BGE 95 I 118 | |||
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17. Arrêt du 5 février 1969 dans la cause Corsino contre Conseil d'Etat du canton de Genève. | |
Regeste |
Wirtschaften, Willkür. | |
Sachverhalt | |
A.- La loi genevoise du 12 mars 1892 sur les auberges, débits de boisson et autres établissements analogues est fondée, selon son préambule, notamment sur les art. 31ter et 32quater Cst. Elle subordonne à une autorisation préalable l'ouverture d'établissements où l'on débite des boissons spiritueuses (art. 1er). L'art. 4 précise que les permissions sont personnelles et doivent désigner le local où se trouve l'établissement; il interdit le transfert dans un autre local, à moins que le titulaire n'ait obtenu "une nouvelle autorisation, conformément à l'art. 1". Selon l'art. 5, les permissions ne sont accordées qu'après enquête préalable du Département genevois de justice et police (en abrégé: le Département) et préavis du Service d'hygiène, mais seulement si plusieurs conditions posées par la loi sont réalisées, notamment:
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"si l'enquête préalable constate que le nombre des établissements du même genre déjà existant dans la localité, la commune ou le quartier peut être augmenté sans inconvénient. Tout refus est motivé." (art. 5 lit. c)
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B.- Le 20 février 1967, Louis Corsino a demandé au Département la permission d'exploiter un restaurant avec "snackbar" et commerce de traiteur dans le groupe résidentiel des immeubles de la Gradelle, sur le territoire de la commune de Chêne-Bougeries. Il s'agit d'un ensemble qui comprend 650 logements et peut recevoir une population de 3000 personnes environ. Le requérant affirmait que les conditions posées par l'art. 5 de la loi du 12 mars 1892 étaient réalisées, en particulier celle que formule la lettre c de cet article, car le nombre des restaurants et débits de boisson sur le territoire de la commune de Chêne-Bougeries serait loin d'être suffisant pour exclure une augmentation. Quant au groupe d'immeubles de la Gradelle, avec 3000 habitants, son importance justifierait la permission demandée.
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C.- Le 31 août 1967, le Département rejeta la requête. Cette décision est motivée, en résumé, comme il suit:
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Le nombre des cafés, à Genève, étant excessif, le Département a institué une pratique qui permet de ne pas en augmenter le nombre, afin d'assainir la situation. Selon ce système, la remise de l'établissement à un tiers est autorisée, mais toute nouvelle création, en un lieu quelconque, doit être compensée par la fermeture d'un établissement d'égale importance, cette fermeture étant considérée comme un transfert. Cependant, le titulaire ne peut transférer son établissement en un autre lieu que s'il y est contraint par une cause indépendante de sa volonté (démolition de l'immeuble, refus de renouvellement du bail à des conditions équitables, etc.). De plus, le lieu de situation du nouvel établissement doit être agréé par le Département en conformité de la clause de besoin. Enfin, celui qui transfère son établissement et veut en même temps le remettre doit terminer cette opération dans un délai fixé par le Département. Le requérant ne répond pas à ces exigences et l'administration ne saurait faire, en sa faveur, une exception à sa pratique sans violer le principe de l'égalité devant la loi.
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D.- Corsino a recouru devant le Conseil d'Etat du canton de Genève, mais cette autorité l'a débouté, le 30 avril 1968, en bref par les motifs suivants:
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Appliquant l'art. 5 lit. c de la loi du 12 mars 1892, le Département, dans une pratique constante, approuvée par le Conseil d'Etat, interprète la clause de besoin de la façon la plus stricte lorsqu'il s'agit d'accorder de nouvelles permissions. Cependant, il ne s'oppose pas à la reprise et, le cas échéant, au transfert des permissions existantes, ce qui permet, sur l'ensemble du territoire cantonal, d'ouvrir de nouveaux établissements sans en augmenter le nombre. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, dans une ville, la question du besoin ne doit pas être résolue pour chaque quartier séparément; il est licite de se fonder sur le nombre d'habitants. Au surplus, le Tribunal fédéral a dit (RO 54 I 86), dans une affaire analogue à la présente, qu'il n'était pas nécessaire que chaque quartier d'une ville dispose d'un établissement public.
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E.- Corsino a formé un recours de droit public. Il conclut à l'annulation de l'arrêté entrepris et au renvoi de la cause au Conseil d'Etat pour qu'il accorde la permission demandée. Son argumentation se résume comme il suit:
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Le Conseil d'Etat est tombé dans l'arbitraire, notamment parce qu'il n'a pas examiné si le recourant satisfait aux exigences de l'art. 5 de la loi du 12 mars 1892, comme cette disposition lui ordonnait de le faire. A cet égard, la décision entreprise n'est pas motivée. De plus, il est non seulement arbitraire, mais encore incompatible avec les art. 31 et 31 ter Cst. d'exiger de tout nouveau requérant, de par la loi genevoise, qu'il soit au bénéfice d'une reprise avec, au besoin, autorisation de transfert d'une permission déjà existante. Enfin, l'exigence d'un transfert est absolument incompatible avec le système de la loi, qui lie indissolublement la permission à la personne du titulaire et la rend donc incessible.
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F.- Le Conseil d'Etat du canton de Genève conclut au rejet du recours.
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Considérant en droit: | |
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L'autorité genevoise a considéré uniquement que, pour l'ensemble du canton, le nombre des débits de boissons alcooliques était trop élevé par rapport au nombre des habitants, partant qu'il fallait en empêcher absolument l'augmentation et, par voie de conséquence, ne donner de nouvelle permission que lorsqu'à l'ouverture autorisée correspondait la fermeture d'un établissement d'égale importance.
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Elle a donc refusé la permission demandée uniquement par un motif pris des statistiques relatives à l'ensemble du canton et parce que Corsino n'avait pas prouvé qu'il reprenait un établissement d'une importance égale à celui qu'il entendait ouvrir et dont le transfert à la Gradelle avait été autorisé.
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Ces motifs sont tout à fait étrangers à ceux qui peuvent justifier un refus selon l'art. 5 lit. c de la loi du 12 mars 1892. Celle-ci exige expressément que l'on tienne compte, non pas du nombre des débits de boisson dans le canton, mais du nombre des établissements du même genre déjà existants dans la localité, la commune ou le quartier. L'autorité doit donc rechercher sur quelle portion du territoire cantonal portera son enquête. En effet, suivant les circonstances locales, l'ouverture d'un débit de boissons alcooliques sera admissible dans tel quartier. D'autres fois, les débits limitrophes ou ceux des quartiers voisins suffiront et c'est ainsi qu'en a jugé le Tribunal fédéral dans son arrêt Haudenschild, du 8 juin 1928 (RO 54 I 86). Le Conseil d'Etat invoque en vain cet arrêt, puisque, précisément, il n'a tenu aucun compte des circonstances locales. Dans d'autres cas, enfin, un examen à l'échelle de la localité, voire de la commune se justifiera. Mais l'enquête devra toujours déterminer sur quelle subdivision du territoire la décision portera; elle doit en outre constater quels établissements du même genre y existent déjà et dire si et pourquoi l'on peut ou non en ouvrir un de plus. La loi cantonale ne saurait être comprise autrement sur ces points essentiels. En ne tenant compte que de la situation dans l'ensemble du canton et en exigeant qu'à l'ouverture de l'établissement projeté à la Gradelle corresponde le transfert autorisé d'un établissement de même importance existant déjà n'importe où dans le canton, l'autorité genevoise s'est mise dans une contradiction irréductible avec le système et les prescriptions fondamentales de l'art. 5 lit. c de la loi du 12 mars 1892. Elle est donc tombée dans l'arbitraire et la décision attaquée viole l'art. 4 Cst.
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4. Le recours devant être admis par ce motif déjà, point n'est besoin d'examiner les autres griefs soulevés par le recourant et, en particulier, si la possibilité de négocier l'autorisation, généralement admise, semble-t-il, par les autorités genevoises, est arbitraire, vu les principes de la loi du 12 mars 1892.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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