BGE 93 I 38 | |||
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5. Arrêt du 22 février 1967 dans la cause Fédération des syndicats patronaux et consorts contre Conseil d'Etat du canton de Genève. | |
Regeste |
Art. 88 OG. Legitimation zur staatsrechtlichen Beschwerde wegen Verletzung des Grundsatzes der Gewaltentrennung. Welches sind die verletzten Interessen? (Erw. 3). |
Wann bedarf es einer klaren und unzweideutigen gesetzlichen Grundlage? (Erw. 4b). | |
Sachverhalt | |
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Le premier règlement traite de l'assurance obligatoire par l'Etat (art. 1er) et du caractère complémentaire de cette assurance pour les élèves soumis à la "loi sur l'assurance-maladie obligatoire des écoliers, des apprentis et des mineurs salariés", du 22 décembre 1924 (art. 2). Il fixe l'étendue de l'assurance (pendant les activités scolaires et sur le trajet direct pour s'y rendre et en revenir, art. 3) et les prestations garanties pour les frais de guérison, les cas de décès et d'invalidité (art. 6). Il désigne l'organe d'application du règlement (Office des assurances de l'Etat, art. 7) et crée un fonds spécial qui figurera au bilan de l'Etat et dont les mouvements seront mentionnés dans le rapport sur la gestion du Conseil d'Etat (art. 11). Il définit la notion de l'accident (art. 4), prévoit l'avis à donner aux autorités scolaires en cas d'accident (art. 5), le mode de paiement des indemnités (art. 9) et la subrogation de l'Etat aux droits de la victime contre les tiers responsables de l'accident (art. 8). Il fixe enfin le montant des primes annuelles à payer au maître de classe ou au secrétariat de l'école: 3 fr. pour l'enseignement primaire, 8 fr. pour l'enseignement secondaire et 10 fr. pour l'enseignement supérieur (art. 10).
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Le second règlement modifie deux articles des règlements sur l'enseignement primaire et l'enseignement secondaire pour les adapter aux nouvelles dispositions.
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Le texte des deux règlements a été publié dans la "Feuille d'avis officielle" du mercredi 10 août 1966.
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B.- Par acte du 15 septembre 1966, la Fédération des syndicats patronaux, la Chambre genevoise des agents généraux d'assurances et Fritz Lüscher, tous à Genève, forment un recours de droit public contre les deux règlements du 3 août 1966, dont ils demandent au Tribunal fédéral de prononcer l'annulation.
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Les associations font valoir qu'elles défendent, selon leurs buts statutaires, les intérêts des assureurs et des agents généraux d'assurances qu'elles comptent parmi leurs membres. Fritz Lüscher déclare qu'il est père de deux enfants soumis à la réglementation attaquée, l'un suivant l'école supérieure des jeunes filles et l'autre le cycle d'orientation.
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Les recourants reprochent au Conseil d'Etat d'avoir, en adoptant les deux règlements litigieux, violé le principe de la souveraineté populaire (art. 1er Cst. gen.), le principe de l'égalité des citoyens devant la loi (art. 4 Cst.) et le principe de la force dérogatoire du droit fédéral (art. 2 Disp. trans. Cst).
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A leur avis, les dispositions réglementaires adoptées par le Conseil d'Etat manquent de base légale et sont en outre contraires à l'art. 96 al. 2 Cst. gen. en ce sens qu'aucune recette correspondante n'est prévue pour assurer la couverture financière des nouvelles dépenses. Les règlements attaqués créent aussi des inégalités de traitement entre les élèves qui sont assurés en totalité, mais de façon intermittente, et ceux qui ne le sont qu'à titre complémentaire, mais de manière continue. Il est également arbitraire d'obliger les parents qui ont déjà assuré leurs enfants à verser des primes à l'Etat.
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Enfin, les recourants soutiennent que le premier règlement méconnaît l'art. 96 LCA en subrogeant l'Etat aux droits de la victime ou de ses ayants droit, et qu'il ne satisfait pas aux exigences du droit fédéral en négligeant de définir la notion d'invalidité.
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C.- Le Conseil d'Etat propose au Tribunal fédéral: 1) de déclarer irrecevable, pour défaut de motivation, le recours dirigé contre le second règlement du 3 août 1966; 2) de prononcer l'irrecevabilité du recours de la Fédération des syndicats patronaux et de la Chambre genevoise des agents généraux d'assurances, pour défaut de qualité pour recourir; 3) de rejeter, dans la mesure où il est recevable, le recours de Fritz Lüscher.
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a) Le Conseil d'Etat rappelle tout d'abord la situation qui existait avant l'adoption des règlements attaqués et l'évolution des faits qui ont abouti à cette adoption.
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Les élèves et étudiants de l'enseignement à tous les degrés.étaient déjà soumis antérieurement à l'assurance obligatoire contre les accidents: les étudiants de l'université depuis 1920 ou même précédemment (cf. art. A 135 du règlement de l'université, de 1953, qui a remplacé des textes antérieurs); les élèves de l'enseignement secondaire, depuis 1940 en tout cas, l'art. 51 de la loi sur l'instruction publique du 6 novembre 1940 prévoyant expressément l'assurance obligatoire; les élèves des classes enfantines, primaires et secondaires de degré inférieur, dès 1924 au moins pour la couverture des frais de guérison (cf. lois de 1924 sur l'assurance-maladie obligatoire, en particulier art. 1er, 2, 3), et dès 1955 au moins pour des prestations en cas de décès et d'invalidité.
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Ces élèves et étudiants étaient aussi déjà assurés par les soins de l'Etat (cf. en particulier art. 18 du règlement de 1955 sur l'enseignement secondaire), qui avait conclu à cet effet des assurances collectives auprès de diverses compagnies d'assurances: avec l'Helvetia-Accidents pour les élèves de l'enseignement primaire, avec la Winterthur pour les élèves de l'enseignement secondaire et avec la Zurich pour les étudiants de l'université.
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Il n'y a pas eu de recours contre les textes légaux ou réglementaires qui introduisaient l'assurance obligatoire en cas d'accidents et en prévoyaient la réalisation par les soins de l'Etat. D'ailleurs, les compagnies intéressées n'ont pas manqué de conclure, sur cette base, des assurances collectives avec l'Etat et d'en tirer bénéfice.
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Constatant que les primes payées aux assureurs semblaient très élevées par rapport aux prestations versées et que d'autre part les garanties étaient insuffisantes, l'Etat entama avec les compagnies d'assurances des pourparlers qui n'aboutirent pas, étant donné les prétentions excessives de ces sociétés, dont les offres d'ailleurs furent extrêmement variables (de 13 fr. 40 à 21 fr. 50 de prime pour l'enseignement secondaire, de 16 fr. à 24 fr. 50 pour l'université). L'augmentation de charges pour l'Etat aurait été de 70 000 fr. par an, dans le cas des primes les plus avantageuses. Dans ces conditions, l'Etat décida d'assurer lui-même ses élèves et étudiants, fort de l'expérience acquise dans l'assurance-accidents des magistrats, fonctionnaires et employés de l'Etat. A cet effet, il adopta les deux règlements du 3 août 1966.
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b) A l'encontre des griefs soulevés par les recourants, le Conseil d'Etat fait valoir principalement les arguments suivants: la prétendue création d'une "Caisse d'Etat" constitue un simple acte de gestion, qui ne nécessite nullement le vote d'une loi; il ne s'agit pas de la constitution d'un monopole, puisque l'assurance par l'Etat ne s'étend qu'aux activités scolaires et au trajet direct pour s'y rendre et en revenir; les risques financiers encourus ne sont pas plus graves qu'auparavant, et l'Office des assurances de l'Etat, qui s'occupe déjà de régler tous les cas d'accidents avec les assureurs, n'aura pas une surcharge excessive de travail en les liquidant directement lui-même à l'avenir. L'art. 96 al. 2 Cst. gen. n'ouvre pas la voie au recours de droit public. Il n'y a pas d'inégalité de traitement entre les élèves assujettis, les primes à payer étant différentes pour les diverses catégories. Les dispositions de la LCA ne s'appliquent qu'aux assurances privées; au surplus, la référence - contenue à l'art. 4 al. 3 - aux conditions générales pour l'assurance collective contre les accidents, selon la loi genevoise sur l'assurance obligatoire de certains salariés, permet de définir la notion d'invalidité.
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D.- Les règlements attaqués ne contenant aucune motivation, les recourants ont été autorisés à prendre position, dans un mémoire complémentaire, à l'égard des arguments développés par le Conseil d'Etat dans sa réponse. Leurs objections seront reprises ci-après dans la mesure utile.
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Considérant en droit: | |
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Le déroulement des pourparlers entre l'Etat et les compagnies d'assurances montre également que c'est essentiellement la constitution du fonds public d'assurance, consécutive à l'échec de ces pourparlers, qui a incité les agents généraux d'assurances - par le canal de leur Chambre cantonale - à en contester la constitutionnalité par la voie du recours de droit public. C'est donc en fonction de l'institution de ce fonds public d'assurance qu'il importe de considérer les règlements attaqués et les griefs dont ils sont l'objet.
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Si l'institution du fonds public d'assurance devait être déclarée inconstitutionnelle pour défaut de base légale, cela entraînerait l'annulation, non seulement des art. 7 et 11 qui ont trait directement à cette institution, mais également des dispositions sur les prestations (art. 6), lesquelles seraient désormais entièrement à la charge de l'Etat, et sur les primes (art. 10), calculées en fonction de ces prestations et de manière à réaliser l'équilibre entre les unes et les autres. Il en est de même de la disposition sur la subrogation en faveur de l'Etat (art. 8), qui n'a de raison d'être que dans un système d'assurance étatique.
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Privé de ses éléments essentiels, le premier règlement n'aurait plus de sens ni d'utilité; il devrait dès lors être annulé entièrement. Quant au second règlement, qui se borne à adapter quelques dispositions réglementaires en vigueur à la nouvelle institution créée par le premier règlement, il devrait lui aussi suivre le même sort.
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Il est vrai que si, dans leurs conclusions, les recourants demandent l'annulation des deux règlements du 3 août 1966, ils ne s'en prennent qu'au premier dans l'exposé de leurs moyens, sans parler du second. Ce n'est cependant pas une raison suffisante de déclarer le recours irrecevable à l'égard de ce dernier.
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On a vu ci-dessus que le second règlement se borne à adapter des dispositions en vigueur à la nouvelle institution créée par le premier règlement et qu'il est étroitement lié à celui-ci. Dès lors les arguments dirigés contre l'un s'adressent également à l'autre. Au surplus, le Conseil d'Etat aurait très bien pu introduire dans le premier un article qui apporte aux textes en vigueur les adaptations nécessitées par la nouvelle institution. Ce serait en tout cas faire preuve d'un formalisme exagéré que de refuser d'entrer en matière, faute de motifs, au sujet du second règlement.
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Les recourants invoquent d'abord les art. 1er, 78 et 116 de la constitution cantonale. Manifestement, ils ne peuvent déduire de ces dispositions, considérées en elles-mêmes, un droit individuel susceptible d'être protégé par un recours de droit public. L'art. 1er, qui attribue au peuple la souveraineté, énonce un principe trop général pour être directement applicable; quant aux art. 78 et 116, qui fixent les compétences du Grand Conseil et du Conseil d'Etat, leur caractère organique est incontestable (cf. RO 82 I 99). Toutefois, loin de se borner à citer ces dispositions, les recourants font grief au Conseil d'Etat de les avoir violées en édictant une réglementation sans base légale. Cet argument supplémentaire éclaire leurs intentions. Ce qu'ils reprochent en réalité au Conseil d'Etat, c'est de s'être substitué au législateur ou, comme ils le précisent dans leur mémoire supplétif, d'avoir méconnu le principe de la séparation des pouvoirs. Or, qu'il soit formulé ou non par la constitution, ce principe n'en a pas moins dans chaque canton un caractère constitutionnel qui résulte de la répartition des tâches étatiques entre divers organes (RO 70 I 7 s., 79 I 131, 80 I 4, 81 I 121 et 183, 83 I 115). Tel est le cas à Genève comme ailleurs (RO 82 I 99). Certes, un recourant ne peut s'appuyer sur le principe de séparation que s'il se prétend touché dans des intérêts juridiquement protégés qui correspondent à ce principe même (RO 86 I 102, 284; 89 I 238/9, 278/9; 91 I 419). Point n'est besoin cependant qu'il se plaigne d'une violation de ses droits d'électeur (RO 89 I 260); il suffit qu'il allègue la lésion de n'importe quel intérêt juridiquement protégé et correspondant au droit constitutionnel invoqué (RO 91 I 407). Il s'agit dès lors d'examiner, dans le cadre des arguments qu'ils fondent sur le principe de la séparation des pouvoirs, si les recourants se prévalent d'une atteinte à un intérêt de cette nature.
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a) Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les associations dont le but statutaire est de sauvegarder certains intérêts de leurs membres ont qualité pour former un recours de droit public, si leurs membres eux-mêmes sont touchés dans ces intérêts et sont lésés au sens de l'art. 88 OJ (RO 81 I 120, 88 I 175).
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Les statuts de la Fédération des syndicats patronaux prévoient que cette dernière a notamment pour but de "s'opposer à toute mesure d'ordre politique, économique ou administratif qui serait de nature à porter atteinte aux intérêts généraux des associations affiliées ou de leurs membres". La Chambre genevoise des agents généraux d'assurances, ainsi que de nombreux assureurs, font partie de la Fédération. Les statuts de la Chambre prévoient qu'elle a notamment pour but "la sauvegarde des intérêts moraux et matériels de ses membres". Les deux associations ont dès lors qualité pour former un recours de droit public dans la mesure où les décisions attaquées lèsent les intérêts de leurs membres au sens de l'art. 88 OJ.
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En vertu de la réglementation attaquée, les assureurs qui font partie de ces associations ne pourront pratiquement plus conclure d'assurance collective avec l'Etat contre les risques qu'il a décidé d'assurer lui-même. Ils ne sauraient pourtant s'en plaindre, rien n'obligeant l'Etat à contracter avec eux (cf. RO 89 I 279). Cependant, en s'instituant assureur, l'Etat s'est arrogé un monopole. Manifestement, les élèves ou leurs parents ne s'assureront pas à double, c'est-à-dire qu'ils renonceront à traiter avec des sociétés privées dans la mesure où ils sont protégés par l'Etat; ces sociétés sont donc victimes d'un monopole. Il ne s'agit pas d'un simple monopole de fait, en raison duquel l'activité de l'Etat est interdite aux tiers par des moyens sans rapport direct avec elle (cf. RO 82 I 228 et les arrêts cités; RUCK, Festgabe für Götzinger, p. 225; FAVRE, Droit constitutionnel suisse, p. 369; MARTI, Handels- und Gewerbefreiheit, p. 208); en effet, le Conseil d'Etat ne s'est pas servi en l'espèce d'un procédé indirect pour arriver à ses fins. On n'a pas affaire non plus à un monopole de droit proprement dit, dont le détenteur a le droit exclusif d'exercer une activité déterminée (cf. MARTI et RUCK, loc.cit.): juridiquement, les assureurs privés conservent la faculté d'assurer les élèves de l'enseignement public. En réalité, on se trouve en présence d'un monopole de droit indirect, c'est-à-dire du cas où, en rendant obligatoire le recours à un service public auquel il attribue une certaine tâche, l'Etat empêche les particuliers de la remplir, faute de clientèle (GIACOMETTI, Schweiz. Bundesstaatsrecht, p. 309; MARTI, op.cit., p. 209 et 211). Ces questions de terminologie sont d'ailleurs secondaires. Ce qu'il importe de constater, c'est que les assureurs privés seraient certainement atteints dans leurs intérêts professionnels par une interdiction de contracter et que ces intérêts, protégés par l'ordre juridique, correspondraient au droit constitutionnel invoqué. Mais la réglementation attaquée aboutit en fait à un résultat identique et lèse tout autant les assureurs privés. Ceux-ci ont dès lors qualité pour recourir dans le second comme dans le premier cas; il en est de même des associations recourantes, chargées de défendre les intérêts professionnels de leurs membres; si l'on n'admettait pas la qualité pour recourir dans le second cas, l'Etat aurait la possibilité de se soustraire au contrôle du Tribunal fédéral en adoptant telle forme de monopole plutôt que telle autre, par exemple en rendant pratiquement impossible l'exercice d'une profession au lieu de le prohiber par des textes.
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Admettre, dans ce cas, la qualité pour agir, ce n'est pas aller à l'encontre d'un des buts principaux de la jurisprudence sur les recours de droit public: éviter l'action populaire. Ici, le cercle des intéressés habiles à agir est limité aux assureurs qui concluent des assurances dans le canton de Genève et aux associations dont ils font partie; il n'est donc pas question d'ouvrir à quiconque la voie du recours de droit public. Point n'est besoin de se demander si, en faisant concurrence aux particuliers sans exclure complètement leur activité dans un certain domaine, l'Etat affecte leurs intérêts juridiquement protégés, puisqu'en l'espèce les assureurs sont pratiquement éliminés d'un secteur déterminé. Au demeurant, il est inutile d'examiner si les sociétés d'assurances sont seules touchées dans leurs intérêts ou si les agents généraux se trouvent aussi dans la même situation. La Chambre genevoise des agents généraux d'assurances groupant des sociétés et des agents, cette question peut rester indécise.
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b) Fritz Lüscher est le père de deux enfants qui suivent l'enseignement secondaire; il est dès lors astreint à payer des primes d'assurance à l'Etat; d'autre part, il n'est pas exclu qu'il soit astreint un jour à des versements en faveur d'élèves de l'école primaire ou d'étudiants de l'université. Sans doute ne soutient-il pas qu'une caisse publique soit moins solvable qu'une entreprise privée. En revanche, il prétend qu'en échange de primes inférieures, une compagnie d'assurances offre à telle catégorie d'assurés des prestations supérieures à celles de la caisse publique. Peu importe que ces allégations soient exactes ou non: c'est là une question de fond et non de recevabilité. Il suffit de constater que, sur la base des mémoires des recourants, Fritz Lüscher est atteint dans ses intérêts d'une manière effective ou virtuelle; ces intérêts sont protégés par le principe de la légalité et correspondent à celui de la séparation des pouvoirs. C'est dire que Fritz Lüscher est habile à recourir.
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Ce principe est violé toutes les fois qu'un organe de l'Etat empiète sur la sphère d'activité d'un autre, telle que la détermine l'ordre juridique. En particulier, lorsqu'une mesure étatique est subordonnée à une base légale en vertu du principe de la légalité (cf. RO 83 I 115), l'autorité exécutive ne peut édicter des dispositions générales et abstraites qu'en se fondant sur une loi. Il s'agit dès lors d'examiner si, en créant une caisse publique pour l'assurance-accidents des élèves et étudiants, le Conseil d'Etat était soumis à l'exigence de la base légale et, dans l'affirmative, s'il s'y est conformé.
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a) Il ressort des considérants précédents (consid. 3 a) qu'en instituant un fonds d'assurance public, le Conseil d'Etat a attribué à l'Etat un monopole de droit indirect. Or, selon la doctrine, un monopole doit en principe reposer sur une base légale (BURCKHARDT, Kommentar, 3e éd., p. 230). Cela est vrai en tout cas pour les monopoles de droit, directs ou indirects (MARTI, op.cit., p. 211, 229). Une base légale étant donc nécessaire en l'espèce, il reste à décider s'il faut en examiner l'existence sous l'angle restreint de l'arbitraire ou au contraire exiger une base claire et nette.
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b) Comme il a eu l'occasion de le préciser à maintes reprises, en matière de garantie de la propriété notamment, le Tribunal fédéral revoit en principe sous l'angle de l'arbitraire seulement l'existence de la base légale cantonale sur laquelle l'autorité fonde ses décisions. Cependant, lorsqu'il s'agit d'atteinte particulièrement grave à la propriété et à la liberté individuelle, il a jugé qu'il devait abandonner la réserve dont il fait preuve habituellement (RO 90 I 39). Il en est de même ici. Sans doute ne lui incombe-t-il pas de se prononcer sur les avantages et les inconvénients d'une caisse d'assurance publique par rapport aux assurances collectives conclues auprès d'assureurs privés. Toutefois, l'atteinte causée à la liberté économique par la réglementation attaquée doit être considérée comme sensible, en particulier en raison du grand nombre d'élèves (près de 40 000) qui sont englobés dans l'assurance obligatoire de l'Etat et à propos desquels des compagnies d'assurances sont pratiquement privées de la possibilité de conclure des contrats dans la branche accidents. Supposé même que cette atteinte ne soit pas assez grave pour justifier à elle seule l'exigence d'une base claire et nette, d'autres considérations cependant plaident encore pour cette solution.
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Tout d'abord l'institution d'une caisse publique expose l'Etat à des risques qui peuvent être importants; les indemnités pour invalidité permanente totale vont en effet jusqu'à 60 000 fr. par cas, même jusqu'à 100 000 fr. pour les étudiants de l'université. Ensuite, elle entraînera selon toute vraisemblance, et contrairement à l'avis de l'intimé, une extension plus ou moins considérable de l'appareil administratif; si l'Office cantonal des assurances compte actuellement un chef et deux commis pour s'occuper de tous les problèmes d'assurance dans l'administration, il semble exclu qu'un personnel si peu nombreux puisse régler en plus les conséquences financières de tous les accidents subis par les élèves de l'enseignement public, lequel en compte près de 40 000. Enfin, en tant qu'il porte sur l'assurance-accidents des élèves et étudiants, le monopole accordé à l'Etat apparaît comme une innovation, aussi bien dans le canton de Genève que dans les autres cantons.
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De l'ensemble de ces circonstances, il faut conclure que le Conseil d'Etat ne pouvait créer une caisse d'assurance publique sans y être autorisé par la loi d'une façon claire et nette. Or ni les art. 2, 51 et 95 précités de la loi sur l'instruction publique, ni d'autres dispositions légales ne confèrent au Conseil d'Etat un tel pouvoir. Il s'ensuit que l'institution d'une caisse publique viole le principe de la légalité et, partant, celui de la séparation des pouvoirs.
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Au demeurant, même s'il examinait la question sous l'angle restreint de l'arbitraire, le Tribunal fédéral aboutirait à un résultat identique. En effet, pour reconnaître au Conseil d'Etat la compétence de créer une caisse d'assurance publique, il faut s'écarter du texte légal d'une manière telle qu'un juge ne saurait s'y résoudre, fût-il confiné sur le terrain de l'arbitraire.
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c) Les dispositions qui instituent la caisse publique d'assurance doivent donc être annulées parce qu'inconstitutionnelles; cette annulation entraîne celle des deux règlements du 3 août 1966, qui ont été adoptés essentiellement en fonction de cette institution et qui trouvent en elle leur raison d'être (cf. consid. 1 ci-dessus).
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Admet le recours dans la mesure où il est recevable; partant, annule: a) le règlement concernant les prestations aux élèves et étudiants victimes d'accidents, du 3 août 1966; b) le règlement, de même date, modifiant le règlement de l'enseignement primaire et le règlement de l'enseignement secondaire.
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