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9. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 12 mars 1997 dans la cause Charles Beer et consorts contre Grand Conseil de la République et canton de Genève (recours de droit public) | |
Regeste |
Kantonale Volksinitiative, Einheit der Materie, Anspruch auf rechtliches Gehör (Art. 4 BV; Art. 85 lit. a OG). |
Grundsatz der Einheit der Materie; Zusammenfassung der verfassungsrechtlichen Rechtsprechung des Bundesgerichts (E. 4b). |
Sanktion bei Nichtbeachtung der Einheit der Materie; das kantonale Recht kann eine Aufteilung der Initiative vorsehen (E. 4c). Sanktion im Fall eines Missbrauchs des Initiativrechts (E. 4d). Erfordernis der Klarheit in bezug auf den Text einer nicht formulierten Initiative (E. 4e). |
Anwendung der Regel der Einheit der Materie (E. 5) und der kantonalen Bestimmungen über die Aufteilung einer Initiative im vorliegenden Fall; Aufteilung hier ausgeschlossen; Ungültigkeit der Initiative, weil der vorgeschlagene Text, welcher eine Vielzahl verschiedenartiger Vorschläge für den wirtschaftlichen und sozialen Bereich enthält, nicht genügend klar ist und einen Missbrauch des Rechts der Volksinitiative darstellt (E. 6). | |
Sachverhalt | |
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Par arrêté du 5 décembre 1994, le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève a constaté que l'initiative "Pour l'emploi, contre l'exclusion" (ci-après: "l'initiative 105", selon la dénomination utilisée par les autorités cantonales) avait abouti, dès lors qu'elle avait recueilli plus de 10'000 signatures (11'569 signatures déposées).
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B.- Après une première phase de "préconsultation", prévue par l'art. 119 de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (LRGC), l'initiative 105 a été transmise à la commission législative du Grand Conseil. Celle-ci a déposé son rapport le 16 août 1995 (rapport publié au Mémorial des séances du Grand Conseil [ci-après: Mémorial], 22 septembre 1995, p. 4752 ss). Elle a proposé de déclarer nulles certaines propositions de l'initiative, car non conformes au droit supérieur (en l'occurrence l'art. 31 Cst. ainsi que la loi fédérale sur le service de l'emploi et la location de services). Pour le reste, la commission a admis que les exigences de l'unité de la forme et de l'unité normative (unité de genre) étaient respectées, mais qu'il n'en allait pas ainsi de l'exigence de l'unité de la matière; elle a donc proposé de scinder l'initiative 105 en trois volets - recevables individuellement - intitulés:
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a) la favorisation de l'emploi;
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b) la lutte contre le chômage;
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c) la réforme de la fiscalité.
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Le Grand Conseil s'est prononcé sur la validité de l'initiative 105 dans sa séance du 22 septembre 1995. A l'issue du débat, le président a soumis au vote la question de la recevabilité, et non pas les conclusions de la commission législative. L'initiative 105 a été déclarée irrecevable par cinquante voix contre quarante-et-une, avec trois abstentions. Un communiqué faisant état de cette décision d'irrecevabilité a été publié dans la Feuille d'Avis Officielle du 27 septembre 1995.
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Le Conseil d'Etat a répondu au recours de droit public au nom du Grand Conseil. Les recourants ont ensuite pu déposer un mémoire complétif. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours, dans la mesure où il était recevable.
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Extrait des considérants: | |
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a) L'art. 4 Cst. garantit en principe à toute personne le droit d'être entendue avant qu'une décision ne soit prise à son détriment. L'intéressé doit notamment avoir la possibilité de prendre connaissance des pièces du dossier, de faire administrer des preuves sur des faits importants pour la décision envisagée, de participer à l'administration de l'ensemble des preuves et de faire valoir ses arguments (ATF 122 I 109 consid. 2a et les arrêts cités).
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b) Les recourants se réfèrent à un arrêt rendu par le Tribunal fédéral en 1974 (ATF 100 Ib 1 consid. 2), selon lequel la Chancellerie fédérale doit fournir aux promoteurs d'une initiative populaire fédérale l'occasion de s'exprimer préalablement à la déclaration d'invalidité. Or, selon cet arrêt, ce droit de s'expliquer ne découle pas de l'art. 4 Cst., mais d'une norme spéciale du droit administratif fédéral, l'art. 30 al. 1 de la loi sur la procédure administrative (PA; RS 172.021), qui s'applique en principe lorsque la Chancellerie fédérale rend une décision (cf. art. 1er al. 2 let. a PA). L'exigence d'audition préalable selon l'art. 30 PA ne concerne pas les procédures cantonales relatives à la recevabilité d'initiatives populaires.
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Cela étant, toutes les questions relatives à la recevabilité d'initiatives populaires fédérales ne sont pas tranchées par la Chancellerie fédérale. La loi fédérale sur les droits politiques du 17 décembre 1976 (LDP; RS 161.1) donne à cet organe certaines compétences - contrôler la forme des listes de signatures (art. 69 al. 1 LDP) et le titre de l'initiative (art. 69 al. 2 LDP), déterminer si une initiative a recueilli le nombre prescrit de signatures valables (art. 72 LDP) - et elle prévoit que les décisions de la Chancellerie fédérale dans ces matières peuvent faire l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral (art. 80 al. 2 et 3 LDP - les membres du comité d'initiative défini à l'art. 68 let. e LDP peuvent le cas échéant recourir); la loi fédérale ne permet cependant pas à la Chancellerie fédérale de se prononcer sur le respect des principes de l'unité de la matière et de la forme, cet examen incombant à l'Assemblée fédérale (art. 75 al. 1 LDP). Devant le parlement, les promoteurs d'une initiative ne pourraient pas se prévaloir du droit à l'audition préalable selon l'art. 30 PA (cf. art. 1er PA).
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c) La Communauté genevoise d'action syndicale (CGAS) n'a pas, en tant qu'association, la qualité d'électeur; elle a cependant lancé l'initiative. Les autres recourants, qui se décrivent comme les ![]() | 15 |
Pour certaines décisions relatives à la recevabilité des initiatives populaires cantonales - portant par exemple sur la forme des listes ou la validité de certaines signatures -, on pourrait envisager que le droit d'être entendu ne soit reconnu qu'au comité d'initiative, en tant que représentant des signataires vis-à-vis des organes étatiques (cf. ALFRED KÖLZ, Die kantonale Volksinitiative in der Rechtsprechung des Bundesgerichts, ZBl 83/1982 p. 30; ETIENNE GRISEL, Initiative et référendum populaires, Lausanne 1987, p. 142). On pourrait aussi éventuellement concevoir que les décisions d'irrecevabilité sont des décisions collectives, dont les destinataires spécifiques seraient les auteurs de l'initiative ou le groupe des électeurs autorisés à la retirer (cf. ANDREAS AUER, Problèmes et perspectives du droit d'initiative à Genève, Lausanne 1987, [ci-après: Droit d'initiative], p. 56; quant au droit de s'expliquer avant une décision collective: ATF 121 I 230 consid. 2c; ATF 119 Ia 141 consid. 5c/cc). On pourrait également admettre qu'il ne s'agit pas de décisions collectives, dès lors que tous les intéressés - les membres du comité d'initiative ou, le cas échéant, les citoyens ayant exercé leurs droits politiques en signant l'initiative - peuvent être identifiés individuellement grâce aux listes déposées (sur la notion de décision collective: cf. PIERRE MOOR, Droit administratif, vol. II, Berne 1991 p. 117); les modalités d'exercice du droit de s'expliquer préalablement devraient alors être étudiées. Ces questions n'ont cependant pas à être résolues ici.
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d) La portée du droit d'être entendu, selon l'art. 4 Cst., se détermine en fonction de la situation concrète et des intérêts en présence (ATF 111 Ia 273 consid. 2b). La jurisprudence tient compte, en particulier, de la structure et de l'organisation spécifiques des parlements cantonaux lorsque ceux-ci rendent des décisions ou exercent des compétences juridictionnelles, notamment dans le domaine des droits politiques (cf. ATF 119 Ia 141 consid. 5c/dd; ATF 98 Ia 73 consid. 2; ATF 91 I 266 consid. 6); il s'agit d'un élément important en l'espèce. Il faut aussi prendre en considération la nature des questions litigieuses - le respect du principe de l'unité de la matière et les ![]() | 17 |
Le droit d'être entendu a notamment pour fonction de renseigner l'autorité compétente sur la situation particulière du cas (cf. ATF 122 I 53 consid. 4a et les arrêts cités). Or, si les règles relatives à l'unité de la matière et à la scission des initiatives confèrent un certain pouvoir d'appréciation à l'autorité compétente, les normes applicables contenant des notions juridiques indéterminées, on peut admettre que dans un parlement cantonal où de nombreuses sensibilités politiques sont représentées, tous les éléments pertinents peuvent être invoqués au cours de la discussion, en commission ou en plenum. Dans ces conditions, il est en principe superflu que les intéressés - le comité d'initiative ou les signataires - présentent eux aussi des arguments juridiques. Au reste, les membres du comité d'initiative avaient des moyens indirects et légitimes de faire valoir leurs intérêts auprès des députés, lors des différentes étapes de la procédure d'examen de la recevabilité. Ils pouvaient par exemple s'adresser aux représentants des deux partis politiques, siégeant au Grand Conseil, qui avaient expressément soutenu le lancement de l'initiative; cette possibilité leur était notamment offerte après la publication du rapport du Conseil d'Etat sur la prise en considération de l'initiative, après le débat de préconsultation ou après le dépôt du rapport de la commission législative, soit une fois que les bases de la discussion finale devant le Grand Conseil étaient connues. En statuant sur la recevabilité, le Grand Conseil s'est fondé sur des motifs juridiques, évoqués au cours de cette procédure, qui n'avaient donc rien d'imprévisible (on peut à ce propos se référer à la jurisprudence selon laquelle, en vertu de l'art. 4 Cst., les parties à une procédure de recours n'ont le droit de s'expliquer préalablement sur des questions juridiques que si l'autorité envisage de fonder sa décision sur une norme ou un motif jamais évoqué dans la procédure antérieure et dont personne ne s'était prévalu ou ne pouvait supputer la pertinence in casu - cf. ATF 115 Ia 94 consid. 1b et les arrêts cités).
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Pour déterminer la portée du droit d'être entendu, l'analyse des facultés que la procédure offre globalement aux intéressés est également pertinente; on tiendra ainsi compte de la possibilité de ![]() | 19 |
Sur la base de tous ces éléments, il faut considérer qu'en l'absence de disposition spécifique du droit cantonal, le "comité d'initiative" ou les électeurs recourants ne pouvaient pas, en vertu de l'art. 4 Cst., exiger du Grand Conseil qu'il leur donne l'occasion de s'expliquer avant de déclarer l'initiative 105 irrecevable. Lorsqu'un parlement cantonal doit se prononcer sur l'unité de la matière au stade de l'examen de la recevabilité d'une initiative populaire, le droit constitutionnel fédéral n'exige en principe pas une audition préalable des auteurs de l'initiative ou des citoyens intéressés. A ce propos, le grief de violation du droit d'être entendu doit donc être écarté.
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a) aa) Les règles constitutionnelles cantonales relatives aux initiatives populaires figurent aux art. 64 ss Cst./GE. La constitution distingue trois types d'initiatives: l'initiative constitutionnelle "rédigée de toutes pièces" (art. 65A Cst./GE), l'initiative législative "rédigée de toutes pièces" (art. 65B Cst./GE) et l'initiative non formulée, qui "peut être présentée sous la forme d'une proposition conçue en termes généraux et susceptible de formulation par une révision de la constitution ou par une loi, ce choix appartenant au Grand Conseil" (art. 65 Cst./GE). La procédure d'examen de la recevabilité des initiatives est réglée à l'art. 66 Cst./GE, dans les termes suivants (note marginale: "invalidation"):
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"1 Le Grand Conseil déclare nulle l'initiative qui ne respecte pas l'unité de la forme ou du genre.
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2 Il scinde ou déclare partiellement nulle l'initiative qui ne respecte pas l'unité de la matière, selon que ses différentes parties sont en elles-mêmes valides ou non; à défaut, il déclare l'initiative nulle.
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3 Il déclare partiellement nulle l'initiative dont une partie est manifestement non conforme au droit si la ou les parties qui subsistent sont en elles-mêmes valides; à défaut, il déclare l'initiative nulle."
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bb) En l'occurrence, le Grand Conseil a invalidé l'initiative 105 sans se prononcer directement sur les conclusions du rapport de sa commission législative. La "recevabilité formelle" a en effet été considérée comme une question préalable; il aurait donc fallu un vote positif sur ce point pour que la vérification de la conformité au droit supérieur et la scission en trois volets, selon les propositions de la commission législative, fissent l'objet d'une décision (cf. Mémorial, 22 septembre 1995, p. 4798). Il ressort du compte-rendu des débats du Grand Conseil que l'irrecevabilité a été prononcée avant tout sur la base de l'art. 66 al. 2 Cst./GE, qui consacre le principe de l'unité de la matière. Les exigences de l'unité de la forme et de l'unité de genre (art. 66 al. 1 Cst./GE) - respectées en l'espèce, selon la commission législative (Mémorial, 22 septembre 1995, p. 4754 s.) - ont certes été discutées, mais ces points n'apparaissaient pas comme décisifs pour motiver la décision d'irrecevabilité. Quoi qu'il en soit, il suffit, dans la présente procédure de recours, de se prononcer sur l'unité de la matière et l'application de l'art. 66 al. 2 Cst./GE (ainsi que de l'art. 120 al. 3 LRGC, qui n'a toutefois pas de portée indépendante).
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b) Selon les règles et les principes généraux - de nature constitutionnelle - que la jurisprudence du Tribunal fédéral a développés, tout citoyen a la faculté d'exiger qu'aucun résultat de votation ou d'élection ne soit reconnu s'il ne traduit pas d'une manière fidèle et sûre la volonté librement exprimée du corps électoral (ATF 121 I 138 consid. 3; ATF 119 Ia 271 consid. 3a et les arrêts cités). Le droit des électeurs de voter de manière conforme à leur volonté réelle et, partant, de s'exprimer à l'abri de toute influence extérieure illicite postule notamment que la question à laquelle ils doivent répondre lors d'une votation ne porte que sur un seul objet ou, tout au moins, sur des objets étroitement interdépendants, réunis entre eux par un lien réel et objectif. Ce principe dit de l'unité de la matière est toutefois relatif: il n'exige pas toujours que chaque disposition d'un projet soit soumise séparément au corps électoral; l'essentiel est que les dispositions sur lesquelles celui-ci est appelé à se prononcer aient entre elles un rapport intrinsèque étroit et poursuivent le même but (ATF 113 Ia 46 consid. 4a; ATF 112 Ia 391 consid. 3b et les arrêts cités).
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La portée du principe de l'unité de la matière est en outre différente selon les domaines. Ainsi, les exigences sont plus strictes en cas de révision partielle de la constitution qu'à l'égard de projets ![]() | 29 |
c) Au niveau fédéral, une initiative populaire qui ne respecte pas le principe de l'unité de la matière doit être déclarée nulle (art. 75 al. 1 LDP). Dans les cantons, la nullité de l'initiative est généralement aussi la sanction prévue. Il ne découle cependant pas du droit constitutionnel fédéral qu'un tel vice doit nécessairement entraîner cette sanction; la scission de l'initiative en plusieurs parties, soumises à des votes distincts, n'est pas exclue si le droit cantonal l'admet (ATF 81 I 192 consid. 6 p. 201; cf. arrêt non publié du 18 décembre 1984 en la cause Hentsch & crts c. Genève, consid. 9e).
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L'art. 66 al. 2 Cst./GE prévoit précisément la scission de l'initiative qui ne respecte pas l'unité de la matière, pour autant que ses différentes parties soient en elles-mêmes valides (à savoir lorsque les exigences de l'unité de la forme, de l'unité du genre et de la conformité au droit supérieur sont remplies). Cette règle a été introduite lors de la révision constitutionnelle du 27 mars 1993, qui portait sur l'ensemble des dispositions relatives à l'initiative cantonale (art. 64 à 68 Cst./GE). Afin de préparer cette révision, le Conseil d'Etat avait chargé le professeur Auer d'établir un inventaire des problèmes ![]() | 31 |
d) L'unité de la matière est une notion relative, en ce sens que les exigences qui en découlent doivent être appréciées en fonction des circonstances concrètes; il ne faut néanmoins pas que les différentes clauses d'une initiative soient réunies de manière artificielle ou subjective (cf. GRISEL, op.cit., p. 194; PIERRE TSCHANNEN, Stimmrecht und politische Verständigung, Bâle 1995 p. 128/129). De même, les auteurs d'une initiative qui ne respecte pas l'unité de la matière ne sauraient exiger une scission, permettant de sauver leur démarche - lorsque ce procédé est admis par le droit cantonal -, à n'importe quelles conditions (cf. KÖLZ, op.cit., p. 21). La notion d'abus de droit s'applique dans le domaine des droits politiques et un abus du droit d'initiative doit en principe être sanctionné par la nullité du projet présenté (cf. LUZIUS WILDHABER, Commentaire de la Constitution fédérale, Bâle/Zurich/Berne 1988, n. 117 ad art. 118 Cst.; KATHARINA SAMELI, Treu und Glauben im öffentlichen Recht, RDS 96/1977 II p. 332 ss; GRISEL, op.cit., p. 162, 194; ODERMATT, op.cit., p. 718; cf. également ATF 101 Ia 354 consid. 8).
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e) Indépendamment de l'exigence de l'unité de la matière, le texte d'une initiative non formulée doit être rédigé et présenté de façon suffisamment claire (ATF 111 Ia 115 consid. 3a; cf. ODERMATT, op.cit., p. 717). Ce principe du droit fédéral a une portée particulière dans les cas où une scission doit être envisagée (cf. supra, consid. 4c); on peut alors attendre des auteurs de l'initiative qu'ils présentent clairement les différents volets de leur texte, aussi bien à l'intention des signataires que de l'autorité compétente pour examiner la recevabilité.
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5. En l'espèce, il n'est pas prétendu, dans l'acte de recours, que l'initiative 105 respecterait le principe de l'unité de la matière. Les recourants la présentent comme "un ensemble de propositions, toutes orientées vers la protection de l'emploi, regroupées par thèmes, ayant trait à de nombreux domaines, à savoir le développement d'une ![]() | 34 |
Cela étant, l'argumentation principale des recourants ne porte pas sur la règle de l'unité de la matière en tant que telle, mais sur la sanction de son inobservation.
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6. Les recourants soutiennent que la scission en trois volets, telle que proposée en l'espèce par la commission législative du Grand ![]() | 36 |
a) Dans la genèse du nouvel art. 66 Cst./GE, issu de la révision de 1993, il n'a pas été question d'un nombre maximum de propositions ou d'une limite quantitative au devoir de scinder une initiative populaire ne respectant pas le principe de l'unité de la matière. Le Conseil d'Etat n'a pas pris position sur ce point dans son exposé des motifs. Le rapport de la commission législative a évoqué une "scission en deux" parties (Mémorial, 25 septembre 1992, p. 5029), en "plusieurs textes" (ibid., p. 5031), voire en "autant de parties qu'il y a de propositions" (ibid., p. 5041). Cette question précise n'a pas fait l'objet d'interventions des députés lors du débat parlementaire (ibid., p. 5088 ss). Quant à l'expertise du professeur Auer, à laquelle se sont référées les autorités cantonales, elle mentionne le système du droit cantonal saint-gallois, prévoyant une scission en "deux ou plusieurs parties" (AUER, Droit d'initiative, p. 27); pour le canton de Genève, cette expertise propose un système admettant une division "en plusieurs parties", en réservant la solution de l'irrecevabilité de l'initiative en cas d'abus de droit, par exemple lorsque l'initiative "comporte de façon abusive plusieurs chapitres qui n'ont manifestement aucun lien notoire entre eux" (ibid., p. 29). Sur cette base, l'interprétation historique de l'art. 66 al. 2 Cst./GE ne permet pas de conclure à l'exclusion de principe d'une scission en plus de deux ou trois volets.
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Les parties n'invoquent par ailleurs aucun précédent sur ce point. Un cas de scission a néanmoins été mentionné au Grand Conseil lors des débats relatifs à l'initiative 105, mais l'initiative en question avait été divisée en deux volets seulement (initiative 104 - cf. Mémorial, 22 septembre 1995, p. 4794).
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b) En l'occurrence, la commission législative a examiné plusieurs possibilités de scission de l'initiative 105. Elle a refusé une scission en vingt-sept parties - solution "très pointilliste" - ou en quatre parties, pour admettre une scission en trois parties, sans pour autant se prononcer sur le contenu de chacun de ces volets (Mémorial, 22 ![]() | 39 |
c) L'initiative 105 présente un foisonnement de propositions et son texte s'apparente au volet économique du programme d'un parti politique, établi en vue d'élections cantonales (la commission législative a parlé d'"initiative programmatique" - cf. Mémorial, 22 septembre 1995, p. 4753). Il est manifeste que la réunion dans une seule initiative d'une multitude de propositions en matière économique et sociale, sous un titre avantageux, a facilité la récolte des signatures, tout en dissuadant certains électeurs, en raison de la longueur du texte, d'en étudier sérieusement le contenu lorsqu'ils étaient invités à apposer leur signature. Indépendamment des possibilités offertes par le droit cantonal pour réparer par une scission l'absence d'unité de la matière, on peut déjà considérer qu'il y a là un abus du droit d'initiative populaire (cf. supra, consid. 4d; cf. également KÖLZ, op.cit., p. 20 note 128).
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Cela étant, il n'appartient pas au Tribunal fédéral, dans la procédure du recours de droit public, de déterminer le mode de scission qui permettrait de soumettre aux électeurs des groupes de propositions respectant, pour chacun d'eux, les exigences du droit fédéral. Il est fortement douteux qu'en répartissant les multiples propositions de l'initiative dans les trois volets envisagés par la commission législative - la favorisation de l'emploi, la lutte contre le chômage et la réforme de la fiscalité -, on puisse garantir l'existence d'un rapport intrinsèque étroit entre les éléments de chacun de ces volets. Ceux-ci ne correspondent du reste pas aux trois chapitres principaux de l'initiative (politique économique; emploi, formation, temps de travail; traitement social du chômage). Même en admettant une scission en onze volets, selon les onze sous-chapitres définis par les auteurs de l'initiative, il n'est pas certain que la règle de l'unité de la matière puisse être respectée à l'intérieur de chaque volet. Or, si l'on soumettait onze objets distincts au corps électoral, certains ![]() | 41 |
L'exigence de clarté a une importance particulière dans le système du droit genevois, le Grand Conseil devant traiter rapidement les initiatives populaires; c'était l'un des objectifs de la révision constitutionnelle de 1993 (cf. supra, consid. 4c; cf. Mémorial, 25 septembre 1992, p. 5031), qui a prévu à cet effet des délais "impératifs" (art. 67A Cst./GE). Dès la constatation de l'aboutissement de l'initiative, le parlement dispose de neuf mois pour décider de son invalidation éventuelle (art. 67A al. 1 let. a Cst./GE), dix-huit mois pour statuer sur sa prise en considération (let. b), et trente mois au plus pour l'ensemble de la procédure (let. c), s'il a approuvé - au stade de la prise en considération (cf. art. 67 Cst./GE) - une initiative non formulée ou s'il a décidé d'opposer un contre-projet. Ces délais ne peuvent être prolongés et si la décision sur la validité n'est pas prise en temps utile, l'initiative est censée recevable (art. 120 al. 5 LRGC). En outre, dans l'hypothèse où le Grand Conseil prend en considération une initiative non formulée, il doit la concrétiser dans un délai relativement bref. Quand l'initiative concerne, comme en l'espèce, de nombreux aspects fondamentaux de la politique économique et sociale du canton, on ne peut pratiquement pas attendre du parlement qu'il adopte tous les projets de loi dans le délai prescrit. Ces particularités du droit constitutionnel cantonal ont du reste été évoquées lors des débats sur l'initiative 105 (cf. notamment Mémorial, 22 septembre 1995, p. 4795); elles ne sauraient être ignorées en cas d'application de la disposition qui permet la scission d'une initiative ne respectant pas l'unité de la matière (art. 66 al. 2 Cst./GE).
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En définitive, tous ces éléments démontrent que le Grand Conseil était fondé, in casu, à sanctionner un abus du droit d'initiative populaire en déclarant irrecevable l'initiative 105, cette solution entrant seule en considération à défaut de scission praticable. Le droit cantonal ne prévoit du reste pas d'invalidation partielle en pareil cas.
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