BGE 84 II 6 | |||
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2. Arrêt de la IIe Cour civile du 13 février 1958 dans la cause Stucker et consorts contre Profar SA | |
Regeste |
Art. 8, 730 ff. ZGB, 42, 44, 97 und 99 OR. |
Gültigkeit? Wirkungen, namentlich beim Verkauf des Grundstücks an einen Dritten? Ist der Verkäufer gehalten, seine Verpflichtung auf den Erwerber zu übertragen? Folgen der Unterlassung? Schadensnachweis. | |
Sachverhalt | |
A.- Ernest-Pierre Stucker était propriétaire de diverses parcelles contiguës, sises à Carouge près de Genève et portant au registre foncier les numéros 17 A, 17 B, 17 C et 17 D. Ces parcelles provenaient de la division d'un fonds unique. Le plan de division prévoyait la constitution de servitudes de passage, de jour et de non-bâtir grevant notamment les parcelles 17 A et 17 C en faveur de la parcelle 17 B.
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Le 29 juillet 1946, sieur Stucker vendit la parcelle 17 B à la société anonyme Profar pour le prix de 72 000 fr. L'acte de vente contient en particulier la clause suivante:
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"Les parties décident d'un commun accord de ne pas requérir l'inscription de la servitude de jour et de non-bâtir au profit de 17 B contre 17 A et 17 C ... et s'engagent à prendre toutes dispositions nécessaires afin de créer un chemin indivis de 8 mètres de large le long de la limite séparant les parcelles 17 A et 17 B et de permettre le passage de la parcelle 23 à travers 17 C pour aboutir au dit chemin."
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Aucune démarche ne fut entreprise en vue de créer ce chemin.
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Au mois de février 1954, sieur Stucker vendit à un tiers la parcelle 17 A. Il omit de l'informer de l'engagement qu'il avait pris à l'égard de la société Profar au sujet de la création du chemin indivis et le contrat de vente qu'il passa avec lui ne contient rien à cet égard. La société Profar, estimant que l'absence de chemin limitait ses droits d'utilisation du terrain et qu'elle subissait de ce fait un dommage, réclama une indemnité à sieur Stucker.
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Aucune entente ne put intervenir au sujet du montant de cette indemnité. C'est pourquoi, finalement, le 2 février 1956, la société Profar assigna devant le Tribunal de première instance de Genève les héritières de sieur Stucker, décédé entre temps, savoir dames Jeanne Stucker et Lucienne Baume, en paiement d'une somme de 5000 fr. à titre de dommages-intérêts. Les défenderesses conclurent à libération des fins de la demande.
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Le 22 novembre 1956, le Tribunal de première instance rejeta l'action. Sur appel de la société Profar, la Cour de justice réforma ce jugement et alloua 2000 fr. à la recourante.
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B.- Dames Stucker et Baume recourent en réforme contre l'arrêt de la Cour de justice. Elles reprennent leurs conclusions libératoires.
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L'intimée conclut au rejet du recours.
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Considérant en droit: | |
1. En vertu de l'art. 731 CC, une servitude ne peut être instituée que par une inscription au registre foncier. Aucune inscription de ce genre n'a été faite en l'espèce. Les engagements particuliers que sieur Stucker a assumés dans l'acte de vente du 29 juillet 1946 au sujet notamment de la création d'un chemin et d'une autorisation de passage ne sauraient donc constituer une servitude grevant la parcelle 17 A au profit de la parcelle 17 B. Cela ne signifie pas cependant qu'ils soient dépourvus de tout effet. Un propriétaire foncier peut valablement, sans inscription ou annotation correspondante au registre foncier, contracter une obligation de faire quelque chose sur son immeuble. Son engagement présente cependant alors une particularité, en ce sens qu'il n'a que des effets personnels et ne sortit aucune conséquence sur le plan des droits réels. Il s'ensuit que, lorsque l'immeuble est vendu à un tiers, celui-ci ne devient pas débiteur de l'obligation assumée par le vendeur du seul fait du transfert de propriété mais seulement s'il passe avec lui un contrat de reprise de dette. Et d'ailleurs, même dans cette seconde hypothèse, l'obligation qu'il assume à son tour n'a que des effets purement personnels (cf. sur ces diverses règles LIVER, Commentaire, Introduction, note 129 ss.). Fondé sur ces principes, l'arrêt attaqué est exact sur ce point. Ce n'est du reste pas à cet égard que les recourantes le critiquent. Elles se placent sur un terrain différent et discutent la portée de l'engagement souscrit par feu Stucker.
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De ce point de vue, on peut se demander en effet si le titulaire d'une obligation purement personnelle comme celle assumée par sieur Stucker en l'espèce est tenu, lorsqu'il vend l'immeuble, de prendre toutes dispositions pour que l'acquéreur reprenne cette obligation par contrat et si, à défaut, il est tenu à des dommages-intérêts envers son cocontractant. Cette question doit être résolue affirmativement. La nature de l'engagement souscrit par les parties et le but que ces dernières poursuivaient impliquaient le devoir pour Stucker de transférer ses propres obligations au tiers acquéreur de la parcelle 17 A. Sans doute l'acte de vente du 29 juillet 1946 ne le prévoit-il pas expressément. Les recourantes ne sauraient cependant en inférer que Stucker n'était lié que pour le temps où il serait luimême propriétaire du fonds. Ce serait méconnaître en effet que l'engagement était purement personnel et n'était donc pas lié à la propriété de l'immeuble. Il s'ensuit qu'à défaut de résiliation d'une part ou de l'autre, Stucker, qui n'a pas transféré ses obligations au tiers acquéreur, a continué d'être tenu personnellement même après la vente du fonds. Pareille conséquence découle d'ailleurs normalement des règles du droit des obligations applicables à cet engagement personnel et, contrairement à ce que les recourantes paraissent croire, n'avait nul besoin de faire l'objet d'une convention expresse. C'est seulement si les parties avaient entendu échapper à cette conséquence qu'elles eussent dû le dire.
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Quoique personnellement tenu, sieur Stucker ne s'est cependant plus trouvé en mesure de s'exécuter, c'est-à-dire de "prendre toutes dispositions nécessaires afin de créer un chemin indivis", puisqu'il n'était plus propriétaire du fonds et, partant, n'en pouvait plus disposer. Autrement dit, l'exécution est devenue impossible au sens de l'art. 119 al. 1 CO. Toutefois, cette impossibilité n'aurait entraîné l'extinction de l'obligation que si elle était provenue de circonstances non imputables au débiteur. Or il est évident que tel n'est pas le cas. Si, à un moment donné, Stucker n'a plus pu exécuter son obligation, c'est uniquement parce qu'il avait vendu la parcelle sans transférer ses obligations à l'acquéreur. Cette faute contractuelle oblige aujourd'hui ses héritières à réparer le dommage qui en est résulté pour la société Profar (art. 97 CO; OSER/SCHÖNENBERGER, notes 2 et 9 ad art. 119 CO). Tel est du reste l'avis de la juridiction cantonale dont l'opinion sur ce point ne peut être que confirmée.
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Il en va autrement en ce qui concerne le montant même du dommage, à propos duquel les recourantes se plaignent d'une violation des art. 8 CC et 42 CO. Sur ce point, la Cour de justice se borne à affirmer que "compte tenu de toutes les circonstances, il convient d'estimer le montant du préjudice causé par Stucker à l'appelante (la société Profar) à la somme de 2000 fr.". Quoiqu'elle n'en dise rien, elle a évidemment considéré que le préjudice ne pouvait pas être établi et qu'il fallait dès lors le déterminer ex aequo et bono, selon l'art. 42 al. 2 CO. Cependant, d'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, le juge ne peut recourir à l'art. 42 al. 2 CO que si le préjudice est d'une nature telle qu'il est impossible de l'établir, ou si les preuves nécessaires font défaut, ou encore si l'administration des preuves ne peut pas être exigée du demandeur (Trematic c. Buchser, 2 avril 1957, non publié). On ne se trouve en l'espèce dans aucune de ces hypothèses. Ainsi qu'on l'a dit, le dommage consiste en ce que la surface utilisable pour les constructions est réduite. Il peut dès lors être établi à l'aide de données relativement précises (surface bâtissable et valeur de rendement avec et sans le chemin). L'art. 42 al. 2 CO n'était donc pas applicable. Conformément aux art. 8 CC et 42 al. 1 CO, il appartenait à la société demanderesse de prouver le dommage contesté par les défenderesses. La juridiction cantonale ne pouvait pas le fixer sans avoir fait administrer les preuves que la société Profar avait elle-même offertes. En le faisant néanmoins, elle a violé les art. 8 CC et 42 CO. La cause doit dès lors lui être renvoyée pour qu'elle fasse procéder à une expertise (ou à toutes autres preuves qu'elle estimera utiles) au sujet du montant du dommage.
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3. Les recourantes reprochent enfin à la Cour de justice de ne pas avoir tenu compte d'une faute concomitante que la société Profar aurait commise et d'avoir ainsi violé les art. 99 et 44 CO. Cette faute aurait consisté tout d'abord à ne pas avoir pris toutes dispositions pour que les engagements de sieur Stucker soient passés en une forme qui protégeât la société même en cas de vente du fonds. Supposé cependant que ce comportement de la société constitue une faute, celle-ci ne se rapporterait qu'à la conclusion du contrat. Elle ne saurait donc être invoquée aujourd'hui puisque le dommage qu'il s'agit de réparer a sa source dans la rupture de la convention. Selon les recourantes, la société Profar aurait commis également une faute concurrente en ne faisant aucune démarche auprès du notaire qui a établi l'acte de vente du 29 juillet 1946 pour que les clauses du contrat soient opposables aux tiers acquéreurs de la parcelle ayant appartenu à sieur Stucker. Dans la mesure où ce grief se rapporte à la conclusion même de la convention, il n'est pas fondé pour les raisons qui viennent d'être exposées. Il en va de même en tant qu'il vise la période subséquente, car il appartenait à sieur Stucker de se conformer de lui-même aux clauses du contrat. Enfin, les recourantes considèrent que la société Profar a commis une faute en demeurant pendant huit ans sans prendre aucune mesure en vue de la création du chemin. Toutefois, ce reproche ne serait justifié que si, de son côté, Stucker avait une fois ou l'autre demandé que le chemin soit créé, ce qui n'est pas le cas. L'inactivité de la société Profar ne peut donc pas jouer de rôle dans le cadre de l'art. 44 CO. La Cour de justice aurait pu en revanche en tenir compte dans les limites de l'art. 43 al. 1 CO qui permet au juge de déterminer l'étendue de la réparation d'après les circonstances. Il est possible d'ailleurs qu'elle ait pris cet élément de fait en considération pour réduire l'indemnité réclamée de 5000 fr. à 2000 fr. On ne saurait cependant l'affirmer de façon certaine car elle n'indique pas les motifs pour lesquels elle a fixé à 2000 fr. le montant des dommages-intérêts mais se borne à dire qu'elle a tenu compte "de toutes les circonstances". Pour cette raison également, il faut lui renvoyer la cause en lui laissant la liberté de retenir les circonstances qu'elle estimera de nature à jouer un rôle dans la fixation de l'étendue de la réparation, et en l'invitant simplement à indiquer dans ses motifs quelles sont ces circonstances.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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