BGE 94 I 644 | |||
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88. Extrait de l'arrêt du 22 novembre 1968 dans la cause Sancey contre Commission cantonale de la propriété rurale du canton de Neuchâtel. | |
Regeste |
Art.19 lit. b EGG. | |
Sachverhalt | |
A.- Le 24 avril 1962, Gilbert Bourquin et Francine Jeanneret-Bourquin ont accordé à Alfred Sancey, pour dix ans, un droit d'emption sur 75 parcelles d'une contenance totale de 275 250 m2 pour le prix de 145 000 fr. Sancey avait le droit de se substituer un autre acheteur. Le 6 octobre 1966, le notaire Landry informa le Département de l'agriculture du canton de Neuchâtel qu'Alfred Sancey avait cédé son droit d'emption à son fils, Jean-François, lequel entendait l'exercer.
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La Commission d'experts agricoles fit opposition à la vente de par l'art. 19 lit. a, b et c LPR. Elle releva que Sancey père possède déjà de nombreux immeubles agricoles et qu'elle avait précédemment fait opposition à plusieurs achats, mais avait en partie retiré ces oppositions, parce que Sancey avait allégué qu'il voulait, par ses acquisitions, créer pour son fils une exploitation agricole indépendante.
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Jean-François Sancey - le fils - contesta le bien-fondé de l'opposition.
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Le 16 février 1968, le Département neuchâtelois de l'agriculture le débouta dans la mesure où elle était fondée sur les lettres a et b de l'art. 19 LPR, mais renonça à invoquer la lettre c dudit article.
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Sancey fils a déféré cette décision à la Commission cantonale de la propriété foncière rurale (la Commission cantonale).
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Le 29 mai 1968, la Commission cantonale a rejeté le recours.
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B.- Jean-François Sancey a formé un recours de droit administratif contre cette décision. Il demande au Tribunal fédéral de lever l'opposition faite, par l'autorité cantonale, à la vente qu'il veut conclure avec les hoirs Bourquin. Il argumente en bref comme il suit:
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La Commission cantonale relève que le père du recourant possède une grande étendue de terres agricoles, mais elle ne dit pas que 70 des 309 poses dont il s'agit consistent en forêts. Elle affirme à tort qu'il ne pourrait pas exploiter lui-même tous ses fonds, dont il aurait dû affermer une grande partie. Il n'a en réalité donné à bail que 40 poses pour rendre service à l'ancien fermier qui, ces terrains ayant été vendus, n'avait point trouvé de remplacement. De plus, il a lui-même pris à bail 110 poses. On ne saurait opposer au fils les allégations faites par son père à l'occasion de précédents achats de terrain. L'arrêt prononcé par le Tribunal fédéral en 1961 concernait Sancey père et, pour celui-ci également, les circonstances ne sont plus aujourd'hui ce qu'elles étaient alors, car, au moyen de son grand parc de machines, il est à même de cultiver son propre terrain et, en plus, celui qu'il a pris à bail. Il se justifie donc tout à fait qu'il ne cède point de terrain à son fils, mais lui fournisse les fonds nécessaires pour en acheter et fonder sa propre exploitation. Au surplus, il n'importe à la Commission cantonale la manière dont Sancey fils pense se procurer les fonds dont il a besoin. C'est sans doute arbitrairement que cette autorité invoque l'art. 19 lit. a LPR. Le recourant, qui ne possède point encore de domaine, ne saurait faire acte d'accaparement. Au contraire de ce que l'on avait constaté dans un des cas cités par la Commission, le recourant est agriculteur et veut exploiter lui-même le domaine acheté. Cela n'a rien à faire avec un accaparement imputé à son père. Pour les mêmes raisons, l'art. 19 lit. b LPR ne lui est pas applicable.
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Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
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Considérant en droit: | |
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La Commission d'experts agricoles a fondé son opposition sur les lettres a, b et c de l'art. 19 LPR; le Département neuchâtelois de l'agriculture a abandonné et n'a pas repris, par la suite, l'argument tiré de la lettre c. Il a déclaré qu'il y avait à la fois spéculation et accaparement au sens de la lettre a de l'art. 19. Mais les motifs, en réalité, ne font état que de l'accaparement et en aucune manière de la spéculation - que le recourant, du reste, nie expressément. Dans la décision de la Commission cantonale, il n'est pas question non plus de desseins spéculatifs; on peut donc admettre que l'autorité cantonale a abandonné ce motif d'opposition. Il ne reste donc plus à examiner que la question de l'accaparement.
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Du point de vue de la lettre b, Sancey père, propriétaire de plus de 83 ha de terres agricoles, comprenant au moins trois domaines, dispose manifestement d'assez de biens-fonds agricoles pour assurer, à lui-même et à sa famille une "existence suffisante". Il s'agit donc uniquement de savoir si l'on se trouve dans le cas exceptionnel de l'achat qui doit permettre à un descendant de créer une exploitation indépendante.
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3. Le 27 octobre 1961, le Tribunal fédéral a déjà connu d'une opposition, fondée sur l'art. 19 lit. a et b LPR et dirigée contre un achat de terrains projeté par Sancey père. Il a admis l'opposition en vertu de l'art. 19 lit. b et n'a donc pas jugé si la lettre a était aussi applicable. Il a dit que Sancey père, qui possédait alors 66 ha au lieu des 83 dont il est aujourd'hui propriétaire, avait assez de terrain pour assurer son existence et celle de sa famille et, en outre, pour créer, en faveur de son fils, une exploitation indépendante.
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Aujourd'hui, le problème qui se pose diffère de celui-là en ce sens que ce n'est pas Sancey père qui apparaît comme acheteur, mais son fils, qui n'est encore, lui-même, propriétaire d'aucun terrain. Les lettres a et b de l'art. 19 LPR seront donc applicables ou non selon que les conditions qu'elles posent doivent être réalisées dans la personne de l'acheteur lui-même ou que la situation de son père entre aussi en ligne de compte. L'une et l'autre des dispositions, par leur texte, ne visent que l'acheteur lui-même, de sorte que la lettre serait plutôt favorable à une interprétation restrictive sur ce point décisif. Le Département neuchâtelois de l'agriculture estime cependant qu'une famille aussi peut se livrer à l'accaparement. Mais, comme le relève la Commission cantonale, point n'est besoin de trancher cette question d'une manière absolue; il s'agit uniquement de savoir en l'espèce si l'on peut opposer à Sancey fils les circonstances et en particulier les intentions qui sont propres à son père.
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Cette question appelle l'affirmative. Sancey père - cela est constant - a déjà, par trois fois, acheté au total 17 ha (les domaines Schenk, Piaget et Sommer) et écarté les oppositions élevées par l'autorité en alléguant qu'il voulait, par ces acquisitions, permettre à son fils Jean-François de fonder un domaine agricole indépendant. Dans un de ces cas au moins, le fils a été entendu comme témoin et a déclaré qu'il désirait devenir agriculteur et que le domaine que son père entendait acheter pour lui, lui convenait. Sa majorité atteinte, capable d'assumer la charge d'un domaine, il ne recevrait pas, aujourd'hui, les terres achetées par son père à cet effet; son père les conserverait par devers lui et mettrait à sa disposition les moyens nécessaires pour acheter un autre domaine encore.
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Ce serait là éluder la prescription de l'art. 19 lit. b LPR et Sancey fils participerait à cet acte. L'admettre serait contrevenir au but même de la loi du 12 juin 1951. Car le père utiliserait pour agrandir son propre domaine, déjà considérable, les terres qu'il avait acquises, prétendument pour donner une exploitation à son fils; or l'autorité n'aurait pas admis des achats faits à cette fin. Les motifs invoqués aujourd'hui sont en contradiction avec les intentions expressément manifestées lors des précédents achats. Sancey fils, qui agit aujourd'hui comme acheteur, doit se soumettre lorsqu'on lui oppose les circonstances qui le touchent et que l'on a alléguées dans les précédentes procédures. C'est dès lors à bon droit que la Commission cantonale a admis l'opposition fondée sur l'art. 19 lit. b LPR.
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