BGE 82 II 224 | |||
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33. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 27 mars 1956 dans la cause Institut central des sociétés financières contre Union des usines et des exploitations forestières de Nasic SA | |
Regeste |
Kraftloserklärung von Inhaberaktien, Gesetzeslücke; Art. 971, 972, 981 ff. OR, Art. 1 ZGB. | |
Sachverhalt | |
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L'Institut central des sociétés financières, à Budapest (en abrégé: Institut central), est un établissement de l'Etat hongrois. De février à avril 1952, des citoyens hongrois ou leurs curateurs lui ont cédé un grand nombre d'actions de Nasic, sans pouvoir cependant représenter ces titres, qui avaient été détruits pendant la guerre.
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B.- Le 22 avril 1952, l'Institut central demanda au Président du Tribunal de première instance de Genève d'annuler plusieurs milliers d'actions de Nasic.
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Par ordonnances du 2 novembre 1954, le Président du Tribunal prononça l'annulation de 11624 actions de Nasic, dont les numéros étaient indiqués dans une liste annexée, ainsi que celle de 260 autres actions, énumérées dans l'ordonnance elle-même; en outre, il ordonna à Nasic de remettre à l'Institut central les titres de remplacement correspondants.
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C.- Le 6 novembre 1954, Nasic forma opposition à ces deux ordonnances, dont elle demanda l'annulation. Elle alléguait que les cessions invoquées par le requérant étaient en réalité des actes de spoliation contraires à l'ordre public suisse.
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Après une procédure contradictoire, le Tribunal de première instance de Genève rendit son jugement le 2 décembre. Estimant que Nasic ne pouvait intervenir comme partie que si elle faisait valoir des droits sur les titres litigieux, il déclara l'opposition irrecevable dans la mesure où elle tendait à faire révoquer l'annulation des 11624 et 260 actions. En revanche, il considéra l'opposition comme recevable en tant qu'elle était dirigée contre l'ordre donné à Nasic de remettre des titres de remplacement à l'Institut central et il annula ce point des ordonnances attaquées.
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Nasic interjeta appel à la Cour de justice civile du canton de Genève, qui déclara l'opposition formée par Nasic recevable, annula les deux ordonnances du 2 novembre 1954 et renvoya la cause au Président du Tribunal pour qu'il statuât sur le fond après avoir procédé à une information complémentaire.
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D.- L'Institut central recourt en réforme en demandant au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice et de confirmer le jugement rendu le 2 décembre 1954 par le Tribunal de première instance. Il conclut en outre à ce qu'on lui donne acte de ce qu'il est prêt à présenter une seconde requête pour demander de nouveaux titres ou le paiement de la dette.
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Nasic propose que le recours soit déclaré irrecevable et, subsidiairement, qu'il soit rejeté.
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Considérant en droit: | |
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3. L'annulation des papiers-valeurs ressortit au droit fédéral, qui, sur ce point, règle non seulement le droit matériel, mais aussi certaines questions de procédure (cf. art. 971 al. 1, 977 al. 1, 981 et suiv. CO). Quant au législateur cantonal, il ne peut intervenir que là où la procédure n'est pas réglementée par le droit fédéral.
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La qualité pour agir et pour défendre relève du droit matériel et ressortit donc à la législation fédérale. Toutefois, celle-ci ne précise point qui a qualité pour défendre en matière d'annulation de papiers-valeurs. Il faut, pour juger cette question, se fonder sur la nature et les effets de cette mesure.
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a) D'après la loi, l'annulation peut être demandée par l'ayant droit (art. 971 al. 2 et 981 al. 1 CO), qui doit rendre plausible qu'il a possédé le titre (art. 981 al. 3 CO). Ainsi, le requérant ne saurait être que l'ancien détenteur du papier-valeur ou son ayant cause (cf. JACOBI, Die Wertpapiere, dans Ehrenberg's Handbuch, p. 390 et suiv.).
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Le requérant doit en outre rendre vraisemblable qu'il a perdu le titre (art. 971 al. 1, 981 al. 3). La perte comprend également la destruction (cf. art. 870 al. 1 CC), du moins si elle est involontaire.
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Quand ces conditions sont remplies, le juge ouvre une procédure de sommation: ilinvitele détenteur inconnu à produire le titre dans un délai déterminé (art. 983 CO). Et c'est seulement si le papier-valeur n'est pas présenté qu'il peut être annulé (art. 985 et 986 al. 1 CO; cf. également art. 1074 al. 1 et 1079 al. 1 CO). Lorsque le détenteur se fait connaître à la suite de la sommation, le requérant doit intenter l'action en revendication (art. 985, 1073 et 1078 CO; RO 66 II 37 et suiv.). Ainsi, la procédure d'annulation est dirigée contre le détenteur inconnu du titre.
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b) L'annulation prive le titre de la légitimation formelle qu'il confère à son détenteur et replace le requérant dans la situation où il se trouverait s'il le possédait encore; du même coup, elle soustrait au détenteur actuel la légitimation qu'il pouvait tirer du papier-valeur. Cette décision atteint donc ceux qui possèdent le papier-valeur ou qui prétendent avoir sur lui des droits acquis après qu'il a été perdu par le requérant.
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En revanche, les droits du débiteur restent intacts. Sans doute le requérant peut-il désormais se légitimer par la décision d'annulation ou par le titre de remplacement comme s'il détenait encore le papier-valeur perdu. Mais le débiteur conserve toutes les exceptions qu'il pouvait lui opposer en vertu de l'art. 979 CO (cf. notamment JACOBI, op.cit. p. 400; PISKO, Lehrbuch des Österr. Handelsrechts, § 78, p. 304 IV).
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c) Il découle de là que le débiteur ne peut être, comme tel, partie dans la procédure d'annulation (cf. RO 74 II 246). Ses droits ne sont pas atteints par l'annulation du papier-valeur et, s'il a des exceptions contre le requérant, il doit les faire valoir dans une autre procédure, par exemple par un procès ordinaire. La situation n'est différente que s'il prétend avoir des droits sur le titre lui-même.
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D'autre part, la procédure d'annulation s'adresse au détenteur inconnu. Cependant, elle devient une pure formalité lorsqu'il est établi que le papier-valeur a été détruit (par exemple dans un incendie ou un naufrage). En outre, dès que ce détenteur se présente et produit le titre, la procédure d'annulation fait place à un procès en revendication.
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Dans ces conditions, la procédure d'annulation ne saurait être conçue comme une procédure ordinaire contradictoire. Elle ne peut ressortir qu'à la procédure gracieuse (RO 46 II 142). Dès lors, aucune personne ne saurait intervenir comme défendeur et, dans la mesure où le droit genevois dispose que la procédure d'annulation est une procédure ordinaire dans laquelle le débiteur est défendeur, il viole la législation fédérale. En revanche, un droit d'opposition appartient à toute personne qui fait valoir sur le titre des droits qu'elle perdrait s'il était annulé (RO 46 II 142). C'est seulement s'il remplit cette condition que le débiteur peut intervenir dans la procédure pour s'opposer à l'annulation.
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d) On a cependant soutenu en doctrine (cf. RÜTTI, Über die Prüfungspflicht des Richters bei der Kraftloserklärung von Wertpapieren, dans La société anonyme suisse, 1950/51, p. 189) que, le juge pouvant prendre, selon les circonstances, d'autres mesures que l'annulation, il a la faculté d'entendre des tiers, notamment le débiteur; en outre, ceux-ci devraient avoir qualité pour intervenir dans la procédure comme partie, car ils peuvent avoir un intérêt important à son issue.
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Que le juge puisse entendre le débiteur, cela va de soi. Il est même indiqué, en général, qu'il procède ainsi, car le débiteur est fréquemment la personne qui pourra le mieux le renseigner sur le sort des titres (cf. JACOBI, op.cit. p. 387/8). C'est en particulier le cas si les papiersvaleurs perdus sont des actions (cf. FLECHTHEIM, dans DÜRINGER/HACHENBURG, Das Handelsgesetzbuch, 3e éd., ad § 228 rem. 3; STAUB/PINNER, Kommentar sum Handelsgesetzbuch, 12e/13e éd., ad § 228 rem. 1). Mais on ne peut tirer de là aucune conclusion relative à la qualité pour former opposition. Les "autres mesures" qui peuvent être prises en vertu de l'art. 986 al. 1 CO sont uniquement des mesures probatoires (cf. RO 46 II 144). Cette disposition ne permet pas au juge de donner à des tiers le droit de s'immiscer dans la procédure et de faire opposition. Comme la qualité pour agir ou pour défendre, le droit de former opposition ne saurait dépendre des pouvoirs du juge mais procède du droit matériel. Dès lors, seul celui qui peut se prétendre lésé dans ses droits par l'annulation a qualité pour s'opposer à cette mesure. Or on a vu que le débiteur ne remplissait pas cette condition, à moins qu'il ne fasse valoir des droits sur le titre lui-même.
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e) Nasic relève cependant que la perte des papiers-valeurs a pris, par suite des faits de guerre et des bouleversements politiques récents, une ampleur que le législateur n'avait pu envisager en 1911 et en 1936. Elle paraît en déduire que la loi comporte, sur ce point, une lacune que le juge devrait combler en vertu de l'art. 1er al. 2 CC.
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Il est exact qu'un très grand nombre de titres ont été perdus au cours des deux dernières décennies, à tel point que certains pays ont été amenés à édicter des dispositions spéciales à ce sujet (cf. par exemple la loi du 19 août 1949 de la République fédérale d'Allemagne). La Suisse n'a rien fait de semblable. On ne saurait cependant en conclure que la législation fédérale soit entachée d'une lacune sur ce point. On ne se trouve en présence d'une lacune, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (RO 74 II 109, 76 II 62), que s'il est certain qu'aucune règle ne peut être trouvée dans la loi. Ce n'est pas nécessairement le cas lorsque apparaît un nouvel état de fait que le législateur ne pouvait connaître (RO 74 II 109 et suiv.). A plus forte raison la présence d'une lacune doit-elle être niée lorsque, comme en l'espèce, les cas d'application prévus par le législateur sont simplement plus nombreux que ce qu'on attendait. Du reste, on ne peut en général admettre l'existence d'une lacune lorsque le législateur a eu l'occasion d'édicter de nouvelles dispositions sur le point en cause et ne l'a pas fait (RO 76 II 62). Or la guerre est terminée depuis plus de dix ans et la réglementation spéciale allemande existe depuis sept ans. Le législateur suisse n'ayant pas édicté, pendant toute cette période, de nouvelles prescriptions relatives à la procédure d'annulation des titres, on doit en déduire que, dans son idée, la réglementation actuelle est suffisante, malgré l'accroissement du nombre des papiersvaleurs perdus. Au surplus, l'intimée déclare elle-même que 63 000 de ses actions, qui avaient été perdues, ont pu être annulées normalement et que 15 000 seulement sont restées en suspens; or si les dispositions en vigueur ont parfaitement suffi pour la majorité de ses actions, on ne saurait admettre, à cause des 15 000 restantes, que le loi soit entachée d'une lacune.
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f) En l'espèce, Nasic ne fait valoir aucun droit sur les actions elles-mêmes et intervient uniquement comme débitrice. Elle n'a donc pas qualité pour s'opposer à l'annulation des titres en cause.
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Du reste, elle ne nie pas que les conditions de l'art. 981 al. 3 CO soient remplies. Elle prétend seulement que les cessions signées en faveur de l'Institut central sont en réalité des actes de spoliation et que celui-ci n'a acquis aucun droit sur les papiers-valeurs en cause. Mais c'est là un moyen qu'on ne peut invoquer dans la procédure d'annulation. Cette procédure n'ayant pour effet que de rétablir, en faveur de celui qui a perdu un titre, la légitimation purement formelle que lui conférait sa possession, elle ne permet pas de rechercher si celle-ci était légitime ou pas. Aussi bien, si l'Institut central détenait actuellement les titres, il bénéficierait de la légitimation formelle de quelque manière qu'il les eût acquis.
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En revanche, si le recourant fait valoir des droits envers la société en se fondant sur le jugement d'annulation ou sur les titres de remplacement, celle-ci pourra alors invoquer tous les moyens que lui confèrent ses statuts et la loi.
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g) Les titres dont l'annulation est demandée sont d'anciennes actions de 100 fr. Mais elles restent valables tant qu'elles ne sont pas échangées, de sorte qu'elles peuvent être annulées.
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h) Ainsi, aucune opposition n'ayant été valablement formée, le Tribunal de première instance a eu raison d'annuler les titres en cause et sa décision doit être rétablie. En outre, le jugement d'annulation devra être publié conformément à l'art. 986 al. 2 CO.
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Ce n'est qu'une fois l'annulation prononcée que, selon l'art. 986 al. 3 CO, le requérant peut demander qu'un nouveau titre lui soit remis ou que le paiement de la dette exigible lui soit fait. Pour obtenir la délivrance de nouvelles actions, l'Institut central devra donc présenter une seconde requête, ce que, du reste, il se déclare prêt à faire.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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2. Admet le recours, annule l'arrêt attaqué et prononce l'annulation des 11624 (onze mille six cent vingt-quatre) et 260 (deux cent soixante) actions au porteur de 100 fr., avec les coupons nos 15 et suivants, de l'Union des usines et des exploitations forestières de Nasic SA portant les numéros indiqués dans la liste annexée à la première ordonnance du Président du Tribunal de première instance de Genève du 2 novembre 1954 et dans la seconde ordonnance du même jour;
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