BGE 90 II 213 | |||
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25. Arrêt de la IIe Cour civile du 10 juillet 1964 dans la cause X. contre Y. | |
Regeste |
Klage auf Scheidung oder Trennung der Ehe. Örtliche Zuständigkeit. | |
Sachverhalt | |
A.- X. et Y. se sont mariés le 12 juin 1954 à Sierre où ils ont pris domicile. Quatre enfants sont issus de leur union. Le 20 juin 1963, le président du Tribunal de Sierre rendit à la requête des deux parties une ordonnance de mesures protectrices de l'union conjugale. Il autorisa les époux à se constituer un domicile séparé pour une durée indéterminée. Il confia la garde des enfants à la mère jusqu'au 31 juillet 1963, puis au père. Il régla le droit de visite des parents. Il arrêta le montant de la pension alimentaire due par le mari à sa femme et à ses enfants.
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Dame Y. qui est née à Genève où elle a passé toute sa jeunesse, se rendit avec les enfants chez sa mère à Veyrier (canton de Genève). Elle y passa la fin de juin et le mois de juillet. En août, les enfants retournèrent auprès de leur père, à Sierre. Ils y vivent, actuellement encore, sous la surveillance de leur grand-mère maternelle.
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Pendant son séjour à Veyrier, en juillet, dame Y. entreprit les démarches nécessaires pour obtenir un permis d'établissement à Genève, qui lui fut délivré plus tard. Elle signa une convention avec une agence immobilière qui s'engagea à lui donner à bail, dès le 1er septembre 1963, un appartement sis dans un bâtiment locatif en construction à Corsier. Elle passa le mois d'août chez des amis à Lausanne.
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B.- Le 6 août 1963, dame Y. déposa au greffe du Tribunal de première instance de Genève l'exploit de citation en conciliation par lequel elle ouvrit une action en divorce. La conciliation n'ayant pas abouti, elle reçut le 4 septembre 1963 l'autorisation d'introduire le procès.
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A la première audience, tenue le 4 octobre 1963, le défendeur souleva le déclinatoire. Il prétendit que, le 6 août 1963, la demanderesse n'avait pas constitué valablement son domicile à Genève, et partant que les tribunaux de ce canton n'étaient pas compétents pour statuer sur l'action en divorce.
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Le 6 décembre 1963. le Tribunal de première instance de Genève se déclara incompétent.
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Admettant l'appel de l'épouse, la Première Chambre de la Cour de justice, qui statua le 10 avril 1964, débouta le mari de son exception, déclara les tribunaux genevois compétents et renvoya la cause au Tribunal de première instance pour instruire et juger le fond.
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C.- X. recourt en réforme au Tribunal fédéral. Il invoque une violation des art. 23 et 144 CC. Il conclut derechef à l'incompétence des autorités judiciaires genevoises.
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Dame Y., intimée, conclut au rejet du recours.
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Considérant en droit: | |
1. La décision attaquée a été rendue séparément du fond par la juridiction suprême du canton de Genève. Elle concerne une contestation civile portant sur un droit de nature non pécuniaire. Le recourant se plaint d'une violation des prescriptions du droit fédéral au sujet de la compétence à raison du lieu. Le recours en réforme est donc recevable selon l'art. 49 OJ (RO 71 II 128, 82 II 161, 84 II 472 et 489).
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Plusieurs auteurs voudraient toutefois tempérer le principe en ce sens qu'il suffirait d'établir l'existence du domicile au moment où le juge rend sa décision, tandis qu'un changement du domicile qui, lors de l'introduction de la cause, se trouvait dans le ressort du magistrat saisi n'aurait aucune influence sur la compétence à raison du lieu (HINDERLING, Das schweizerische Ehescheidungsrecht, 2e éd., p. 146; LEUCH, Die Zivilprozessordnung für den Kanton Bern, 3e éd., rem. prél. ad art. 20, p. 41; W. STAUFFER, Der Ehescheidungsgerichtsstand in der Schweiz, thèse Berne 1922, p. 27, et à sa suite EGGER, n. 7 ad art. 144 CC; GULDENER, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 2e éd., § 22 V p. 189, lequel fait une exception à la n. 65 pour le cas où le défendeur aurait refusé d'aborder le fond et plaidé l'incompétence du tribunal saisi).
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L'assouplissement préconisé par la doctrine aboutirait cependant à des conséquences fâcheuses. Le défendeur cité devant un tribunal incompétent à raison du lieu hésiterait à soulever le déclinatoire. Il s'exposerait en effet au risque d'être débouté au cas où le demandeur, qui n'était pas domicilié dans le ressort du juge saisi lors de l'ouverture du procès, viendrait s'y établir ensuite. La décision séparée que le juge rendrait sur sa compétence - d'office ou à l'instance d'une partie - serait imprévisible, puisqu'elle dépendrait, le cas échéant, de faits nouveaux survenus en cours de procédure. Surtout, on se heurterait à de graves difficultés, lorsque chaque époux aurait ouvert une action devant un tribunal différent, pour dire quelle est la juridiction saisie valablement en premier lieu, seule compétente selon la jurisprudence pour statuer sur la demande principale et la demande reconventionnelle en divorce ou en séparation de corps (cf. RO 80 II 97 ss.). La décision risquerait d'être influencée par les manoeuvres de l'une des parties qui, en changeant de domicile après qu'elle eut ouvert action, établirait la compétence d'un tribunal jusque-là incompétent, et supprimerait du même coup la compétence de l'autre juridiction qui, par hypothèse, aurait été saisie de façon régulière, mais postérieurement, par son conjoint. Pour éviter de pareilles incertitudes, il faut s'en tenir à la règle selon laquelle le juge appelé à connaître d'une action en divorce ou en séparation de corps statue sur sa compétence en se reportant au jour de l'introduction de la cause (cf. dans ce sens: B. MéAN, De la relativité du principe suivant lequel le juge devrait fonder sa sentence sur l'état de fait existant au moment de l'inchoation de l'action, JdT 1940 III 98 ss., notamment 106 et 114).
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La litispendance se détermine suivant les dispositions de la procédure cantonale (RO 74 II 69). Celle-ci fixe en outre le moment à partir duquel les plaideurs ne sont plus en droit d'alléguer, à l'appui de leurs conclusions, des faits nouveaux (du point de vue de leur allégation), qu'ils se soient produits avant ou après l'ouverture d'action (cf. MÉAN, op.cit., p. 105).
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En l'espèce, les autorités cantonales se sont référées avec raison à la date du dépôt au greffe de l'exploit de citation en conciliation, qui constitue en procédure genevoise l'ouverture d'action.
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3. Il est constant que l'intimée a été autorisée par le président du Tribunal de Sierre à se créer un domicile séparé, conformément à l'art. 170 CC. Le seul point litigieux est de savoir si, le 6 août 1963, dame Y. avait fait usage de la faculté qui lui était reconnue (art. 25 al. 2 CC). Dans la négative, elle avait conservé son domicile à Sierre, alors même qu'elle ne résidait plus dans cette ville (art. 24 al. 1 CC).
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Selon l'art. 23 al. 1 CC, le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir. En ce qui concerne l'élément subjectif, la juridiction cantonale a déduit des circonstances que l'intimée était venue à Genève, à la fin du mois de juin 1963, dans l'intention de s'y établir et qu'elle avait déjà cette volonté à la date décisive du 6 août 1963. Elle a posé ainsi une constatation relative à la volonté dite interne d'une personne, qui ressortit au fait et lie le Tribunal fédéral (RO 77 II 17, 85 II 322, 87 II 10).
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Le recourant objecte quela Cour de justice n'a pas appliqué la règle selon laquelle la preuve de la constitution d'un nouveau domicile incombait à l'intimée, qui s'en prévaut. Mais l'art. 8 CC permet seulement de dire laquelle des parties supporte les conséquences de l'échec ou de l'absence de preuve touchant un fait pertinent; en revanche, il ne peut être violé lorsque l'autorité cantonale admet un fait comme prouvé, sur la base des preuves administrées (RO 81 II 124 et 155 lettre c). La constatation faite en l'espèce ne comporte pas non plus d'inadvertance manifeste. Les critiques formulées sur ce point dans le recours, qui se rapportent en réalité à l'appréciation des preuves, sont irrecevables (art. 55 al. 1 lettre c et 63 al. 2 OJ).
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4. Il reste à examiner si, au moment du dépôt de l'exploit de citation en conciliation, l'intimée avait déjà manifesté son intention de s'établir durablement à Genève en y prenant une résidence effective. Pour que cet élément objectif du domicile soit réalisé, il faut que la personne en cause ait fait du lieu où elle réside le centre de son activité, de ses intérêts matériels et moraux, de ses relations personnelles et professionnelles (RO 41 III 54, 64 II 403, 85 II 322, 87 II 10, 88 III 139).
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Selon les constatations de fait du Tribunal de première instance, auxquelles s'est référée la Cour de justice, dame Y. a passé le mois de juillet 1963 avec ses enfants chez sa mère à Veyrier. Cependant, elle recevait alors à Sierre la correspondance relative à l'appartement qui se construisait à Corsier. Le 1er août, elle est partie chez des amis à Lausanne. Elle n'est plus revenue à Veyrier, que sa mère avait d'ailleurs quitté pour se rendre à Sierre où elle dirige le ménage de son gendre et s'occupe des enfants. Elle n'a pas habité Corsier avant le mois d'octobre ou même celui de novembre. En effet, entre le 24 octobre et le 8 novembre, elle vivait à la fois à Lausanne et à Corsier. L'appartement qu'elle avait loué dans ce village était terminé, mais pas encore habitable, car il y manquait l'installation de chauffage et la cuisinière électrique.
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Il résulte de ces faits que, le 6 août 1963, les intérêts familiaux de l'intimée étaient localisés à Sierre, où les enfants vivaient avec sa mère. Dame Y. était rattachée également par des intérêts affectifs illégitimes à cette ville où son amant a son domicile et exerce une activité indépendante. Ne travaillant pas, elle n'avait aucun lien professionnel à Genève. Son appartement de Corsier n'était pas encore prêt. Quant au séjour à Veyrier pendant le mois de juillet, il n'avait pas le caractère d'une résidence stable. On ne saurait dès lors admettre qu'à la date indiquée, l'épouse avait fait de Genève le centre de ses relations et de ses intérêts. L'élément objectif du domicile n'était donc pas réalisé.
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A l'encontre de l'opinion exprimée par la Cour de justice, la présente espèce diffère de celle qui est visée au RO 83 II 499 consid. 4. Dame Y. ne s'est pas réfugiée chez sa mère avec les enfants dans l'intention d'y rester. La solution de l'arrêt précité n'est donc pas applicable par analogie.
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5. L'intimée n'ayant pas constitué un nouveau domicile au moment de l'introduction de la cause, elle était encore domiciliée à Sierre, comme son mari (art. 25 al. 1 et 24 al. 1 CC). Les tribunaux genevois ne sont dès lors pas compétents, selon l'art. 144 CC, pour connaître de la demande en divorce.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral
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