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Bearbeitung, zuletzt am 15.03.2020, durch: Sabiha Akagündüz, A. Tschentscher | |||
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7. Arrêt du 2 mars 1966 dans la cause Rassemblement jurassien contre Conseil-exécutif du canton de Berne. | |
Regeste |
1. Legitimation eines idealen Vereins zur staatsrechtlichen Beschwerde gegen einen Entscheid, der seine statutarische Tätigkeit behindert; Zulässigkeit der Beschwerde trotz Fehlens eines aktuellen praktischen Interesses (Erw. 1). |
3. Darf das Bundesgericht die materielle Prüfung einer staatsrechtlichen Beschwerde ablehnen, weil die Beschwerde als missbräuchlich erscheint? Frage offen gelassen, da die vorliegende Beschwerde nicht missbräuchlich ist (Erw. 3). |
4. Unzulässigkeit von Begehren, die sich nicht auf den angefochtenen Entscheid, sondern auf Ausführungsmassnahmen beziehen, oder auf Feststellung einer Rechtslage gerichtet sind (Erw. 4). |
5. Die zuständige Behörde darf, auf Grund ihrer allgemeinen Polizeigewalt, die verfassungsmässigen Freiheitsrechte beschränken, z.B. den Veranstaltern einer Kundgebung ein bestimmtes Gebiet für diese vorschreiben zur Vermeidung von Zusammenstössen mit der Bevölkerung eines Dorfes oder mit Teilnehmern einer andern, in der Nachbarschaft veranstalteten Kundgebung (Erw. 5 und 6). |
6. Verhältnismässigkeit der auf die allgemeine Polizeigewalt gestützten Massnahmen (Erw. 7). |
7. Die vollziehende Behörde ist befugt, Strafen festzusetzen für den Fall der Übertretung von Vorschriften, die sie auf Grund ihrer allgemeinen Polizeigewalt erlässt (Erw. 8). | |
Sachverhalt | |
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B.- En automne 1965, l'Union des patriotes jurassiens décida de célébrer à St-Imier, le 21 novembre 1965, le 150e anniversaire du rattachement du Jura et de Bienne au canton de Berne. A la même époqee, le Grand Conseil du canton de Berne s'occupa de problèmes fiscaux. Il prit des décisions que le Rassemblement jurassien n'approuva pas. Dans le Jura Libre du 17 novembre 1965 parut un communiqué disant notamment:
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Entre-temps, le 16 novembre 1965, le Conseil-exécutif du canton de Berne, par son président, avait demandé au Rassemblement jurassien de faire savoir à la Chancellerie d'Etat, jusqu'au 17 novembre 1965 à 18 h., "quand, où et dans quel cadre" la contre-manifestation aurait lieu et quels étaient les organes et les personnes qui en assumaient la responsabilité. La lettre ajoutait: "Au cas où les questions posées ci-dessus demeureraient sans réponse, le Conseil-exécutif se réserve de prendre toutes mesures utiles". Le Rassemblement jurassien ne répondit pas à cette lettre. En revanche, le 17 novembre, il informa l'Office bernois de la circulation routière de son projet d'organiser, le 21 novembre à 15 heures, sur la place du Collège à Courtelary, une manifestation publique précédée d'un cortège qui, partant de la gare, suivrait la route principale. Il demandait que la circulation fût détournée durant la mani festation.
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Le Rassemblement jurassien adressa en outre à ses membres et à ceux de divers groupements qui lui sont affiliés un appel ainsi conçu:
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"MANIFESTATION POPULAIRE
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Dimanche, 21 novembre 1965, à 15 h., place du Collège à Courtelary CONTRE LA HAUSSE DES IMPÔTS ET LA POLITIQUE FINANCIÈRE DES AUTORITÉS BERNOISES
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CONTRE L'ANNEXION DU JURA AU CANTON DE BERNE
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Citoyens! Citoyennes!
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Chers amis!
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Pour faire face aux événements, et à la demande des fédérations de Courtelary, La Neuveville et Moutier, le comité directeur du Rassemblement jurassien a décidé d'organiser la contre-manifestation ![]() | 11 |
L'année 1965 restera mémorable. Il faut que la manifestation de Courtelary soit le dernier acte de libération, celui qui fera avancer considérablement notre cause, tout en annihilant les effets de la propagande bernoise.
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NOUS VOUS DEMANDONS DE VENIR DIMANCHE AU CHEF-LIEU DU DISTRICT DE COURTELARY.
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LA MANIFESTATION SERA PRECEDEE D'UN CORTÈGE QUI SE FORMERA À 14 H. 30 PRÈS DE LA GARE DE COURTELARY.
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Soyez présents! Nous comptons sur vous tous! Que tous ceux qui le peuvent passent, en voiture, par La Ferrière et Saint-Imier, pour montrer l'emblème du Jura aux Bernois et valets de Berne présents en ce lieu.
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À 14 H. 30 À COURTELARY!"
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C.- Le 18 novembre 1965, la municipalité de St-Imier requit le Conseil-exécutif d'interdire sur le territoire communal, le 21 novembre, toute manifestation quelconque à l'exception de celle de l'Union des patriotes jurassiens. Le même jour, la municipalité de Courtelarly sollicita le Conseil-exécutif d'interdire dans cette localité, le 21 novembre, toutes les manifestations en rapport avec celle qu'avait annoncée le Rassemblement jurassien. Elle ajoutait: "D'après les renseignements qui nous sont parvenus et tenant compte de l'état d'esprit qui règne dans notre village depuis l'annonce de cette manifestation, il est à craindre que la sécurité ne puisse être maintenue et que l'ordre public soit troublé".
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Le 19 novembre 1965, le Conseil-exécutif prit l'arrêté suivant:
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"8172. Manifestation projetée dans le Vallon de St-Imier par le Rassemblement jurassien; interdiction quant au lieu. -
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Le Conseil-exécutif du canton de Berne,
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considérant:
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- que les autorités compétentes de police locale de Courtelary et St-Imier ont demandé par lettres du 18 novembre 1965 au Conseilexécutif, en vue du maintien de la tranquillité et de l'ordre, d'interdire sur leur territoire communal toute manifestation du Rassemblement jurassien organisée ou à prévoir pour dimanche, 21 novembre 1965,
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- que les autorités de police localc de Courtelary et St-Imier considerent comme extrêmement grave et probable le danger de collisions ![]() | 23 |
- que les autorités de police locale de Courtelary et St-Imier, qui peuvent juger la situation de près, sont le mieux à même de dire si une manifestation envisagée éveille des craintes du point de vue du maintien de l'ordre public,
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- que l'assemblée prévue par le Rassemblement jurassien pour protester contre la politique financière de l'Etat de Berne est sans rapport avec le choix de la région et que manifestement le Vallon de St-Imier n'a été retenu qu'en fonction de la célébration du 150e anniversaire du rattachement du Jura et de Bienne au canton de Berne organisée par l'Union des patriotes jurasiens pour le même jour à St-Imier,
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- que toute manifestation en un lieu public nécessite une autorisation de police de sûreté et du trafic à cause de l'usage extraordinaire des routes et des places qui en résulte,
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- que la liberté de réunion prévue dans les Constitutions fédérale et cantonale n'est garantie que sous réserve des restrictions générales de police (ATF 61 I 103ss.),
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- que les organes compétents du Rassemblement jurassien et les organisations qui lui sont affiliées se sont refusés, malgré sommation, à fournir au Conseil-exécutif du canton de Berne des indications précises concernant l'heure, le lieu, le genre de la manifestation projetée et le nom des organisateurs responsables,
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- que le Conseil-exécutif n'a dès lors même pas été en mesure d'examiner la question d'une autorisation à donner en vue de cette assemblée de protestation dans le Vallon de St-Imier,
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- qu'il existe dans le Jura suffisamment d'endroits se prêtant à l'organisation de cette assemblée de protestation sans qu'il en résulte un danger de collision et sans que d'autres réunions soient troublées,
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arrête: 1. Il est assigné au Rassemblement jurassien et aux organisations qui lui sont affiliées, en vue de tenir l'assemblée de protestation projetée, le secteur sis au nord de la ligne La Cibourg - Mont-Soleil -Mont Crosin - Pierre-Pertuis.
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2. Les intéressés auront, avant la manifestation projetée, à prendre contact avec les organes compétents de l'autorité de police locale du lieu choisi à cet effet.
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3. Le Rassemblement jurassien et les organisations qui lui sont affiliées ont l'interdiction de tenir au sud de la ligne mentionnée sous chiffre 1 ci-dessus toute manifestation projetée ou envisagée.
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4. Les infractions à la présente interdiction seront punies de l'amende ou des arrêts, ces deux peines pouvant être cumulées.
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5. L'interdiction est applicable dimanche, 21 novembre 1965, de 0000 à 2400.
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D.- Le 21 novembre, la manifestation préparée par l'Union des patriotes jurassiens eut lieu à St-Imier. Celle du Rassemblement jurassien se déroula aux Breuleux, dans le secteur délimité par l'arrêté du 19 novembre. Elles ne furent troublées ni l'une ni l'autre. Cependant, plusieurs automobilistes, qui désiraient se rendre des Breuleux à St-Imier par le Mont-Crosin se sont plaints de la grossièreté et de la brutalité de la police bernoise, qu'ils accusent d'avoir usé de gaz lacrymogène et coupé la route aux porteurs d'emblèmes jurassiens.
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E.- Par le présent recours de droit public, le Rassemblement jurassien requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêté du Conseil-exécutif du 19 novembre 1965 et de déclarer contraires à l'ordre public suisse "les procédés utilisés par la police cantonale bernoise envers la population jurassienne et les Confédérés". Ses moyens seront repris ci-après dans la mesure utile.
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Le Conseil-exécutif conclut à l'irrecevabilité, éventuellement au rejet du recours.
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Considérant en droit: | |
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Peu importe qu'il se soit conformé à l'arrêté attaqué. S'il voulait tenir la manifestation prévue tout en demeurant dans la légalité, il n'avait pas d'autre issue. Il ne s'est pas pour autant privé du droit de plaider l'inconstitutionnalité des mesures prises à son égard. Certes, l'assemblée en vue de laquelle le Conseil-exécutif a pris l'arrêté attaqué a déjà eu lieu. Le recourant n'a donc plus l'intérêt actuel et pratique qui est en principe nécessaire pour recourir. Toutefois, la jurisprudence renonce à cette exigence lorsque le recours vise un acte dont le Tribunal fédéral ne pourrait sinon jamais revoir la constitutionnalité et qui peut se reproduire en tout temps (RO 91 I 326 consid. 1). Or ces conditions sont remplies en l'espèce.
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5. L'une des missions essentielles de l'Etat est d'assurer ![]() | 45 |
Dans son ensemble, la doctrine suisse admet aussi la validité de la clause générale de police (FLEINER, Schw. Bundesstaatsrecht, p. 321; MÜLLER, Über Präventivpolizei, p. 91; RUCK, Schw. Verwaltungsrecht, p. 46 ss.; VOIGT, Der liberale Polizeibegriff und seine Schranken in der bundesgerichtlichen Judikatur, p. 48; plus réservé H. HUBER dans ZBl vol. 33, p. 238). Seul GIACOMETTI paraît avoir eu, à un moment donné, une opinion contraire (Schw. Bundesstaatsrecht, p. 384, spéc. note 52, et p. 247, spéc. note 37). Aujourd'hui cependant, il semble se rallier à l'opinion dominante, qu'il avait du reste ![]() | 46 |
La clause générale de police s'est également imposée à l'étranger. A ce sujet, le droit allemand se rapproche des conceptions helvétiques, qu'il a manifestement influencées (cf. l'ouvrage classique de DREWS-WACKE, Allgemeines Polizeirecht, spéc. p. 10). En France, non seulement les traités de droit administratif admettent l'existence de la police générale, dont la définition s'apparente à celle de la clause générale de police (DUEZ et DEBEYRE, nos 736 ss.; LAUBADERE, nos 1005 ss.; WALINE, 8e éd., nos 1019 ss.), mais le Conseil d'Etat applique fréquemment la même notion, d'une façon plus ou moins libérale suivant les circonstances (LONG, WEIL et BRAIBANT, Les Grands arrêts de la jurisprudence administrative, 4e éd., spéc. p. 212 ss.).
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En définitive, l'étude de la doctrine suisse et étrangère plaide pour le maintien de la jurisprudence fédérale. Il ne se justifie pas d'y déroger dans le cas particulier en vertu de l'art. 111 Cst. cant., qui proscrit les lois, ordonnances, décrets et arrêtés inconstitutionnels. La clause générale de police est un principe constitutionnel qui limite valablement les libertés garanties par la constitution. Dès lors, l'arrêté attaqué n'aura violé aucun droit constitutionnel dans la mesure où il pourra s'appuyer sur cette clause.
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Se fondant sur les demandes d'intervention que lui avaient adressées les autorités de Courtelary et de St-Imier, le Conseilexécutif invoque premièrement "le danger de collisions entre les membres du Rassemblement jurassien et des organisations qui lui sont affiliées, d'une part, et les citoyens de la commune de Courtelary", d'autre part. Sur cette question de fait, le Tribunal fédéral n'a aucune raison de s'écarter de la manière de voir de l'autorité cantonale. La manifestation qui devait avoir lieu le 21 novembre 1965 à Courtelary était en réalité une contre-manifestation. Si le Rassemblement jurassien voulait protester contre la politique financière du canton de Berne, il entendait aussi et surtout témoigner sa réprobation à ceux qui s'assemblaient le même jour à St-Imier. Le communiqué et l'appel mentionnés sous lettre B ci-dessus en sont la preuve éclatante. Dès lors, les adversaires du recourant devaient se sentir directement visés par le projet d'une réunion à Courtelary. Le risque qu'elle ne fût troublée par les habitants de la localité paraissait d'autant plus grave que, selon les déclarations du président de commune, une grande partie d'entre eux ne sont pas acquis au mouvement séparatiste. Dans ces circonstances, les appréhensions émises par le Conseil municipal de Courtelary, puis partagées par le Conseil-exécutif au sujet d'un affrontement entre les séparatistes et la population du village n'étaient pas vaines. Qu'elles s'inspirent de raisons électorales ou autres, elles n'en sont pas affaiblies pour autant.
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L'arrêté attaqué fait état d'un second "danger de collision" entre les manifestants de St-Imier et de Courtelary. Le Tribunal fédéral n'a pas lieu non plus de mettre en doute cette considération, qui ressortit aussi au domaine des faits. Certes, St-Imier et Courtelary sont distants d'une dizaine de kilomètres. Toutefois, pour se rendre en automobile à la fête de St-Imier, les Jurassiens du Nord devaient pour la plupart franchir Courtelary. De même, pour gagner cette localité, les Suisses romands ![]() | 51 |
Les dangers redoutés paraissaient d'autant plus sérieux que le Rassemblement jurassien avait omis de répondre aux questions que le président du Conseil-exécutif lui avait posées par lettre le 16 novembre 1965. Même si, en principe, les assemblées publiques ne sont pas soumises à autorisation dans le canton de Berne, il n'en est pas moins vrai qu'à l'annonce de la réunion de Courtelary, soit en face d'une situation alarmante, le Conseilexécutif était fondé à se renseigner sur les intentions des organisateurs. Le recourant devait s'en rendre compte et fournir les indications qui lui étaient demandées, sous peine de faire naître des soupçons justifiés. Il ne pouvait se contenter d'adresser à l'Office cantonal de la circulation routière une lettre que celui-ci n'était pas tenu de transmettre au Conseilexécutif.
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En présence de cet état de choses, l'autorité cantonale craignait avec raison que, si les partisans du Rassemblement jurassien se réunissaient à Courtelary et ceux de l'Union des patriotes jurassiens à St-Imier, les uns et les autres ne se heurtent sur la voie publique et que des actes de violence ne s'ensuivent. Un risque de ce genre est un des plus graves auxquels l'ordre public puisse être exposé. D'autre part, vu la tension qu'avait créée l'annonce des deux manifestations simultanées, la menace était directe et imminente. Dès lors, toutes les conditions d'application de la clause générale de police étant remplies, l'arrêté attaqué l'invoque à juste titre. Le recourant ne saurait objecter que, jusqu'à présent, ses membres se sont, selon lui, toujours assemblés paisiblement. Une manifestation qui groupe les adhérents d'une même cause est évidemment moins dangereuse pour l'ordre public que la réunion d'adversaires dans des localités voisines où ils ont l'occasion d'entrer en contact (RO 91 I 329).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR). |