BGE 95 I 525 | |||
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76. Extrait de l'arrêt du 9 juillet 1969 dans la cause Couchepin contre Grand Conseil du canton du Valais. | |
Regeste |
Obligatorisches Finanzreferendum. Art. 30 Ziff. 4 der Walliser KV. |
Begriff der "ausserordentlichen" Ausgabe (Erw. 4). | |
Sachverhalt | |
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A.- Le 17 mai 1968, le Grand Conseil du canton du Valais a examiné les comptes de l'Etat pour 1967 et les a approuvés dans un vote final. Il résulte notamment de ces comptes que le Département des travaux publics et des forêts a dépensé 103 795 951 fr., alors que le budget et les crédits supplémentaires prévoyaient ensemble 99 421 700 fr.
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B.- François Couchepin, avocat, exerçant ses droits de citoyen à Martigny, dépose un recours de droit public et requiert l'annulation de la décision du Grand Conseil approuvant les comptes de l'Etat pour 1967, subsidiairement l'annulation de la décision approuvant les comptes du Département des travaux publics et des forêts, en tant qu'elles n'ont pas été soumises à la votation populaire. Il relève que la procédure suivie par le Conseil d'Etat et la Commission des finances, ratifiée par le Grand Conseil, a fait passer dans les comptes, sans décision préalable du Grand Conseil lors du vote du budget ou de crédits supplémentaires, un montant de dépenses supplémentaires nettes de plus de deux millions de francs. Cette manière de procéder viole, selon lui, l'art. 30 ch. 4 Cst. val., qui dispose que doit être soumise à la votation du peuple "toute décision du Grand Conseil entraînant une dépense extraordinaire de 200 000 fr., si cette dépense ne peut être couverte par les recettes ordinaires du budget".
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C.- Le Grand Conseil du canton du Valais propose que le recours soit rejeté en tant qu'il est recevable. Il expose notamment ce qui suit.
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Le système de financement des travaux des routes cantonales a été modifié par la loi de 1965 sur les routes, en ce sens que c'est désormais l'Etat qui fait l'avance des frais, laquelle incombait précédemment aux communes. On avait tout d'abord envisagé de répartir la charge supplémentaire résultant du changement de régime sur plusieurs exercices; les comptes de 1966 n'en ont ainsi supporté qu'une partie. Cette méthode s'étant révélée irrationnelle, on y a renoncé et on a décidé de procéder, à la charge de l'exercice 1967, au paiement de toutes les subventions cantonales arriérées, de percevoir auprès des communes les créances échues et de porter au bilan les autres créances contre les communes. La charge supplémentaire nette de 2 391 115 fr. 30 qui en est résultée n'est pas une dépense extraordinaire, mais découle de l'application de la législation cantonale sur les routes. En approuvant les comptes, le Grand Conseil a exercé l'attribution que lui reconnaît l'art. 44 ch. 6 Cst. val.
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D.- Dans sa réplique, le recourant précise qu'il tient la décision du Grand Conseil pour anticonstitutionnelle dans la mesure où, en approuvant des comptes présentant un excédent de dépenses brut de 4 374 251 fr. par rapport au budget, elle sanctionne une dépense extraordinaire du même montant qui aurait dû être soumise au vote populaire.
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E.- Dupliquant, le Grand Conseil du Valais expose notamment ce qui suit.
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Le recourant confond la notion de dépassement du budget avec celle de dépense extraordinaire. Il paraît considérer qu'une dépense est extraordinaire dès qu'elle dépasse 200 000 fr. et n'est pas couverte par les recettes ordinaires du budget. En réalité, n'est extraordinaire que la dépense qui n'est pas fondée sur un acte législatif adopté par le peuple. Les dépenses fondées sur de tels actes sont des dépenses ordinaires, soustraites au referendum financier quel qu'en soit le montant.
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Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
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Considérant en droit: | |
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Le budget financier comprend (art. 5 de la loi fédérale) les dépenses autorisées (crédits de paiements) et les recettes estimées pour l'exercice budgétaire. Les dépenses (art. 6 al. 1) sont des paiements à des tiers, grevant la fortune ou servant à créer des actifs affectés directement à des buts administratifs (immobilisations). Les recettes (art. 6 al. 2) sont des paiements de tiers qui augmentent la fortune ou proviennent de la réalisation d'immobilisations; elles apparaissent au compte financier. En revanche, ne constituent pas des recettes les augmentations de fortune (ou produits), qui sont portés au compte des variations de la fortune. Si les recettes indiquées au budget ne sont qu'une estimation, les dépenses portées au même budget sont une autorisation donnée à l'organe exécutif d'effectuer lesdites dépenses, sous réserve du principe de l'emploi efficace et ménager des deniers publics (cf. Message du Conseil fédéral à l'appui du projet de loi sur les finances de la Confédération, FF 1968 I 491 ss., notamment 496/497 et 510). L'autorisation d'effectuer une dépense (l'octroi d'un crédit de paiement) peut prendre l'une des formes suivantes: a) l'inscription de la dépense au budget (art. 7), b) le vote d'un crédit supplémentaire (art. 8), c) en cas d'urgence, la décision du Conseil fédéral, approuvée a posteriori par l'Assemblée fédérale, avec le prochain supplément de crédit ou avec le compte d'Etat (art. 9).
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Ces définitions et principes peuvent s'appliquer à la gestion financière du canton du Valais. Ils correspondent du reste aux indications fournies par le Grand Conseil sur les règles suivies dans le canton en matière de budget et de comptes.
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Dans plusieurs arrêts récents concernant le referendum financier d'autres cantons, le Tribunal fédéral a défini la dépense "liée" opposée à la dépense "nouvelle" ("gebundene Ausgabe" - "neue Ausgabe"; RO 93 I 13 ss., 313 ss., 620 ss., 95 I 213 ss.). Une dépense est liée, et partant soustraite au referendum financier, lorsqu'on peut admettre qu'elle a été d'ores et déjà approuvée par le peuple - expressément ou tacitement - au moment de l'adoption de l'acte législatif sur lequel elle se fonde. Tel est le cas lorsque le moyen d'atteindre le but d'intérêt public fixé par cet acte était d'emblée prévisible ou lorsqu'il est manifestement indifférent que ce but soit atteint par un moyen ou par un autre. Il en est autrement - et la dépense est nouvelle - lorsque les divers moyens permettant d'atteindre le but visé diffèrent sensiblement les uns des autres, par les frais qu'ils entraînent ou par les autres conséquences qu'ils peuvent avoir.
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b) La limitation du referendum financier aux dépenses nouvelles va de soi. Il est inutile de soumettre une question au peuple alors qu'il n'y a aucune possibilité de choix. Mais pour le surplus, le constituant cantonal peut fort bien restreindre la portée du referendum financier et soustraire au vote populaire certaines dépenses nouvelles, comme il pourrait supprimer complètement l'institution. Il n'y a pas de réglementation fédérale du referendum financier. La Cour constitutionnelle doit interpréter chaque constitution cantonale pour elle-même. Si les autorités cantonales - et notamment l'autorité législative à laquelle incombe en première ligne le soin d'interpréter la constitution - donnent en une pratique constante et sans équivoque à l'expression de "dépense extraordinaire" un sens plus restraint que celui qui s'attache, selon la jurisprudence et la grande majorité de la doctrine, à l'expression de dépense nouvelle, le Tribunal fédéral devra en tenir compte (cf. RO 95 I 219 consid. 3).
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4. Selon le Grand Conseil, une dépense n'est jamais extraordinaire, au sens de l'art. 30 de la constitution, lorsqu'il résulte certainement de la loi que l'oeuvre prévue doit être accomplie et par suite que la dépense qui s'y rapporte doit être effectuée. La dépense est ordinaire et échappe au referendum lorsque le peuple, en approuvant la tâche définie par la loi, a implicitement approuvé la dépense que son exécution doit entraîner. L'autorité cantonale en déduit que toutes les dépenses en matière de constructions et d'entretien des routes, faites en exécution de la loi sur les routes, échappent au referendum. Elle penche donc pour une interprétation très extensive de la notion de dépense liée (cf. RO 93 I 625/626), qui a pour conséquence de soustraire au vote du peuple des projets qui pourraient encore être discutés dans leur principe et en tout cas dans leurs modalités (cf. RO 95 I 218).
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Cette conception ne trouve pas clairement son expression dans la législation valaisanne. Certes, ni la loi du 1er février 1933 sur la classification, la construction, l'entretien et la police des routes, ni le décret urgent du 12 juillet 1963 qui l'a modifiée, ni la nouvelle loi du 3 septembre 1965 sur les routes ne réservent le referendum financier lorsqu'ils fixent les compétences du Grand Conseil et du Conseil d'Etat en matière de dépenses routières. Mais on peut concéder au recourant que les dispositions en cause ont pour but de délimiter les compétences respectives des deux organes de l'Etat. En revanche, la pratique des autorités valaisannes est ferme. A une exception près - en 1954, pour un crédit de vingt millions de francs destinés à l'amélioration et au développement du réseau routier - les dépenses concernant les routes cantonales n'ont jamais été soumises au referendum. Tant sous le régime de l'ancienne loi que sous celui de la nouvelle, ces dépenses ont donc été considérées comme des dépenses ordinaires.
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Cette conception est en tout cas compatible avec le texte constitutionnel. L'expression de "dépense extraordinaire" n'est pas absolument claire en soi. Du point de vue grammatical, on ne saurait affirmer qu'elle s'applique aux frais des travaux routiers, alors que la construction, l'entretien et la réfection des routes sont évidemment des tâches courantes de l'Etat. L'interprétation historique n'apporte rien de décisif à l'encontre de la thèse du Grand Conseil. A cet égard, l'argumentation développée dans l'arrêt publié au RO 87 I 41 n'est pas déterminante, car il n'était pas contesté alors que la dépense visée fût "extraordinaire". Enfin, il n'apparaît pas rationnel de soumettre au vote populaire des dépenses engagées pour des travaux déterminés le plus souvent par les conditions du trafic et les nécessités techniques, qui ne laissent qu'une marge extrêmement réduite à l'appréciation de l'autorité elle-même. Au surplus, dans les cantons qui connaissent le referendum financier en matière de travaux routiers, on soumet généralement au vote du peuple, en une seule question, un "train de décrets" concernant des routes situées dans toutes les régions du canton, pour éviter que l'égoïsme local ne l'emporte sur l'intérêt commun. Admissible (cf. RO 90 I 74/75), le procédé n'en limite pas moins fortement les droits du citoyen. En soustrayant au referendum toutes les dépenses routières, la pratique des autorités valaisannes ne prive donc pas les citoyens d'un droit essentiel. Bien plus, elle opère un partage rationnel des compétences entre le parlement cantonal et le corps électoral, en attribuant au peuple la charge de prononcer sur les entreprises nouvelles et au Grand Conseil celle de statuer sur les dépenses courantes de l'Etat. Elle ne trahit donc pas l'esprit du referendum financier. Le Tribunal fédéral, qui s'impose une certaine retenue pour juger de l'interprétation que donne de la constitution cantonale la plus haute autorité du canton (RO 94 I 33 et les citations; 531), peut ici l'approuver.
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