BGE 95 II 503 | |||
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67. Arrêt de la IIe Cour civile du 21 mars 1969 dans la cause Suzanne Fornerod et consorts contre Jean-Marie-Joseph Fornerod et consorts. | |
Regeste |
Namensänderung. |
2. Abwägung der entgegengesetzten Interessen der ausserehelichen Kinder, die stets den Familiennamen ihres Vaters getragen haben und diesen tatsächlichen Zustand legalisieren möchten, einerseits, und der ehelichen Familie, die sich dieser Namensänderung widersetzt, anderseits (Erw. 2 bis 5). | |
Sachverhalt | |
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Depuis le début de 1937, Aloys Fornerod cessa de vivre en ménage avec sa femme. Il fit la connaissance de Marie-Charlotte von der Weid, avec qui il vécut maritalement et vint s'installer à Fribourg. Le couple a eu quatre enfants, qui sont tous fixés à Fribourg: François, né en 1948, Pierre, né en 1950, Mathilde, née en 1951 et Jean, né en 1954. Ces enfants ont toujours porté le nom de Fornerod, à l'école également. Leur père obtint parfois la délivrance de documents officiels donnant à croire qu'ils étaient légitimes; ainsi des bulletins de naissance de la mairie d'Evian-les-Bains (Haute-Savoie), indiquant, pour François, Pierre et Mathilde, qu'ils sont les enfants d'Aloys Fornerod et de Marie-Charlotte von der Weid, son épouse; ainsi encore un passeport suisse délivré à Aloys Fornerod et "également valable" pour les quatre enfants dont les prénoms avec les dates de naissance sont indiqués et les photographies jointes et scellées par la police cantonale de Fribourg.
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A trois reprises, la première fois en 1937, Aloys Fornerod tenta, mais vainement, d'obtenir le divorce. Une fois, le juge saisi s'est déclaré incompétent; les deux autres fois, l'action a été rejetée, parce que le comportement du demandeur avait causé la désunion.
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Suzanne Fornerod-Dupertuis, Claude Fornerod et les deux enfants de celui-ci ouvrirent alors chacun une action pour faire interdire aux enfants d'Aloys Fornerod et de Marie von der Weid de porter le nom de Fornerod.
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Le 13 février 1967, le Tribunal civil de la Sarine a joint les causes et admis les demandes.
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Saisie par les défendeurs, la Cour d'appel du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, statuant le 1er octobre 1968, a autorisé "François Marie Aloys Fornerod, Pierre Marie Louis Clément Fornerod, Mathilde Jeanne Fornerod et Jean Marie Joseph Fornerod... conformément à l'arrêté du Conseil d'Etat du canton de Fribourg du 26 février 1965, à porter le nom patronymique Fornerod".
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C.- Les demandeurs ont recouru en réforme. Ils concluent derechef à ce qu'interdiction soit faite aux défendeurs de porter le patronyme Fornerod.
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Les défendeurs concluent au rejet du recours.
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Considérant en droit: | |
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a) Le préjudice allégué par les opposants est principalement d'ordre affectif. Ils ont profondément souffert, disent-ils, du fait qu'Aloys Fornerod les a abandonnés pour aller vivre avec Marie von der Weid; les enfants issus de cette union illégitime sont le témoignage constant et le rappel de cette situation pénible; l'autorisation qui leur a été donnée de prendre le nom de Fornerod est particulièrement douloureuse, car elle sanctionne une intrusion des défendeurs dans leur famille; le droit fédéral protège la famille et, par conséquent, réprime de telles atteintes au sentiment de l'honneur familial.
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Du seul fait qu'ils porteraient le nom de Fornerod, les défendeurs n'entreraient certes pas dans la famille de leur père naturel. En les autorisant à le porter, le Conseil d'Etat n'a pas modifié leur statut d'enfants illégitimes. Cependant, il a tout au moins créé l'apparence d'un lien familial en réalité inexistant. Sa décision confirme donc le préjudice affectif subi par les demandeurs du fait que des enfants adultérins peuvent passer pour des membres de leur famille.
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Il y a là sans doute une offense au sentiment de l'honneur familial. Mais, pour en apprécier la gravité, il faut se référer aux faits qui l'ont motivée et montrer, comme l'a déjà fait la cour cantonale, que, pour l'essentiel, elle est déjà ancienne. Il y a plus de trente ans qu'Aloys Fornerod et Suzanne Dupertuis se sont séparés définitivement. En 1938 déjà, selon le jugement sur la première action en divorce, le lien conjugal était si profondément atteint que la vie commune était devenue insupportable. Les faits postérieurs, à savoir la liaison d'Aloys Fornerod avec Marie von der Weid, la naissance des enfants issus de cette liaison, enfin l'habitude qui fut prise de faire porter auxdits enfants le patronyme de Fornerod - habitude qui ne semble avoir soulevé aucune opposition de la part de la famille - demeuraient sans doute pénibles pour l'épouse et le fils d'Aloys Fornerod; cependant leurs effets ont été nécessairement atténués par la rupture effective et irrémédiable du lien conjugal et par l'écoulement du temps. L'autorisation du Conseil d'Etat, seul fait récent, n'a fait que sanctionner un état de choses ancien et sans doute connu depuis longtemps, dès avant et au moins depuis la mort d'Aloys Fornerod.
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A l'atténuation due à l'écoulement du temps s'ajoute celle que cause la distance. Les demandeurs vivent à Lausanne, les défendeurs à Fribourg, villes où, du reste, le nom de Fornerod est assez répandu, comme les juges cantonaux l'ont constaté souverainement.
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La Cour d'appel fribourgeoise a constaté encore que les demandeurs n'entretenaient point de relations personnelles avec Aloys Fornerod et sa nouvelle famille. Les recourants allèguent qu'il y aurait là une erreur manifeste, qu'il appartiendrait au Tribunal fédéral de rectifier d'office (art. 63 al. 2 OJ). Mais la question ne présente, pour eux, aucun intérêt puisque le juge cantonal a interprété le fait (prétendument erroné) en leur faveur, disant que c'est précisément la séparation des deux familles qui rend sensible l'emploi, par l'une, du nom de l'autre. Au surplus, l'inadvertance se limitait à attribuer à Claude Fornerod les déclarations de son fils Michel et elle est aisément rectifiable. Le reste est affaire d'appréciation des preuves et relevait du juge du fait. Michel Fornerod a déclaré, d'une part, qu'il n'avait lui-même aucun rapport avec son grand-père; d'autre part il a dit: "nous n'allions pas chez lui", ce qui autorisait la cour cantonale à dire qu'il n'y avait pas de relations entre les deux familles.
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b) Les recourants s'estiment aussi lésés dans leurs intérêts légitimes en raison de la notoriété du nom de Fornerod. En effet, disent-ils, Aloys Fornerod a illustré son nom par ses talents de compositeur, de critique et par son enseignement dans le domaine musical. Du fait qu'ils porteraient le même nom, les défendeurs, non seulement feraient croire à des rapports familiaux inexistants, mais encore bénéficieraient du prestige attaché au patronyme.
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Dans une jurisprudence déjà ancienne (RO 52 II 104; 60 II 389; 67 II 191), le Tribunal fédéral a admis que la notoriété d'un nom de famille pouvait justifier ceux qui le portent à s'opposer à ce que dess tiers se l'approprient.
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Supposé que ce principe doive être maintenu, son application n'emporterait pas l'admission de la demande. Car la notoriété d'Aloys Fornerod, comme musicien, n'est guère que locale et se rattache d'autant moins à son patronyme en général que celui-ci est plus répandu.
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c) C'est avec raison que les recourants - tout en y faisant allusion - n'ont pas insisté, dans la procédure cantonale, sur les risques d'erreurs que pouvait entraîner le changement de nom litigieux. Les deux familles, en effet, habitent des villes différentes. Au surplus, beaucoup de patronymes sont plus répandus que celui de Fornerod, sans qu'il s'ensuive de confusions préjudiciables.
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3. Quant aux défendeurs, s'ils ont intérêt à porter le nom de Fornerod, c'est principalement parce qu'ils ont toujours été connus sous ce nom. Supposé qu'on les oblige à l'abandonner, à leurs âges, soit 21, 19, 18 et 15 ans, il en résulterait pour eux des inconvénients manifestes et sensibles. Il pourrait du reste s'y ajouter, le cas échéant, certains préjudices économiques, sans parler du tort moral qui découlerait pour eux de la révélation inévitable d'une ascendance illégitime et du discrédit qui peut, dans l'opinion publique, frapper la personne contrainte d'abandonner un nom qu'elle portait.
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Les demandeurs ne le contestent pas, mais objectent que le long usage de leur nom par les enfants naturels d'Aloys Fornerod ne devrait pas être retenu en leur faveur, parce qu'il procéderait d'une usurpation et que l'autorité ne saurait consacrer un tel abus.
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Si usurpation il y eut du vivant d'Aloys Fornerod, elle ne saurait être imputée aux défendeurs. Ceux-ci se sont trouvés dans le cas d'être connus sous le nom de leur père et de le porter dès leur enfance. Ce fait s'impose à chacune des deux parties et l'autorité ne saurait l'ignorer, car, si faute il y a eu, elle n'est imputable qu'à Aloys Fornerod et à Marie von der Weid, non à leurs enfants naturels. Ceux-ci demandent aujourd'hui la légalisation d'un état de fait qu'ils n'ont en rien provoqué. Cette légalisation du reste ne change rien à leur statut dans la mesure où ils conservent leur état d'enfants naturels ainsi que leur précédent droit de cité.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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