BGE 101 II 59 | |||
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13. Arrêt de la IIe Cour civile du 20 mars 1975 dans la cause Vuignier contre Voide. | |
Regeste |
Art. 681 ZGB. | |
Sachverhalt | |
Dame Ida Vuignier-Udrisard est copropriétaire, pour une demie, avec son frère Modeste Udrisard d'un bâtiment à Mase (Valais), construit en 1926. Cette copropriété est assortie de servitudes personnelles d'usage, perpétuelles et transmissibles, conférant à chacun des copropriétaires un droit d'usage exclusif sur certaines parties de l'immeuble.
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Par acte authentique du 9 octobre 1971, passé en la forme du pacte successoral et intitulé "Vente et donation", Modeste Udrisard et sa femme Philomène ont convenu avec Jean Voide, petit-neveu du mari, de la vente de cette part de copropriété ainsi que d'une grange au village, d'un pré et d'une grange au mayen, ce pour le prix total de 51'355.-- fr. Ce prix est payable par annuités de 5'000.-- fr., en mains des vendeurs et, en cas de décès de l'un d'eux, à son survivant. Si le prix total n'est pas acquitté au décès du dernier survivant, l'acheteur sera libéré du solde, qui constituera une donation consentie par les vendeurs à l'acheteur. Les vendeurs se sont réservé l'usufruit sur la part de bâtiment et sur la grange au village.
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Informée de cet acte, dame Vuignier a fait valoir son droit de préemption dans le délai prévu par l'art. 681 al. 3 CC, point qui n'est guère contesté.
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Jean Voide ayant contesté qu'il y eût lieu à préemption, en raison de la libéralité que comporte l'acte de "vente et donation", dame Vuignier a ouvert action contre l'acheteur, concluant au transfert à son nom, au registre foncier, "de l'étage supérieur avec annexes et place" objet de la vente.
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Dame Vuignier recourt en réforme, persistant dans ses conclusions. Elle les complète cependant, se disant "d'accord de verser le montant du prix de vente de 26'000.-- fr. ou à dire du Tribunal fédéral, soit par paiement comptant, soit en respectant les clauses du paiement de l'acte du 9.10.1971, pour autant que cela concerne l'immeuble".
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L'intimé conclut au rejet du recours.
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Considérant en droit: | |
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Ces deux derniers biens-fonds, de même que la grange-écurie, au village, étaient propriété exclusive du vendeur. La demande ne porte donc que sur la part de copropriété, comprise dans le montant de 30'000.-- fr.
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Se fondant sur une expertise, le Tribunal cantonal a arrêté à 41'220.-- fr. la valeur de la part de bâtiment et à 6'000.-- fr. la valeur de la grange. Il considère que cette estimation correspond à la valeur lors de la vente et que l'usufruit réservé par les époux Udrisard ne représente pas un capital rentable: depuis la mort de sa femme, Modeste Udrisard ne l'exerce pas et l'habitation demeure inoccupée. A cela s'ajoute le témoignage de Modeste Udrisard, qui a déclaré que s'il avait vendu cette habitation à un autre, il aurait demandé 10'000.-- fr. de plus et qu'il a consenti ce prix à son petit-neveu pour le récompenser des services rendus ces dernières années.
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Se fondant sur ces éléments, la cour cantonale admet que la différence entre le prix convenu et la valeur réelle est de l'ordre de 10'000.-- fr. et que cette différence, dont les parties avaient conscience, a été voulue par elles.
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Ce sont là des constatations qui, ressortissant au fait, échappent à la censure du Tribunal fédéral. Il ne peut donc être entré en matière sur les objections de la recourante, qui soutient que seule la remise éventuelle du solde du prix renfermerait une donation, à défaut de quoi, déclare-t-elle, la vente serait nulle faute d'indication du prix exact. Il faut répondre à ce dernier argument que le contrat indique le prix réellement voulu par les parties, et cela quand bien même ce prix est délibérément fixé au-dessous de la valeur marchande de l'immeuble. La nullité de la vente ne pourrait être invoquée que si le prix stipulé était simulé, ne correspondant pas à celui que l'acheteur s'engageait effectivement à payer. D'ailleurs, le titulaire d'un droit de préemption n'a pas intérêt à invoquer la nullité de la vente, puisque son droit dépend de la validité de cette vente.
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A cela s'ajoute, selon les constatations de la cour cantonale, que le prix de 51'355.-- fr. est payable par acomptes annuels de 5'000.-- fr. et que les vendeurs font remise du solde restant à leur décès. Le jugement constate que, même si, selon les tables de mortalité, l'espérance de vie des vendeurs était de 8,7 ans pour le mari et de près de 10 ans pour la femme, dans l'esprit des vendeurs, alors âgés de 76 ans, et malades, les choses ont dû apparaître autrement.
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La cour cantonale constate que le but essentiel du contrat, pour les époux Udrisard, n'était pas de réaliser leur bien, sans égard à la personne de l'acheteur, mais de le céder à des conditions de faveur à leur petit-neveu, pour le récompenser de ses services et de ses égards.
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En droit suisse, la question a été laissée indécise dans un arrêt de la Cour d'appel de Berne (ZBJV 1933 p. 445), ainsi que dans l'arrêt publié au RO 82 II 586. (Cf. également RO 84 II 252/253).
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MEIER-HAYOZ (n. 171 ad art. 681) soutient que la fixation d'un prix de faveur intervient en considération de la personne de l'acquéreur, à qui l'aliénateur entend faire une attribution à titre gratuit, dont il ne convient pas que le titulaire du droit de préemption tire profit. Il réserve les hypothèses, non réalisées en l'espèce, du recours à la donation mixte dans le but d'éluder la préemption et du cas où l'élément de libéralité apparaît comme tout à fait secondaire. Dans le même sens, en principe, mais non motivées, les opinions de HAAB, n. 32 ad art. 681/82 CC; BECKER, n. 11 ad art. 216 CO.
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a) Selon la jurisprudence, le droit de préemption ne peut être exercé qu'en cas de vente. Et encore faut-il qu'il n'y ait pas seulement une vente à la forme, mais que l'opération tende selon l'intention des parties au but économique de la vente, l'échange d'une chose contre un prix. C'est la prestation pécuniaire reçue par le vendeur qui est essentielle et non la personne de l'acquéreur (RO 89 II 446). Lorsque la considération de la personne de l'acquéreur est essentielle et détermine les conditions particulières du contrat, la substitution du préempteur ne saurait être imposée à l'aliénateur.
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b) En cas de donation mixte, le marché comporte une libéralité en faveur de l'acquéreur. Le droit de préemption ne constitue pas une cause juridique qui justifierait que le préempteur soit mis au bénéfice de cette libéralité, où l'intuitus personae est un élément déterminant. On ne saurait éluder cet argument en conférant alors au préempteur le droit de se substituer à l'acquéreur à des conditions différentes, faisant abstraction de la libéralité, comme le postulent les conclusions subsidiaires du recours, qui tendent à la fixation d'un prix objectif. C'est là une construction incompatible avec le droit de préemption: l'exercice du droit a pour effet de substituer, dans le contrat de vente, le préempteur à l'acheteur, toutes les clauses et conditions de la vente demeurant inchangées. L'adaptation du prix aurait pour effet de substituer au contrat un nouveau contrat, à des conditions imposées judiciairement. Tel ne saurait être l'effet du droit de préemption. Dans ce sens, l'arrêt précité du Reichsgericht (RGZ 101 p. 101).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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