont essentiellement des tribunaux, constitués souvent "post factum", disposant du pouvoir d'infliger des peines supérieures à celles du droit pénal commun de l'Etat considéré (ATF 99 Ia 547 consid. 1b; ATF 78 I 135 /136 consid. 1a). En l'espèce, les opposants ne prétendent pas qu'ils seraient jugés par de tels tribunaux s'ils étaient extradés à l'Argentine.
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Quant à l'objection tirée de l'ordre public interne suisse, elle n'est pas admissible, puisque celui-ci n'a pas été réservé par le Traité (ATF 100 Ia 414 /415).
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b) Le Traité ne la définissant pas, c'est la notion de délit politique telle qu'elle découle du droit suisse, et en particulier de l'art. 10 de la Loi fédérale du 22 janvier 1892 sur l'extradition aux Etats étrangers (LExtr.), que les autorités suisses doivent appliquer lorsqu'elles sont saisies d'une demande d'extradition (ATF 106 Ib 297). Il y a délit politique relatif si, en raison des circonstances, notamment des mobiles et des buts de l'auteur, les actes commis présentent un caractère politique prépondérant (ATF 101 Ia 64, 426, 605). Ces actes doivent avoir été commis dans le cadre d'une lutte pour ou contre le pouvoir, ou tendant à soustraire des personnes à un pouvoir excluant toute opposition; ils doivent être en rapport étroit et direct, clair et net, avec le but politique visé. Il faut également que le mal causé soit proportionné aux résultats ![]() | 9 |
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a) Lorsque la demande d'extradition émane d'un Etat avec lequel la Suisse n'est liée par aucun traité, le Tribunal fédéral a considéré que, le principe exprimé à l'art. 3 ch. 2 CEExtr. étant conforme à l'ordre juridique national, il devait être respecté dans l'administration de la justice. Il a jugé dès lors qu'il fallait interpréter l'art. 10 LExtr. dans le sens que l'extradition doit être refusée lorsque la situation de l'opposant risque d'être aggravée ![]() | 11 |
Il convient de s'en tenir à cette dernière jurisprudence, qui ne viole nullement le traité bilatéral conclu avec l'Argentine, puisque celui-ci ne définit pas non plus la notion de délit politique. Cette jurisprudence revient à reconnaître à une disposition de la Convention européenne d'extradition, le caractère d'un principe général du droit des gens. Le refus d'extrader pour des délits politiques purs ou relatifs est fondé sur l'idée généralement admise, non pas que ces actes ne sont pas punissables en soi, mais que leur auteur ne doit pas courir le risque d'être jugé dans un procès faussé pour des motifs d'ordre politique. Un tel refus se justifie pour des raisons identiques lorsque, dans un cas concret, la demande d'extradition est motivée par des délits de droit commun, mais que la situation de l'individu réclamé risque d'être aggravée, notamment pour des raisons politiques. Cette solution s'impose d'autant plus que, dans une recommandation du 27 juin 1980 (R 80/9), le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a prié les gouvernements des Etats membres de refuser l'extradition pour les motifs exprimés à l'art. 3 ch. 2 CEExtr. également lorsque la demande émane d'un Etat non partie à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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b) aa) Il est constant que l'état de siège proclamé en République d'Argentine le 6 novembre 1974 a eu pour effet la suspension des droits constitutionnels des citoyens. Cette mesure, définie à l'art. 23 de la Constitution argentine, comporte la faculté de placer des personnes en détention pour être mises à la disposition du pouvoir exécutif.
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Divers organismes internationaux publics ou privés ont, dans des documents précis qui figurent au dossier, dénoncé les effets qu'aurait, sur la sécurité des citoyens, cette prééminence du pouvoir exécutif. Ces documents n'ont pas, dans l'ensemble, à être suspectés de partialité, en raison de leur concordance et de la qualité de leurs auteurs. Les changements de personnes intervenus récemment à la tête de l'Etat requérant n'ont pas été, jusqu'à ce jour, accompagnés de la levée de la loi martiale, ni d'une réforme sensible des structures institutionnelles.
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bb) Une situation politico-juridique particulière ne saurait naturellement avoir pour conséquence que la Suisse refuse d'une manière générale toute extradition vers un Etat déterminé, sans tenir compte de ses engagements internationaux envers lui. Un tel refus n'interviendra que si l'on peut craindre objectivement, dans un contexte précis, que les extradés soient directement et personnellement exposés au risque que les principes généraux du droit des gens mentionnés au consid. 8a soient violés.
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cc) L'un des opposants, Martinez, a appartenu à la Police fédérale argentine. Il aurait été démis de ses fonctions pour s'être permis de critiquer les méthodes appliquées par les organismes de répression. Bufano, quant à lui, a toujours été au service de l'armée argentine. Tous deux prétendent avoir agi sur ordre des supérieurs du second. Ils se fondent sur la lutte qui opposerait certaines fractions parallèles de l'armée afin d'obtenir le pouvoir, pour expliquer que ceux qui les auraient mandatés ne seraient pas les mêmes que ceux qui réclament leur extradition. Ils prétendent être en possession de nombreux renseignements confidentiels d'ordre ![]() | 17 |
L'ensemble de ces circonstances donne au Tribunal fédéral des raisons sérieuses de craindre que le traitement qui pourrait être appliqué aux opposants par l'Etat requérant, soit avant le jugement, soit au cours de l'exécution de la peine, serait contraire aux normes relatives au respect des droits de l'homme. Les principes généraux du droit des gens mentionnés au consid. 8a font ainsi obstacle à l'autorisation d'extrader.
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