BGE 118 Ib 137 | |||
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17. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 13 mars 1992 dans la cause Z. c. Procureur général du canton de Genève (recours de droit administratif). | |
Regeste |
Übereinkommen über die Überstellung verurteilter Personen. | |
Sachverhalt | |
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B.- Purgeant sa peine en Suisse, Z., ressortissant italien au bénéfice d'un permis d'établissement, a sollicité son transfèrement en Italie pour l'exécution du solde de peine.
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Par lettre du 25 juin 1991, le Procureur général a rejeté cette requête. A la demande du requérant, il a rendu à ce sujet une décision motivée le 16 juillet 1991. Invoquant de prétendus faits nouveaux, Z. a demandé que cette décision soit reconsidérée.
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Estimant qu'il n'y avait en réalité pas de faits nouveaux, le Procureur général a, par lettre datée du 23 septembre 1991, refusé de donner suite à la requête de Z.
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C.- Le 24 octobre 1991, Z., agissant par l'entremise de son avocat, a déposé un recours au Tribunal fédéral dirigé contre cette décision et intitulé "recours de droit public". Invoquant une violation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées du 21 mars 1983 (RS 0.343), il conclut, sous suite de dépens, à l'annulation de la décision attaquée.
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Le Procureur général du canton de Genève et l'Office fédéral de la police ont conclu à l'irrecevabilité du recours.
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Considérant en droit: | |
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Selon la jurisprudence, il y a lieu à reconsidération lorsque les circonstances se sont modifiées d'une manière essentielle depuis la première décision, ou lorsque le requérant fait valoir des faits ou des moyens de preuve pertinents qui ne lui étaient pas connus lors de la procédure précédente ou qu'il n'a pas eu l'occasion ou la possibilité de faire valoir (ATF 113 Ia 152 consid. a et les références citées).
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En l'espèce, le Procureur général a refusé la reconsidération pour le motif qu'il n'y avait pas de faits nouveaux pertinents. Le recourant, qui avait prétendu que ses père et mère s'étaient installés en Italie, ne remet pas en cause les constatations de l'autorité cantonale, expliquant simplement que son père est décédé en septembre 1991 et que sa mère est disposée à rester en Suisse (bien qu'elle souhaite vivre en Italie) aussi longtemps que son fils s'y trouvera. On ne voit donc pas en quoi le Procureur général aurait violé les principes applicables en retenant qu'il n'y avait pas matière à reconsidération.
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Dans l'hypothèse où le maintien du détenu en Suisse serait contraire au droit, on peut se demander, s'agissant d'une situation durable, si l'on ne se trouve pas dans un cas où, sous réserve d'un abus de droit, une nouvelle demande pourrait être présentée en tout temps. Il n'est toutefois pas nécessaire de trancher définitivement cette question, le recours étant de toute manière voué à l'échec pour d'autres raisons.
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a) La convention sur le transfèrement des personnes condamnées du 21 mars 1983, entrée en vigueur pour la Suisse le 1er mai 1988 (RS 0.343), a pour but d'offrir "le cadre procédural" pour le transfert d'un détenu dans son pays d'origine afin qu'il y purge sa peine (FF 1986 III 741). "L'incarcération de détenus étrangers dans les établissements pénitentiaires d'un Etat pour y purger une peine ou une mesure privative de liberté entraîne pour eux des difficultés que l'univers carcéral ne fait souvent qu'amplifier. Les sanctions qui leur sont infligées sont subies dans un milieu social auquel ils ne sont pas accoutumés, sous la surveillance d'un personnel dont ils ne comprennent pas la langue, ou ne la comprennent pas bien, et selon des systèmes qu'il n'est pas facile de modifier à leur seule intention. A cela s'ajoute le fait que beaucoup sont coupés de leur famille ou de leur entourage et qu'ils se heurtent à des différences de culture, de coutume et de religion. Les détenus étrangers sont ainsi, sans raison valable, défavorisés par rapport aux autres détenus" (FF 1986 III 735). Les considérations qui ont présidé à l'adoption de cette convention sont tout d'abord d'ordre humanitaire; "les conditions d'incarcération à l'étranger peuvent être particulièrement pénibles pour un détenu, éloigné de ses proches et soumis à des conditions d'environnement aggravées par des habitudes de vie qui lui sont étrangères et des différences linguistiques qui accentuent son isolement" (FF 1986 III 740 s.). Le transfèrement tend également à favoriser la réinsertion sociale, en rapprochant le condamné d'un milieu plus propice à un retour à la liberté (FF 1986 III 741). Enfin, le transfèrement peut résoudre certains problèmes pratiques que rencontrent les établissements pénitentiaires en raison de différences linguistiques, culturelles et sociales (FF 1986 III 741). Il n'est cependant pas question "de faire preuve d'une clémence aveugle qui tendrait à absoudre le condamné de l'infraction qu'il a commise et qui irait à l'encontre d'une décision judiciaire privative de liberté" (FF 1986 III 740).
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b) Il convient en outre d'examiner plus précisément la situation juridique du condamné dans le cadre de la procédure mise en place par la convention.
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Il est prévu que le condamné doit donner son accord au transfèrement (art. 3 ch. 1 let. d et 7 ch. 1 de la convention); ainsi, il faut en déduire qu'il a le droit de refuser le transfert (cf. FF 1986 III 741, 746; déclaration Stucky, BO 1987 CN 934; déclaration Affolter, BO 1987 CE 24). Il est évident que ce droit n'a pas été violé en l'espèce.
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La convention prévoit par ailleurs l'obligation de fournir diverses informations au condamné (art. 4 ch. 1 et 5 de la convention). Cette question ne fait pas l'objet du litige.
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En revanche, la convention ne confère pas au condamné un droit au transfert, pas plus qu'elle ne mentionne dans quelles conditions celui-ci devrait être ordonné. Il est simplement indiqué, à l'art. 2 ch. 2, que le condamné peut exprimer "un souhait". La demande de transfèrement ne peut cependant émaner que de l'Etat de condamnation ou de l'Etat d'exécution (art. 2 ch. 3). Le transfèrement suppose un accord entre les Etats (art. 3 ch. 1 let. f). Chacun des Etats peut d'emblée refuser le transfèrement (art. 6 ch. 2 et 3).
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Sur ce point, le message du Conseil fédéral est particulièrement clair. Il précise que le condamné "ne peut qu'émettre le voeu d'être transféré" (FF 1986 III 741). "La convention se limite à offrir le cadre procédural à un transfert. Elle n'implique aucune obligation pour les Etats contractants de donner suite à une demande de transfèrement; c'est pourquoi elle ne contient aucun motif de refus et n'oblige pas l'Etat requis à motiver son refus d'autoriser le transfèrement demandé" (FF 1986 III 741). Il s'agit d'un "élément original de coopération internationale en plein développement" (FF 1986 III 741). "Le condamné ne peut pas demander lui-même le transfèrement, une telle demande incombant uniquement à l'Etat de condamnation ou à l'Etat d'exécution" (FF 1986 III 747). "Il convient de relever que la convention ne confère aucun droit au condamné à être transféré. Partant, ce dernier n'a pas qualité pour recourir contre une décision refusant son transfèrement" (FF 1986 III 748). Lors des débats devant le Conseil des Etats, il fut répété que le condamné n'avait aucun droit à son transfèrement (BO 1987 CE 24).
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b) Selon l'art. 97 al. 1 OJ, le Tribunal fédéral connaît en dernière instance des recours de droit administratif contre des décisions au sens de l'art. 5 PA. Cette dernière disposition qualifie de décisions les mesures prises par les autorités dans des cas d'espèce, fondées sur le droit public fédéral et ayant pour objet de créer, modifier ou annuler des droits ou des obligations ou d'en constater l'existence ou l'étendue (art. 5 PA; ATF 116 Ib 261 consid. 1).
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aa) En l'espèce, une autorité a statué dans un cas particulier. Il faut se demander si elle a ainsi rendu une décision au sens de l'art. 5 PA. S'agissant d'un prononcé négatif, qui n'a donc pas eu d'effet sur la situation juridique de l'intéressé, il y a lieu de se placer dans l'hypothèse où l'autorité cantonale aurait donné une réponse positive à la requête et d'examiner si l'acte administratif attaqué aurait alors eu pour conséquence d'affecter, d'une manière prévue par l'art. 5 al. 1 PA, la situation juridique du recourant (voir Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., Berne 1983, p. 133). En l'espèce, une détermination positive de l'autorité cantonale sur la requête de Z. aurait permis de déclencher une procédure qui aurait, sauf opposition de la part de l'un des deux Etats concernés, débouché sur le transfèrement du recourant dans son pays d'origine pour y purger le solde de sa peine. On constate donc qu'elle aurait eu une influence sur la situation juridique du recourant. Il faut toutefois relever que cette influence supposait encore l'accord des deux Etats concernés et celui de l'intéressé lui-même, expressément prévu par l'art. 3 ch. 1 let. d de la convention. Cette dernière caractéristique n'est néanmoins pas exceptionnelle; elle se retrouve en principe dans tous les cas d'autorisations. Dès lors, malgré son caractère assez particulier, l'acte attaqué doit être considéré comme une décision au sens de l'art. 5 PA.
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bb) Il faut ensuite examiner si elle est fondée sur le droit public fédéral comme l'exige cette même disposition. On admet que la notion de droit fédéral inclut les traités internationaux immédiatement applicables relevant du droit administratif (voir ATF 115 V 253 consid. 4b, ATF 99 Ia 83 consid. a; Grisel, Traité de droit administratif II, p. 855; GYGI, op.cit., p. 288; ALOIS PFISTER, Staatsrechtliche und Verwaltungsgerichtsbeschwerde: Abgrenzungsschwierigkeiten, ZBJV 1985, p. 547; CARL HANS BRUNSCHWILER, Wie die Verwaltungsgerichtsbeschwerde die Funktion der staatsrechtlichen Beschwerde übernimmt, Mélanges Robert Patry, Lausanne 1988, p. 269). Or, en l'espèce, il ne s'agit pas de prendre en considération les dispositions d'un traité international pour rendre une décision relevant du droit interne (cf. ATF 114 V 132 consid. 4a, ATF 111 Ib 164 consid. a, ATF 108 Ib 87 consid. 1, ATF 102 Ia 284 consid. c, 307 consid. 4a, 409 consid. 1a), mais bien d'appliquer directement et exclusivement un traité international. En outre, le domaine de l'exécution des peines et mesures - pour autant que la décision ne soit pas réservée au juge - relève du droit administratif, de sorte que le recours de droit administratif est en principe ouvert (ATF 106 IV 332 consid. 1, ATF 102 Ib 36 consid. 1; HAUSER, Kurzlehrbuch des schweizerischen Strafprozessrechts, 2e éd., p. 308; PIQUEREZ, Précis de procédure pénale suisse, No 2283 p. 419; CORBOZ, op.cit., p. 62).
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cc) Il reste à déterminer si on ne se trouve pas dans un des cas où le recours de droit administratif n'est pas ouvert en vertu des art. 99 ss OJ. Les décisions du type de celle qui est attaquée ne sont exclues du recours de droit administratif ni en raison de leur objet ni de leur nature. Elles ne touchent pas non plus à l'un des domaines juridiques énumérés à l'art. 100 OJ.
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Néanmoins, il a déjà été fait allusion plus haut au mode inédit d'entraide prévu par la convention et à la situation particulière du candidat au transfèrement. Celui-ci ne peut qu'émettre un souhait. Aucun droit ne lui est reconnu et le Conseil fédéral a précisé, dans son message, qui n'a fait l'objet à ce propos d'aucune critique de la part des Chambres, qu'il n'avait pas qualité pour recourir contre une décision refusant son transfèrement.
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La question se pose dès lors de savoir si la liste des exceptions prévues par l'OJ ne recèle pas une lacune qui, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, devrait être comblée par le juge (ATF 107 Ib 282 consid. b; GYGI, op.cit., p. 104). Tel serait le cas si l'on parvenait à la conclusion que le législateur a omis de faire figurer parmi les exceptions des art. 99 ss OJ le refus de donner suite au souhait exprimé par un candidat au transfèrement. On se trouve là dans un domaine très particulier où tant les auteurs de la convention que le législateur suisse lorsqu'il a décidé de la ratifier ont souhaité exclure, d'emblée et par principe, tout droit. La convention ne fait que créer un cadre procédural pour régler entre Etats le transfèrement d'un détenu; il a été clairement expliqué que chaque Etat se déterminait librement, qu'il n'avait aucun motif à fournir, que le condamné n'avait aucun droit au transfèrement, qu'il ne pouvait exprimer qu'un souhait et n'avait aucune possibilité de recourir contre un refus. Lorsqu'elle décide d'accepter ou de refuser le transfèrement, l'autorité administrative dispose d'un énorme pouvoir d'appréciation, puisqu'elle n'a même pas à faire connaître les motifs de sa décision. C'est précisément dans ce genre de domaines que le recours de droit administratif au Tribunal fédéral a en principe été exclu (voir GYGI, op.cit., p. 108). Eu égard au fait que l'absence de toute voie de recours pour l'intéressé a été clairement mentionnée dans le message, il y a lieu de considérer comme une lacune, qui doit être comblée par le juge, le fait que le recours de droit administratif n'a pas été exclu dans ce cadre.
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Ainsi, le condamné ne peut pas attaquer au moyen d'un recours de droit administratif le refus du transfèrement puisqu'il ne peut se prévaloir d'aucun droit à bénéficier de ce mode d'exécution de sa peine, dont la mise en oeuvre est laissée au pouvoir discrétionnaire des Etats concernés. Il n'en demeure pas moins que cette voie de recours lui est ouverte pour se plaindre de la violation des droits que lui confère la convention, spécialement à participer à la procédure, parmi lesquels on peut citer, à titre d'exemple, celui d'être informé de la teneur de la convention (art. 4) ou de s'opposer à un transfèrement qu'il n'a pas sollicité (art. 3 ch. 1 let. d et art. 7).
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c) Enfin, un recours de droit public n'entre pas davantage en considération. En effet, seul celui qui est atteint par la décision attaquée dans un intérêt personnel juridiquement protégé a qualité pour recourir (art. 88 OJ; ATF 115 Ia 30, 114 Ia 311 consid. 3b et les arrêts cités). Or, il vient d'être démontré que la convention n'accorde pas au condamné un droit à son transfert. En conséquence, le refus ne le lèse pas dans un intérêt juridiquement protégé, de sorte qu'il n'a pas qualité pour former un recours de droit public.
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Il faut noter encore que par cette voie le recourant pourrait, alors même qu'il n'a pas qualité pour agir au fond, se plaindre de la violation de droits procéduraux qui lui sont reconnus par la législation cantonale ou de droits découlant de l'art. 4 Cst. dans l'hypothèse où une telle violation équivaudrait à un déni de justice formel (ATF 117 Ia 86 consid. b, ATF 115 Ia 79 consid. d et les références citées). En revanche, une violation des droits conférés au condamné par la convention ne saurait être invoquée par cette voie. En effet, le recours de droit public pour violation d'un traité international (art. 84 al. 1 let. c OJ) demeure une voie subsidiaire conformément à l'art. 84 al. 2 OJ et, comme cela a été relevé plus haut, un tel grief peut être invoqué dans le cadre d'un recours de droit administratif.
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