BGE 85 II 243 | |||
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39. Arrêt de la Ire Cour civile du 29 septembre 1959 dans la cause Déjardin contre Aubry. | |
Regeste |
Art. 56 OR, Art. 37 MFG; Zusammenstoss zwischen Lastwagen und Füllen. |
2. Zusammentreffen der Haftung des Tierhalters mit derjenigen des Motorfahrzeughalters; Grundsätze über die Schadensverteilung (Erw. 2). | |
Sachverhalt | |
A.- Le 1er septembre 1956, à la nuit tombante, René Schwab conduisait sur la route cantonale Saignelégier-Les Emibois, en direction des Emibois, un camion lourd dont Jean Déjardin est le détenteur. Alors qu'il traversait le pâturage communal de Muriaux à une allure de 40 km/h, un poulain appartenant à Robert Aubry surgit sur la chaussée au petit trot, environ 16 mètres devant le véhicule. Schwab, qui avait enclenché ses feux de croisement pour ne pas éblouir des cyclistes arrivant en sens inverse, freina immédiatement. Il ne put cependant éviter la collision. Projeté sur le bas-côté de la route, l'animal, gravement blessé, dut être abattu sur place. Le camion fut assez sérieusement endommagé.
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B.- Le 15 septembre 1957, Jean Déjardin assigna Robert Aubry devant la Cour d'appel du canton de Berne en "paiement de dommages-intérêts dépassant la somme de 4000 fr. en raison de l'accident du 1er septembre 1956". Robert Aubry conclut à libération des fins de la demande. A titre reconventionnel, il réclama à Déjardin la valeur du poulain, par 872 fr. 80, plus 65 fr. 20 de frais divers. Déjardin conclut au rejet de la demande reconventionnelle. Le 27 novembre 1958, la Cour d'appel débouta le demandeur principal, admit l'action reconventionnelle et condamna en conséquence Déjardin à payer à Aubry 872 fr. 80 avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 1956 et 65 fr. 20. Elle considéra en substance ce qui suit:
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L'action de Déjardin est fondée sur l'art. 56 CO. Elle doit être rejetée, car Aubry a rapporté la preuve libératoire prévue par cette disposition. En effet, son poulain était en estivage sur le pâturage communal de Muriaux, et cela en vertu du droit de libre parcours, réglé dans les Franches-Montagnes par une coutume immémoriale permettant aux propriétaires fonciers de la commune de laisser leur bétail au pâturage sans aucune surveillance, en toute liberté, de jour et de nuit. Aubry s'est conformé à cet usage et ne mérite donc aucun reproche. Quant à Schwab, qui conduisait le camion de Déjardin, il n'a commis aucune faute. La responsabilité de ce dernier n'en est pas moins engagée sur la base de l'art. 37 al. 1 LA, car il n'est pas établi que le dommage ait été causé par une faute grave ou légère du lésé ou d'un tiers. Il s'ensuit que l'action d'Aubry doit être admise.
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C.- Jean Déjardin recourt en réforme. Il reprend les conclusions qu'il a formulées en procédure cantonale. Robert Aubry conclut au rejet du recours et à la confirmation du jugement attaqué.
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Considérant en droit: | |
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En règle générale, le détenteur d'un poulain qui laisse ce dernier en toute liberté et sans surveillance dans un pâturage non enclos à proximité d'une route cantonale assez fréquentée ne prend pas les mesures qu'il aurait pu pour empêcher l'animal de causer un dommage, par exemple en surgissant inopinément sur la chaussée et en provoquant un accident de circulation. Le droit de libre parcours sur lequel l'autorité cantonale se fonde pour libérer l'intimé de sa responsabilité n'y change rien. En effet, s'il permet aux propriétaires fonciers de laisser pâturer leur bétail sur certaines propriétés communales, il ne les autorise en revanche pas à exercer ce droit d'une manière qui risque de compromettre la circulation publique.
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Cela implique sans doute que, dans les Franches-Montagnes, les détenteurs d'animaux ne sauraient continuer à user du droit de libre parcours d'une façon aussi absolue que par le passé, et qu'ils devront prendre certaines précautions, par exemple en faisant surveiller leur bétail ou en établissant des clôtures, comme cela se fait couramment ailleurs. Cependant, quelque trouble qu'elle apporte aux vieilles coutumes en usage dans le Jura bernois, cette limitation du droit de libre parcours n'a pas d'effets prohibitifs. De plus et surtout, elle découle du principe général selon lequel un particulier ne peut exercer ses droits que dans les limites de l'ordre juridique établi. Or cela signifie notamment qu'il ne saurait, comme l'a fait l'intimé, troubler ni mettre en danger la circulation publique d'une manière excessive. Il s'ensuit que le droit de libre parcours qu'invoque l'intimé ne suffit pas à faire admettre que les conditions strictes de l'exception prévues par l'art. 56 CO sont remplies. Il est sans importance à cet égard de savoir qui est titulaire du droit de libre parcours, si ce sont les propriétaires fonciers individuellement ou la collectivité dans son ensemble, c'est-à-dire la commune. En effet, si c'était cette dernière, le propriétaire particulier ne pourrait se prévaloir de ce qu'elle n'aurait pas pris les précautions nécessaires. Ainsi, la responsabilité de l'intimé est engagée en vertu de l'art. 56 CO et l'action du recourant doit être admise en principe. Dans la mesure où des conclusions différentes pourraient être tirées de l'arrêt non publié rendu le 3 décembre 1935 par la Cour de céans dans la cause "La Préservatrice" contre Juillerat, il faudrait considérer cet arrêt comme dépassé et ne répondant pas aux exigences de l'intensité actuelle de la circulation.
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2. La responsabilité du recourant comme détenteur d'un véhicule automobile est une responsabilité causale à raison du risque créé (Gefährdungshaftung) et qui, comme telle, est indépendante en principe de toute faute. La responsabilité que l'intimé assume en sa qualité de détenteur d'un animal est une responsabilité causale ordinaire, qu'il encourt donc également même s'il n'a commis aucune faute. En cas de concours entre les deux responsabilités et lorsqu'une faute ne peut être relevée ni d'un côté ni de l'autre, une part plus importante du dommage doit être supportée par le détenteur du véhicule automobile, puisque ce dernier est tenu en vertu d'un risque particulier qu'il fait courir à autrui. Quand en revanche le détenteur de la voiture ou celui de l'animal ont commis une faute, cette règle de répartition du dommage ne saurait être appliquée telle quelle. Dans l'hypothèse en particulier où le détenteur de l'animal a commis une faute, mais où celui du véhicule n'encourt aucun reproche, il convient de diminuer la part du dommage mise à la charge de ce dernier en proportion de la faute imputable au premier.
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En l'espèce, la juridiction cantonale considère que le chauffeur du camion n'a commis aucune faute. Son argumentation est convaincante. La Cour de céans peut la faire sienne en se bornant à ajouter que, si, dans les Franches-Montagnes, des signaux rendent attentifs les usagers de la route aux dangers provenant de la présence du bétail en liberté, notamment des chevaux, cela ne saurait cependant les obliger, de façon toute générale, à réduire leur vitesse à moins de 40 km/h.
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En revanche, étant donnée l'intensité toujours croissante de la circulation, le détenteur d'un poulain qui laisse ce dernier paître en toute liberté sans aucune surveillance dans un champ non enclos et à proximité d'une route où le trafic est assez important commet sans conteste une faute, d'autant plus qu'un poulain de quelques mois est un animal vif, dont les réactions sont inattendues et le galop rapide, et qui, partant, peut faire courir aux usagers des dangers considérables. En l'espèce toutefois, les signaux dont il vient d'être question et surtout la coutume fondée sur le droit de libre parcours ne permettent pas de considérer cette faute comme grave. Il se justifie dès lors que le recourant supporte 25% de son propre dommage et 25% de celui de l'intimé et que ce dernier prenne à sa charge 75% du sien et 75% de celui du recourant. Il appartiendra à la Cour cantonale de fixer le montant exact du dommage subi par le recourant.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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