BGE 93 II 504 | |||
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62. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour civile du 28 novembre 1967 dans la cause Lamar SA contre Parke Davis & Company et consorts. | |
Regeste |
1. Art. 50 Abs. 1 OG |
2. Patentrecht. |
a) Art. 112 lit. a PatG. Massgebendes Recht für die Beurteilung der Gültigkeit vor dem Inkrafttreten des PatG vom 25. Juni 1954 erteilter Patente (Erw. 3). |
b) Art. 4 Abs. 1 PatG von 1907. Verfahren für die Herstellung eines Naturerzeugnisses auf chemischem Wege (Antibiotikum): |
- Neuheit des Verfahrens (Erw. 3 a). |
- Neuheit des Ausgangsstoffes und des Endstoffes (Erw. 3b). |
- Erfindungshöhe (Erw. 4). |
- Nichtigkeit von Patenten für Verfahren, die aufeinanderfolgende Etappen der Herstellung des Endstoffes darstellen (Erw. 5). | |
Sachverhalt | |
A.- Parke, Davis & Company (en abrégé: Parke Davis) a déposé, en 1948 et 1949, six demandes de brevets suisses, avec priorité de brevets pris aux Etats-Unis d'Amérique, concernant des procédés de fabrication synthétique du chloramphénicol. Il s'agit d'un antibiotique, nouveau à l'époque, isolé à partir du produit issu des transformations organiques que provoque un micro-organisme nommé streptomyces venezuelae. Parke Davis a analysé ce corps, nommé alors chloromycétine, en a déterminé la structure chimique et réalisé la synthèse. Chacun de ces six brevets concerne une étape de ladite synthèse; les cinq premières de ces étapes aboutissent à un produit intermédiaire, la sixième au chloramphénicol lui-même, selon le tableau suivant:
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Date de l'enregis- Priorité Procédé
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Numéro dépôt trement
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282.086 14. III.49 15.IV.52 USA 24.VIII.48
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(Passage de la substance I à la substance II)
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271.929 14. III.49 30.XI.50 USA 24.VIII.48
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(Passage de la substance II à la substance III)
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314.008 21. X.53 31.V.56 USA 26.I.53
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(Passage de la substance II à la substance III)
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282.733 14. III.49 15.V.52 USA 24.VIII.48
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(Passage de la substance III à la substance IV)
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318.194 9.VII.53 31.XII.56 France 28.XI.52
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(Passage de la substance IV à la substance V)
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278.776 15.XII.48 31.X.51 USA 16.III.48
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(Passage de la substance V à la substance VI)
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B.- Le 23 janvier 1961, Parke Davis a assigné Lamar SA, dont le siège est à Lugano, et sa succursale d'Avully (Genève) devant la Cour de Justice de Genève. Elle concluait à ce qu'il plaise à la cour:
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1. Constater que la défenderesse a violé les brevets prémentionnés;
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2. Interdire à la défenderesse de fabriquer selon les procédés couverts par lesdits brevets, livrer, vendre ou mettre en circulation le chloramphénicol ainsi fabriqué;
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3. Condamner la défendresse à payer à la demanderesse 2 000 000 fr. à titre de dommages-intérêts.
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C.- La défenderesse a conclu au rejet de la demande et reconventionnellement, à titre principal: à la nullité des brevets Nos 282.086, 271.929, 314.008, 282.733, 318.194 et 278.776, à titre subsidiaire: à ce qu'une licence simple d'exploitation lui soit accordée pour ceux des brevets susvisés qui n'auraient pas été déclarés nuls.
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D.- Le brevet No 318.194 appartenant aux Laboratoires français de chimiothérapie, dont Parke Davis a obtenu une licence exclusive, Lamar SA a contesté la qualité de la demanderesse pour agir du chef de ce brevet. Les Laboratoires français de chimiothérapie sont alors intervenus dans la procédure et ont pris les conclusions suivantes au regard de ce brevet: Plaise à la Cour de justice:
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1. Dire que la défenderesse a violé les droits exclusifs des demanderesses découlant du brevet No 318.194; 2. Interdire à la défenderesse de fabriquer du L-pseudo-1-paranitrophényl-2-aminopropane-1,3-diol en recourant à l'opération couverte par le brevet No 318.194, vendre ou mettre en circulation ledit produit ainsi fabriqué;
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3. Condamner la défenderesse à payer aux demanderesses 500 000 fr. à titre de dommages-intérêts.
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Les Laboratoires français de chimiothérapie ont, depuis lors, pris le nom de Compagnie française Chimio. Ils ont en outre transféré leur brevet (No 318.194) à Roussel Uclaf, laquelle est également intervenue au procès, reprenant la place de Chimio avec l'accord de la défenderesse.
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E.- La Cour de justice a commis conjointement comme experts: Arigoni, professeur de chimie organique à l'EPF, Combe, chef de section au Bureau fédéral de la propriété intellectuelle et Posternak, professeur de chimie biologique à l'Université de Genève. Les experts ont déposé leur rapport, daté des 13, 16 et 17 mars 1964.
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F.- A la requête des demanderesses, statuant par voie provisionnelle, le 2 juillet 1964, la Cour de justice à interdit à Lamar SA de fabriquer ou mettre en circulation du chloramphénicol en recourant aux opérations décrites dans les brevets Nos 278.776, 314.008 et 318.194 en imposant aux demanderesses de fournir des sûretés, la possibilité étant cependant donnée à Lamar SA d'éviter ladite défense 10 en déposant une somme de 100 000 fr. ou en fournissant un engagement bancaire de ce montant, 2o en versant tous les six mois - ou en faisant garantir par une banque - une somme égale à 4% du prix de vente par Lamar des produits vendus ou fabriqués par elle et dans la fabrication desquels sont intervenues des opérations protégées par les trois brevets susmentionnés, les montants entrant en ligne de compte étant déterminés par un tiers.
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Lamar a utilisé la possibilité offerte et le système de garanties prescrit a été appliqué.
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G.- Le 21 octobre 1966, la Cour de justice de Genève, statuant sur une partie des points litigieux, a:
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1. Débouté Lamar SA de ses conclusions en nullité des brevets suisses Nos 282.086, 271.929, 314.008, 282.733, 318.194 et 278.776;
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2. Dit que Lamar SA s'est rendue coupable de violation des droits des demanderesses découlant des brevets susdits; 3. Interdit à Lamar SA de fabriquer, livrer, vendre ou mettre en circulation du chloramphénicol en recourant à l'une ou l'autre des opérations couvertes par ces brevets ou du L-pseudo-1-paranitrophényl-2-aminopropane-1,3-diol en recourant à l'opération couverte par le brevet 318.194;
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4. Autorisé les demanderesses à publier le dispositif cidessus dans cinq journaux à leur choix, aux frais de la défenderesse, à concurrence de 300 fr. au maximum pour chacune des cinq parutions;
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5. Débouté Lamar SA du chef de ses conclusions tendant à l'octroi d'une licence en vertu de l'art. 37 LBI;
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6. Déclaré irrecevable le chef de ses conclusions tendant à l'octroi d'une licence en vertu de l'art. 36 LBI;
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7. Ordonné la confiscation du chloramphénicol et du Lpseudo-1-paranitrophényl-2-aminopropane-1,3-diol se trouvant chez la défenderesse ou lui appartenant, fabriqué en violation des droits des demanderesses;
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8. Dit que les dépôts constitués en vertu de l'ordonnance du 2 juillet 1964 resteront bloqués jusqu'à droit connu sur les dommages-intérêts réclamés.
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H.- Lamar SA a recouru en réforme contre cet arrêt. Elle conclut à ce qu'il plaise au Tribunal fédéral:
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Principalement: 1. Annuler l'arrêt attaqué;
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2. Renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour que celle-ci invite les experts à répondre à cinq nouvelles questions (que la recourante formule), puis déboute Lamar SA de ses conclusions et, statuant sur la demande reconventionnelle, prononce la nullité des brevets suisses Nos 282.086, 271.929, 314.008, 282.733 et 278.776; subsidiairement accorde à Lamar SA, en vertu des art. 37 et 40 LBI, une licence simple d'exploitation pour ceux des brevets susmentionnés qui n'auraient pas été déclarés nuls;
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3. Débouter les intimées de toutes autres ou contraires conclusions.
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Subsidiairement:
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I.- Les intimées concluent au rejet du recours.
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Considérant en droit: | |
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Supposé qu'en l'espèce, la cour de céans doive admettre le recours en ce sens que, conformément aux conclusions de Lamar SA, elle prononce la nullité des brevets litigieux, son arrêt mettrait fin, définitivement, à la contestation. Il s'ensuit que, d'après la jurisprudence précitée, le recours est recevable.
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Peu importe, à cet égard, que, selon le système du recours en réforme, Lamar SA eût dû recourir principalement à la réforme et subsidiairement à la nullité, alors qu'elle a fait l'inverse.
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3. La recourante allègue en revanche la nullité des brevets Nos 282.086 (passage de la substance I à la substance II), 271.929 (passage de la substance II à la substance III), 282.733 (passage de la substance III à la substance IV) et 278.776 (passage de la substance V à la substance VI). Ces quatre brevets sont tous antérieurs au 1er janvier 1956, date d'entrée en vigueur (sous réserve de son titre IV) de la loi du 25 juin 1954 (LBI); leur validité et, partant, leur nouveauté continuent par conséquent à relever de la loi du 21 juin 1907 (art. 112 lit. a LBI, précité), soit de son art. 4.
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La recourante, en revanche, ne conteste plus la nouveauté des brevets Nos 314.008 (passage de la substance II à la substance III) et 318.194 (passage de la substance IV à la substance V).
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a) Les brevets litigieux ont pour objets des procédés. La cour cantonale a jugé que ceux dont la nouveauté est encore contestée aujourd'hui étaient nouveaux quant aux substances de base et d'arrivée et que cela suffisait du point de vue de l'art. 4 al. 1 LBI 1907, alors même que le processus suivi n'aurait pas été nouveau. La recourante conteste cette interprétation de l'art. 4 al. 1 LBI 1907. Elle soutient que lorsque le brevet a pour objet un procédé, c'est le processus comme tel qui doit être nouveau et que le produit de départ, pas plus que le produit d'aboutissement n'en font partie. Autrement, dit-elle, on protégerait des éléments extrinsèques à l'invention au sens de l'art. 51 LBI.
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Cette objection n'est pas fondée. Un procédé est nouveau, selon l'art. 4 al. 1 LBI 1907, lorsqu'il n'a été ni décrit, ni divulgué de manière à pouvoir être exécuté par des hommes de métier. Il peut être nouveau, bien qu'il soit en lui-même connu, lorsqu'il est appliqué dans un domaine où il ne l'avait pas été précédemment, par exemple à une matière inconnue ou même à une matière connue, que personne, cependant, n'avait songé jusque là à traiter de la sorte; le résultat consiste dans un effet technique nouveau, c'est-à-dire soit dans un produit nouveau, soit dans un produit déjà connu, mais obtenu par une application originale (RO 56 II 141 et les arrêts cités; 89 II 167 consid. 5 a, dernier alinéa).
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La recourante objecte que les critères ainsi admis aboutiraient à protéger par le brevet tout procédé modifié, appliqué au traitement de la substance de départ, de sorte qu'il serait impossible de développer un procédé indépendant pour aboutir à la même substance finale. Du point de vue de la nouveauté, seul considéré ici, cela est inexact. Le brevet ne s'oppose pas à l'application d'autres procédés à la substance de départ. Le procédé, son point de départ et son point d'aboutissement formant un tout inséparable, ce qui est décisif, c'est qu'à la date du dépôt du brevet, personne n'ait appliqué le procédé dans les conditions, aux objets et avec le résultat revendiqués par l'inventeur.
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b) La recourante fait aussi grief aux experts - le jugement attaqué est muet sur ce point - d'avoir considéré l'"inaccessibilité du produit" comme un élément de la nouveauté, c'est-à-dire, prétend-elle, d'avoir admis qu'un produit ne cessait d'être nouveau que dès le moment où l'on savait comment l'obtenir. Cela est erroné, à son avis, car la connaissance, antérieure au dépôt du brevet, de la composition d'une substance, serait destructrice de nouveauté, même si cette substance était inaccessible.
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La conception des experts, touchant la notion juridique de nouveauté, est sans conséquence; seules peuvent importer leurs constatations de faits. Or, pour les quatre brevets dont il s'agit les experts - que la recourante ne contredit nullement - ont fait les constatations suivantes:
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A l'époque du dépôt des brevets Nos 282.086, 271.929 et 282.733, respectivement le 24 août 1948, date décisive pour la priorité, ni la substance de départ, ni la substance d'arrivée n'avaient été décrites ou divulguées en tant que substances. Ne connaissant ni les corps composés de départ, ni ceux qu'il s'agissait d'obtenir, l'homme du métier ne pouvait manifestement exécuter aucun des procédés revendiqués. De plus, la question d'une substance connue, mais inaccessible ne se posait pas.
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Il n'aurait pu en aller autrement que pour le brevet No 278.776, qui concerne la dernière étape de la synthèse. Or, en tout cas, le produit de départ était nouveau selon les experts. Point n'est besoin de juger si cela ne serait pas déjà décisif; comme il ressort des faits constatés par les experts, le chloramphénicol, produit d'aboutissement, appelé alors chloromycétine, était également nouveau. D'une part la formule de la structure chimique du chloramphénicol obtenu par synthèse chimique n'avait pas été divulguée - elle n'était alors même pas certaine, mais encore hypothétique pour les chimistes de Parke Davis eux-mêmes. D'autre part, si quelques indications avaient été données quant aux méthodes de culture du streptomyces venezuelae, agent producteur naturel de cette substance, l'essentiel était inconnu. Aucune indication n'avait paru touchant ce micro-organisme, qui n'avait pas été décrit. Il ne correspondait à aucune des nombreuses espèces de streptomyces alors connues. Les experts estiment "exclu que l'homme du métier, ni même le spécialiste en microbiologie soient en mesure de trouver ce micro-organisme et de l'identifier".
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Il ne s'agit donc pas, comme la recourante semble le suggérer, d'une substance connue, parce que décrite et que l'homme de métier serait en principe capable de découvrir sur la base de la description; il ne pouvait même pas l'identifier. Elle existait dans la nature et la demanderesse l'a découverte par un travail patient, systématique, minutieusement organisé et qui a sans doute requis des moyens importants; mais la découverte est demeurée secrète. La substance était donc manifestement nouvelle au sens de l'art. 4 LBI 1907, même considérée dans son état naturel; elle n'avait pas été divulguée, pas plus, du reste, que sa structure chimique.
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Selon la jurisprudence, le niveau inventif suppose une idée créatrice et la réalisation d'un progrès technique (RO 81 II 298; 89 II 166 consid. 5). L'idée créatrice doit être, dans l'état de la technique, hors de portée d'un homme du métier jouissant d'une bonne formation. On considérera donc l'état de l'ensemble de la technique à la date de la priorité et l'on recherchera si, vu cet état, la combinaison des solutions partielles et des travaux déjà connus ne guidait pas l'homme du métier vers la solution, par un processus de réflexion usuel, sans qu'un effort intellectuel particulier fût nécessaire; le niveau inventif ne sera atteint que si cet homme ne pouvait parvenir à la solution que par un effort exceptionnel, qui justifie le monopole de quinze ans, attaché au brevet (RO 81 II 298; 89 II 109 consid. 4).
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a) Pour le brevet No 278.776, relatif au passage de la substance V à la substance VI (chloramphénicol), la cour cantonale a constaté souverainement que le processus protégé - dichloracétylation - est, en lui-même, tout à fait banal du point de vue chimique. Mais elle a considéré que, le produit de départ et la substance obtenue étant nouveaux, il n'était pas possible, pour l'homme du métier, de réaliser, par des moyens à sa portée, cette première synthèse chimique d'un produit naturel qu'il ignorait.
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La recourante s'élève contre cette conception. Elle soutient que l'effort inventif doit s'apprécier au regard du procédé en soi, l'homme du métier étant censé connaître les éléments du problème, c'est-à-dire la substance de départ et celle d'aboutissement, même lorsqu'il s'agit de la première synthèse d'un produit naturel inconnu du public; autrement, affirme-t-elle, on protègerait une découverte et non une invention.
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b) Par un homme du métier, les experts ont dit qu'il fallait entendre un chimiste de recherche disposant d'une bonne formation générale, travaillant en laboratoire et connaissant l'ensemble des travaux publiés avant la date de priorité; qu'il ne fallait pas l'assimiler en revanche à celui qui, effectivement, a réalisé la synthèse, soit à l'équipe de chercheurs de la demanderesse. Il s'agit donc, en l'espèce, d'un homme qui ne connaissait pas la structure chimique du chloramphénicol, laquelle, à la date de la priorité, était encore totalement inconnue, de même que l'était la substance de départ pour le procédé qui fait l'objet du brevet. Cette opinion est certaine.
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c) Bien que le brevet litigieux concerne un procédé, l'invention ne saurait consister dans le procédé en soi, indépendamment des substances de départ et d'aboutissement, mais seulement dans l'application d'une technique à un objet déterminé. S'il en allait autrement, on ne pourrait protéger aucune invention qui ferait d'un procédé connu une application toute nouvelle.
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Dans le domaine de la chimie en particulier, où les procédés techniques appliqués sont rarement nouveaux, le problème de l'inventeur consiste dans le choix du produit initial et de la réaction chimique en fonction du produit final. Du point de vue du niveau inventif, le procédé chimique est donc inséparable de ces deux produits (F. CUENI, Eigenart und Analogie chemischer Verfahren mit besonderer Berücksichtigung des pharmazeutischen Gebietes; Bulletin du groupe suisse de l'AIPPI, 1945, p. 224 s.).
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Le niveau inventif et l'idée créatrice, par conséquent, ne doivent pas résider exclusivement dans le procédé seul, mais dans l'ensemble des éléments auxquels ce procédé s'applique.
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Il ne s'agit pas de juger si l'homme du métier qui connaîtrait les substances initiale et finale pourrait, par un effort normal de réflexion, trouver la réaction chimique nécessaire pour passer de la première à la seconde. Il faut bien plutôt, partant de l'état des connaissances techniques, à la date de la priorité, se demander si l'homme de métier serait, de même, capable de poser et de résoudre le problème dont l'inventeur a trouvé la solution.
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Il s'ensuit que si les éléments auxquels l'inventeur a appliqué ce procédé étaient totalement inconnus de l'homme de métier, il ne saurait être question de soutenir que l'invention était à sa portée. Pourvu qu'un progrès technique nettement établi en découle, il y a invention, vu l'existence d'une idée créatrice qui n'était pas à la portée d'un homme du métier (RO 85 II 139 s.; 89 II 167 consid. 5 b).
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Tel est le cas, en l'espèce. La Cour de justice, suivant les experts, a constaté que la connaissance de la structure de la substance finale - structure qui était d'ailleurs encore hypothétique à certains égards lorsque la demanderesse a entrepris ses travaux de synthèse - de même que le choix de la substance initiale sont l'aboutissement d'une activité intellectuelle comportant un travail de recherche méthodique et persévérant, laquel n'était pas à la portée de l'homme du métier. La synthèse du chloramphénicol procède donc d'un effort intellectuel d'une qualité particulière; elle ouvre une voie nouvelle dans la thérapeutique, ce qui équivaut à un progrès technique considérable (RO 85 II 139). C'est dire qu'il existe une idée créatrice et, partant, que le niveau inventif est atteint.
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d) Sans doute, ainsi que le relèvent les experts, cette conception conduit-elle à reconnaître la validité de toute invention d'une substance jusque là inconnue et qui apporte un progrès technique certain. Cette conséquence doit être admise. Du reste, dans son arrêt Geigy (RO 89 II 167 consid. 5), le Tribunal fédéral a jugé que pouvait être brevetée l'application d'un procédé en lui-même banal, du fait que l'inventeur a prévu que, du résultat de l'opération, pourrait découler un progrès technique, pourvu que cette prévision n'ait pas été à la portée de l'homme du métier. En d'autres termes, l'idée créatrice réside dans la prévision d'un résultat possible. Cela implique que ce résultat soit concevable pour l'homme du métier. Or tel ne saurait être le cas si cet homme ne connaît pas la substance finale.
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e) La synthèse du chloramphénicol est le résultat de recherches systématiques, menées méthodiquement. La protection des résultats acquis de la sorte est une condition essentielle de la recherche appliquée dans l'industrie. Une conception par trop étroite de l'invention, ainsi celle que préconise la recourante pour les besoins de sa cause, permettrait à des contrefacteurs de dépouiller autrui du fruit de son effort; elle découragerait la recherche et compromettrait le développement de la technique, d'autant plus que le contrefacteur aurait, dans la concurrence, l'avantage de faire l'économie des frais de recherches.
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f) La recourante soutient que la conception ainsi reçue protégerait la découverte de la substance elle-même. Mais, comme les experts l'ont montré justement, le brevet ne protège la substance qu'en tant que produit du procédé breveté. Ce n'est pas parce qu'elle fabrique du chloramphénicol que la recourante est actionnée; c'est parce que l'intimée allègue qu'elle le fabrique selon le procédé breveté. Rien ne l'empêche de poursuivre sa production selon d'autres procédés. Au dire des experts, il en existerait au moins une douzaine.
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g) Ces motifs entraînent le rejet de l'action tendant à la nullité du brevet No 278.776.
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Suivant l'expertise, que résume l'arrêt entrepris, les trois brevets, groupés en un seul, ce qui aurait été légalement admissible, présenteraient un niveau inventif suffisant; il en va autrement, en revanche, lorsqu'on les considère chacun pour soi, comme trois procédés distincts, sans référence à la synthèse du chloramphénicol. La Cour de justice, vu l'importance considérable du chloramphénicol, a cependant admis que chacun de ces procédés, partant d'une substance nouvelle pour aboutir à une autre substance, également nouvelle, et constituant une des phases nécessaires de la fabrication du chloramphénicol, est une invention brevetable.
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La recourante le conteste. Elle allègue tout d'abord que le niveau inventif doit s'apprécier au regard du procédé pris en soi. On a montré, au considérant 4 ci-dessus, que cet argument était erroné. Mais elle estime aussi que le niveau inventif doit s'apprécier pour chaque invention, telle que la revendique le brevet, sans tenir compte d'éléments extrinsèques à l'invention considérée, éléments constitutifs d'une autre invention, protégée par un autre brevet.
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a) Dans l'examen de la validité de chacun des brevets, on ne tiendra aucun compte des mobiles auxquels la demanderesse a obéi en scindant son invention. L'art. 6 al. 2 LBI 1907 ne l'obligeait pas à cette fragmentation, ainsi que le relèvent les experts. Si la loi n'autorise, comme objet du brevet, qu'un seul procédé aboutissant à une seule substance, il est évident qu'un procédé unique peut comporter plusieurs étapes. Tant qu'il ne s'agit pas de méthodes parallèles, le principe de l'unité est sauvegardé.
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b) Il est évident que les revendications et descriptions que comporte le brevet doivent contenir tous les éléments nécessaires pour juger du niveau inventif et que, pour constater si les conditions légales sont remplies à cet égard, on ne saurait avoir recours à des éléments extérieurs au brevet.
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Or, selon le rapport des experts, dont l'arrêt attaqué fait état sur ce point, aucun des procédés intermédiaires et brevetés sous les Nos 282.086, 271.929 et 282.733 n'est la manifestation d'une idée créatrice distincte et emportant un progrès technique. La cour cantonale a suivi les experts sur ce point, que l'intimée ne conteste pas en principe et l'on ne voit pas que cette conclusion procède d'une définition erronée du niveau inventif, partant, d'une violation du droit fédéral.
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Sans doute est-ce l'enchaînement nécessaire des opérations couvertes par les trois brevets qui constitue l'un des éléments essentiels de l'ensemble, lequel atteint le niveau inventif. Mais les experts soulignent - et c'est à juste titre, comme on l'a montré - qu'en prenant trois brevets distincts et indépendants, l'intimée a détruit, en droit, cet enchaînement et le niveau inventif, que n'atteignent pas les opérations partielles. Juridiquement, chacune des opérations demeure isolée; elles ne forment pas une succession et il n'est pas possible de considérer les trois brevets comme un ensemble constitutif d'une invention.
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On ne saurait dès lors accorder une protection distincte et indépendante à chacune des revendications objets des trois brevets Nos 282.086, 271.929 et 282.733.
| 80 |
c) Au surplus, si l'on admettait une protection spéciale et distincte pour chacune de ces étapes du processus de synthèse indépendamment des autres, le titulaire de ces brevets pourrait revendiquer le monopole du procédé breveté, supposé même que la substance ainsi obtenue par le procédé partiel fût employée à d'autres fins que la synthèse du chloramphénicol. Il obtiendrait donc la protection légale non seulement dans la mesure où chacune des étapes conduit à cette substance finale, mais encore pour toutes les applications possibles de chacun des produits intermédiaires, applications que Parke Davis ignorait lorsqu'elle a acquis la priorité - et qu'elle ignore peut-être encore aujourd'hui. On fermerait ainsi la voie qui, à partir des substances intermédiaires II, III ou IV, pourrait conduire à d'autres inventions. On ne voit pas comment cette conséquence se justifierait du point de vue légal. Elle ne se produirait du reste pas dans le cas d'un brevet unique, qui embrasserait l'ensemble des diverses étapes de la synthèse.
| 81 |
L'intimée ne saurait objecter que, selon la jurisprudence allemande, tout procédé chimique partant d'une substance nouvelle pour aboutir à une substance intermédiaire également nouvelle est protégé (GRUR 1953, p. 91). Cette décision est fondée sur le principe selon lequel le progrès technique ou, dans le cas des médicaments, le progrès thérapeutique réalisé peut justifier la délivrance d'un brevet, abstraction faite du niveau inventif. Ce principe n'est pas reçu en droit suisse. De plus, selon cette doctrine, l'effet thérapeutique du produit en soi doit être clairement démontré pour que le progrès technique soit admis. Or tel n'est pas le cas pour les produits intermédiaires qui, par eux-mêmes, ne réalisent pas un tel progrès; la possibilité de breveter le procédé dont ils résultent est du reste très controversée et non encore résolue en Allemagne (REIMER, Patentgesetz und Gebrauchsmustergesetz, 2e éd., p. 49, No 52). La solution donnée par l'autorité administrative allemande ne saurait donc l'emporter selon le droit suisse, dont les fondements sont différents. Sans doute a-t-on admis plus haut que le caractère inconnu des substances initiale et finale confère le droit à la protection, mais c'est seulement sous la condition que le procédé atteigne un niveau inventif suffisant (v. ci-dessus, consid. 4, lettre c).
| 82 |
d) On ne saurait dès lors admettre la validité des brevets Nos 282.086, 271.929 et 282.733.
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6. et. 7. - ...
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85 | |
1. Admet partiellement le recours et réforme l'arrêt attaqué en ce sens que les alinéas 1, 2 et 3 de son dispositif ont la teneur suivante:
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1. Les brevets suisses Nos 282.086, 271.929 et 282.733 sont déclarés nuls.
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2. Lamar SA est déboutée de ses conclusions en nullité des brevets suisses Nos 314.008, 318'194 et 278.776.
| 88 |
3. Lamar SA s'est rendue coupable de violation des droits des demanderesses découlant des brevets suisses Nos 314.008, 318.194 et 278.776.
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4. Défense est faite à Lamar SA de fabriquer directement ou indirectement du chloramphénicol en recourant à l'une ou à l'autre des opérations couvertes par les brevets Nos 314.008, 318.194, 278.776 ou du "L-pseudo-1-paranitrophényl-2 aminopropane-1,3-diol" en recourant à l'opération couverte par le brevet No 318.194;
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