BGE 89 II 79 | |||
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15. Arrêt de la Ile cour civile du 28 mars 1963 dans la cause Gauye contre les hoirs de Paul Crescentmo | |
Regeste |
Art. 168 ZGB. In Streitigkeiten über ihr eingebrachtes Gut ist die Ehefrau allein als Partei zu betrachten; der Ehemann handelt nur als ihr Vertreter im Prozess. (Erw. 1). |
Art. 43 Abs. 1 OG. Inwieweit kann das Bundesgericht die Auslegung eines Erbvertrages überprüfen? (Erw. 2). | |
Sachverhalt | |
A.- D'après le registre foncier, l'immeuble no 10 de l'avenue de la Gare à Sion (parcelle no 684, folio du plan: 10) était placé sous le régime de la propriété par étages de l'ancien droit. La part C de cet immeuble appartenait aux enfants d'Adrien Crescentino: Adrien, Angèle épouse de Mario Crenna, Céline, Marguerite et Marie, chacun pour un cinquième. Adrien et Marie étant prédécédés, les survivants prénommés recueillirent les droits sur l'immeuble avec leur frère Paul, qui, jusque-là, n'avait pas été propriétaire avec les autres et fut en outre renvoyé à sa réserve héréditaire, de sorte que sa part se réduisit à 2,54 centièmes environ.
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Le 17 octobre 1958, les soeurs Céline, Marguerite et Angèle conclurent avec leur frère Paul un acte intitulé "Pacte successoral" et dont le contenu était en bref le suivant:
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Un exposé préalable constate premièrement que la fortune des trois soeurs se compose uniquement de leur immeuble à l'avenue de la Gare. Secondement il précise que la convention a pour but de "permettre aux demoiselles Crescentino d'avoir les moyens d'existence nécessaires, et pour ce faire, de vendre une partie de l'immeuble dont les comparants sont copropriétaires et... de maintenir de bonnes relations de famille". Les clauses elles-mêmes sont, en résumé, les suivantes:
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1. Paul Crescentino renonce en faveur de ses trois soeurs à tous les droits qu'il a pu acquérir dans la succession de son frère Adrien et de sa soeur Marie.
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2. Il renonce à tous droits dans les successions de ses trois soeurs Céline, Marguerite et Angèle.
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3. Celles-ci lui cèdent en compensation 25/100 de leur part sur l'immeuble no 10 de l'avenue de la Gare (parcelle no 684), et constituent en sa faveur un droit de jouissance perpétuelle et transmissible sur certains locaux spécifiés.
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Cependant, la valeur de cette prestation dépassant celle des droits cédés par Paul Crescentino, celui-ci s'engage à payer à ses soeurs, lui, ses héritiers ou ayants droit, une redevance mensuelle de 70 fr. jusqu'au décès de la dernière survivante.
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4. Les trois soeurs, Céline, Marguerite et Angèle, seront seules héritières les unes des autres, à l'exclusion de leur frère Paul. Cependant, si la dernière survivante décède intestat, son frère Paul ou ses ayants droit recueilleront le reliquat de la fortune qu'elle pourrait laisser.
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Trois jours après la passation de cet acte, soit le 20 octobre 1958, les trois soeurs, Céline, Marguerite et Angèle, vendirent à Lydia Gauye, née Bovier, 29 centièmes de leur part sur l'immeuble no 10 de l'avenue de la Gare et constituèrent en sa faveur un droit de jouissance perpétuelle et transmissible sur certains locaux spécifiés, l'exercice de ce droit étant toutefois différé jusqu'au décès de la dernière survivante.
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Paul Crescentino est décédé le 7 janvier 1960.
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Le 18 juin 1960, ses héritiers écrivirent à Lydia Gauye que, le 1er juin précédent, ils avaient été informés de la vente du 20 octobre 1958, que, lors de sa conclusion, cette vente n'avait pas été portée à la connaissance des copropriétaires par la venderesse et qu'ils entendaient user de leur droit de préemption légal.
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Lydia Gauye refusa de reconnaître ce droit, alléguant que Paul Crescentino savait, dès la passation de l'acte du 17 octobre 1958, que ses soeurs vendaient à la prénommée une part de leur propriété sur le no 10 de l'avenue de la Gare.
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B.- Le 22 novembre 1960, les hoirs de Paul Crescentino ouvrirent action contre Lydia Gauye. Ils requéraient le juge de donner acte à la défenderesse qu'ils étaient prêts à prendre sa place dans toutes les obligations résultant pour elle du contrat du 20 octobre 1958 et d'ordonner leur inscription au registre foncier comme propriétaires des parts de coopropriété, objets de l'acte du 20 octobre 1958.
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Le 20 juin 1962, le Tribunal cantonal valaisan statua:
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"L'hoirie de Paul Crescentino est admise à faire valoir son droit de préemption et elle sera en conséquence inscrite au Registre foncier comme propriétaire des parts de copropriété objets de l'action du 20 octobre 1958, acte étant donné à la partie défenderesse Gauye que les demandeurs prennent sa place dans toutes les obligations résultant pour elle du contrat du 20 octobre 1958."
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C.- Lydia Gauye, née Bovier, et son mari Georges Gauye ont formé un recours en réforme contre cet arrêt. Ils concluent à l'admission de leur recours et au rejet de la demande.
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Les hoirs de Paul Crescentino concluent au rejet du recours.
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Considérant en droit: | |
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Georges Gauye allègue que l'action aurait dû être ouverte contre son épouse seule et non pas aussi contre lui. Selon l'art. 168 CC, quel que soit le régime matrimonial, la femme est capable d'ester en justice, mais, s'agissant de ses apports, le mari a seul qualité pour la représenter dans ses contestations avec des tiers. La doctrine comme la jurisprudence admettent aujourd'hui que, dans de tels litiges, la femme conserve la qualité de partie et que le mari la représente seulement en justice (EGGER, n. 2, et LEMP, n. 11 ad art. 168 CC; RO 51 II 272).
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En l'espèce, l'acte du 20 octobre 1958 désigne Lydia Gauye comme seul acquéreur des droits vendus par les soeurs Crescentino et Crenna; elle seule a été inscrite au registre foncier comme titulaire de ces droits. Il s'ensuit que Georges Gauye ne saurait avoir qualité de partie dans le présent procès. Son recours en réforme doit donc être admis en tant que l'arrêt du 20 juin 1962 le condamne, comme partie, à des prestations et l'action rejetée dans la mesure où elle était dirigée contre lui.
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Le Tribunal cantonal a ensuite examiné, sur le vu du pacte successoral du 17 octobre 1958 et de divers témoignages, si Paul Crescentino avait connu la vente d'une part de copropriété à Lydia Gauye ou tout au moins les intentions de ses soeurs Angèle, Céline et Marguerite, touchant la conclusion de cet acte et s'il avait renoncé à son droit de préemption légal (art. 682 CC). Sur ces deux points l'arrêt attaqué affirme uniquement, d'une part, que le pacte successoral a sans doute été conclu "pour permettre la vente intervenue le 20 octobre 1958", mais ne prouve pas "que l'on se soit référé à la vente à dame Gauye ni à aucune vente déterminée", d'autre part que, des témoignages retenus, il n'est "pas possible de tirer la conviction que Paul Crescentino a connu la vente et qu'il a renoncé à faire valoir son droit de préemption".
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Le juge cantonal a donc, cela est manifeste, considéré exclusivement le cas d'une renonciation de Paul Crescentino à son droit de préemption légal pour une vente déterminée: celle d'une part de copropriété à Lydia Gauye. Cependant il n'a pas recherché si Paul Crescentino a renoncé, plus généralement, non pas au droit de préemption lui-même - qui pourrait subsister à l'égard des ayants droit de ses soeurs en particulier -, mais à l'exercice de ce droit dans le cas d'une vente que concluraient ses soeurs aux fins de se procurer "les moyens d'existence nécessaires", selon les termes du pacte successoral. Le Tribunal fédéral peut connaître de cette question, car elle relève du droit fédéral dans la mesure en tout cas où sa solution résulte du pacte lui-même, interprété selon l'expérience générale de la vie (RO 70 II 12 s.).
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Dans son arrêt Schlienger, du 29 avril 1925 (RO 51 II 144), le Tribunal fédéral, tout en réservant le cas de la suppression conventionnelle du droit de préemption lui-même, que crée l'art. 682 CC, a jugé que le titulaire pouvait, sans observer aucune forme spéciale, renoncer à l'exercer et cela avant même qu'une vente ait été conclue. Il s'agissait, il est vrai, d'un cas où la personne de l'acheteur était connue des parties au moment de la renonciation. Mais cela n'est pas décisif. Car, comme on l'a dit, le droit de préemption légal peut subsister, même lorsque son titulaire en abandonne l'exercice pour certaines ventes indéterminées et sans limitation dans le temps, lorsque la renonciation est en faveur non pas de tout autre copropriétaire, mais de tels d'entre eux désignés nommément.
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C'est bien là le sens qu'il faut attribuer au texte même du pacte successoral du 17 octobre 1958, dans les circonstances où il a été conclu et qui ressortent de son préambule. Les trois soeurs, Céline, Marguerite et Angèle, n'avaient pour toute fortune que leur part de copropriété sur certains locaux de l'immeuble no 10 de l'avenue de la Gare. Mais leur frère Paul y avait aussi sa part, qui était faible (2,54 centièmes environ). Pour se procurer les ressources indispensables à leur entretien, il fallait nécessairement qu'elles puissent disposer le mieux possible de leur bien et, au besoin, le liquider pour consommer le capital. Elles devaient donc envisager une vente, au moins partielle. Or la vente d'une part de copropriété est manifestement plus difficile à réaliser lorsque l'acheteur peut être évincé par un droit de préemption légal. Pour faciliter l'aliénation, sur laquelle elles étaient toutes d'accord, il leur fallait donc prendre un arrangement avec leur frère Paul. Au lieu de lui racheter sa part, qu'il pouvait fort bien ne pas vouloir céder, il leur était loisible de passer avec lui une convention par laquelle elles augmentaient en définitive sa part à l'immeuble et obtenaient en retour non seulement sa renonciation aux droits qu'il pouvait avoir sur le reste, soit à l'exercice de son droit de préemption et à ses droits dans leurs successions, mais encore le versement d'une soulte dans la mesure où la valeur des droits nouveaux qu'il avait acquis excédait celle des droits abandonnés. Cette soulte ne pouvait être que proportionnée à ses possibilités de paiement et déterminait l'étendue de ses droits. D'une part, il avait, de la sorte, acquis sur l'immeuble autant de droits qu'il le pouvait selon ses capacités financières. D'autre part, ses soeurs conservaient la jouissance des locaux cédés; elles s'assuraient la possibilité de vendre tout ou partie de leur bien dans de meilleures conditions et l'excluaient de leur succession, devenant ainsi héritières les unes des autres, jusqu'à la dernière mourante, qui gardait encore la faculté de tester librement.
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L'opération ainsi conçue était parfaitement conforme au but que lui assignait son préambule. Elle serait inexplicable si Paul Crescentino avait conservé, à l'égard de ses soeurs, son droit de préemption, qui était contraire à leurs intérêts. Car si la soulte convenue lui avait laissé la possibilité et le désir d'augmenter encore sa part de copropriété, on ne voit pas pourquoi ses soeurs, qui l'admettaient en principe dans la communauté indivise, ne lui auraient pas donné directement satisfaction par le pacte successoral.
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Si donc ledit pacte prévoit, dans son préambule, qu'il a pour but de permettre aux trois soeurs "de vendre une partie de l'immeuble dont les comparants sont propriétaires", il faut nécessairement admettre, vu les clauses subséquentes et selon l'expérience générale de la vie, que Paul Crescentino renonçait à l'exercice de son droit de préemption légal envers ses soeurs. Le juge valaisan n'a donc pas interprété correctement l'acte du 17 octobre 1958. Des témoignages retenus par lui, il a simplement conclu qu'ils ne prouvaient pas que Paul Crescentino eût renoncé à son droit de préemption. Ces témoignages et leur interprétation par le Tribunal cantonal sont, par conséquent, sans aucune pertinence, puisque, par la production de l'acte lui-même, Lydia Gauye a établi l'existence de cette renonciation.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral
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