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19. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause A. contre B. SA (recours constitutionnel subsidiaire) |
4D_65/2018 du 15 juillet 2019 | |
Regeste |
Art. 17 Abs. 2 KV/FR; Art. 129 ZPO; Verfahrenssprache. | |
Sachverhalt | |
1 | |
B.
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B.a Par demande en justice du 19 septembre 2017, le demandeur a requis la réduction du loyer mensuel de son appartement de 993 fr. à 963 fr. 25 dès le 1er octobre 2017 et le remboursement d'un montant de 4'727 fr. 60. Cette demande a été rédigée en allemand. Aucun accord relatif à l'utilisation de la langue allemande n'ayant été conclu entre les parties et la défenderesse ayant refusé d'accepter le mémoire en allemand, le demandeur a été prié de déposer sa demande en français, ce qu'il a fait le 6 décembre 2017.
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Par décision du 31 août 2018, le Tribunal des baux de l'arrondissement de la Sarine a partiellement admis la demande, fixé le loyer à 990 fr. dès le 1er octobre 2017 et à 963 fr. 25 dès le 1er octobre 2018 et pris acte de l'acquiescement de la défenderesse de rembourser au demandeur les montants de 1'704 fr. 25 et de 238 fr. 50.
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B.b Par mémoire du 4 octobre 2018, le demandeur a interjeté recours au Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg contre la décision du Tribunal des baux du 31 août 2018 en concluant à la réduction du loyer de 993 fr. à 963 fr. 25 dès le 1er octobre 2017. Le demandeur a rédigé son recours en langue allemande.
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Invitée à se déterminer sur l'usage de l'allemand pour le mémoire de recours, l'intimée a exposé par courrier du 25 octobre 2018 que ses organes ne maîtrisent pas cette langue et a prié la Cour d'inviter le recourant à déposer son mémoire en français. Par courrier du 26 octobre 2018, la juge déléguée a renvoyé le mémoire de recours au demandeur et l'a invité à procéder en français, précisant que s'il ne le faisait pas dans le délai fixé, la Cour n'entrerait pas en matière. Par acte du 12 novembre 2018, le recourant s'est refusé à procéder à la traduction demandée.
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Par arrêt du 28 novembre 2018, le Tribunal cantonal n'est pas entré en matière sur le recours du demandeur au motif que celui-ci était rédigé en langue allemande.
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C. Le recourant a formé un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral. Ce recours, rédigé en langue allemande, tend à ce que l'arrêt du 28 novembre 2018 soit annulé et à ce qu'il soit ordonné au ![]() | 8 |
Le Tribunal fédéral a admis le recours, annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause à la cour cantonale pour suite de la procédure dans le sens des considérants.
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(extrait)
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Extrait des considérants: | |
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Erwägung 2.1 | |
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1 Le français et l'allemand sont les langues officielles du canton.
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2 Leur utilisation est réglée dans le respect du principe de territorialité: l'Etat et les communes veillent à la répartition territoriale traditionnelle des langues et prennent en considération les minorités linguistiques autochtones.
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3 La langue officielle des communes est le français ou l'allemand. Dans les communes comprenant une minorité linguistique autochtone importante, le français et l'allemand peuvent être les langues officielles.
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4 L'Etat favorise la compréhension, la bonne entente et les échanges entre les communautés linguistiques cantonales. Il encourage le bilinguisme.
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5 Le canton favorise les relations entre les communautés linguistiques nationales.
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L'art. 17 Cst./FR garantit pour sa part la liberté de la langue:
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1 La liberté de la langue est garantie.
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2 Celui qui s'adresse à une autorité dont la compétence s'étend à l'ensemble du canton peut le faire dans la langue officielle de son choix.
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2.1.2 Selon l'art. 129 CPC (RS 272), la procédure civile est conduite dans la langue officielle du canton dans lequel l'affaire est jugée. ![]() | 21 |
La loi sur la justice du canton de Fribourg du 31 mai 2010 (LJ/FR; RSF 130.1), ayant notamment pour objet l'organisation de la juridiction civile et l'application du CPC dans le canton de Fribourg (cf. art. 1 LJ/FR), contient les articles suivants:
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Art. 115 Langue de la procédure - En général
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1 La procédure a lieu en français ou en allemand.
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2 La procédure a lieu:
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a) dans les arrondissements de la Sarine, de la Gruyère, de la Glâne, de la Broye et de la Veveyse en français;
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b) dans l'arrondissement de la Singine en allemand;
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c) dans l'arrondissement du Lac en français ou en allemand, en procédure pénale selon la langue officielle du ou de la prévenu-e et en procédure civile selon la langue officielle de la partie défenderesse.
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3 Devant les autorités dont la compétence n'est pas liée à un arrondissement, la langue est celle qu'utiliserait le tribunal d'arrondissement compétent.
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4 En seconde instance, la procédure a lieu dans la langue de la décision attaquée.
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Art. 116 Langue de la procédure - Cas particuliers pour la procédure civile
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1 En matière civile, dans les arrondissements de la Sarine et du Lac et devant le Tribunal cantonal en instance unique, les parties peuvent convenir d'une des deux langues officielles comme langue de la procédure.
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2 Il en va de même dans l'arrondissement de la Gruyère si l'une des parties a son domicile ou son siège à Jaun et que les parties choisissent d'un commun accord l'allemand comme langue de la procédure.
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Art. 118 Langue de la procédure - Dérogations
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1 Les autorités dont la compétence s'étend à l'ensemble du canton peuvent déroger aux règles des articles 115 al. 2 à 4 et 117 s'il n'en résulte aucun inconvénient grave pour les parties et si, dans une procédure pénale, le ou la prévenu-e donne son accord.
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2 [...]
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Art. 119 Langue de la procédure - Traduction
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1 La personne qui dirige la procédure renvoie, en principe, les écrits d'une partie qui ne sont pas rédigés dans la langue de la procédure, en invitant leur auteur-e à procéder dans cette langue et en l'avertissant que, s'il ou si elle ne le fait pas dans le délai fixé, l'autorité n'entrera pas en matière.
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2 Elle peut aussi exiger de la partie qu'elle fournisse une traduction des pièces qui servent de moyens de preuve et qui ne sont pas rédigées dans la langue de la procédure.
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4 La personne qui dirige la procédure peut autoriser l'usage d'une langue autre que celle de la procédure, à la condition que toutes les personnes qui participent à la procédure la maîtrisent.
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2.3 Dans l'arrêt entrepris, la juridiction précédente s'est référée à cette jurisprudence fédérale. Soulignant que celle-ci avait été rendue en relation avec une procédure administrative, la Cour a jugé opportun ![]() | 43 |
Citant l'art. 115 al. 4 LJ/FR, aux termes duquel la procédure de seconde instance a lieu dans la langue de la décision attaquée, le Tribunal cantonal a tout d'abord souligné que le législateur fribourgeois n'avait pas voulu que les recourants puissent choisir la langue de rédaction de leurs mémoires, ceci afin d'éviter "que l'ensemble des écritures d'une procédure de recours soient déposées dans une langue alors que le jugement serait rendu dans l'autre langue" et "que la partie qui succombe dans un procès civil doive supporter les frais d'une traduction imposée par le Tribunal cantonal". Evoquant ensuite l'art. 119 LJ/FR susmentionné, le Tribunal cantonal a notamment précisé que le législateur cantonal avait refusé de soustraire le Tribunal cantonal à l'application de son al. 1 et - message du Conseil d'Etat à l'appui - que l'utilisation de la possibilité conférée par l'art. 119 al. 4 LJ/FR d'autoriser l'usage d'une langue autre que celle de la procédure devait rester exceptionnelle et ne modifiait pas la langue de la procédure.
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Précisant que les art. 115 al. 4 et 119 LJ/FR devaient "être lus en lien avec l'art. 38 Cst./FR", le Tribunal cantonal s'est interrogé sur la possibilité de restreindre le droit fondamental du recourant conformément à cette dernière disposition. Evoquant une différence fondamentale entre la procédure administrative et la procédure civile, il a estimé que, s'il peut être attendu d'une autorité d'un canton bilingue qu'elle maîtrise les deux langues officielles et qu'elle accepte par conséquent les écritures rédigées dans la langue officielle qui n'est pas la langue de la procédure, il en va autrement d'une partie à une procédure civile. Selon la Cour, le conflit entre la liberté des langues des deux justiciables doit être résolu en faveur de la partie intimée. La protection de son droit fondamental justifierait ainsi une restriction au droit fondamental conféré au recourant par l'art. 17 al. 2 Cst./ FR.
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Erwägung 2.4 | |
2.4.1 La juridiction précédente a reconnu au recourant un droit fondamental conféré par l'art. 17 al. 2 Cst./FR à déposer son mémoire de recours en allemand. Elle a estimé que ce droit pouvait néanmoins être restreint en raison de l'existence d'une base légale et d'un droit fondamental de l'intimée justifiant cette restriction sans examiner les autres conditions nécessaires à la restriction d'un droit fondamental. ![]() | 46 |
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2.4.3.1 Le principe de la proportionnalité exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts (ATF 143 I 403 consid. 5.6.3 et les arrêts cités).
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2.4.3.2 Même s'il ne traite pas de ces aspects expressément sous l'angle du principe de la proportionnalité, le Tribunal cantonal fait état des inconvénients que causerait le dépôt par le recourant de son mémoire de recours en allemand. Il se rallie à l'argumentaire de ![]() | 50 |
L'utilisation par une partie, en deuxième instance, de la langue officielle qui n'est pas la langue de la procédure est susceptible de constituer un désagrément pour l'autre partie, particulièrement lorsque celle-ci n'est pas assistée d'un avocat. Ceci ne saurait toutefois être considéré comme déterminant dans le cadre de la pesée des intérêts commandée par le principe de la proportionnalité. Il ne faut en effet pas perdre de vue que cette autre partie pourra continuer à s'exprimer dans sa langue et que les autorités continueront à conduire la procédure dans cette langue. Tel ne serait en revanche pas le cas de la partie dont le droit fondamental à s'adresser au Tribunal cantonal dans la langue officielle de son choix serait restreint, une telle restriction revenant en effet à la contraindre à s'exprimer dans une langue autre que sa langue maternelle devant une autorité dont la compétence s'étend à l'ensemble du canton.
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Le bon fonctionnement de la justice dans un canton bilingue commande aux justiciables de s'accommoder de désagréments tels que celui imposé à une partie à la procédure civile par l'usage par l'autre partie de la langue de son choix devant le Tribunal cantonal. On ![]() | 52 |
2.4.3.3 Il résulte de la pesée des intérêts en présence que la restriction du droit fondamental conféré au recourant par l'art. 17 al. 2 Cst./ FR n'est pas proportionnée. Inutile dès lors de se prononcer sur le respect du noyau intangible de cet article (cf. sur ce point PREVITALI, Quelques réflexions de nature constitutionnelle relatives à l'influence de l'art. 17 al. 2 de la Constitution fribourgeoise sur la langue de la procédure cantonale, Revue fribourgeoise de jurisprudence [RFJ], Numéro spécial 2005, p. 209, qui note que restreindre la possibilité de s'adresser à une autorité cantonale dans la langue officielle de son choix signifierait nier l'existence de cet article et en accepter de facto l'annulation). Les conditions de l'art. 38 Cst./FR n'étant pas remplies en l'espèce, le droit fondamental du recourant ne peut être restreint.
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On précisera encore que, comme le démontre notamment l'expérience faite au niveau fédéral et dans d'autres cantons bilingues (cf. ![]() | 54 |
2.5 A la suite de l' ATF 136 I 149, une partie de la doctrine a suggéré que cet arrêt était dénué de pertinence en matière civile et pénale, estimant que le droit fédéral commandait au travers des art. 129 CPC et 67 CPP que les procédures de première et deuxième instances soient impérativement menées dans la même langue, la langue du mémoire de recours et celle de la procédure devant en outre nécessairement être identiques (JEANNERAT, RDAF 2011 I p. 373). En matière civile, certains commentateurs sont d'avis que la procédure ne peut se dérouler qu'en une seule langue, estimant par exemple ![]() | 55 |
Ces auteurs ne peuvent être suivis. Premièrement, aucun élément d'interprétation ne permet d'affirmer que l'art. 129 CPC impose aux cantons bilingues des contraintes particulières au sujet de l'utilisation de leurs langues officielles devant les autorités judiciaires cantonales. Bien au contraire, selon la lettre claire de cet article, les cantons qui reconnaissent plusieurs langues officielles sont libres de régler leur utilisation dans la procédure. Deuxièmement, comme le Tribunal fédéral l'a déjà souligné (ATF 136 I 149 consid. 6.2), il est parfaitement possible de dissocier la langue de la procédure de celle de certains actes des parties. La LTF en livre un exemple parlant. Alors que l'art. 54 LTF règle la question de la langue de la procédure, l'art. 42 al. 1 LTF prévoit que les mémoires des parties peuvent être rédigés dans une des langues officielles. Ainsi, le présent arrêt est rédigé en français, langue de la décision attaquée (art. 54 al. 1 LTF), alors que le recours en matière civile a été déposé par le recourant en langue allemande. De manière similaire, l'art. 36 de la loi fédérale du 20 mars 2009 sur le Tribunal fédéral des brevets (LTFB; RS 173.41) prévoit que le tribunal désigne une des langues officielles comme langue de la procédure (art. 36 al. 1 LTFB) tout en statuant que chaque partie reste libre d'utiliser une langue officielle autre que celle de la procédure pour les actes de procédure et lors des débats (art. 36 al. 3 LTFB). On ne voit pas en quoi les cantons qui - comme la Confédération - connaissent plusieurs langues officielles ne pourraient pas autoriser l'utilisation d'une langue officielle autre que celle de la procédure pour certains actes, comme par exemple la rédaction d'un appel ou recours à l'autorité judiciaire supérieure du canton. Le CPC ne s'oppose pas à de telles règles, dont on notera pour le surplus qu'elles existent également dans les cantons de Berne (art. 6 al. 5 de la Constitution du canton de Berne du 6 juin 1993 [Cst./BE; RS 131. 212]), du Valais (art. 7 al. 1 de la loi d'application du code de procédure civile suisse du 11 février 2009 [LACPC/VS; RS 270.1]) et des Grisons (art. 8 al. 1 Sprachengesetz des Kantons Graubünden du 19 octobre 2006 [SpG/GR; BR 492.100]).
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2.6 En procédure civile, comme en procédure administrative (ATF 136 I 149), l'art. 17 al. 2 Cst./FR autorise un justiciable à déposer son mémoire de recours devant le Tribunal cantonal dans la langue ![]() | 57 |
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