BGE 94 II 5 | |||
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2. Arrêt de la IIe Cour civile du 17 juin 1968 dans la cause C. contre J. | |
Regeste |
Unsittliche Verfügung von Todes wegen. Art. 519 Abs. 1 Ziff. 3 ZGB. |
2. Nachlass eines in der Schweiz gestorbenen Griechen; anwendbares Recht (Art. 22 und 32 NAG; Art. 10 Abs. 3 des Niederlassungs- und Rechtsschutzabkommens zwischen der Schweiz und Griechenland vom 1. Dezember 1927; Erw. 2). |
3. Anforderungen an den Beweis des behaupteten Konkubinats zwischen dem Erblasser und der von ihm als Erbin eingesetzten Person (Erw. 3 und 4). |
4. Das Bundesgericht überprüft die Auslegung des. ausländischen Rechtes nicht (Erw. 5 am Anfang). |
5. Bei Beurteilung der Frage, ob eine Verfügung von Todes wegen im Sinne von Art. 519 Abs. 1 Ziff. 3 ZGB unsittlich sei, stützt sich der Richter auf die in der Schweiz geltenden Moralbegriffe; es ist unerheblich, dass der Erblasser in seinem Leben die Verhaltensregeln verletzt hat, die das Kirchenrecht seiner Konfession und sogar ein ausländisches Zivilgesetz an die von ihm abgelegten religiösen Gelübde knüpfen (Erw. 5). | |
Sachverhalt | |
A.- Le 9 mars 1963 est décédé à L. Mgr V., de nationalité hellénique, né en 1881. Le défunt était depuis 1912 archimandrite de l'Eglise orthodoxe grecque St-G., à L., qui relève du Patriarcat de Constantinople. En cette qualité, il avait fait le voeu de célibat. Il était domicilié à P. où il occupait une villa.
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Mgr V. a rédigé de sa main trois testaments datés, le premier du 4 janvier 1928, confirmé le 12 août 1946, le second du 10 février 1953 et le troisième du 30 mars 1962. Il instituait comme héritière universelle dlle J. en reconnaissance de l'aide qu'elle lui avait apportée dans son ministère. Aux termes du testament de 1962, il laissait à son héritière instituée "le soin de penser et de donner aux oeuvres de bienfaisance en Suisse et en Grèce" et lui recommandait "surtout de ne pas oublier les aveugles", ni sa nièce Marie C., ni sa famille.
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Née en 1892 à Smyrne, dlle J. avait fait la connaissance du jeune ecclésiastique V. pendant ses études dans cette ville. Plus tard, elle a suivi comme lui les cours de la Faculté des lettres à L. Depuis son installation comme archimandrite, elle était sa gouvernante et sa collaboratrice dans l'accomplissement de son ministère.
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B.- Dame Marie C., épouse d'un médecin établi à Athènes et nièce de Mgr V., a introduit le 6 mars 1964 une action en annulation de testament contre dlle J. Elle a conclu, avec dépens, à ce qu'il soit prononcé:
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"I. Que les dispositions pour cause de mort émises les 4 janvier 1928, 12 août 1946, 10 février 1953 et 30 mars 1962 sont contraires aux moeurs et, partant, nulles et de nul effet.
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II. Que la succession est dévolue selon les règles de la succession ab intestat.
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III. Qu'à défaut d'autres héritiers légaux, la demanderesse recueille l'entier de la succession.
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IV. Subsidiairement à III:
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Qu'en concours avec un autre héritier légal, la demanderesse recueille la moitié de la succession".
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A l'appui de sa demande, dame C. a allégué, en substance, que la défenderesse avait été la concubine du défunt pendant des décennies et qu'elle avait eu connaissance des libéralités à cause de mort dont il l'avait gratifiée. En la désignant comme héritière universelle, le testateur a voulu atteindre un résultat contraire aux moeurs, savoir le maintien du concubinage: "à tout le moins, il a pu prévoir et accepter que cela favoriserait entièrement ou partiellement l'obtention, puis le maintien dudit résultat". Le concubinage d'un prêtre astreint au célibat est considéré par le droit canonique de l'Eglise orthodoxe chré.. tienne comme immoral et, de ce chef, illicite. L'Eglise orthodoxe chrétienne étant l'Eglise officielle de l'Etat hellénique, ce dernier fait application de l'art. 178 du code civil (grec) en pareille espèce. En outre, le seul fait que l'archimandrite V. vivait sous le même toit que la défenderesse et faisait ménage commun avec elle était contraire au droit canonique orthodoxe et à la loi civile hellénique; selon le 5e canon du VIe Concile oecuménique, dit Concile de Constantinople (680-681), confirmant le 3e canon du 1er Concile oecuménique de Nicée (325), il est interdit à tout membre du clergé d'introduire chez lui une femme, en qualité de domestique, servante, gouvernante ou cuisinière, si ce n'est sa mère, sa soeur ou sa tante. Un testament fait par un ecclésiastique en faveur d'une telle femme est contraire aux règles canoniques et aux bonnes moeurs; il est annulable selon les art. 1782, 178 et 180 du code civil hellénique.
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La demanderesse a produit des certificats de coutume et un avis de droit du Professeur A. de l'Université d'Athènes, au sujet des règles canoniques et des dispositions du code civil grec invoquées.
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Dlle J. a conclu, avec dépens, au rejet de la demande.
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C.- Par jugement du 23 janvier 1968, notifié aux parties le 24 janvier, le tribunal cantonal a débouté la demanderesse de ses conclusions et mis les frais à sa charge. Il a considéré, en bref, que l'instruction de la cause n'avait pas établi que la défenderesse eût été la concubine du testateur. Les règles du droit canonique orthodoxe et du droit civil grec invoquées par la demanderesse doivent être tenues pour désuètes, s'agissant d'un archimandrite qui exerçait son ministère dans un pays occidental. Même si elles étaient applicables, on ne saurait considérer une conduite comme contraire aux moeurs selon l'art. 519 al. 3 CC uniquement parce qu'elle enfreint une prescription du droit civil ou ecclésiastique étranger.
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L'intimée dlle J. a conclu au rejet du recours.
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E.- Le 29 mai 1968, la recourante a produit un avis de droit rédigé en langue grecque par Me N., avocat près la Cour de cassation, à Athènes, accompagné d'une traduction officielle établie par le Bureau des traductions du Ministère des affaires étrangères du Royaume de Grèce.
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L'intimée s'est opposée à cette production, qu'elle estime tardive.
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Considérant en droit: | |
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Sous l'empire de l'ancienne loi du 22 mars 1893 sur l'organisation judiciaire fédérale (anc. OJ), modifiée en ce qui concerne la valeur litigieuse par la loi du 25 juin 1921, le Tribunal fédéral a jugé dans l'arrêt Meyer c. P. Ringier & Cie, du 8 décembre 1931, consid. 1 (RO 57 II 617), que la partie qui avait recouru en réforme n'était pas tenue de produire, dans le délai de recours, un avis de droit ou une consultation technique dans un procès relatif à un brevet d'invention, mais qu'il suffisait que ce document fût déposé dans un délai convenable avant l'audience de jugement, de manière que l'intimé puisse en prendre connaissance assez tôt pour sauvegarder ses droits. Cette jurisprudence découlait de l'ancienne réglementation concernant l'exercice du recours en réforme. Selon l'art. 67 al. 1 et 2 anc. OJ, le recours en réforme s'exerçait par le dépôt d'une déclaration écrite indiquant dans quelle mesure le jugement était attaqué et mentionnant les modifications demandées. Dans les causes où il y avait des débats (art. 71 anc. OJ), c'est-à-dire dans les contestations qui portaient sur un droit de nature pécuniaire et dont la valeur litigieuse était de 8000 fr. au moins ou dont l'objet n'était pas susceptible d'une estimation en argent, le recourant n'était pas tenu de motiver son recours par écrit, mais pouvait exposer ses moyens oralement devant la juridiction de réforme. Ce n'est que dans les causes où la valeur litigieuse n'atteignait pas 8000 fr. que le recourant devait joindre à sa déclaration un mémoire motivant son recours (art. 67 al. 4 anc. OJ). Aussi bien, lorsqu'il y avait des débats. comme dans les causes jugées par les arrêts publiés au RO 30 II 542 consid. 3, 39 II 344 consid. 5, 57 II 617 consid. 1, le Tribunal fédéral admettait la production d'un avis de droit après l'expiration du délai de vingt jours fixé à l'art. 65 anc. OJ pour déposer la déclaration de recours en réforme, mais dans un délai convenable avant l'audience de jugement.
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La réglementation est différente dans la loi d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 actuellement en vigueur; il n'est plus fait de distinction entre les causes où il y a des débats, conformément à l'art. 62 OJ (contestations civiles portant sur un droit de nature non pécuniaire ou sur un droit de nature pécuniaire lorsque la valeur litigieuse atteignait 15 000 fr. dans la dernière instance cantonale), d'une part, et les affaires où il n'y a pas de débats, d'autre part. Dans tous les cas, le recours en réforme s'exerce par un mémoire contenant non seulement l'indication exacte des points attaqués de la décision et des modifications demandées (art. 55 al. 1 litt. b OJ), mais encore les motifs à l'appui des conclusions, lesquels doivent exposer quelles sont les règles de droit fédéral violées et en quoi consiste cette violation (art. 55 al. 1 litt. c OJ). Lorsque les motifs font défaut, le recours est irrecevable (RO 81 II 278 consid. 9, 83 II 261 consid. 7, 84 II 486 consid. 2, 87 II 183 consid. 10, 262 consid. 5, 89 II 221 consid. 6, 334 consid. 3, 92 II 67). Le délai de recours de l'art. 54 al. 1 OJ expiré, les motifs ne peuvent pas être complétés par la production d'un nouveau mémoire (cf. RO 92 II 67). Il en résulte qu'à l'instar des expertises en matière de brevets d'invention (RO 86 II 197), un avis de droit doit être produit, sous peine d'irrecevabilité, par le recourant dans le délai de recours (art. 54 al. 1 OJ), et par l'intimé dans le délai de réponse (art. 61 al. 1 OJ).
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En l'espèce, l'avis de droit de Me N. a été produit après l'expiration du délai de recours. Il est dès lors irrecevable.
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2. En vertu de la loi fédérale sur les rapports de droit civil des citoyens établis ou en séjour, du 25 juin 1891 (LRDC), la succession des étrangers en Suisse est soumise à la loi du dernier domicile du défunt (art. 22 al. 1 et 32 combinés), sauf disposition contraire des traités internationaux (art. 34; cf. RO 52 II 431 consid. 1).
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L'art. 10 al. 3 de la convention d'établissement et de protection juridique entre la Suisse et la Grèce, conclue le 1er décembre 1927 et entré en vigueur le 30 novembre 1928 (RS 11 p. 638), dispose: "La succession du ressortissant d'une des parties contractantes décédé sur le territoire de l'autre partie sera régie par la loi nationale du défunt en vigueur au moment du décès pour ce qui concerne la question de savoir quels sont les héritiers légaux et leurs quotes-parts et dans quelle mesure ils sont réservataires".
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En l'absence de professio juris (art. 22 al. 2 LRDC), la loi grecque n'est donc applicable à la succession d'un ressortissant grec décédé en Suisse où il avait son dernier domicile qu'en ce qui concerne la vocation des héritiers légaux, l'étendue de leurs droits et leur réserve héréditaire. Pour le surplus, la succession est régie exclusivement par le droit suisse (MAX PETITPIERRE, Le droit applicable à la succession des étrangers domiciliés en Suisse, Recueil de travaux offert par la Faculté de droit de l'Université de Neuchâtel à la Société suisse des juristes, 1929, p. 270).
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En l'espèce, V., de nationalité hellénique, était domicilié en Suisse au moment de son décès. Dans aucun de ses trois testaments le défunt n'a déclaré soumettre sa succession à la loi de son pays d'origine. Il s'ensuit que, pour toutes les questions qui ne sont pas expressément visées à l'art. 10 al. 3 de la convention d'établissement et de protection juridique entre la Suisse et la Grèce, c'est le droit suisse qui est applicable, en vertu des art. 22 et 32 LRDC. La loi suisse régit en particulier la validité quant au fond des dispositions pour cause de mort du défunt (cf. SCHNITZER, Handbuch des internationalen Privatrechts, volume II, 4e édition, 1958, p. 533). La juridiction cantonale a dès lors appliqué avec raison l'art. 519 al. 1 ch. 3 CC à l'action en nullité des testaments de V., pour cause d'illicéité ou d'immoralité des dispositions, introduite par la recourante, héritière légale en vertu de l'art. 1814 du code civil grec, contre l'héritière instituée.
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Le premier est daté du 4 janvier 1928 et porte une confirmation du 12 août 1946; le deuxième est du 10 février 1953 et le troisième, du 30 mars 1962. Chacun d'eux institue héritière universelle dlle J. Le testament du 10 février 1953 ne fait nulle allusion à celui du 4 janvier 1928, confirmé le 12 août 1946, ni ne le révoque expressément. De même, le troisième testament, du 30 mars 1962, ne dit rien des deux précédents ni ne les révoque d'une façon explicite.
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La validité quant à la forme des trois testaments n'a pas été mise en cause par la recourante. Dame C. ni l'intimée ne se sont d'autre part préoccupées des rapports entre ces trois actes au regard de l'art. 511 al. 1 CC, selon lequel les dispositions postérieures qui ne révoquent pas expressément les précédentes les remplacent dans la mesure où elles n'en constituent pas indubitablement des clauses complémentaires. Les conclusions du recours tendent à l'annulation des trois testaments pour cause d'immoralité, en vertu de l'art. 519 al. 1 ch. 3 CC. L'intimée conclut à la confirmation du jugement entrepris, qui a rejeté la demande en nullité. Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral est lié par les conclusions des parties (art. 63 al. 1 OJ). Il n'a donc pas à examiner si et dans quelle mesure les dispositions postérieures ont remplacé les précédentes.
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La recourante estime que le tribunal cantonal a violé la règle fédérale de preuve selon laquelle, dans l'action en divorce ou en recherche de paternité, il n'est pas nécessaire d'établir l'adultère ou la cohabitation; il suffit de prouver des faits qui, d'après l'expérience de la vie, engendrent une violenta praesumptio dont il résulte avec une vraisemblance confinant à la certitude qu'il y a eu des relations charnelles (cf. en particulier pour l'adultère: RO 25 II 761, 47 II 250, 81 II 486 s.; pour la cohabitation dans la recherche de paternité: RO 43 II 564, 52 II 109 s., 57 II 393, 66 II 82, 75 II 104); des circonstances qui donneraient simplement naissance à un soupçon grave ne suffisent cependant pas pour fonder la présomption (RO 81 II 487).
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a) La recourante prétend que la cour cantonale aurait dû admettre le concubinage sur le vu de l'un ou l'autre des faits constatés, sinon de ces faits pris dans leur ensemble. Elle relève en particulier que dlle J., qui avait été l'élève du jeune ecclésiastique V. au Lycée Homerion, à Smyrne, est venue avec sa soeur à L., en 1911, pour suivre les cours de la Faculté des lettres où il était également inscrit et s'est installée dans la même pension que lui. Ces circonstances ne font pas nécessairement naître le soupçon d'une liaison intime, du moment qu'une pareille conclusion n'est pas corroborée par d'autres faits prouvés.
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Si le patriarche Z., oncle de V., avait observé que son neveu hésitait, entre 1904 et 1906, à embrasser le sacerdoce, on ne saurait en inférer que, devenu prêtre, Mgr V. a entretenu plus tard des relations charnelles avec sa gouvernante et collaboratrice.
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L'enquête sur la vie privée de Mgr V., ouverte à une date non précisée par le patriarcat de Constantinople dont il relevait, n'a pas eu de suite. Elle ne constitue dès lors pas un indice propre à emporter la conviction que le prélat ait entretenu une liaison coupable avec l'intimée, même si elle a été classée grâce à l'intervention de P., comme l'a déclaré sa veuve. On ne sait d'ailleurs rien de précis sur cette affaire, le Patriarche de Constantinople ayant refusé de produire le dossier requis par la recourante.
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Ainsi que l'observe le jugement attaqué, le fait que l'intimée a tenu le ménage de Mgr V. et l'a aidé dans son ministère pendant plus de cinquante ans ne saurait fonder la violenta suspicio fornicationis: un ecclésiastique, qui a fait voeu de célibat, peut avoir recours à une femme pour s'occuper de sa maison et collaborer avec lui dans l'exercice de sa mission, sans que cette situation permette de conclure qu'il y ait entre eux un concubinage.
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L'utilisation du terme "Madame" dans la désignation de l'intimée, soit par Mgr V., notamment dans son testament du 30 mars 1962, soit par d'autres personnes dans leurs lettres, n'est pas non plus l'indice d'une liaison immorale. Si l'on appelle "Madame" toute femme qui est ou a été mariée, on donne également ce titre par déférence à des femmes mariées ou non à qui l'on témoigne du respect (cf. ROBERT, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, tome 4, p. 349).
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Que l'intimée ait reçu des lettres sous le nom de V. ne signifie pas que ses correspondants la considéraient comme la concubine du prélat dont elle était la gouvernante et la collaboratrice.
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On ne saurait voir non plus l'indice d'un concubinage dans l'inscription "V. C. (-J.)" qui figure dans l'annuaire téléphonique. Cette désignation a pu être donnée en son temps par Mgr V. lui-même, par mesure de simplification, de manière que l'on sache que l'intimée J. pouvait être atteinte au téléphone au même numéro que lui, et ne pas avoir été modifiée après son décès.
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Enfin, il n'y a rien de surprenant dans la circonstance que l'intimée n'ait pas été mentionnée dans la brochure commémorative consacrée à Mgr V. par la Communauté orthodoxe de L. De toute façon, contrairement à ce qu'allègue la recourante, ce silence n'a pas "le poids d'une condamnation".
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b) Les faits relevés avec insistance par la recourante ne doivent pas être isolés des autres constations de la cour cantonale, qui retient notamment ce qui suit:
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Après l'installation de Mgr V. comme archimandrite de l'Eglise St-G. en 1912, l'intimée est devenue sa gouvernante et sa collaboratrice. Elle l'aidait dans l'accomplissement de son ministère, faisant preuve d'un très grand dévouement. Elle préparait et dirigeait les choeurs pour les grandes fêtes religieuses. Elle chantait dans la plupart des cérémonies importantes. Les membres de la colonie grecque de L. et de Suisse ont témoigné à l'intimée respect et affection. A la fin de l'année, de 1939 à 1963, le Comité de l'Eglise orthodoxe grecque lui a exprimé ses remerciements pour la peine qu'elle se donnait en faveur du choeur de l'Eglise. Il lui faisait chaque fois un cadeau pour lui manifester sa reconnaissance.
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Après le décès de l'archimandrite, l'intimée a reçu de nombreux témoignages de sympathie et d'affection émanant de la colonie grecque de L., de Suisse et de l'étranger. La recourante elle-même lui a adressé deux lettres de sympathie très affectueuses; son mari a également écrit à l'intimée. Auparavant, elle entretenait des relations affectueuses avec Mgr V., son oncle, et avec l'intimée.
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Durant tout son ministère à L., Mgr V. a été l'objet de très nombreuses marques de respect, de fidélité et d'amitié tant de la part d'autorités ecclésiastiques et civiles que de personnes privées. Il a reçu du roi Paul Ier de Grèce, le 30 décembre 1955, la "Croix d'or de la légion de Georges Ier" et, au début de 1963, une médaille royale en reconnaissance de dons importants faits à V., sa commune d'origine dans l'île de C. En mars 1964, l'association de l'Eglise orthodoxe grecque St-G. à L. a édité une brochure célébrant la mémoire de son fondateur et chef spirituel, l'archimandrite V. Cette brochure a été distribuée aux fidèles de l'Eglise orthodoxe grecque de L., notamment le dimanche 8 mars 1964, à l'issue d'une messe de requiem célébrée à la mémoire du défunt.
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c) Sur le vu de ces constatations, on doit admettre que Mgr V. était hautement estimé et respecté par ses coreligionnaires et par les autorités ecclésiastiques et civiles, d'une part, et que l'intimée était appréciée pour son dévouement et sa collaboration au ministère du prélat, d'autre part. La cour cantonale pouvait dès lors considérer, sans violer aucune règle du droit fédéral, que les faits invoqués par la recourante ne fondaient pas, d'après l'expérience de la vie, une violenta praesumptio d'où l'on dût conclure avec une vraisemblance confinant à la certitude que le défunt avait vécu en concubinage avec l'intimée.
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Le tribunal cantonal a jugé douteux que les règles invoquées par le professeur A. soient encore appliquées pratiquement, en tout cas lorsqu'il s'agit d'un archimandrite exerçant son ministère dans les pays occidentaux. La recourante s'élève en vain contre cette opinion, qui relève de l'interprétation du droit étranger (droit canonique de l'Eglise orthodoxe grecque qui est l'Eglise officielle de l'Etat hellénique et droit civil grec) et qui échappe dès lors au contrôle du Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (art. 43 OJ; RO 91 II 125, 72 II 410; BIRCHMEIER, op.cit. p. 79).
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La question n'est d'ailleurs pas décisive. La recourante s'efforce de démontrer l'immoralité de la disposition pour cause de mort dont elle demande l'annulation en se référant à la loi nationale du défunt. Elle perd de vue que la succession litigieuse est régie par le droit suisse, en vertu de la convention d'établissement et de protection juridique conclue entre la Suisse et la Grèce (cf. consid. 2 ci-dessus). Or le droit suisse n'admet pas que l'exercice des droits civils soit restreint par des prescriptions de nature ecclésiastique ou religieuse (art. 49 al. 4 Cst.). En particulier, les voeux religieux ne restreignent en aucune manière la capacité civile de la personne qui les prononce (RO 28 I 18; BURCKHARDT, Kommentar zur Bundesverfassung, 3e éd., p. 448; FLEINER/GIACOMETTI, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, p. 326 s.; AUBERT, Traité de droit constitutionnel suisse, tome II, no 2020 p. 714; EGGER, n. 15 ad art. 11 CC). La recourante ne saurait dès lors tirer aucun argument en faveur de sa thèse ni des canons de l'Eglise orthodoxe grecque, ni des règles du droit canonique de l'Eglise catholique romaine sur les bénéfices ecclésiastiques, notamment du canon 1473, qu'elle invoque hors de propos.
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Pour juger si les dispositions pour cause de mort de Mgr V. sont contraires aux moeurs, le juge suisse doit donner une appréciation fondée sur les conceptions morales reçues au sein de la population du ressort où il siège (cf. OSER/SCHÖNENBERGER, n. 29 ad art. 20 CO et BECKER, n. 70 ad art. 19 CO). Or il est fréquent et communément admis en Suisse qu'un ecclésiastique tenu au célibat par les voeux religieux qu'il a prononcés, vive sous le même toit que sa gouvernante. Point n'est besoin d'examiner si la situation devrait être appréciée différemment au cas où la conduite des intéressés donnerait lieu à des soupçons et serait une occasion de scandale au sein de la communauté religieuse à laquelle ils appartiennent. En effet, il ne résulte pas des faits constatés par la juridiction cantonale que la vie sous le même toit de Mgr V. et de l'intimée ait provoqué un scandale au sein de la communauté orthodoxe grecque. Au contraire, l'un et l'autre ont été l'objet de la part de leurs coreligionnaires de nombreuses marques d'affection, de reconnaissance et de respect. L'archimandrite a même reçu à sa table, en présence de sa gouvernante. non pas le patriarche de Constantinople luimême, comme le relève le jugement attaqué (à la suite d'une inadvertance manifeste qui doit être rectifiée d'office conformément à l'art. 63 al. 2 OJ), mais de hauts dignitaires de l'Eglise orthodoxe, à savoir le Métropolite de Sardes M. et l'archiman drite G. P.
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Dans ces circonstances, on ne saurait tenir pour immoral au regard du droit suisse le testament confirmé en dernier lieu par un ecclésiastique âgé de 81 ans en faveur de sa gouvernante âgée alors de 70 ans, qui a tenu sa maison et l'a assisté dans son ministère pendant 50 ans.
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Le recours est dès lors entièrement mal fondé.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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