BGE 94 I 286 | |||
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42. Arrêt du 18 juin 1968 dans la cause Werren contre Etat de Vaud. | |
Regeste |
Enteignung (Art. 5, 19 lit. b, 22 Abs. 1 und 69 EntG; Art. 684 ZGB). |
2. Verzinsung der Enteignungsentschädigung; Beginn und Zinsfuss (Erw. 4). |
3. Ansprüche aus Nachbarrecht: Zuständigkeit der Enteignungsbehörden - unter Ausschluss des ordentlichen Richters - zum Entscheid darüber, ob das Eigentum überschritten und deshalb Entschädigung zu leisten ist (Änderung der Rechtsprechung) (Erw. 7). |
4. Lärmeinwirkungen einer Autobahn; "Ortsgebrauch". |
a) im allgemeinen ist die Einwirkung nicht übermässig (Erw. 8a). |
b) Vorbehalt der Fälle, wo der Schaden von besonderer Art, unvorhersehbar und schwer ist (Erw. 9). | |
Sachverhalt | |
A.- Jean Werren était propriétaire en St-Jean, commune de Morges, d'une parcelle de 806 m2 sur laquelle a été construite, en 1954-1955, une villa locative de trois appartements. Ce fonds (no 1176) faisait partie d'un groupe de cinq parcelles (nos 1174 à 1178), alignées du nord-ouest au sud-est entre la route cantonale Morges-Lonay au nord et la ligne CFF Lausanne-Genève au sud. Sur les parcelles 1174 et 1175, au nord-ouest, et sur la parcelle 1178, au sud-est, des villas ont été édifiées, tandis que la parcelle 1177, au sud-est, n'était pas bâtie. A l'est de la propriété Werren quelques villas ont également été construites, tandis qu'à l'ouest s'étendait un terrain vague, au-delà duquel a été édifiée la fabrique d'horlogerie Richard, seule construction industrielle implantée dans le voisinage immédiat, mais dont l'activité n'est pas bruyante.
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L'immeuble Werren était intéressé comme fonds dominant et comme fonds servant à une servitude de restriction au droit de bâtir, constituée sur chacune des cinq parcelles précitées, et selon laquelle l'implantation de villas devrait se faire "en quinconce", servitude inscrite au registre foncier en 1950, sous le no 125 673.
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B.- Le tracé définitif de l'autoroute Genève-Lausanne dans la région de Morges/St-Jean a été approuvé par le Conseil d'Etat du canton de Vaud le 6 mars 1961 et par le Département fédéral de l'intérieur le 29 mars 1961. Il emprunte les parcelles 1177 et 1178, situées au sud-est de l'immeuble Werren, qui ont été acquises par l'Etat de Vaud et dégrevées de la servitude 125 673. Le bâtiment construit sur la parcelle 1178 a été démoli.
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L'autoroute, large de 26 m et surélevée de 1,50 m environ par rapport au niveau naturel du sol, se trouve à une distance de 10 m de la limite sud-est de la propriété Werren et à 20 m environ de la façade de la villa. Elle longe les voies ferrées, entre celles-ci et la villa. A cet endroit, considéré comme "traversée" urbaine, elle est éclairée toute la nuit.
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C.- Jean Werren est intervenu lors de la mise à l'enquête pour faire valoir son droit à être indemnisé pour la suppression de la servitude foncière grevant les deux parcelles acquises par l'Etat et pour l'expropriation du droit découlant pour lui des rapports de voisinage (art. 684 CC); il alléguait qu'il subissait un dommage du fait de la construction de l'autoroute (notamment obstacle à la vue), mais surtout de la future utilisation de cette artère (bruit, poussière, gaz, éclairage intense durant la nuit).
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Dans la discussion qui s'engagea entre les parties, l'Etat de Vaud déclara qu'ayant acquis la parcelle située à l'ouest de l'immeuble Werren, il la céderait à une société coopérative d'habitation pour la construction de deux bâtiments locatifs, en la grevant de deux servitudes, l'une interdisant toute industrie quelconque, l'autre fixant la ligne des constructions à 10 m de la limite du côté de l'immeuble Werren.
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La tentative de conciliation ayant échoué, Jean Werren maintint sa demande d'indemnité de 12 000 fr., représentant 10% de la valeur de sa propriété, estimée à 120 000 fr.
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D.- La Commission fédérale d'estimation écarta les conclusions de Jean Werren, par décision du 21 juillet 1961 notifiée le 25 du même mois. Elle motiva sa décision comme il suit. en bref:
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La suppression de la servitude 125 673 n'entraîne pas de dommage, pour le propriétaire, du fait que l'autoroute n'est pas plus gênante pour la vue que des villas en quinconce, ou que des bâtiments industriels.
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En ce qui concerne l'atteinte aux droits de voisinage, l'autoroute sera peu bruyante en cet endroit, du fait de son tracé plane et rectiligne; elle ne provoquera pas plus de bruit que les 150 trains qui passent chaque jour sur la ligne CFF et dont certains s'arrêtent à la halte de St-Jean, ni que les bâtiments industriels qui auraient pu s'implanter sur les terrains situés à l'ouest, selon le plan d'aménagement communal. L'Etat s'engageant à constituer sur ces derniers terrains une servitude excluant la construction d'usines, le requérant bénéficie de cette situation. L'éclairage de l'autoroute ne sera pas plus intense que celui d'une autre voie publique à l'intérieur d'une agglomération, de sorte qu'en définitive le trafic de l'autoroute ne sera pas plus gênant pour la villa Werren que celui de n'importe quelle voie publique à l'intérieur d'une localité.
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A son avis, cette servitude a non seulement pour effet de sauvegarder la vue au sud de la villa, mais également d'interdire, sur les parcelles situées au sud, la construction d'autres bâtiments que des villas, notamment d'établissements industriels incommodants et bruyants. Permettant la construction d'une autoroute particulièrement bruyante, l'extinction de la servitude cause à l'exproprié un dommage qu'il évalue à 12000 fr.
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En ce qui concerne l'atteinte aux droits de voisinage, le recourant argumente comme il suit: L'Etat de Vaud n'a pas contesté valablement l'atteinte portée aux droits garantis par l'art. 684 CC, faute d'avoir procédé conformément à l'art. 69 LEx.; dès lors, seule la quotité de l'indemnité peut encore être discutée. La Commission a admis que l'exproprié avait droit à une indemnité pleine et entière, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de l'importance ou de la rentabilité des dépenses engagées par l'Etat (RO 87 I 89). Allant au-delà de ses compétences au regard de l'art. 69 LEx., elle a cependant estimé que les inconvénients résultant de la construction et de l'utilisation de l'autoroute ne constituaient pas un excès au regard de l'art 684 CC.
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Le recourant conteste cette affirmation. Il soutient que les inconvénients provenant du trafic de l'autoroute seront considérables et constants, qu'en particulier le bruit en sera insupportable, sans commune mesure avec les inconvénients qui pourraient résulter de constructions locatives ou industrielles à proximité. A son avis, la construction de l'autoroute n'apportera à sa propriété aucun avantage qui puisse en compenser les inconvénients; d'autre part, il n'y a pas lieu de tenir compte des inconvénients très hypothétiques - et d'ailleurs minimes - provenant d'installations industrielles qui se seraient implantées si l'Etat ne construisait pas l'autoroute et ne créait pas les servitudes de restriction de bâtir sur les parcelles situées à l'ouest.
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En conséquence, le recourant conclut principalement à la réforme de la décision attaquée et à l'allocation d'une indemnité d'expropriation de 12 000 fr. portant intérêt à 5% dès le 28 janvier 1961 (date de son intervention dans la procédure d'enquête), - très subsidiairement à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause à la Commission pour nouvelle instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants. Il requiert en outre l'allocation d'une indemnité de 750 fr. - ou tout autre montant que justice dira - à titre de dépens de première instance et d'un montant semblable à titre de dépens de seconde instance.
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L'Etat de Vaud conclut au rejet du recours. Il produit l'acte du 15 septembre 1961 par lequel il a cédé la parcelle ouest à une société coopérative d'habitation et constitué sur cette parcelle deux servitudes, l'une y interdisant toute construction industrielle, l'autre fixant la ligne des constructions à 10 m de la limite, du côté de l'immeuble Werren.
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F.- D'entente avec les parties, le Juge d'instruction a suspendu la procédure jusqu'à la mise en service de l'autoroute, au printemps 1964. Il ordonna le 15 avril 1964 une expertise technique portant sur le bruit, qu'il confia au professeur Furrer, de l'Ecole polytechnique fédérale.
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Dans son rapport déposé le 27 janvier 1965, l'expert arrive à la conclusion que le bruit provenant de l'utilisation de l'autoroute ne dépasse pas les niveaux sonores admissibles le long des routes à grand trafic à la sortie des villes ou dans de petites localités, tels qu'ils ont été fixés par la Commission fédérale d'experts pour la lutte contre le bruit.
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G.- Par ordonnance du 4 octobre 1965, le Juge d'instruction chargea une commission de trois membres, composée de MM. Kratzer, notaire à Vevey, Zumstein, notaire à Lausanne et Piccard, architecte à Lausanne, d'examiner les répercussions de la construction de l'autoroute et de son utilisation sur la valeur vénale de l'immeuble Werren.
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Les trois experts déposèrent leur rapport le 28 août 1967. Ils répondirent, par un rapport complémentaire du 14 novembre 1967, aux questions supplémentaires posées par les parties.
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Ils arrivent à la conclusion que les inconvénients du trafic dépassent ce qui est normalement supportable et qu'un préjudice en résulte pour le propriétaire. Ils estiment que ce préjudice équivaut à 10% de la valeur vénale de la propriété, qu'il n'est pas exagéré de fixer à 120 000 fr., de sorte que la demande d'indemnité de 12 000 fr. est justifiée.
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H.- Dans son projet d'arrêt du 28 décembre 1967, le Juge d'instruction a proposé d'admettre le recours en principe, c'est-à-dire de condamner l'Etat de Vaud à payer aux héritiers de Jean Werren - décédé en cours de procédure - une indemnité de 12 000 fr., portant intérêts à 41/2% dès la mise en service de l'autoroute, et de mettre tous les frais, y compris ceux des deux expertises s'élevant à 10 513 fr. 80, à la charge de l'intimé, qui devrait verser en outre 1000 fr. de dépens à l'autre partie pour les deux instances.
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L'Etat de Vaud a requis le Tribunal fédéral de prononcer un jugement, tandis que les héritiers de Jean Werren se sont soumis sans réserve au projet d'arrêt.
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Réformant la décision de la commission fédérale d'estimation, le Tribunal fédéral a accordé l'indemnité de 12 000 fr., en raison de la suppression de la servitude.
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Considérant en droit: | |
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Les experts commis par le Tribunal fédéral ont admis que l'indemnité de 12 000 fr. demandée par Werren se justifiait, car elle correspond à la dépréciation causée à l'immeuble par l'exploitation de l'autoroute.
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En principe, le Tribunal fédéral ne s'écarte des chiffres établis par les experts que si ceux-ci manquaient des connaissances requises, ou si leur appréciation était viciée par une fausse interprétation de la loi, une erreur de fait manifeste, une lacune ou une contradiction (RO 87 I 90).
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Les parties n'ont pas prétendu que les experts n'avaient pas les connaissances nécessaires pour accomplir leur mission. En revanche, l'Etat de Vaud estime qu'ils n'ont pas tenu compte de certains éléments qui auraient dû les amener à une autre solution. Il fait état d'une part de certains facteurs qui, même sans la suppression des droits expropriés, auraient diminué la valeur qu'avait l'immeuble avant la construction de l'autoroute; il soutient d'autre part que certains faits de l'expropriant ont augmenté la valeur de l'immeuble, ou plus exactement empêché la dépréciation qu'auraient pu causer les facteurs précités. En d'autres termes, l'Etat prétend que les droits expropriés n'auraient pas permis à Werren de se défendre contre tout le dommage subi par son immeuble.
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Il est vrai que la dépréciation de l'immeuble, telle qu'elle est fixée par les experts, ne correspond pas nécessairement au dommage provenant de l'expropriation des droits liés à cet immeuble. Le dommage n'équivaut qu'à la dépréciation que les droits expropriés auraient permis à Werren d'éviter s'ils n'avaient pas été supprimés.
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Il s'agit donc d'examiner, d'une part si les droits expropriés auraient permis à Werren d'éviter tout le dommage subi par son immeuble, et d'autre part si l'expropriant est en droit de demander la compensation - totale ou partielle - des inconvénients par les avantages résultant de son entreprise. Comme le recourant a fondé sa demande principalement sur l'extinction de la servitude, et subsidiairement seulement sur la suppression de ses droits découlant des rapports de voisinage, il y a lieu d'examinar séparément les deux questions ci-dessus au regard des deux prétentions, principale et subsidiaire.
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Erwägung I | |
2. - En vertu de la servitude 125 673, le recourant pouvait exiger des propriétaires des parcelles 1177 et 1178 qu'ils se bornent à y construire des villas, et encore sur un emplacement déterminé. Contrairement à la manière de voir de la Commission d'estimation, cette servitude n'avait pas pour seul but d'assurer une vue plus ou moins étendue aux habitants de la maison du recourant. Constituée sur des terrains classés en zone industrielle, elle garantissait principalement le recourant contre toute utilisation des fonds servants qui serait plus incommodante que la présence de villas placées d'une certaine manière; elle le protégeait donc notamment contre l'édification de vastes maisons locatives ou d'installations industrielles, aussi bien que contre l'établissement d'une grande voie de communication.
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L'intimé prétend d'une part que la construction de deux villas sur les parcelles 1177 et 1178 aurait enlevé à la propriété Werren plus de vue et d'espace libre que ne le fait l'autoroute et lui aurait ainsi occasionné une certaine dépréciation; il soutient d'autre part que la servitude, frappant seulement les terrains au nord et au sud sur une largeur de 35 m, n'aurait pas permis à l'exproprié de se défendre contre les immissions incommodantes provenant d'installations industrielles qui se seraient implantées en dehors de l'assiette de la servitude, soit sur l'emplacement de l'autoroute, soit sur la parcelle située à l'ouest de l'immeuble Werren.
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La construction d'une villa sur chacune des parcelles expropriées n'était pas de nature à déprécier la propriété Werren, d'autant moins que leur implantation avait été fixée de façon à gêner le moins possible les autres constructions. La présence de ces deux villas pouvait bien plutôt ajouter à la valeur des autres immeubles, en contribuant à donner au quartier un certain caractère résidentiel.
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Quant aux installations industrielles bruyantes et incommodantes qui auraient pu s'édifier en dehors de l'assiette de la servitude, notamment sur l'emplacement de l'autoroute et sur la parcelle ouest, il faut admettre avec les experts qu'une telle implantation n'était rien moins que certaine. Si les terrains en question sont juridiquement classés en zone industrielle, la présence de plusieurs maisons d'habitation confère en fait à cette région le caractère de zone mixte, dans laquelle seules des installations industrielles peu incommodantes auraient pu être autorisées, comme c'est le cas de la fabrique d'horlogerie Richard, seule industrie qui y soit implantée pour le moment. Or la présence de telles installations n'eût guère nui à l'immeuble Werren, qui est une construction simple et modeste. Il faut relever d'autre part que la parcelle à l'ouest aurait très bien pu servir aussi à l'habitation, une telle utilisation étant autorisée par l'art. 46 du règlement communal des constructions; sachant que le précédent propriétaire était une société anonyme qui, au moment de sa constitution en vue de l'acquisition de la parcelle, avait pris le nom de "Cité gracieuse SA", on peut penser que cette dernière éventualité avait tout autant de chance de se réaliser que la première. Il n'y a donc pas lieu de retenir cet élément comme facteur de réduction de la valeur vénale de l'immeuble Werren.
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On peut également négliger l'éventualité où l'autoroute se serait construite plus au sud, sans mettre à contribution les parcelles grevées de la servitude: en raison de la présence des voies CFF immédiatement au sud des deux parcelles, cette solution n'aurait pas été possible, à moins que l'autoroute ne passe au sud de la voie ferrée; mais alors l'immeuble Werren, plus éloigné, n'aurait pas subi de dépréciation, aux dires des experts. De même, on peut se dispenser d'examiner la solution d'une autoroute construite au-dessus de la voie ferrée: en effet, rien ne permet de supposer qu'une telle éventualité se serait produite.
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En définitive, l'examen des différentes situations qui auraient pu se présenter sans la suppression de la servitude et la construction de l'autoroute ne permet pas de conclure qu'une dépréciation de l'immeuble Werren serait de toute façon intervenue. On peut donc admettre que la servitude expropriée aurait permis à son bénéficiaire d'éviter tout le dommage subi par son immeuble du fait de la construction et de l'utilisation de l'autoroute.
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a) Selon cette disposition, il n'est pas accordé d'indemnité de dépréciation pour la partie restante en cas d'expropriation partielle, lorsque la dépréciation se trouve compensée par des avantages particuliers résultant de l'entreprise de l'expropriant. Le recourant a contesté que cette disposition puisse s'appliquer en l'espèce, soutenant qu'il ne s'agit pas d'une expropriation partielle, mais d'une expropriation totale de la servitude.
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Il est vrai que la servitude grevant les deux parcelles est éteinte en totalité, les deux parcelles elles-mêmes ayant été acquises entièrement par l'Etat et utilisées entièrement pour la construction de l'autoroute. Mais une telle servitude n'a pas de valeur en soi; elle n'a de valeur qu'en fonction du fonds dominant, dans la mesure où elle permet au propriétaire de ce dernier d'éviter certains dommages. Elle est donc en étroite dépendance économique avec le fonds dominant: sa suppression entraîne une diminution de valeur de celui-ci; l'indemnité à payer pour sa suppression se détermine en fonction du dommage subi par la propriété, lequel se calcule par comparaison de la valeur vénale de l'immeuble avant et après la suppression de la servitude. Il faut en conclure que, même si la servitude est expropriée en totalité, les règles relatives à l'expropriation partielle peuvent s'appliquer, notamment les art. 12, 19 lettre b et 22. Ainsi l'on pourrait tenir compte, en l'espèce, des avantages particuliers résultant de l'entreprise de l'expropriant.
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b) Aux dires de l'intimé, les avantages particuliers consisteraient en ceci: la parcelle Werren, qui était aussi fonds servant, est elle-même libérée de la servitude à l'égard des deux parcelles 1177 et 1178; la présence de l'autoroute exclut la possibilité de construire des villas sur ces deux parcelles et des installations industrielles en dehors de l'assiette de la servitude, de sorte que la propriété Werren jouit ainsi d'une vue plus étendue et d'espaces libres plus vastes; la constitution de deux servitudes sur la parcelle située à l'ouest garantit la propriété Werren contre la présence d'installations industrielles incommodantes qui auraient pu s'implanter jusqu'à la limite de la propriété. Il en résulte une augmentation de valeur qui compense la dépréciation occasionnée par le trafic de l'autoroute; en d'autres termes, l'entreprise de l'expropriant empêche la survenance de certains faits (énumérés sous consid. 2 ci-dessus) qui auraient déprécié la propriété Werren.
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On peut douter qu'il s'agisse en l'espèce d'avantages particuliers pour la propriété Werren, et que ces avantages - tout au moins dans le troisième cas - proviennent bien de l'entreprise de l'expropriant, c'est-à-dire de la construction et de l'exploitation de l'autoroute. La question peut cependant rester indécise, car les prétendus avantages n'en sont pas en réalité. En effet, comme on l'a vu ci-dessus (consid. 2), il n'est pas du tout prouvé, ni même vraisemblable, que la propriété Werren se serait dépréciée si les choses avaient suivi leur cours normal, sans l'expropriation de la servitude 125 673 et sans la construction de l'autoroute; d'autre part, si la vue dont on jouit de l'immeuble Werren est plus vaste sans la présence de deux villas au sud, elle est certainement moins agréable en raison de l'autoroute. Ainsi l'entreprise de l'expropriant et les diverses mesures prises par lui n'ont empêché que des dommages très hypothétiques; on ne peut donc pas dire qu'elles ont procuré à la propriété Werren des avantages compensant sa dépréciation.
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Conformément à l'art. 76 al. 2 LEx., cette somme porte intérêt au taux usuel dès le jour de la prise de possession. Le recourant avait demandé que l'intérêt coure dès le 28 janvier 1961, date de son intervention dans la procédure d'enquête. Le projet d'arrêt du juge d'instruction, qui accordait l'indemnité de 12 000 fr. en se fondant sur l'ensemble des éléments de dépréciation, sans faire de distinction entre la contre-valeur de la servitude et celle des droits découlant des rapports de voisinage, a fixé le point de départ à la date de la mise en service de l'autoroute; il partait de l'idée que c'était à ce moment-là que devenait effectif le dommage contre lequel le recourant ne pouvait plus désormais se défendre. Comme le présent arrêt accorde l'indemnité de 12 000 fr. en tant que contrevaleur de la servitude supprimée, le point de départ du calcul de l'intérêt devrait être fixé au jour de la prise de possession de la servitude, qui correspond en fait au jour où les travaux ont commencé sur les parcelles 1177 et 1178. Cependant le recourant s'est soumis sans réserve au projet d'arrêt, qui ne peut dès lors être modifié en sa faveur (HESS, Commentaire ad art. 85 LEx., n. 7). Le point de départ pour le calcul de l'intérêt reste ainsi fixé à la date de la mise en service du tronçon de l'autoroute devant l'immeuble Werren.
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Quant au "taux usuel", il avait été fixé à 4% par l'arrêt Gross du 26 avril 1961 (RO 87 I 91). Dans la séance plénière du 17 mai 1967, où elle a approuvé les rapports des Commissions fédérales d'estimation, la cour a exprimé l'avis qu'une augmentation de ce taux à 4 1/2% se justifiait à partir du 1er janvier 1967. L'indemnité portera donc intérêt à 4% dès la mise en service de l'autoroute jusqu'à fin 1966, et à 4 1/2% dès 1967.
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Erwägung II | |
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Il n'est pas contesté que les immissions provenant de l'autoroute sont inévitables. Les voisins ne disposent donc plus du droit de faire cesser celles qui sont excessives; ils peuvent en revanche demander à être indemnisés pour la suppression de ce droit. C'est ce qu'a fait Werren en l'espèce; mais l'Etat de Vaud soutient que les immissions provenant de l'autoroute ne sont pas excessives, de sorte qu'il n'a pas d'indemnité à payer. Le recourant dénie cependant à l'expropriant la faculté de faire valoir ce moyen, du moment qu'il n'a pas contesté l'existence du droit, objet de la demande d'indemnité; il prétend que la Commission d'estimation, en écartant cette demande, est allée au-delà des compétences que lui confère l'art. 69 LEx. Il s'agit donc de statuer d'abord sur ce point et de délimiter les compétences respectives des autorités d'expropriation et du juge ordinaire dans la détermination des rapports de voisinage.
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Or que faut-il entendre par "droit faisant l'objet d'une demande d'expropriation"? Est-ce le droit de s'opposer à d'éventuelles immissions excessives, en invoquant la qualité de voisin? Ou s'agit-il du droit de se prévaloir d'un excès dans un cas concret, c'est-à-dire du droit à une indemnité? Si l'on retient la première hypothèse, c'est à juste titre que la Commission d'estimation s'est déclarée compétente, le droit de Werren de s'opposer à d'éventuelles immissions excessives n'étant pas contesté. En revanche, dans l'autre éventualité, elle aurait dû renvoyer l'intimé à agir devant le juge ordinaire, les parties se disputant précisément sur le droit du recourant à une indemnité; c'est seulement après la reconnaissance de ce droit par le juge ordinaire qu'il eût appartenu à la Commission d'estimation d'arrêter le montant de l'indemnité.
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Assurément, le Tribunal fédéral pourrait se dispenser de prendre parti en l'espèce. Il suffirait de constater que, même si la Commission d'estimation s'est trompée, sa décision n'est pas nulle et que les parties se sont bornées à soulever la question de l'indemnité devant le Tribunal fédéral, qui est lié par leurs conclusions (arrêt Aregger du 4 juillet 1956, p. 7). Toutefois, l'interprétation de l'art. 69 LEx. ayant suscité des divergences, il paraît opportun de préciser le sens de cette disposition dans le présent arrêt.
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Optant clairement pour la seconde solution envisagée, la IIe Cour civile a invité un tribunal cantonal à se prononcer sur l'atteinte aux droits de voisinage, la commission d'estimation compétente "n'ayant qu'à fixer l'éventuelle indemnité qui pourrait être due"; c'était dire que la question du droit à l'indemnité relève de la juridiction du juge ordinaire (RO 83 II 544). Après s'être prononcée implicitement en sens contraire (arrêt Lugon du 26 juin 1925), la Chambre de droit public a adopté il y a quelques années la manière de voir de la IIe Cour civile (arrêt Siegenthaler du 9 juillet 1958, p. 5). En revanche, dans la séance plénière du 20 mars 1968, où elle a approuvé les rapports des commissions d'estimation, elle a contesté "mit aller Entschiedenheit" qu'il appartienne au juge ordinaire de statuer sur la violation du droit de voisinage, soit sur l'existence du droit à une indemnité. Cet avis se fonde sur l'idée que le juge civil n'est compétent que pour statuer sur les contestations relatives à l'existence d'un droit, et non pour examiner si et dans quelle mesure un tel droit est violé; celui qui conteste la violation d'un droit de voisinage n'en conteste pas l'existence elle-même. Si les deux points de vue opposés peuvent se justifier en théorie, la solution retenue récemment par la Chambre de droit public paraît préférable pour des raisons pratiques et doit être maintenue. En effet, la question de la violation du droit de voisinage, c'est-à-dire celle du droit à indemnité, ne peut être séparée raisonnablement de celle du montant de l'indemnité: pour déterminer s'il y a excès, il faut se prononcer sur la gravité de l'atteinte; mais il faut aussi examiner cette même question pour fixer le montant de l'indemnité. Il ne serait pas judicieux que deux autorités statuent sur le même point.
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a) Selon l'art. 684 al. 2 CC, il faut tenir compte au premier chef de l'usage local pour déterminer s'il y a excès ou non. Par conséquent, si l'on entend considérer dans leur ensemble les rapports de voisinage des riverains d'une voie publique, on se fondera sur l'usage généralement observé en Suisse.
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Or en principe, conformément à l'opinion communément admise, les voisins d'une route ne sauraient prétendre être indemnisés en raison des inconvénients qui en résultent. "Die Expropriationsentschädigung - écrit le professeur OFTINGER - setzt folglich die Übermässigkeit der Immissionen im Sinne der privatrechtlichen Bestimmung Art. 684 ZGB voraus. Hieran fehlt es nun aber, was die von öffentlichen Strassen herrührenden Einwirkungen anlangt, im Normalfall deswegen, weil diese - Al. II/Art. 684 - durch,Lage und Beschaffenheit der Grundstücke'und'Ortsgebrauch'legitimiert werden, auch wenn sie noch so stark sind" (Schweizerisches Haftpflichtrecht II/2 p. 518; cf. GUISAN, JdT 1936 I 314; L'HUILLIER, RDS 1952 p. 90 a s.; KOLB, RDS 1952 p. 196 a et 198 a; WEGMANN, Das Gemeinwesen als Nachbar, p. 52 s.). Il est significatif aussi que, jusqu'à ces dernières années, les propriétaires Iésés par le trafic routier n'aient pas estimé opportun de réclamer des dommages-intérêts devant les tribunaux ou les autorités d'expropriation. Leur passivité s'explique d'ailleurs aisément. Celui dont le fonds a augmenté de valeur par suite de l'établissement ou de la correction d'une route serait mal venu à se plaindre des conséquences de ces travaux; faute d'avoir subi un dommage, il n'obtiendrait rien. En outre, le propriétaire qui devait prévoir l'extension du réseau routier et du trafic, par exemple celui qui a acquis un immeuble à l'intérieur ou dans la banlieue d'une agglomération, n'a pas lieu de demander une indemnité; selon la jurisprudence, il serait débouté (RO 40 I 455; arrêt Siegenthaler du 9 juillet 1958, p. 9). Bien plus, même s'ils subissent un préjudice effectif auquel ils ne pouvaient s'attendre, les voisins des routes publiques adoptent généralement la même attitude, que motivent sans doute des considérations d'intérêt public. L'augmentation constante du nombre des véhicules à moteur exige l'ouverture de nouvelles voies et l'agrandissement de celles qui existent déjà. Si les collectivités publiques étaient tenues de réparer tous les dommages qu'entraînent ces ouvrages indispensables, elles seraient dans la plupart des cas hors d'état de les entreprendre. Le principe posé vaut aussi pour les autoroutes, dont le trafic n'est généralement pas plus bruyant que celui des artères principales dans les localités et leurs abords immédiats. Il semble d'ailleurs s'être aussi imposé à l'étranger (cf. notamment deux arrêts allemands, l'un du Reichsgericht du 9 janvier 1939, publié au RGZ vol. 159 p. 137 ss., et l'autre du Bundesgerichtshof du 22 décembre 1967).
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b) La règle n'est cependant pas absolue. D'une part, celui qui s'est fié de bonne foi aux assurances d'une autorité pour acheter un immeuble ou construire un bâtiment mérite d'être protégé conformément à la jurisprudence (cf. notamment RO 88 I 148; de même 91 I 136). D'autre part, il faut réserver le cas où le dommage est à la fois spécial, imprévisible et grave: lorsque ces trois conditions sont réunies, l'octroi d'une indemnité se justifie. Bien que ces conditions puissent chevaucher dans une certaine mesure, il y a lieu de les examiner séparément pour en déterminer le sens.
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aa) Le préjudice peut être spécial en raison des immissions elles-mêmes: intensité particulière du bruit qui se dégage de la route, ou nocivité de certaines émanations. Il appartient à l'autorité d'expropriation d'examiner de cas en cas si le dommage est spécial. Mais s'il s'agit, par exemple, d'un immeuble situé dans les environs immédiats d'une agglomération et jouissant jusqu'ici d'une certaine tranquillité, son propriétaire ne peut se plaindre de l'augmentation du bruit aussi longtemps que les niveaux sonores admissibles le long des artères principales, tels qu'ils ont été fixés par la Commission fédérale d'experts pour la lutte contre le bruit, ne sont pas dépassés (cf. Rapport de 1963 au Conseil fédéral, p. 44). On ne saurait, sur ce point, partager l'avis du professeur OFTINGER (loc. cit., p. 518/9), selon lequel il y aurait excès toutes les fois qu'une route nouvelle s'ouvre dans une région à l'abri du trafic ou qu'une voie peu fréquentée est transformée en une artère de grande circulation; le droit à indemnité ne peut pas davantage découler du seul fait qu'une route nationale a été construite. Pour justifier un tel droit, il faut que des circonstances particulières s'ajoutent à celle qu'indique cet auteur.
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bb) Le caractère spécial du dommage peut également provenir du mode d'utilisation de son immeuble par l'exproprié: celui qui a ouvert par exemple une clinique pour maladies nerveuses dans une région écartée et tranquille subira un dommage spécial si le trafic d'une autoroute construite à proximité l'empêche de poursuivre l'exploitation de cette clinique et l'oblige à la transférer ailleurs.
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cc) Enfin, le préjudice peut être spécial en raison du mode d'implantation de l'ouvrage par rapport aux immeubles voisins. Les routes en viaduc, construites au-dessus du niveau naturel du terrain d'alentour, peuvent non seulement priver de vue et de soleil des maisons d'habitation, mais également provoquer des immissions excessives de poussière, des éclaboussures ou d'autres dommages encore. Il est vrai qu'en ce qui concerne la privation de vue et de soleil, on peut se demander s'il y a excès au sens de l'art. 684 CC. Dans un arrêt de 1962 (RO 88 II 264), la IIe Cour civile a estimé que la seule présence d'un bâtiment ou la disposition des constructions n'exerce sur d'autres fonds aucun effet qui pourrait constituer un excès au sens de l'art. 684 CC. A défaut de pouvoir fonder une prétention à indemnité sur cette disposition, on pourrait envisager de la faire découler de principes généraux, comme on en a déduit l'obligation d'indemniser en cas d'expropriation matérielle. Il n'est cependant pas nécessaire de trancher ici cette question.
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b) La condition d'imprévisibilité résulte d'une jurisprudence déjà ancienne, selon laquelle le propriétaire d'une maison située à proximité d'une voie ferrée doit s'attendre à supporter plus de bruit que l'habitant d'un quartier tranquille de villas; il n'a pas droit à une indemnité si l'agrandissement normal et prévisible des installations ferroviaires entraîne une augmentation du bruit (cf. notamment RO 40 I 455 et arrêt Siegenthaler du 9 juillet 1958, p. 9). Il n'y a aucune raison de se montrer moins rigoureux à l'égard du voisin d'une route publique.
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c) Spécial et imprévisible, le dommage doit atteindre en outre une certaine gravité. Ainsi que l'a jugé récemment le Tribunal fédéral, les particuliers ne peuvent prétendre à une indemnité chaque fois qu'un acte étatique leur cause un dommage; ce serait méconnaître les devoirs des citoyens envers la collectivité, aggraver ses charges financières et compromettre le fonctionnement des services publics (RO 93 I 711 consid. 3, Société suisse des maîtres imprimeurs). Ces considérations s'appliquent également aux inconvénients que la circulation sur les voies publiques occasionne à leurs voisins. Tant que le tort causé est bénin, il ne procède pas d'un excès qui engendre un droit à indemnité. Mais il n'est pas possible de poser des règles générales pour apprécier le degré de gravité auquel ce droit est subordonné. Aussi incombe-t-il aux autorités d'expropriation de le déterminer de cas en cas, en tenant équitablement compte de tous les éléments de l'espèce, notamment de l'importance du dommage et de sa relation avec la valeur de l'immeuble déprécié. Le caractère de gravité devrait être en tout cas dénié si le dommage n'atteint pas un certain montant ou un certain pourcentage, qui ne peuvent cependant être déterminés une fois pour toutes.
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d) Les règles posées ci-dessus ne s'appliquent pas seulement au cas où, sans être privé d'une partie de son terrain, le propriétaire se borne à faire valoir un droit découlant des rapports de voisinage, mais aussi dans l'éventualité où, sa propriété ayant été amputée, il invoque ces mêmes rapports pour obtenir réparation du dommage causé par des immissions excessives à la parcelle restante.
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