BGE 94 I 235 | |||
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36. Arrêt de la IIe Cour civile du 8 février 1968 dans la cause Boujon contre Genève, Département de justice et police. | |
Regeste |
Anerkennung in der Schweiz eines Scheidungsurteils, das ein schwedisches Gericht in einem Prozess zwischen einer Schwedin und ihrem schweizerischen Ehemann gefällt hat. Abkommen zwischen der Schweiz und Schweden über die Anerkennung und Vollstreckung von gerichtlichen Entscheidungen und Schiedssprüchen vom 15. Januar 1936 (BS 12 S. 373 ff.). |
2. Wann ist dem Beschwerdeführer eine Frist zur Ergänzung der Beschwerde einzuräumen? Art. 93 Abs. 2 und 107 OG (Erw. 2). |
3. Im Unterschied zu andern von der Schweiz abgeschlossenen internationalen Vereinbarungen über die Anerkennung gerichtliche Entscheidungen nimmt das Abkommen mit Schweden auf die Staatsangehörigkeit der Parteien nicht Bezug, so dass es bei einem Scheidungsurteil nicht darauf ankommt, dass der eine Ehegatte schweizerisch-schwedischer Doppelbürger ist (Erw. 3 und 4). |
4. Ist in der Schweiz nach dem erwähnten Abkommen ein Säumnisurteil anzuerkennen, das ein schwedisches Gericht auf Begehren einer mit einem Schweizer verheirateten Schwedin gefällt hat, die in ihr Heimatland zurückgekehrt ist, nachdem die schweizerischen Gerichte die von ihr an ihrem frühern Wohnsitz eingeleitete Scheidungsklage abgewiesen hatten? (Erw. 4-8). Prüfung der Voraussetzungen betreffend: |
- die Zuständigkeit des angerufenen Gerichts (Erw. 4); |
- die gehörige Ladung des beklagten Ehemannes (Erw. 5); |
- den Vorbehalt des schweizerischen ordre public (Erw. 6); |
- die Vereinbarkeit des angewendeten materiellen Rechts mit dem Rechte, das nach dem schweizerischen internationalen Privatrecht anwendbar ist (Erw. 7). | |
Sachverhalt | |
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Par exploit du 6 février 1961, l'épouse introduisit une action en divorce fondée sur l'art. 142 al. 1 CC. Le mari s'opposa à la demande. Statuant le 8 mai 1962, le Tribunal de première instance de Genève prononça la séparation de corps pour une durée de deux ans.
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Chacune des parties interjeta un appel et conclut au divorce. Par arrêt du 27 novembre 1962, la Deuxième Chambre de la Cour de justice du canton de Genève débouta l'épouse de sa demande. Elle déclara la demande reconventionnelle du mari irrecevable, par le motif qu'elle n'avait pas été soumise au juge de première instance.
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Saisi par dame Boujon d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral le rejeta le 9 mai 1963, confirmant l'arrêt attaqué.
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A la mi-décembre 1962, l'épouse, qui avait conservé sa nationaltié d'origine, avait quitté définitivement Genève pour s'établir en Suède avec ses deux enfants mineurs. Le 3 mars 1964, elle introduisit devant le Tribunal de première instance de Stockholm une nouvelle action en divorce. Par acte du 13 avril 1964, le mari fut cité à comparaître à l'audience d'instruction du 16 juin 1964. La citation lui a été notifiée par l'entremise du consulat de Suède à Genève. Le 5 juin 1964, il écrivit au président du tribunal qu'il ne comparaîtrait pas à l'audience du 16 juin et qu'il renonçait à s'y faire représenter par un mandataire. Il s'opposait à la demande en divorce de son épouse et revendiquait, pour le cas où l'action serait admise, la puissance paternelle sur les deux enfants. Il soulevait en outre l'exception de chose jugée en se référant à l'arrêt du Tribunal fédéral du 9 mai 1963. Il déclinait enfin la compétence du juge saisi par dame Boujon.
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Le 18 juin 1964, le mari fut cité à l'audience du 17 août 1964. Ce jour-là, la Deuxième Chambre du Tribunal de première instance de Stockholm prononça le divorce des époux Boujon- Gullander, attribua les enfants à la mère et condamna le père à verser pour l'entretien de chacun d'eux une pension alimentaire de 300 couronnes par mois dès le 1er janvier 1963 et jusqu'à ce que les bénéficiaires aient atteint l'âge de 18 ans révolus.
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Le jugement n'ayant pas été frappé d'appel, il devint définitif et exécutoire le 25 août 1964.
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B.- Le 20 décembre 1966, le Service fédéral de l'état civil transmit au Département de justice et police du canton de Genève, en sa qualité d'autorité de surveillance de l'état civil, une copie du jugement suédois précité, en priant le département d'examiner s'il pouvait autoriser la transcription de ce jugement, conformément à l'art. 137 OEC. Le 14 avril 1967, le département fit savoir au Service fédéral de l'état civil qu'après un examen approfondi, il autorisait la transcription du jugement de divorce prononcé à Stockholm.
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Le jugement fut communiqué le 18 avril 1967 par l'autorité cantonale de surveillance à l'officier de l'état civil de Genève, qui l'a reçu le 20 avril. Il a été transcrit au registre des mariages par une mention marginale du 21 avril 1967 (art. 52 ch. 3 OEC); au registre des familles, par une inscription au feuillet de l'époux (art. 117 al. 2 ch. 1 OEC) et par l'ouverture d'un feuillet à la femme divorcée (art. 115 al. 1 ch. 2 OEC).
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Gérald Boujon étant lui-même officier de l'état civil de Genève, la transcription a été opérée par son suppléant. Estimant que le secret de fonction auquel il est tenu (cf. art. 15 OEC) l'empêchait de faire état, comme particulier, d'une communication reçue dans l'exercice de ses attributions officielles, il a écrit à l'autorité cantonale de surveillance, le 2 mai 1967, pour lui exposer les motifs de son opposition à la transcription du jugement de divorce. Il a demandé la communication d'une décision écrite et motivée, contre laquelle il puisse interjeter un recours de droit administratif.
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L'autorité cantonale de surveillance lui a répondu le 22 mai 1967 que la transcription du jugement de divorce avait été autorisée conformément à la convention relative à la reconnaissance et l'exécution de décisions judiciaires et de sentences arbitrales conclue à Stockholm le 15 janvier 1936 entre la Suisse et la Suède (RS 12 p. 343). Elle s'est référée en outre à l'arrêt du Tribunal fédéral du 6 juin 1963 en la cause Baumberger (RO 89 I 303). Elle a relevé que la communication écrite d'une décision de transcription n'était prévue par aucune prescription ni connue de la pratique.
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C.- Par acte du 18 mai 1967, Gérald Boujon a interjeté un recours de droit administratif au Tribunal fédéral. Il requiert l'annulation de la décision par laquelle l'autorité de surveillance du canton de Genève a autorisé la transcription du jugement de divorce rendu le 17 août 1964 par la Deuxième Chambre du Tribunal de première instance de Stockholm.
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Le recourant estime qu'en l'espèce, la reconnaissance du jugement suédois est contraire à l'ordre public suisse, du moment que son épouse a introduit une action en divorce dans son pays d'origine quelques mois après avoir été déboutée par la juridiction suprême de la Suisse.
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A titre subsidiaire, Gérald Boujon demande qu'un délai lui soit imparti, après communication de la réponse de l'autorité cantonale, pour présenter un mémoire complétant son argumentation.
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D.- L'autorité cantonale de surveillance et le Département fédéral de justice et police concluent, dans leurs observations, au rejet du recours.
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Considérant en droit: | |
1. Aux termes de l'art. 99 ch. I litt. c OJ, le recours de droit administratif est recevable contre les décisions des autorités cantonales de surveillance en matière de registre de l'état civil. Lorsque l'autorité cantonale reçoit un jugement de divorce étranger et statue sur le point de savoir s'il doit être transcrit ou non en vertu de l'art. 137 OEC, elle exerce une compétence exclusive, qui ne laisse aucune place à une procédure cantonale d'exequatur (RO 64 II 76, 87 I 470, consid. 4). La décision portant sur la reconnaissance d'un jugement de divorce étranger peut être déférée au Tribunal fédéral par la voie du recours de droit administratif. La jurisprudence ancienne déclarait toutefois le recours de droit administratif irrecevable, une fois la transcription opérée; elle n'admettait plus alors qu'une action en rectification fondée sur l'art. 45 al. 1 CC ou la rectification par l'autorité de surveillance des inexactitudes résultant d'une inadvertance ou d'une erreur manifestes (art. 45 al. 2 CC; cf. RO 87 I 470 s., consid. 4 et arrêt non publié du 27 juin 1946 dans la cause Weber c. Genève, mentionné dans la Revue de l'état civil 1946, p. 227). La jurisprudence récente est plus nuancée: elle admet la recevabilité du recours de droit administratif, nonobstant l'exécution de la décision attaquée, pourvu qu'il soit formé dans le délai légal; l'autorisation de transcrire le jugement de divorce étranger n'est donc pas définitive tant que le délai pour interjeter un recours de droit administratif n'est pas expiré et s'il a été déposé, tant que le Tribunal fédéral n'a pas statué; si le recours est admis, l'autorité cantonale ordonnera la radiation de l'inscription faite à tort, conformément à l'art. 51 al. 2 OEC (RO 91 I 367, consid. 1).
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A la suite de cet arrêt, les autorités de l'état civil ont envisagé de procéder à des inscriptions provisoires, mais elles y ont renoncé pour éviter des complications (cf. rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur sa gestion en 1966, p. 142). On peut se demander s'il ne serait pas opportun de suivre la procédure que la Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral a suggérée aux offices en matière de poursuite pour dettes et de faillite (cf. RO 78 III 58): l'officier de l'état civil qui reçoit la décision de l'autorité cantonale de surveillance admettant la transcription devrait attendre, avant de procéder à l'exécution, que le délai fixé par la loi pour interjeter un recours de droit administratif soit expiré et, si un recours est déposé, que le juge ait statué, le cas échéant, sur la demande d'effet suspensif (cf. art. 106 OJ).
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Encore faudrait-il que la décision de l'autorité cantonale de surveillance soit communiquée aux intéressés, afin de ne pas rendre illusoire leur droit de recours. Comme le Tribunal fédéral l'a déjà suggéré dans un arrêt non publié rendu le 6 juillet 1967 en la cause G. (consid. 3), il serait désirable de compléter les art. 137 et 137 bis OEC en ce sens que les autorités cantonales de surveillance doivent communiquer leurs décisions aux intéressés.
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Selon les art. 107 OJ et 20 OEC, le recours de droit administratif s'exerce dans les trente jours dès la réception de la communication écrite de la décision. S'agissant d'une décision de l'autorité cantonale de surveillance relative à la transcription d'actes étrangers, le délai court dès la communication de l'ordre de transcription à l'officier de l'état civil qui doit l'exécuter (RO 91 I 370, consid. 3). En l'espèce, le recourant a eu connaissance de la décision, en sa qualité d'officier de l'état civil de Genève, le 20 avril 1967. Expédié sous pli mis à la poste le 18 mai 1967 à l'adresse du Tribunal fédéral, le recours a été déposé en te mps utile.
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Gérald Boujon est évidemment atteint dans ses droits par la reconnaissance en Suisse et la transcription dans les actes de l'état civil du jugement de divorce obtenu par sa femme en Suède. Il a dès lors qualité pour recourir selon l'art. 103 al. 1 OJ. Le recours est donc recevable.
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3. A l'encontre des conventions conclues par la Suisse avec la France ou l'Allemagne, la convention entre la Suisse et la Suède relative à la reconnaissance et l'exécution de décisions judiciaires et de sentences arbitrales du 15 janvier 1936 (RS 12 p. 343 ss.) ne fait aucune allusion à la nationalité des parties (cf. PROBST, Der Vollstreckungsvertrag zwischen der Schweiz und Schweden vom 15. Januar 1936, RSJ XXXIII, 1936/37, p. 194 II no 3). En particulier, elle ne contient aucune disposition semblable à l'art. 3 de la convention germanosuisse du 2 novembre 1929 (RS 12 p. 327 ss.), qui subordonne la reconnaissance du jugement rendu par les tribunaux de l'autre Etat dans une cause non pécuniaire, à laquelle un ressortissant de l'Etat dans lequel la décision est invoquée est partie, à la condition que, d'après la législation du second Etat, un tribunal du premier ait été compétent pour trancher le litige (cf. ALEXANDER, Die internationale Vollstreckung von Zivilurteilen, insbesondere im Verhältnis zu den Nachbarstaaten, RJB 1931, p. 1 ss., 14). Ainsi, le juge suisse appelé à statuer sur la reconnaissance ou l'exécution d'un jugement de divorce rendu par un tribunal allemand entre deux époux dont l'un au moins possède la nationalité suisse, examinera si, selon les règles du droit suisse, un tribunal allemand était compétent (Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 9 décembre 1929, FF 1929, III, p. 562; RO 73 II 93, consid. 2, 86 II 308 à 310). S'il admet cette compétence, il est tenu de reconnaître le jugement allemand en vertu de l'art. 3 de la convention. La première phrase du considérant 1 de l'arrêt Baumberger (RO 89 I 303 ss., 306) est donc trop absolue et doit être précisée en ce sens: les parties étant de nationalité suisse (le mari ne possédant que la nationalité suisse), l'art. 3 de la convention n'oblige la Suisse à reconnaître le jugement de divorce rendu en Allemagne que si, en vertu du droit suisse, un tribunal allemand était compétent pour connaître de la demande de la femme.
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a) L'art. 4 ch. 1 de la convention subordonne la reconnaissance à la condition que la décision émane d'une juridiction compétente selon les dispositions de l'art. 5. En matière d'état, de droit de famille ou de droit de succession, l'art. 5 al. 2 dispose que la compétence du tribunal de l'Etat où la décision a été rendue sera reconnue lorsque, dans des conditions analogues, la juridiction de l'Etat où elle est invoquée aurait été compétente. Pour appliquer ce principe, on examine si, dans un cas analogue (ou plus exactement inverse), les tribunaux de l'Etat où l'exécution est requise seraient compétents en vertu des règles du droit international privé de cet Etat qui régissent la compétence; il s'agit donc de rechercher si, dans un cas déterminé, en substituant les mots "Suisse, citoyen suisse, suisse" à ceux de "Suède, citoyen suédois, suédois", les tribunaux de l'Etat où l'exécution est requise, en l'occurrence la Suisse, se déclareraient compétents en vertu de leur loi nationale (Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 14 avril 1936, FF 1936 I p. 697 ss., notamment 700 s.). Or une Suissesse domiciliée en Suisse peut introduire une action en divorce devant le juge de son domicile (art. 144 CC), même si elle possède une double nationalité et quel que soit le domicile de son mari (RO 89 I 312, consid. 5).
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b) On pourrait certes se demander si dame Boujon était domiciliée en Suède à l'époque de l'introduction de l'action en divorce. Ainsi que le Tribunal fédéral l'a jugé dans l'arrêt Baumberger (RO 89 I 303 ss.), la question de la compétence se pose autrement en matière internationale lorsqu'une femme possédant la nationalité suisse et une nationalité étrangère a bien son domicile légal (domicile dépendant) en Suisse selon l'art. 25 al. 1 CC, mais vit en réalité continuellement séparée de son mari dans l'autre pays dont la législation, qui attache de l'importance à la durée du séjour dans un endroit donné, l'autorise également à porter l'action en divorce devant les tribunaux de ce pays. En outre, la notion de domicile comprend des éléments juridiques qui diffèrent d'une législation à l'autre. Pour déterminer la compétence à raison du lieu, il convient en règle générale de considérer la "résidence habituelle" d'une personne comme une circonstance de rattachement équivalente au "domicile" et en particulier à un domicile dépendant et fictif. Il est, d'autre part, conforme à la LRDC, lorsqu'il s'agit d'une femme qui possède la nationalité suisse et une nationalité étrangère et qui vit habituellement dans son autre pays d'origine (fût-ce sans être autorisée à vivre séparée de son mari),d'admettre que les tribunaux des deux pays sont également compétents pour connaître de l'action en divorce (arrêt cité, p. 314 s., consid. 5).
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Lorsqu'elle a introduit son action en divorce, le 3 mars 1964, dame Boujon résidait en Suède, son pays d'origine, avec ses enfants, depuis plus d'une année. Elle avait en effet quitté Genève et la Suisse en décembre 1962. Or le droit suédois permet à l'époux qui possède la nationalité suédoise et qui est domicilié en Suède depuis au moins un an de porter son action en divorce devant les tribunaux suédois (loi du 8 juillet 1904 réglant certains rapports de droit international privé en matière de mariage, de tutelle et d'adoption, chapitre 7, § 2 al. 2, dont le texte allemand est reproduit dans BERGMANN, Internationales Ehe- und Kindschaftsrecht IV, 3e édition, sous "Schweden", p. 12). Et la notion du domicile adoptée par la convention s'écarte de celle du Code civil suisse en ceci qu'elle ne considère pas le domicile fictif de la femme mariée; c'est le domicile de fait qui est déterminant (Message cité, FF 1936 I 699 s.; PROBST, loc.cit., RSJ XXXIII, 1936/37, p. 195 III no 2; STORCK, Das Abkommen der Schweiz mit Schweden über die Anerkennung und Vollstreckung von gerichtlichen Entscheidungen und Schiedssprüchen, thèse Zurich 1938, p. 32).
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Il s'ensuit que le Tribunal de Stockholm était compétent, en vertu de l'art. 5 al. 2 de la convention, pour statuer sur l'action en divorce introduite par dame Boujon.
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S'agissant d'un jugement rendu par défaut, l'art. 4 ch. 5 de la convention subordonne la reconnaissance à la condition que la citation ait été remise en temps utile à la partie défaillante. Le recourant admet qu'il a été cité régulièrement. Dans sa lettre du 5 juin 1964, il a informé le président qu'il renonçait à comparaître personnellement et à se faire représenter devant le tribunal saisi par sa femme. Il a même pris position quant au fond du procès et soulevé l'exception de chose jugée. Toutefois, il faut examiner d'office si la citation ne violait pas les règles essentielles de procédure de l'ordre juridique suisse, et partant l'ordre public suisse (RO 76 III 66).
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En principe, la notification d'actes et documents judiciaires est un acte officiel de procédure que le juge ne peut pas accomplir en dehors du territoire de son Etat. Son exécution sans l'autorisation expresse des autorités nationales compétentes constitue une atteinte à la souveraineté territoriale de l'Etat dans lequel elle a lieu (Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération, 1956, p. 26 no 5; RO 90 IV 53, consid. 2). En règle générale, la Suisse ne tolère pas non plus que des consulats étrangers accomplissent des actes de procédure en Suisse dans l'intérêt des tribunaux de leur Etat (GULDENER, Das internationale und interkantonale Zivilprozessrecht der Schweiz, p. 17 et 20).
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Plusieurs conventions conclues par la Suisse avec d'autres Etats au sujet de la reconnaissance et de l'exécution des décisions judiciaires exigent que la citation ait été notifiée à la partie défaillante par la voie de l'assistance judiciaire ou entraide judiciaire réciproque (cf. art. 4 al. 3 de la convention avec l'Allemagne du 2 novembre 1929, RS 12 p. 327; art. 1er ch. 4 de la convention avec l'Italie du 3 janvier 1933, RS 12 p. 338; art. 1er ch. 4 de la convention avec l'Autriche du 16 décembre 1960, ROLF 1962, p. 270). En revanche, ni la convention avec la République tchécoslovaque du 21 décembre 1926 (RS 12, p. 348 et RO 56 I 541; voir toutefois pour ce pays l'accord concernant l'assistance judiciaire réciproque en matière civile et commerciale du 21 décembre 1926, RS 12, p. 303; cf. RO 76 II 76), ni la convention conclue entre la Suisse et la Suède ne posent pareille exigence. Chacun de ces deux Etats conserve donc la faculté de faire opérer directement, par la poste, par les fonctionnaires de l'Etat où se trouve le destinataire ou par les soins de ses propres agents diplomatiques ou consulaires, les significations destinées aux personnes se trouvant sur le territoire de l'autre Etat, conformément à l'art. 6 de la convention relative à la procédure civile conclue à La Haye le 1er mars 1954, qui lie les deux pays (cf. ROLF 1957 p. 467 et 1958 p. 132; dans le même sens, STORCK, op.cit., p. 47 s.).
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a) Quoi qu'en pense le recourant, il n'est pas contraire à l'ordre public suisse qu'un tribunal suédois accueille une demande de divorce formée par un conjoint dont l'action avait été rejetée par la juridiction suisse. S'il est vrai qu'en règle générale, l'exception de chose jugée fait obstacle à la reconnaissance d'un jugement étranger (cf. p.ex. l'art. 1er ch. 2 des conventions conclues par la Suisse avec l'Autriche et l'Italie), il ne faut pas perdre de vue qu'en matière de divorce, le principe de l'autorité de la chose jugée ne s'applique pas d'une façon absolue (RO 78 II 403, consid. 2, 85 II 59, consid. 2). Il n'y a pas chose jugée lorsque, dans le second procès, on invoque des faits importants survenus depuis le premier jugement ou antérieurs à ce dernier mais non allégués la première fois. Les faits postérieurs au premier jugement sont importants si, pris en soi ou concurremment avec les faits allégués dans le premier procès, ils sont de nature à justifier la demande (RO 85 II 59 consid. 2, 2e al.). Il se peut aussi qu'un état de fait, dont la gravité n'avait pas été reconnue ou n'avait pas été admise dans le premier procès, ait par la suite rendu impossible la continuation de la vie commune (RO 85 II 61).
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Dame Boujon, qui avait ouvert action en divorce le 6 février 1961, s'est annoncée en août 1961 comme domiciliée à Vernier. Le bureau du contrôle des habitants lui a établi une fiche personnelle à titre de femme séparée le 28 août 1961. En fait, elle a vécu séparée de son mari depuis le début de l'année 1961. Le Tribunal de première instance de Genève avait prononcé la séparation de corps des époux pour une durée de deux ans. En appel, les deux conjoints avaient conclu au divorce. Si, après le rejet de la première action de l'épouse par le Tribunal fédéral, un second procès avait été introduit en Suisse, le juge aurait probablement retenu la longue séparation de fait des conjoints comme une preuve du caractère irréparable de la désunion (cf. HINDERLING, Das schweizerische Ehescheidungsrecht, 3e édition, p. 228).
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b) Le recourant estime qu'en invoquant à l'appui de sa demande en divorce le fait qu'elle avait abandonné le domicile conjugal, dame Boujon a fait entériner par le tribunal suédois une sorte de répudiation unilatérale, de telle sorte que le jugement de Stockholm aboutirait à un résultat contraire à l'ordre public suisse. L'objection n'est cependant pas fondée. Point n'est besoin de rechercher si, après l'arrêt du Tribunal fédéral du 9 mai 1963, dame Boujon avait de justes motifs de ne pas réintégrer le domicile conjugal. Du 6 février 1961 au 9 mai 1963 en tout cas, elle était autorisée à vivre séparée en vertu de l'art. 170 al. 2 CC. Le recourant n'a pas été reconnu époux innocent. Le Tribunal fédéral a simplement relevé dans son arrêt du 9 mai 1963 que, sur le vu des faits constatés par la juridiction cantonale, le désaccord entre les époux n'apparaissait pas si grave qu'on ne pût raisonnablement exiger d'eux, en premier lieu de dame Boujon, l'effort nécessaire pour surmonter les difficultés rencontrées par le mariage. Et même si l'épouse avait commis une faute en refusant de reprendre la vie commune après le rejet définitif de l'action en divorce qu'elle avait introduite en Suisse, cela ne l'empêchait pas de former une nouvelle demande en divorce fondée sur le droit suisse. Les restrictions que l'art. 142 al. 2 CC apporte à l'action du conjoint coupable ne sont pas de droit impératif et n'ont pas été instituées dans l'intérêt de l'ordre public, mais elles doivent être invoquées par l'époux défendeur (RO 84 II 336). Il est d'ailleurs manifeste que la rupture de l'union conjugale est antérieure au départ de l'épouse pour la Suède.
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Le Tribunal de Stockholm a fondé sa décision sur le chapitre 11, § 4 de la loi suédoise du 11 juin 1920 sur le mariage qui dispose, en substance: Si, sans qu'un jugement de séparation de corps ait été prononcé, les époux, par suite de désaccord, ont vécu séparés depuis trois ans au moins, chacun d'eux pourra obtenir le divorce; néanmoins, le divorce ne doit pas être prononcé à la seule demande de l'un des époux si, à cause de sa conduite ou d'autres circonstances particulières, la dissolution du mariage peut lui être raisonnablement refusée (texte français reproduit dans l'ouvrage "Divorce et séparation de corps dans le monde contemporain", publié sous la direction de G. LE BRAS, première partie, Les législations positives, I Europe, Paris 1952, p. 277; texte allemand dans BERGMANN, op.cit., p. 21 s.). Rien n'empêchait donc le recourant de se prévaloir de l'attitude, qu'il estime fautive, de son épouse. Toute comparaison avec l'institution juridique de la répudiation unilatérale apparaît ainsi déplacée. Bien que la loi suisse soit plus sévère en ce sens qu'une séparation de fait, fûtelle de longue durée, constituerait seulement un indice de la désunion et non pas une cause déterminée de divorce, la disposition du droit suédois appliquée par le Tribunal de Stockholm n'est pas manifestement contraire à notre sentiment de la justice ni aux règles fondamentales de notre ordre juridique.
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c) Enfin, on ne saurait reprocher à dame Boujon un abus de droit, qui serait répréhensible du point de vue de l'ordre public (RO 89 I 315, consid. 6). Il n'est pas établi que, se trouvant en désaccord avec son mari, elle se soit rendue en Suède uniquement dans le dessein de faire prononcer le divorce que les tribunaux suisses lui avaient refusé. La Suède est son pays d'origine; elle y a vécu avant son mariage; elle y a rejoint sa famille et elle y vit encore à l'heure actuelle.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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