BGE 81 I 35 | |||
| |||
Bearbeitung, zuletzt am 15.03.2020, durch: DFR-Server (automatisch) | |||
7. Arrêt du 9 mars 1955 dans la cause Canton de Genève contre Confédération suisse. | |
Regeste |
1. Begriff des Kompetenzkonflikts im Sinne von Art. 83 lit. a OG (Erw. 1). | |
Sachverhalt | |
1 | |
Le 20 novembre 1951, le canton de Genève a obtenu "la concession pour l'exploitation commerciale de l'aéroport de Genève-Cointrin", dont il est propriétaire. Il a ainsi diverses obligations. Il doit notamment "prendre les mesures nécessaires pour assurer l'exploitation de l'aérodrome dans les meilleures conditions" et veiller à ce que les carburants et lubrifiants dont les aéronefs ont besoin leur soient livrés. Il a d'autre part le droit de "percevoir des taxes pour l'utilisation de l'aéroport et de ses installations". En vertu de l'art. 39 LNA, ces taxes, dites "taxes d'aérodrome", "sont soumises à l'approbation de l'Office fédéral de l'air" (OFA). Elles sont perçues actuellement sur la base d'un règlement adopté le 18 mai 1949 par la conférence des directeurs d'aérodromes. Ce règlement, approuvé par l'OFA, est entré en vigueur le 1er octobre 1949; il prévoit des taxes d'atterrissage, d'éclairage, de garage, de stationnement et d'expédition.
| 2 |
B.- Le 31 mai 1946, le canton de Genève a conclu avec chacune des trois sociétés de distribution de carburants Lumina, Esso-Standard et B.P. une convention les autorisant à emmagasiner et à distribuer à l'aéroport de Genève-Cointrin leurs carburants et lubrifiants pour aéronefs. Ces contrats contiennent les dispositions suivantes:
| 3 |
"art. 5. - L'exploitant (c'est-à-dire la société de distribution) paiera à l'Etat de Genève...
| 4 |
b) sur les livraisons de carburants, une redevance de fr. 0.02 par litre, lorsque la livraison est faite à un aéronef d'une entreprise de navigation aérienne ou à un aéronef d'Etat; de fr. 0.04, lorsqu'elle est faite à un autre aéronef;
| 5 |
c) sur les livraisons de lubrifiants, une redevance de fr. 0.15 par litre, lorsque la livraison est faite à un aéronef d'une entreprise de navigation ou à un aéronef d'Etat, de fr. 0.50 lorsqu'elle est faite à un autre aéronef."
| 6 |
"art. 7- - L'exploitant fixe librement le prix de vente de ses carburants et lubrifiants."
| 7 |
"Ces prix ne dépasseront, cependant, en aucun cas ceux qui sont pratiqués sur d'autres aéroports suisses et qui sont autorisés par l'autorité fédérale."
| 8 |
Les sociétés de distribution calculent leur prix de vente en tenant compte de la redevance (ci-après taxe de distribution) due à l'Etat de Genève.
| 9 |
D'autre part, en vertu de l'art. 14 al. 1 de l'ordonnance douanière du 7 juillet 1950 sur la navigation aérienne, l'exploitant d'un aérodrome douanier, comme celui de Cointrin, "est tenu de mettre à la disposition de l'administration des douanes les locaux nécessaires à son service, y compris les laboratoires, les appareils de pesage, etc., et de veiller à leur mise en état". Pour compenser les frais qui en résultent pour lui, le canton de Genève perçoit depuis le 1er juin 1950 une redevance "sur toutes les marchandises commerciales importées soumises au pesage". Cette redevance (ci-après taxe de pesage) est de 0.10 fr. par envoi jusqu'à 100 kg. et de 0.10 fr. par 100 kg. pour envois supérieurs à 100 kg. Le montant en est facturé mensuellement aux transporteurs aériens.
| 10 |
En 1951, le produit de la taxe de distribution a été de 171 121 fr. 82, celui de la taxe de pesage de 2293 fr. 90. Ni l'une ni l'autre de ces taxes n'ont été soumises à l'approbation de l'OFA.
| 11 |
C.- Diverses compagnies aériennes ont saisi l'OFA de réclamations contre le prélèvement de ces deux sortes de taxe. Des avis de droit ont été produits au sujet de la taxe de distribution. Comme ils divergeaient dans leurs conclusions, l'OFA a demandé une consultation au Département fédéral de justice et police. Celui-ci a admis l'opinion qu'il ne pouvait guère être question d'interdire le prélèvement d'une taxe de distribution mais qu'en revanche il appartenait à l'OFA d'en contrôler le montant et de procéder à ce contrôle quelle que soit la manière dont la redevance était portée en compte ou juridiquement fondée.
| 12 |
Se fondant sur cet avis, l'OFA a fait savoir au canton de Genève, le 14 novembre 1952, que les taxes litigieuses étaient des taxes d'aérodrome au sens de l'art. 39 LNA et qu'elles devaient donc être soumises à son approbation, ce qui n'avait pas été fait. Il lui a signifié la décision suivante:
| 13 |
"Il n'est pas permis de prélever sur les aéroports suisses, pour la distribution de lubrifiants et de combustibles liquides, des taxes de distribution qui n'auraient pas été approuvées par l'Office fédéral de l'Air. La même interdiction s'applique aux taxes de pesage qui grèveraient l'expédition du fret."
| 14 |
Le canton de Genève a recouru au Département fédéral des postes et des chemins de fer, qui, le 17 septembre 1953, a confirmé la décision de l'OFA. Il a saisi ensuite le Conseil fédéral, qui a déclaré le recours irrecevable.
| 15 |
D.- Alléguant que les décisions de l'OFA et du Département fédéral des postes et des chemins de fer font surgir un conflit de compétence, le canton de Genève a introduit contre la Confédération une réclamation de droit public (art. 83 litt. a OJ). Il requiert le Tribunal fédéral 1) de prononcer que l'art. 39 LNA n'est pas applicable aux conventions intervenues entre l'Etat de Genève et les sociétés de distribution ni aux prestations qui y sont prévues, 2) d'annuler en conséquence les décisions de l'OFA et du Département fédéral des postes et des chemins de fer. Il soutient en bref ce qui suit:
| 16 |
La question litigieuse est celle de savoir si les taxes de distribution et de pesage sont des taxes d'aérodrome au sens de l'art. 39 LNA. Cette disposition a son origine dans un problème d'exploitation des aérodromes comme tels. Elle vise les taxes que l'exploitant de l'aérodrome peut percevoir en raison du but d'utilité publique qu'il poursuit. Elle ne saurait dès lors s'appliquer aux taxes de distribution et de pesage. En effet, les taxes de distribution reposent sur un bail à ferme et échappent ainsi au droit public. Elles ne sont que la contrepartie de l'avantage que le canton de Genève a accordé aux sociétés pétrolières en leur affermant le droit d'utiliser l'aéroport pour leurs opérations commerciales. Elles ne constituent donc ni une taxe ni un impôt mais une prestation contractuelle librement consentie. Quant aux taxes de pesage, elles ont, elles aussi, un caractère commercial évident. L'exploitation de l'aérodrome à titre commercial suppose la possibilité de récupérer les frais résultant du pesage. Ainsi, ces diverses taxes ne tombent pas sous le coup de l'art. 39 LNA.
| 17 |
18 | |
La Confédération conclut au rejet de la réclamation. Elle affirme que l'OFA est compétent pour se prononcer sur les taxes litigieuses. En effet, dit-elle, l'art. 39 LNA vise "toute redevance quelconque mise à la charge du trafic des passagers ou du fret par l'exploitant de l'aéroport du fait de l'utilisation de l'aéroport". Il donne à l'OFA le droit de contrôler ces charges et de juger si elles sont équitables, quelle que soit la manière dont elles sont portées en compte ou juridiquement fondées. Or, en l'espèce, les taxes de distribution et de pesage, qui sont en relation avec l'utilisation de l'aéroport, sont en fin de compte supportées par les usagers. L'art. 39 LNA est donc applicable.
| 19 |
Considérant en droit: | |
20 | |
2. Aux termes de l'art. 39 LNA, "les taxes d'aérodrome sont soumises à l'approbation de l'Office fédéral de l'air". C'est sur cette disposition que la Confédération prétend fonder le pouvoir de contrôler les taxes de distribution et de pesage. La solution du présent conflit de compétence dépend donc de la définition qu'il faut donner de la taxe d'aérodrome, et de la question de savoir si les redevances que perçoit le canton de Genève rentrent dans le cadre de cette définition.
| 21 |
La LNA ne définit pas la taxe d'aérodrome. Les travaux préparatoires ne fournissent pas non plus d'indications précises à ce sujet. L'interprétation du texte légal lui-même permet simplement d'affirmer qu'en se servant du mot taxe (en allemand, Flugplatzgebühr), la loi vise une charge financière. En revanche, elle ne fait pas apparaître à qui et pour quelle raison cette charge financière est imposée.
| 22 |
Selon la doctrine générale du droit aérien, la taxe d'aérodrome est une prestation financière imposée par l'exploitant de l'aérodrome aux navigateurs aériens et qui a sa source dans l'utilisation de la place d'aviation et de ses installations (RIESE, Luftrecht, 1949, p. 223/4, 232; LEMOINE, Traité de droit aérien, 1949, p. 138/9; KÖPFLI, Schweizerisches Flugplatzrecht, p. 188 ss). Cette définition s'applique sans conteste aux "taxes d'aérodrome" visées par l'art. 39 LNA. C'est ce que confirme d'ailleurs la concession octroyée par la Confédération au canton de Genève pour l'exploitation de l'aéroport de Cointrin. L'art. 11 de cette concession autorise en effet le prélèvement de taxes "pour l'utilisation de l'aéroport et de ses installations". Sans doute, la définition donnée ci-dessus est-elle très large et comprend-elle des prestations qui peuvent être de nature différente. Mais peu importe. En donnant à l'OFA le droit de contrôler les taxes d'aérodrome, c'est-à-dire les charges grevant la navigation aérienne, l'art. 39 LNA tend à empêcher que les exploitants d'aérodrome n'abusent de la situation de monopole, qui est créée en leur faveur par la concession, en exigeant des usagers des prestations de nature à paralyser la navigation aérienne ou du moins à entraver son essor. Or, de ce point de vue, il est indifférent que les prélèvements opérés par les exploitants d'aérodrome le soient en vertu du droit public ou du droit privé. L'OFA peut exercer le droit de surveillance que lui confère l'art. 39 LNA aussi bien quand l'aérodrome est exploité par une corporation de droit public que lorsqu'il l'est par un particulier. Il est donc inutile de rechercher si, comme le prétend le canton de Genève, les taxes litigieuses sont des prestations contractuelles librement consenties et soumises exclusivement au droit privé. Il suffit d'examiner d'une part si elles frappent les navigateurs aériens, d'autre part si elles sont en rapport avec l'utilisation de l'aérodrome et de ses installations.
| 23 |
Les taxes de pesage sont supportées par les transporteurs aériens auxquels elles sont facturées mensuellement. Les taxes de distribution sont prélevées auprès des compagnies pétrolières. Elles ne sont donc pas supportées directement par les usagers. Toutefois, les compagnies pétrolières en tiennent compte dans la fixation du prix des carburants et des lubrifiants qu'elles vendent aux navigateurs aériens- Il est vrai que, dans son mémoire de réplique, le canton de Genève a soutenu que l'incidence des taxes de distribution sur le prix de vente des carburants et lubrifiants n'était pas démontrée. Mais, ce faisant, il s'est mis en contradiction avec les déclarations qu'il a faites luimême dans sa réclamation où il a clairement admis que les prix des carburants et lubrifiants "comprennent le montant de la rémunération due à l'Etat". D'ailleurs le Conseil fédéral a produit une déclaration de la Swissair, société anonyme suisse pour la navigation aérienne, qui atteste que, jusqu'au 13 septembre 1954, les compagnies pétrolières lui ont toujours porté en compte la redevance de 2 fr. par 100 1. de carburants vendus. En conséquence, il y a lieu d'admettre que tant les taxes de pesage que les taxes de distribution sont en définitive supportées par la navigation aérienne et constituent pour elle une charge financière.
| 24 |
D'autre part, on ne saurait sérieusement contester que la taxe de distribution est en rapport avec l'utilisation de l'aérodrome. L'aérodrome de Genève-Cointrin est en effet un "aéroport" au sens de l'art. 45 du règlement d'exécution de la LNA, du 5 juin 1950 (RNA). Comme tel, il est destiné "au trafic aérien public" et doit être muni, à l'intention des usagers, "des installations ... pour le service et l'entretien des aéronefs". Lorsqu'il s'agit comme en l'espèce d'un aéroport intercontinental, sur lequel des aéronefs atterrissent après avoir effectué des parcours pouvant atteindre plusieurs milliers de kilomètres, ces "installations" comprennent celles qui sont nécessaires à l'approvisionnement en carburants et lubrifiants. Après des parcours aussi importants, les navigateurs aériens qui utilisent un aéroport doivent avoir la faculté de s'y ravitailler en essence et en huile. D'ailleurs le canton de Genève a l'obligation d'y veiller, ainsi que cela ressort de l'acte de concession (art. 2). Il est de plus tenu d'assurer l'utilisation de l'aéroport dans les meilleures conditions (art. 54 RNA, art. 4 de la concession), ce qui comprend la livraison des carburants et lubrifiants. Il faut donc admettre que les taxes de distribution sont en rapport avec l'utilisation de l'aéroport. Il en va de même des taxes de pesage. Sans doute, ces taxes sont-elles avant tout destinées à des fins douanières. Mais on ne saurait perdre de vue que l'aéroport de Genève-Cointrin est un "aérodrome douanier" au sens de l'art. 46 RNA, c'est-à-dire un "aérodrome que, d'entente avec l'Office fédéral de l'air, la Direction générale des douanes a désigné pour servir au trafic aérien franchissant la frontière du pays". L'utilisation d'un tel aérodrome comprend notamment l'accomplissement des formalités douanières au sujet des marchandises que transportent les navigateurs aériens, en particulier leur pesage.
| 25 |
Ainsi, les taxes litigieuses sont des charges financières imposées par l'exploitant de l'aérodrome de Genève-Cointrin aux navigateurs aériens. Elles sont en rapport avec l'utilisation de l'aérodrome. Elles constituent donc des "taxes d'aérodrome" au sens de l'art. 39 LNA. Il s'ensuit qu'elles doivent être soumises à l'approbation de l'Office fédéral de l'air et que le pouvoir que la Confédération prétend détenir à cet égard doit lui être reconnu.
| 26 |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
| 27 |
28 | |
© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR). |