BGE 87 I 87 | |||
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13. Extrait de l'arrêt du 26 avril 1961 dans la cause Gross contre Commission fédérale d'estimation du Ier arrondissement. | |
Regeste |
Enteignung. |
2) Art. 82 Abs. 1 EntG. Überprüfungsbefugnis des Bundesgerichts inbezug auf das Gutachten der Sachverständigen (Erw. 3). |
3) Art. 76 Abs. 2, 88 Abs. 1 EntG. Begriff des "üblichen Zinsfusses"; Beginn des Zinsenlaufes (Erw. 5). | |
Sachverhalt | |
A.- Le 19 décembre 1955, le Département militaire fédéral autorisa la commune de Lausanne à exproprier, en vertu de la loi fédérale du 20 juin 1930, les immeubles nécessaires à l'installation d'un stand de tir à VernandDessus. La procédure s'ouvrit le 20 mars 1956 et la commune de Lausanne prit possession des fonds expropriés le 20 février 1957. Le stand, qui compte 70 cibles à 300 mètres et 14 cibles à 50 mètres, fut mis en service en avril 1959. Du 1er juillet 1959 au 30 juin 1960, il fut occupé pendant 90 jours entiers et 115 demi-journées. Les cibles ne furent toutefois que partiellement utilisées.
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B.- Louis Gross est proprietaire du Château de Vernand. Ce bâtiment, éloigné du stand de quelques centaines de mètres seulement, est une maison de maître ancienne, entourée d'un jardin et de terrains d'une superficie de 6000 m2 environ. Il est situé en pleine campagne, à proximité immédiate de deux exploitations agricoles. Du jardin, la vue s'étend sur le Plateau jusqu'au pied du Jura. Le château, qui abrita une pension, est actuellement loué 5400 fr. par an. Quoique habitable, il aurait besoin d'être remis en état.
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Allégant que sa propriété valait 240 000 fr. et qu'elle était dépréciée de moitié en raison de l'aménagement du stand, Gross réclama une indemnité de 120 000 fr. dans la procédure d'expropriation. Le 30 novembre 1959, la Commission d'estimation du Ier arrondissement lui alloua 15 000 fr., avec intérêt à 5% dès la prise de possession. Elle fonda ses calculs sur une perte de loyer de 50 fr. par mois.
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C.- Gross a recouru au Tribunal fédéral contre cette décision. En cours d'instance, il a réduit sa prétention à 104 000 fr.
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La commune de Lausanne s'est jointe au recours, en contestant devoir quelque indemnité à Gross. Subsidiairement, elle a demandé que l'intérêt soit fixé à 4% dès l'ouverture du stand.
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Les experts commis par la délégation du Tribunal fédéral ont arrêté la dévaluation de la propriété du recourant principal à 30 000 fr., tout en estimant à 200 000 fr. la valeur du château.
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Considérant en droit: | |
2. L'art. 684 CC protège les voisins d'un immeuble contre les excès de son propriétaire. La commune de Lausanne soutient qu'en l'espèce, la notion d'excès au sens de cette disposition doit être interprétée en fonction du caractère d'intérêt public que revêt le stand de Vernand. La Commission d'estimation semble s'être placée au même point de vue, en relevant que l'intérêt privé cède le pas à l'intérêt public. Cependant, ce n'est pas de cette conception que s'est inspiré le législateur. L'art. 19 litt. a LEx. attribue à tous les expropriés, y compris donc les titulaires de droits de voisinage, une indemnité égale à la pleine valeur vénale des droits expropriés. Or cette valeur est indépendante de la nature de l'entreprise de l'expropriante. Autrement dit, pour déterminer si la commune de Lausanne a excédé ses droits, il n'y a pas lieu de tenir compte du but qu'elle a visé en installant un stand, ni de la rentabilité des dépenses qu'elle a engagées à cette fin (OFTINGER, Lärmbekämpfung als Aufgabe des Rechts, 1956, p. 61 et 66).
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La manière d'interpréter l'art. 684 CC étant ainsi précisée, il n'est pas douteux que l'atteinte portée aux droits de Gross est excessive dans l'acception légale. Le stand de Vernand n'est pas ouvert quelques dimanches par année comme celui d'un village, mais il sert de place d'exercices aux tireurs d'une ville importante et à la troupe qui y est cantonnée. Le bruit qui s'en dégage persiste une grande partie de la journée, durant plusieurs mois par an. Particulièrement violent, même si le stand n'est qu'à demi occupé, il met à l'épreuve les nerfs des habitants d'alentour. Il est en effet plus difficile de s'habituer au crépitement saccadé des balles qu'à un bruit continu, par exemple au grondement d'un torrent. Or, sise à quelques centaines de mètres du stand, la propriété du recourant principal est directement exposée au bruit des tirs. Ainsi que le constate justement la Commission d'estimation, dès qu'il atteint un certain degré, l'emploi du stand empêche les habitants du Château de Vernand de séjourner dans leur jardin et les oblige à fermer les fenêtres de la maison s'ils entendent y rester. C'est dire que le recourant principal est bien victime d'un excès.
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3. Il s'agit dès lors de déterminer les conséquences de cet excès, c'est-à-dire la dépréciation que subit la propriété du recourant principal par suite de l'installation du stand. Les experts ont fixé cette dévaluation à 30 000 fr. Selon une jurisprudence constante, le Tribunal fédéral ne s'écarte pas de leur appréciation, à moins qu'elle ne repose sur une erreur de droit ou ne soit viciée par une contradiction, une lacune ou une erreur de fait manifestes (arrêts non publiés du 19 mai 1949 dans la cause Hefefabriken AG, consid. 1, du 3 juin 1953 dans la cause Hasliberg, consid. 5 a et du 9 juillet 1958 dans la cause Wettstein, consid. 4). Il y a lieu de s'en tenir à cette jurisprudence qui, si elle n'est fondée sur aucune disposition légale, est dictée cependant par des nécessités pratiques. En effet, conformément aux art. 80 al. 1 et 82 al. 2 LEx., les experts, que le Tribunal fédéral est tenu de s'adjoindre dans les affaires d'expropriation, sont appelés à se prononcer sur des questions exigeant des connaissances particulières. Ainsi, en l'espèce, ils devaient avoir une vaste expérience du marché immobilier et de la valeur des propriétés de plaisance sises à proximité d'un centre urbain déterminé. Comme les membres du Tribunal fédéral ne possèdent pas eux-mêmes ces connaissances techniques - raison pour laquelle la loi les oblige à s'adjoindre des experts -, force leur est de s'en remettre en principe à l'avis de ces derniers sur les problèmes qui nécessitent ces connaissances spéciales. Cette règle doit toutefois subir des exceptions dans les cas précités. Il pourrait en aller de même dans d'autres hypothèses, par exemple si les experts émettaient une opinion manifestement insoutenable, ou s'il s'avérait après leur désignation qu'ils ne possédaient pas les connaissances spéciales nécessaires.
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5. Il reste à se prononcer sur le taux et le point de départ de l'intérêt afférent à l'indemnité accordée. Alors que la Commission d'estimation a fixé un taux de 5% dès la prise de possession, la commune de Lausanne n'entend payer que 4% à compter de la mise en activité du stand.
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L'art. 76 al. 2 LEx. par le de taux usuel, sans autre précision. Jadis, le Tribunal fédéral a admis celui de 5%, en invoquant l'art. 83 CO ancien, auquel correspond l'art. 73 al. 1 actuel (RO 20 p. 367; HESS, note 14 ad art. 76 LEx.). Toutefois, la jurisprudence se fonde régulièrement aujourd'hui sur 4% (arrêt Hefefabriken AG du 19 mai 1949 consid. 9 et nombre de projets d'arrêts). C'est à juste titre. Le litige en cause ne relevant pas du droit privé, il ne s'impose nullement d'appliquer les règles du code des obligations. Mieux vaut adopter, conformément à la tendance récente, un taux qui soit véritablement usuel (cf. RO 78 I 90; 85 I 185). Or 4% paraît plus proche de la réalité que 5%, surtout si l'on tient compte qu'il ne s'agit pas d'un intérêt moratoire. Il convient donc de s'en tenir au chiffre proposé par la commune de Lausanne, son recours joint étant bien fondé sur ce point. La question de savoir ce qu'il faut entendre par "taux usuel" au sens de l'art. 88 al. 1 LEx. demeure réservée.
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En revanche, il ne se justifie pas de déroger à l'art. 76 al. 2 LEx., qui fait courir l'intérêt depuis la prise de possession. Avant cette époque déjà, les acheteurs éventuels du Château de Vernand se seraient sans doute prévalus de l'installation future du stand pour tenter d'obtenir une réduction de prix. Autrement dit, c'est au plus tard à la prise de possession, soit le 20 février 1957, que la propriété du recourant principal a été dévaluée.
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