BGE 146 I 157 | |||
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16. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause Ivanyushchenko contre Département fédéral des affaires étrangères, Direction du droit international public DDIP (recours en matière de droit public) |
2C_572/2019 du 11 mars 2020 | |
Regeste |
Art. 13, 26, 27 BV; Art. 8 EMRK; Art. 3 SRVG; Bundesgesetz über die Sperrung und die Rückerstattung unrechtmässig erworbener Vermögenswerte ausländischer politisch exponierter Personen; Verordnung über die Sperrung von Vermögenswerten im Zusammenhang mit der Ukraine (V-Ukraine); Ablehnung der Streichung eines Namens von der Liste der mit der Verordnung anvisierten Personen; Aufhebung der Sperrung; Verhältnismässigkeit der Massnahme. | |
Sachverhalt | |
A. A la suite de la destitution du président ukrainien Viktor Yanukovych au mois de février 2014, le Conseil fédéral a décidé, par ordonnance du 26 février 2014, de bloquer en Suisse les valeurs patrimoniales appartenant à certaines personnes originaires de l'Etat précité. Hormis l'ancien président, la mesure concernait quelques-uns de ses proches, notamment le parlementaire ukrainien Yuriy Ivanyushchenko.
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Le 25 mai 2016, le Conseil fédéral a confirmé le blocage susmentionné par le biais d'une nouvelle ordonnance. La durée de validité de celle-ci a ensuite été prolongée plusieurs fois, la dernière fois jusqu'au 27 février 2021. Le nom de Yuriy Ivanyushchenko figure toujours à l'annexe de ladite ordonnance.
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B. Dans l'intervalle, le 4 décembre 2017, Yuriy Ivanyushchenko a demandé au Département fédéral des affaires étrangères (ci-après: DFAE) de radier son nom de l'ordonnance susmentionnée. Cette autorité a rejeté ladite requête par décision du 4 juin 2018.
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Par arrêt du 13 mai 2019, le Tribunal administratif fédéral a également rejeté le recours déposé par l'intéressé contre la décision du DFAE.
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C. Yuriy Ivanyushchenko dépose un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral précité. Il conclut à son annulation et demande, principalement, qu'il soit ordonné à la Direction du droit international public du DFAE de procéder à la radiation de son nom de l'annexe de l'ordonnance de blocage de valeurs patrimoniales dans le contexte de l'Ukraine. Subsidiairement, il demande le renvoi de la cause au Tribunal administratif fédéral pour nouvelle décision au sens des considérants.
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Le DFAE a répliqué, concluant au rejet du recours. Le recourant a déposé d'ultimes observations.
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Extrait des considérants: | |
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4.1.1 Comme le retient à juste titre l'arrêt attaqué, la condition de la perte de pouvoir d'un gouvernement, telle que fixée à l'art. 3 al. 2 let. a LVP, s'examine exclusivement à l'aune des circonstances ayant conduit à la décision de blocage. En l'occurrence, il est notoire que l'ancien président ukrainien, Viktor Yanukovych, a perdu le pouvoir et quitté son pays en février 2014, ainsi que le Tribunal administratif fédéral l'a relevé dans son arrêt. Ce fait suffit à remplir la première condition à un éventuel blocage des avoirs du prénommé et de ses proches. Quoi que prétende le recourant, il importe peu, sous l'angle de l'art. 3 al. 2 let. a LVP, que de nouvelles élections aient eu lieu depuis la perte de pouvoir de l'ancien gouvernement. Un blocage prononcé en vue de soutenir une procédure d'entraide judiciaire, comme en l'espèce, suppose d'ailleurs le rétablissement de nouvelles autorités dans le pays d'origine, lesquelles doivent être en mesure de préparer et de déposer des demandes d'entraide de manière indépendante (cf. art. 6 al. 1 LVP et Message du 21 mai 2014 relatif à la loi sur les valeurs patrimoniales d'origine illicite [ci-après: Message LVP], FF 2014 5121, 5153 s.).
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La condition du degré de corruption dans l'Etat d'origine dépend donc uniquement de savoir si celle-ci était notoirement élevée en Ukraine pendant la présidence de Viktor Yanukovych. Or, l'instance précédente a retenu à cet égard - d'une manière qui lie le Tribunal fédéral (cf. art. 105 al. 1 LTF) et qui n'est pas contestée par le recourant - que le niveau de corruption était important en Ukraine et que cette situation prévalait déjà avant et pendant ladite présidence. Elle a également relevé que Viktor Yanukovych était accusé, ainsi que son entourage, d'avoir amassé une grande fortune au détriment de l'Etat ukrainien. Partant de ces constats, le Tribunal administratif fédéral pouvait admettre que le blocage de biens patrimoniaux imposé par l'O-Ukraine visait des personnes provenant d'un Etat au degré de corruption notoirement élevé.
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4.2.2 En l'occurrence, il ressort de l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, d'une manière qui lie la Cour de céans (cf. art. 105 al. 1 LTF), qu'une enquête pénale est toujours en cours en Ukraine à l'encontre du recourant. Cet Etat a en outre engagé une procédure d'entraide pénale auprès de la Suisse qui est toujours d'actualité. Le Ministère public de la Confédération demeure enfin lui-même actif en vue de déterminer l'origine des fonds bloqués appartenant à l'intéressé. Dans ses écritures, le recourant ne conteste pas que l'autorité précédente aurait établi les faits de manière arbitraire sur ce point, reconnaissant au contraire être concerné par une procédure judiciaire pénale en Ukraine ayant donné lieu à une demande de coopération judiciaire en matière pénale avec la Suisse. Il relève par ailleurs lui-même que la documentation de ses comptes aurait été transmise aux autorités compétentes ukrainiennes et que ses avoirs auraient déjà été séquestrés dans le cadre de cette procédure d'entraide judiciaire en matière pénale. Ce faisant, il ne remet pas véritablement en cause le fait qu'il existe des indices et des soupçons d'illicéité quant à l'origine de ses valeurs patrimoniales bloquées en Suisse, ni qu'il est vraisemblable que celles-ci présentent une origine criminelle. On ne voit dès lors pas en quoi le Tribunal administratif fédéral aurait mal appliqué la condition de l'art. 3 al. 2 let. c LVP en l'espèce.
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4.2.3 Le recourant se contente en réalité de faire grand cas de la levée du blocage de ses avoirs au sein de l'Union européenne et au Canada et, surtout, d'un arrêt du 8 novembre 2017 du Tribunal de l'Union européenne constatant l'illégalité du blocage de ses fonds (arrêt T-246/15). Ce faisant, il perd de vue que la prolongation du blocage de ses fonds à l'étranger devait satisfaire à d'autres conditions que celles du droit suisse. Au sein de l'Union européenne en particulier, en application de la décision du Conseil de l'Union européenne 2014/119/PESC du 5 mars 2014 concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO L 66 p. 26), une telle mesure n'était possible que pour autant que l'intéressé eût été "identifi[é] comme étant responsabl[e] de détournement de fonds appartenant à l'Etat ukrainien", ce que le Tribunal de l'Union européenne a en l'occurrence nié dans l'arrêt précité. En comparaison, le droit suisse est moins exigeant que le droit européen quant au degré d'incrimination qu'il convient d'établir pour décider d'un blocage ou de sa prolongation. Aux termes de l'art. 3 al. 2 let. c LVP, il suffit que l'origine illicite des avoirs soit vraisemblable. Celle- ci peut en outre découler d'un crime non forcément défini. Il n'est pas nécessaire d'établir, comme en droit européen, une culpabilité en lien avec un détournement de fonds appartenant à l'Etat. Lors de l'adoption de la LVP, le législateur était d'ailleurs parfaitement conscient que le droit suisse envisageait plus largement le blocage des valeurs patrimoniales des personnes politiques exposées que nombre d'autres Etats et organisations, lesquels ne possédaient pas forcément une législation aussi complète que la Suisse (Message LVP, FF 2014 5121, 5139-5144).
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En résumé, le recourant ne peut rien tirer en sa faveur des décisions étrangères ayant mis fin au blocage de ses avoirs dans d'autres pays. On remarquera au contraire que l'arrêt du Tribunal de l'Union Européenne, largement cité par le recourant, fait état de nombreuses procédures pénales ouvertes à l'encontre de celui-ci en Ukraine, lesquelles sont évidemment propres à corroborer certaines suspicions d'illicéité quant à l'origine de ses avoirs.
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4.3.1 En vertu de l'art. 3 al. 3 LVP, avant d'ordonner le blocage et sauf s'il y a péril en la demeure, le Conseil fédéral se renseigne sur la position des principaux Etats partenaires et organisations internationales concernant les mesures de blocage (1ère phrase). En règle générale, il doit aussi coordonner son action du point de vue temporel et matériel avec celle de ces Etats et organisations (2e phrase). En d'autres termes, l'ordre de blocage et les modalités de sa mise en oeuvre doivent en principe faire systématiquement l'objet d'une coordination avec les principales places financières d'importance comparable à la Suisse (Message LVP, FF 2014 5121, 5154 s.). Contrairement aux conditions de blocage énumérées à l'alinéa précédent, le devoir de coordination internationale fixé à l'art. 3 al. 3 LVP ne vise cependant pas à protéger les personnes politiquement exposées ou leurs proches d'un éventuel blocage de leurs avoirs, ni à délimiter restrictivement les hypothèses dans lesquelles un blocage en vue de l'entraide judiciaire peut être prononcé. Il ressort des travaux préparatoires de la LVP que l'exigence de coordination a pour objectif d'améliorer l'efficacité des mesures prises, ainsi que la compétitivité de la place financière suisse, notamment dans le domaine de la gestion de fortune et des investissements. Plus généralement, la coordination prévue à l'art. 3 al. 3 LVP tend aussi à favoriser l'émergence d'une pratique uniforme au niveau international en ce qui concerne le blocage des avoirs des potentats (renforcement du "level playing field" entre places financières; cf. Message LVP, FF 2014 5121, 5155 s.).
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En effet, comme on l'a vu, il ne ressort pas des travaux préparatoires que le législateur fédéral ait voulu lier le Conseil fédéral à d'éventuelles décisions prises à l'étranger, lesquelles se fondent du reste forcément sur d'autres bases juridiques que la LVP. Une coordination internationale est certes souhaitable en vue d'une harmonisation des réglementations et des pratiques en matière de blocage des avoirs des potentats. Toutefois, le législateur n'a pas voulu imposer au Conseil fédéral une obligation absolue de résultat dans ce domaine et lui interdire d'agir chaque fois que la coordination interétatique n'a pas atteint le niveau escompté. Il le laisse largement libre s'agissant des mesures à mettre en place et de l'intensité que la coordination internationale doit atteindre. Aux termes de l'art. 3 al. 3 LVP, le Conseil fédéral doit uniquement "se renseigner" sur la position des principaux Etats partenaires et organisations internationales. Quant à la coordination temporelle et matérielle des blocages, elle ne s'impose qu'"en règle générale".
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Il s'ensuit qu'au moment de prononcer, voire de prolonger un blocage au sens de l'art. 3 LVP, le Conseil fédéral peut conférer un poids plus important à la préservation et à la promotion de l'Etat de droit en Suisse qu'à la stricte coordination de son action avec l'étranger. Le législateur fédéral a d'ailleurs désiré que la Suisse s'affiche en exemple dans le domaine du blocage des avoirs de potentats déchus. Il a voulu éviter un nivellement par le bas de la pratique internationale dans ce domaine. Le fait que les conditions permettant une telle mesure, notamment celle de l'art. 3 al. 2 let. c LVP, soient volontairement moins strictes que celles prévalant dans d'autres Etats en témoigne (cf. supra consid. 4.2.3; aussi Message LVP, FF 2014 5121, 5136). Ces considérations sur le pouvoir d'appréciation du Conseil fédéral valent a fortiori pour les autorités appelées à statuer, comme en l'espèce, sur une requête en radiation d'une ordonnance de blocage au sens de l'art. 20 LVP. Le fait que le recourant ait profité d'une radiation à l'étranger ne saurait ainsi démontrer que le maintien d'un blocage en Suisse viole le devoir de coordination internationale prescrit par le législateur.
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5. Reste à examiner si l'arrêt attaqué porte une atteinte disproportionnée aux libertés personnelle (art. 13 Cst. en lien avec art. 8 CEDH) et économique (art. 27 Cst.) du recourant, comme celui-ci le soutient dans son mémoire. L'intéressé prétend en particulier que le maintien de son nom à l'annexe I de l'O-Ukraine n'est pas véritablement nécessaire et n'aurait que trop duré.
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En l'occurrence, le refus de radier le recourant de l'annexe à l'O-Ukraine a pour conséquence de le laisser figurer sur une liste publique de personnes dont les valeurs patrimoniales font l'objet d'un blocage en raison des liens particuliers qu'elles ont entretenus avec un gouvernement étranger de prime abord corrompu, ainsi qu'en raison d'un soupçon d'illicéité quant à l'origine des biens bloqués. Dans la mesure où elle est susceptible d'entacher le crédit du recourant, une telle mesure porte atteinte à sa sphère privée protégée par les art. 8 CEDH et 13 Cst., comme l'a également reconnu le Tribunal administratif fédéral. La question reste de déterminer si cette atteinte est proportionnée. Elle sera examinée ci-après, étant précisé qu'une telle analyse sous l'angle de l'art. 8 par. 2 CEDH se confond avec celle de l'art. 36 Cst.
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5.3 Le recourant se plaint aussi d'une atteinte à sa liberté économique protégée à l'art. 27 Cst. Il n'explique toutefois pas en quoi, de son point de vue, sa non-radiation de l'O-Ukraine serait de nature à entraver le financement de ses activités, étant précisé que ses fonds bloqués font de toute manière l'objet d'un séquestre ordonné directement par les autorités pénales. Le recourant se plaignant pour l'essentiel de ne pas pouvoir disposer librement de ses biens, son grief vise en réalité une violation de la garantie de la propriété consacrée à l'art. 26 Cst. (cf. ATF 141 I 20 consid. 4 p. 23; ATF 132 I 229 consid. 11.2 p. 245), lequel n'est toutefois pas invoqué. La question de savoir si le recourant peut véritablement se prévaloir d'une atteinte à sa liberté économique ou s'il a suffisamment motivé son recours sous l'angle de la garantie de la propriété peut néanmoins rester indécise. En effet, l'atteinte potentiellement portée à ces droits est de toute manière conforme aux exigences posées par l'art. 36 Cst. en matière de restrictions de droits fondamentaux.
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5.5 En l'occurrence, le recourant prétend, en substance, que le blocage de ses valeurs patrimoniales en application de l'O-Ukraine n'aurait plus de raison d'être, dès lors que l'ensemble de ses avoirs situés en Suisse font l'objet d'un séquestre prononcé par les autorités pénales. Selon lui, toutes les banques détenant de tels avoirs, de même que les éventuels intermédiaires financiers concernés, ont forcément procédé aux annonces requises depuis le blocage ordonné par le Conseil fédéral en février 2014. Le recourant reproche ainsi à l'arrêt attaqué de justifier son inscription à l'annexe de l'O-Ukraine par la simple possibilité abstraite et purement théorique qu'il puisse encore dissimuler des valeurs patrimoniales en Suisse. Ce faisant, il ne conteste pas que les art. 3 et 6 al. 1 LVP, dont la Cour de céans a contrôlé le respect ci-avant (cf. supra consid. 4), constituent des bases légales formelles suffisantes au maintien du blocage de ses fonds. Le recourant s'en prend en réalité uniquement à la proportionnalité de sa non-radiation de l'annexe de l'O-Ukraine, en particulier sous l'angle de sa nécessité et de sa proportionnalité au sens étroit.
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5.7 La jurisprudence résumée ci-avant vaut encore sous l'empire de la LVP, qui a notamment pour fonction de codifier la pratique préexistante (cf. consid. 3.1 non publié). Au moment d'adopter cette loi, le législateur était conscient qu'en fonction de l'avancement des éventuelles demandes d'entraide judiciaire et des potentielles procédures pénales en Suisse, les autorités compétentes seraient appelées à prononcer assez rapidement un séquestre additionnel des valeurs patrimoniales déjà bloquées conformément à l'art. 3 LVP. Dans l'esprit du législateur, un tel séquestre additionnel ne devait pas supprimer automatiquement le blocage administratif au sens de l'art. 3 LVP. Comme le souligne le Conseil fédéral dans son Message à l'appui de la LVP, il est concevable, voire dans certains cas probable, que les enquêtes menées dans le cadre de l'entraide judiciaire ou d'éventuelles procédures pénales révèlent des valeurs patrimoniales douteuses, non pas en une fois mais en plusieurs étapes en fonction de la progression des enquêtes, de sorte que ces avoirs ne soient en réalité que partiellement bloqués dans le cadre de ces procédures (Message LVP, FF 2014 5121, 5163).
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5.8 En l'occurrence, le blocage des valeurs patrimoniales du recourant a débuté en février 2014. Il durait ainsi depuis un peu plus de cinq ans au moment où l'arrêt attaqué a été rendu, après avoir fait l'objet de plusieurs prolongations. Le 19 décembre 2018, le Conseil fédéral a justifié une troisième prolongation de l'O-Ukraine, valable jusqu'au 27 février 2020, par le fait que plusieurs procédures avaient été ouvertes durant les dernières années contre les principales personnes concernées par le blocage et que les autorités de ces pays avaient activement progressé dans le traitement des cas sur le plan judiciaire. D'après le Conseil fédéral, des jugements étaient cependant encore nécessaires pour déterminer si les avoirs bloqués étaient d'origine illicite; un renouvellement de l'O-Ukraine devait permettre de favoriser les perspectives de possibles restitutions. Ce constat a encore été réitéré le 12 décembre 2019 lors de la dernière prolongation au 27 février 2021 (communiqués de presse du Conseil fédéral des 19 décembre 2018 et 13 décembre 2019, disponible à l'adresse www.admin.ch>Documentation>Communiqués, consulté le 5 février 2020). Le Tribunal administratif fédéral a pour sa part ajouté que des actions concrètes étaient menées non seulement par les autorités suisses, mais aussi par les autorités étrangères en vue de déterminer l'origine des fonds bloqués et leur éventuelle remise à l'Ukraine. Il a souligné que la situation avait évolué favorablement à ces différents égards, malgré sa complexité, et que des décisions concrètes pouvaient être attendues dans un délai raisonnable. Relevons du reste que le recourant n'affirme pas que les procédures pénales et d'entraide engagées à son sujet présenteraient des longueurs ou des inconsistances. Il met au contraire en exergue le fait que l'entraide entre la Suisse et l'Ukraine fonctionne bien dans son cas.
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Sous l'angle de la pesée des intérêts, la durée totale du blocage se trouve encore bien en-deçà de la durée maximale de dix ans prévue par le législateur (cf. art. 6 al. 1, 3e phrase, LVP) et les différentes prolongations intervenues jusqu'à présent ne découlent pas d'un manque de diligence de la part des autorités suisses. Le blocage s'inscrit dès lors toujours dans un délai raisonnable dans le cadre duquel il n'y a pas lieu d'exiger des indices concrets laissant penser que la place financière suisse abriterait encore d'autres avoirs inconnus appartenant au recourant. Force est enfin d'admettre que la mesure porte une atteinte limitée aux droits fondamentaux de l'intéressé. Comme celui-ci le déclare lui-même, il fait de toute manière l'objet de diverses procédures pénales et d'entraide judiciaire en matière pénale. Celles-ci ont conduit au séquestre de ses biens et ont été rendues publiques. Sa radiation de la liste de l'O-Ukraine en raison de l'écoulement du temps n'aurait ainsi pas pour effet automatique de laver sa réputation, ni de le blanchir du soupçon de détention d'avoirs illicites. Elle ne lui permettrait pas davantage de disposer librement de ceux-ci pour ses affaires.
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5.10 Partant, il faut considérer que le Tribunal administratif fédéral n'a pas violé le principe de proportionnalité en confirmant le main tien du recourant à l'annexe de l'O-Ukraine et, par voie de conséquence, la prolongation du blocage de ses avoirs en application de l'art. 3 LVP. La mesure s'avère en l'état toujours adaptée au but poursuivi par le Conseil fédéral, à savoir soutenir l'entraide judiciaire en matière pénale avec l'Ukraine. Le recours doit donc être rejeté en tant qu'il invoque une violation du droit à la protection de la sphère privée (art. 8 CEDH et 13 Cst.) et de la liberté économique (art. 27 Cst.), même envisagée en lien avec la garantie de la propriété (art. 26 Cst.).
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