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38. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause Association A. et consorts contre Grand Conseil de la République et canton de Neuchâtel (recours en matière de droit public) |
2C_774/2014 et autres du 21 juillet 2017 | |
Regeste |
Art. 27, 28 Abs. 1, 36, 49 Abs. 1, 94, 110 und 122 BV; Art. 71 ArG; ELG; Art. 4 AVEG; Art. 342 und 356 ff. OR; Art. 34a KV/NE; abstrakte Normenkontrolle des Gesetzes des Kantons Neuenburg vom 28. Mai 2014 zur Änderung des Gesetzes über die Beschäftigung und die Arbeitslosenversicherung (LEmpl/NE); Verfassungs- und Rechtmässigkeit eines kantonalen Minimallohns. | |
Sachverhalt | |
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A.a Le 27 novembre 2011, le peuple neuchâtelois a accepté un décret constitutionnel introduisant dans la Constitution de la République et canton de Neuchâtel du 24 septembre 2000 (Cst./NE; RSN 101) un nouvel art. 34a intitulé "salaire minimum", dont la teneur est la suivante:
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L'Etat institue un salaire minimum cantonal dans tous les domaines d'activité économique, en tenant compte des secteurs économiques ainsi que des salaires fixés dans les conventions collectives, afin que toute personne exerçant une activité salariée puisse disposer d'un salaire lui garantissant des conditions de vie décentes.
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L'Assemblée fédérale a octroyé la garantie fédérale à l'art. 34a Cst./NE par arrêté fédéral du 11 mars 2013 (FF 2013 2335 ch. 6).
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A.b Le 28 mai 2014, le Grand Conseil a modifié comme suit la loi cantonale du 25 mai 2004 sur l'emploi et l'assurance-chômage (LEmpl/NE; RSN 813.10):
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Article premier, al. 1bis (nouveau)
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1bis Elle vise en outre à assurer la mise en oeuvre de l'article 34a de la Constitution relatif au salaire minimum.
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Art. 21
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1 Les employeurs appliquent des conditions de travail et de salaire conformes aux usages de la profession et de la région et veillent ainsi à ne pas provoquer de sous-enchère salariale, mais au contraire à offrir aux travailleurs un salaire leur garantissant des conditions de vie décentes, au sens de l'article 32d.
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2 Ils fixent notamment les conditions de travail et de salaire de façon à exclure toute discrimination en raison de l'origine ou du sexe.
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3 Ils se réfèrent pour le surplus aux conventions collectives de travail de la branche dans laquelle ils exercent leurs activités.
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Art. 32a (nouveau)
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L'institution du salaire minimum a pour but de lutter contre la pauvreté et de contribuer ainsi au respect de la dignité humaine.
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Art. 32b (nouveau)
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Les relations de travail des travailleurs accomplissant habituellement leur travail dans le canton sont soumises aux dispositions relatives au salaire minimum.
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Art. 32c (nouveau)
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Le Conseil d'Etat peut édicter des dérogations pour des rapports de travail particuliers, tels que ceux s'inscrivant dans un contexte de formation ou d'intégration professionnelle.
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Art. 32c bis (nouveau)
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Les salaires de minime importance pour lesquels la perception de cotisations n'est pas obligatoire en vertu de la législation en matière d'assurance-vieillesse et survivants ne sont pas soumis aux dispositions relatives au salaire minimum.
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Art. 32d (nouveau)
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1 Le salaire minimum au sens de l'article 34a de la Constitution est de 20 francs par heure.
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2 Ce montant est adapté chaque année à l'évolution de l'indice suisse des prix à la consommation du mois d'août de l'année précédente, l'indice de base étant celui du mois d'août 2014.
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3 Par salaire, il faut entendre le salaire déterminant au sens de la législation en matière d'assurance-vieillesse et survivants, indemnités de vacances et pour jours fériés non comprises.
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Art. 32e (nouveau)
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Pour les secteurs économiques visés par l'article 2, alinéa 1, lettres d et e, de la Loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce (LTr), du 13 mars 1964, le Conseil d'Etat peut fixer des salaires minimum dérogeant à l'article 32d, alinéa 1, dans le respect de l'article 32a.
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Art. 76 (nouveau)
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1 Les partenaires sociaux disposent d'un délai échéant le 31 décembre 2014 pour modifier les conventions collectives de travail existantes de manière à fixer des salaires satisfaisant aux exigences de l'article 32d.
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2 A défaut d'accord dans le délai susmentionné, ou si le salaire minimum convenu est inférieur à celui fixé à l'article 32d, c'est ce dernier qui s'applique à partir du 1er janvier 2015.
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Art. 76a (nouveau)
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Sur préavis favorable de la commission tripartite "salaire minimum", au sens de l'article 77, prise à la majorité qualifiée des trois quarts de ses ![]() | 31 |
Art. 77 (nouveau)
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Le Conseil d'Etat désigne une commission tripartite "salaire minimum" chargée d'appuyer le Conseil d'Etat dans la mise en oeuvre de l'article 34a de la Constitution.
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Art. 77a (nouveau)
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Pendant une période de huit années, la commission "salaire minimum" observe l'application des dispositions relatives au salaire minimum. Elle fait parvenir annuellement un rapport au Conseil d'Etat sur le résultat de ses observations. Elle peut faire des propositions.
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B. La loi portant modification de la loi du 28 mai 2014 sur l'emploi et l'assurance-chômage (LEmpl/NE) (salaire minimum) a été publiée dans la Feuille officielle de la République et canton de Neuchâtel du 13 juin 2014. Le Conseil d'Etat de la République et canton de Neuchâtel (ci-après: le Conseil d'Etat) l'a promulguée le 28 mai 2014, précisant que ses art. 76 et 77 entreraient en vigueur au 1er octobre 2014 et les autres articles au 1er janvier 2015.
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C. Cette modification législative a fait l'objet de quatre recours en matière de droit public, qui ont été enregistrés sous les numéros d'ordre 2C_774/2014, 2C_813/2014, 2C_815/2014 et 2C_816/2014. Le premier recours demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler les art. 21, 32d, 32e, 76 et 76a LEmpl/NE. Les trois autres recours concluent à l'annulation de toutes les nouvelles dispositions légales.
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Après avoir joint les causes, le Tribunal fédéral a rejeté les recours dans la mesure de leur recevabilité.
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(résumé)
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Extrait des considérants: | |
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5.1 La liberté économique fait partie des droits fondamentaux, qui confèrent des droits subjectifs justiciables aux particuliers dont ils protègent les intérêts (individuels) essentiels (cf. JEAN-MAURICE FRÉSARD, in Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, n° 3 ad art. 116 LTF p. 1375; MICHEL HOTTELIER, Entre tradition et modernité: le recours constitutionnel subsidiaire, in Les nouveaux recours fédéraux en ![]() | 41 |
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Contrairement aux mesures d'ordre économique, qui sont susceptibles d'entraver, voire même de déroger à la libre concurrence, les mesures étatiques poursuivant des motifs d'ordre public, de politique sociale ou des mesures ne servant pas, en premier lieu, des intérêts économiques (par exemple, aménagement du territoire, politique environnementale) sortent d'emblée du champ de protection de l'art. 94 Cst. (cf., dans ce sens, ATF 142 I 162 consid. 3.3 p. 165 s.; ATF 140 I 218 consid. 6.2 p. 229; cf. Message du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale, FF 1997 I 1, 177; ATF 131 I 223 consid. 4.2 p. 231; ATF 130 II 87 consid. 3 p. 92; ATF 130 I 26 consid. 6.2 p. 50; arrêt 2C_940/2010 du 17 mai 2011 consid. 3.1 s.; KIENER/KÄLIN, Grundrechte, 2 e éd. 2013, p. 374). La jurisprudence définit les mesures dites sociales ou de politique sociale en tant que mesures qui tendent à procurer du bien-être à l'ensemble ou à une grande partie des citoyens, ou à accroître ce bien-être par ![]() | 43 |
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Le Grand Conseil conteste ces griefs. Il estime que la fixation d'un montant minimum, conformément à la volonté des initiants, qui se base sur le système des assurances sociales, reste dans le cadre de la politique sociale; le montant prévu par la réglementation cantonale constitue le seuil permettant à un travailleur de subvenir à ses besoins vitaux, sans recourir à l'aide des services sociaux.
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5.4.1 Aux termes de l'art. 32a LEmpl/NE, l'institution du salaire minimum a pour but de lutter contre la pauvreté et de contribuer ainsi au respect de la dignité humaine (art. 7 Cst.). Selon le Rapport du Conseil d'Etat, l'objectif principal de l'instauration d'un salaire minimum à Neuchâtel est d'assurer aux travailleurs des conditions de vie décentes. En 2014, le canton de Neuchâtel disposait d'un taux d'aide ![]() | 47 |
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En l'occurrence, le salaire minimum instauré se fonde sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI. Celles-ci sont destinées à la couverture des besoins vitaux (cf. art. 2 al. 1 de la loi fédérale du 6 octobre 2006 sur les prestations complémentaires; LPC; RS 831. 30). D'emblée, cette circonstance répond donc à la préoccupation énoncée par la jurisprudence, en se limitant au cadre de la politique sociale (cf., en ce sens, LAURENT BIERI, Le salaire minimum neuchâtelois, Jusletter 11 août 2014 p. 4, qui considère que le montant retenu à l'art. 32d al. 1 LEmpl/NE, fondé sur le montant des prestations complémentaires AVS/AI, est suffisamment bas pour que l'on puisse considérer que la mesure relève de la politique sociale). Par ![]() | 50 |
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5.6.2 La novelle de la LEmpl/NE impose aux employeurs l'obligation de verser un salaire minimum déterminé aux travailleurs à bas revenu accomplissant leur activité dans le canton de Neuchâtel. Cette obligation limite le libre exercice de la liberté économique des ![]() | 55 |
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5.6.4 Du point de vue de la règle de l'aptitude, les recourants ne peuvent être suivis lorsqu'ils affirment que le salaire minimum prévu par la réglementation litigieuse ne constitue pas un moyen propre à remédier à la pauvreté, objectif que le canton de Neuchâtel s'est fixé. Ce faisant, ils évoquent des arguments relatifs à l'opportunité ou la prérogative décisionnelle du législateur cantonal, sans toutefois démontrer concrètement en quoi le salaire minimum constituerait une atteinte disproportionnée à leur liberté économique. Il en va ainsi de l'avis des recourants selon lequel l'instauration d'un salaire minimum ne contribuera pas à diminuer le taux d'aide sociale dans le canton de Neuchâtel et pourrait, au contraire, avoir pour conséquence que les propriétaires de petites entreprises se trouvent dans l'incapacité de verser les salaires fixés par l'Etat et dès lors contraints de licencier du personnel. Il en va de même des autres arguments des recourants, tels que le fait que le Conseil fédéral aurait constaté que la pauvreté en Suisse serait due à des causes multiples et ne s'expliquerait qu'en partie par des salaires bas ou que l'instauration d'un salaire minimum ![]() | 57 |
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Le but de l'instauration d'un salaire minimum cantonal n'est pas de lutter contre des situations de sous-enchères salariales répétées et abusives dans une branche économique ou une profession particulière, mais de lutter, de manière générale, contre la pauvreté dans le canton de Neuchâtel, afin que les travailleurs puissent subvenir à leurs besoins, sans recourir à l'aide sociale. Le problème des "working poor" dans le canton de Neuchâtel ne se limite d'ailleurs pas à un secteur économique (cf. Rapport du Conseil d'Etat, p. 9). En outre, comme le relève le Conseil d'Etat dans son rapport, pour les travailleurs non couverts par une convention collective, les commissions tripartites n'ont pas de moyen découlant du droit fédéral pour lutter contre la sous-enchère salariale, dans la mesure où leurs compétences se limitent à la possibilité de proposer aux autorités compétentes l'extension des dispositions d'une convention collective, mais uniquement si le secteur en est pourvu (cf. Rapport du Conseil d'Etat, p. 3). C'est donc à tort que les recourants estiment que le recours, considéré comme moins incisif, aux mesures prévues dans les CCT permettrait d'atteindre des résultats équivalents à ceux poursuivis par la législation querellée.
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Contrairement à ce que prétendent les recourants, la réglementation litigieuse prend par ailleurs en considération les difficultés que certains secteurs spécifiques - en particulier agricoles - rencontrent dans l'application du salaire de 20 fr. par heure (art. 32d al. 1 LEmpl/NE), notamment en raison du nombre élevé d'heures pratiquées dans ce domaine, d'une concurrence importante et des faibles revenus que cette activité génère de manière générale (cf. propositions de la Commission parlementaire, p. 2 s. et annexe: il ressort des travaux préparatoires que les secteurs agricole, viticole et maraîcher ont particulièrement préoccupé la Commission parlementaire; celle-ci s'est d'ailleurs réunie à deux reprises avec des représentants de la Chambre neuchâteloise d'agriculture et de viticulture). L'art. 32e LEmpl/NE prévoit que, pour les secteurs économiques visés par l'art. 2 al. 1 let. d et e de la loi fédérale du 13 mars 1964 sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce (LTr; RS 822.11) - soit certaines entreprises agricoles ou se livrant à la production horticole, lesquelles sont du reste exclues du champ d'application de la LTr -, le Conseil d'Etat peut fixer des salaires minima dérogeant à l'art. 32d al. 1 LEmpl/NE, dans le respect de l'art. 32a LEmpl/NE. L'art. 32e LEmpl/NE a pour but de concilier l'objectif d'un salaire décent avec la volonté de ne pas mettre en péril ces secteurs (cf. propositions de la Commission parlementaire, p. 3). La loi litigieuse permet en outre de tenir compte du fait que les employés dans ce secteur travaillent plus de 45 heures par semaine. Afin de concilier les limites posées par le droit fédéral, d'une part (cf., notamment, s'agissant de la question particulière de la lutte contre la sous-enchère salariale, art. 360a CO et arrêt 4C_1/2014 du 11 mai 2015 consid. 7.5 et 7.6), et le risque que les entreprises agricoles et viticoles du canton ne ![]() | 62 |
Il suit de cette réglementation que l'introduction par le législateur cantonal d'un salaire minimum unique s'accompagne de suffisamment de clauses de souplesse et de réévaluations périodiques aux fins de sauvegarder l'intérêt à prémunir les travailleurs contre le phénomène des "working poor" et, simultanément, de tenir compte des situations particulières, qui se présentent notamment dans certains secteurs économiques.
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5.6.7 En tant que les recourants perçoivent, toujours sous l'angle du critère de la proportionnalité au sens étroit, un rapport déraisonnable entre la détermination du montant du salaire minimum dans la loi attaquée et la liberté économique (entrepreneuriale) dans le canton, il est vrai que la question de savoir quel est le montant qui permettrait de garantir des conditions de vie décentes ne ressort ni de la législation fédérale, ni de la jurisprudence. Pour fixer le tarif horaire minimum, le Grand Conseil, auquel un grand pouvoir d'appréciation législatif doit être reconnu en la matière, s'est toutefois fondé sur des critères objectifs et raisonnables. Il est en effet parti du revenu minimal selon les prestations complémentaires AVS/AI pour une personne seule vivant dans le canton de Neuchâtel, en supposant que la personne travaille 52 semaines par année et 41 heures par semaine (cf. consid. 5.4.3 supra; Rapport du Conseil d'Etat, p. 6; BIERI, op. cit., p. 4). La durée hebdomadaire de travail de 41 heures repose sur les données de l'Office fédéral de la statistique relatives à la durée normale du travail dans les entreprises selon les cantons (cf. Office ![]() | 64 |
On relèvera par ailleurs que les auteurs de l'initiative populaire neuchâteloise avaient initialement envisagé l'introduction d'un salaire horaire de 22 fr., lequel a été réduit à 20 fr. à la suite des négociations qui ont eu lieu dans le cadre des travaux législatifs. Le projet de loi jurassien mettant en oeuvre une initiative populaire similaire prévoyait un salaire minimum de 19 fr. 25 par heure. L'initiative populaire fédérale du 23 janvier 2012 pour l'introduction d'un salaire minimum en Suisse (initiative "Pour la protection de salaires équitables [initiative sur les salaires minimums]"), qui a certes été rejetée lors de la votation populaire du 18 mai 2014, proposait quant à elle un salaire minimum de 22 fr. par heure. En outre, dans le cadre d'une ![]() | 65 |
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6.1 La liberté syndicale consacrée à l'art. 28 al. 1 Cst. prévoit que les travailleurs, les employeurs et leurs organisations ont le droit de se syndiquer pour la défense de leurs intérêts, de créer des associations et d'y adhérer ou non. On distingue la liberté syndicale individuelle de la liberté syndicale collective. La première donne au particulier le droit de contribuer à la création d'un syndicat, d'adhérer à un syndicat existant ou de participer à son activité (liberté syndicale positive), ainsi que celui de ne pas y adhérer ou d'en sortir (liberté syndicale négative), sans se heurter à des entraves étatiques. La seconde ![]() | 69 |
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Comme le relèvent les recourants, une modification des CCT n'est pas nécessaire, l'Etat pouvant mettre en oeuvre le salaire minimum sans passer par une modification des conventions collectives. Le Grand Conseil explique, pour sa part, que l'art. 76 LEmpl/NE n'oblige pas les partenaires sociaux à conclure une convention collective, ni à en modifier le contenu. Cette disposition vise à donner la possibilité aux partenaires sociaux de modifier leurs CCT, mais ne les y oblige pas. Comme le relève le Grand Conseil, l'art. 76 LEmpl/NE pourrait être supprimé sans nuire à l'application du reste de la loi. Il s'ensuit que cette disposition n'a pas de portée propre par rapport aux autres dispositions litigieuses. En effet, dans la mesure où les CCT ne sont pas modifiées, c'est le salaire minimum qui s'appliquera automatiquement en lieu et place des dispositions relatives aux salaires prévues dans les conventions collectives, si le montant de certaines de ces CCT s'avérait être inférieur à celui instauré par le salaire minimum. Le grief des recourants est dès lors rejeté.
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7. Les recourants se plaignent d'une violation du principe de la primauté du droit fédéral (art. 49 al. 1 Cst.). Ils soutiennent, en substance, que les dispositions litigieuses seraient, d'une part, contraires à la répartition constitutionnelle et légale des compétences en matière de droit du travail et de fixation des salaires. D'autre part, elles violeraient le sens et l'esprit de l'art. 357 CO en relation avec l'art. 4 al. 1 (de la loi fédérale du 28 septembre 1956 permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail [LECCT; RS 221.215.311]) et les conventions collectives en vigueur, à savoir, en particulier, la Convention collective de la branche du travail temporaire, dont le champ d'application a été étendu - pour la dernière ![]() | 72 |
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L'existence ou l'absence d'une législation fédérale exhaustive constitue donc le premier critère pour déterminer s'il y a conflit avec une règle cantonale. Toutefois, même si la législation fédérale est considérée comme exhaustive dans un domaine donné, une loi cantonale peut subsister dans le même domaine si elle poursuit un autre but que celui recherché par le droit fédéral (ATF 138 I 435 consid. 3.1 p. 446; ATF 133 I 110 consid. 4.1 p. 116; ATF 131 I 333 consid. 2.2 p. 336). Ce n'est que lorsque la législation fédérale exclut toute réglementation dans un domaine particulier que le canton perd la compétence pour adopter des dispositions complétives, quand bien même celles-ci ne contrediraient pas le droit fédéral ou seraient même en accord avec celui-ci (ATF 143 I 109 consid. 4.2.2 p. 114; ![]() | 74 |
Enfin, il convient de relever que l'un des principes essentiels d'interprétation en matière de fédéralisme est celui de l'interprétation conforme à la Constitution (cf. ATF 137 I 31 consid. 2 p. 40; ATF 116 Ia 359 consid. 5c p. 368 s.; arrêts 2C_66/2015 du 13 septembre 2016 consid. 2, non publié in ATF 142 I 195; 2C_668/2013 du 19 juin 2014 consid. 2.2). Ce principe prend un sens particulier dans ce domaine. Non seulement le Tribunal fédéral recherchera s'il est possible de conférer à la norme cantonale une portée qui la fasse apparaître comme conforme à la répartition des compétences et à la règle fédérale applicable, mais il s'efforcera encore d'interpréter cette règle fédérale de façon à éviter qu'elle entre en conflit avec la première. Tant qu'il est possible, d'après les méthodes et les principes d'interprétation traditionnels, d'établir une concordance entre les deux normes, il n'y a pas de conflit; celles-ci peuvent coexister, et le principe de la primauté du droit fédéral n'est pas violé (cf. AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, 3e éd. 2013, n. 1104 p. 379).
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7.3.1 En adoptant, en particulier, le CC (RS 210) et le CO, le législateur fédéral a entendu codifier l'ensemble du droit privé. Sous réserve des compétences que le droit privé fédéral a expressément laissées aux cantons (cf. art. 5 CC), le volet du droit privé fédéral relatif au droit du travail a été, par conséquent, exhaustivement réglementé par le droit fédéral (cf. JEAN-FRANÇOIS AUBERT, in Petit commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse [...], Aubert/Mahon [éd.], 2003, n° 1 ad art. 122 Cst. p. 977; ![]() | 78 |
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7.4 Les rapports de travail ne sont pas uniquement soumis au droit privé (art. 319 ss CO), mais également à toutes sortes de prescriptions de droit public, adoptées par les cantons ou la Confédération, afin d'assurer une protection minimale des travailleurs (MAHON/JEANNERAT, in Commentaire du contrat de travail, 2013, n° 16 ad ![]() | 80 |
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7.5.2 En vertu de son champ d'application, la LTr règle d'une manière exhaustive la protection des travailleurs en tant que telle; la LTr n'empêche cependant pas l'adoption de mesures qui, sans avoir pour but principal de protéger les travailleurs, ont accessoirement un effet protecteur (cf. ATF 133 I 110 consid. 4.3 p. 117; arrêt 2C_312/2009 du 5 octobre 2009 consid. 4.2). D'une part, l'art. 71 let. c LTr ![]() | 83 |
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Les objectifs ainsi poursuivis par la législation cantonale neuchâteloise relèvent, de façon prépondérante, de la politique sociale. Les mesures consacrées par la LEmpl/NE modifiée s'insèrent, par conséquent, dans la législation protectrice de droit public que les cantons demeurent en principe autorisés à adopter, en dépit des dispositions ![]() | 85 |
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7.5.5 Il y a également lieu de rappeler que ce sont les cantons qui sont compétents en matière d'aide sociale (art. 115 Cst.), laquelle a pour but non seulement de fournir une aide matérielle, mais également de favoriser l'intégration professionnelle des personnes dans le besoin. L'aide matérielle est donc subsidiaire par rapport au revenu que les personnes concernées peuvent se procurer par leurs propres moyens en exerçant une activité lucrative (cf. ATF 139 I 218 consid. 3.5 p. 222; ATF 130 I 71 consid. 5.4 p. 79; Conférence suisse des institutions d'action sociale [CSIAS], Aide sociale - concepts et normes de calcul, 4e éd. 2005). Cela suppose toutefois que les personnes exerçant une activité lucrative à plein temps perçoivent un revenu qui leur suffit pour vivre. L'art. 41 al. 1 let. d Cst. énonce en outre comme but social que la Confédération et les cantons s'engagent à ce que toutes les personnes capables de travailler puissent ![]() | 87 |
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