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32. Arrêt de la Ire Cour civile du 15 juin 1976 dans la cause Servette Football Club contre Perroud. | |
Regeste |
Art. 27 Abs. 2 ZGB und 20 OR, Art. 28 Abs. 2 ZGB und 49 OR. Nichtigkeit von Vertragsbestimmungen, welche die Freiheit des Arbeitnehmers in unzulässigerweise einschränken. |
Klage des Spielers auf Schadenersatz (Art. 28 Abs. 2 ZGB; Erw. 8) und auf Genugtuung (Art. 49 OR; Erw. 9). | |
Sachverhalt | |
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Selon le règlement pour la qualification des joueurs de Ligue nationale, peuvent être immédiatement qualifiés dans cette ligue les joueurs qui n'ont disputé aucun match officiel en Ligue nationale pendant les deux dernières années précédant la présentation de la demande, comptées à partir de la fin de la saison au cours de laquelle ils ont disputé leur dernier match (art. 3). Un joueur ne peut être transféré dans un autre club de Ligue nationale qu'avec une lettre de sortie de son club, conforme et sans conditions; tant qu'une telle lettre n'est pas présentée, un joueur ne peut obtenir de qualification en Ligue nationale que pour le club auquel il appartient (art. 6). La lettre de sortie doit être établie en faveur du club présentant la demande de transfert, sans quoi elle ne sera pas acceptée; le nom de ce club ne peut pas être porté ultérieurement sur une lettre de sortie primitivement établie en blanc (art. 7). L'art. 9 du règlement prévoit deux périodes de transfert: la première débute le lendemain du dernier match de championnat de la saison écoulée (mais le 1er juillet si le championnat n'est pas terminé le 30 juin) et se termine le 15 juillet pour les joueurs déjà qualifiés en dernier lieu à l'Association suisse de football (ASF); la seconde court du 1er octobre au 31 décembre.
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Le statut pour joueurs non amateurs dispose sous ch. 2 que tous les joueurs (sous réserve de quelques exceptions qui n'entrent pas en considération ici) doivent exercer une profession leur garantissant le minimum vital. Selon la convention du 10 août 1971 entre le F.C. Servette et Perroud, celui-ci exerce la profession de programmeur. Pendant les trois années où il a joué pour le F.C. Servette, il a gagné en moyenne 43'000 fr. par an pour son activité sportive.
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En octobre 1971, le trésorier du F.C. Servette a indiqué à Perroud, à sa demande, que le prix de son transfert serait de 100'000 fr., ce chiffre constituant une base de discussion. Il a par ailleurs déclaré, en juillet 1972, que Perroud était "amorti".
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Le 12 juillet 1972, Perroud s'est adressé à la Ligue nationale, section des contrats, en relevant que le F.C. Servette n'avait pas respecté le ch. 4 de la convention; que lui-même, n'ayant aucune raison de prévoir ce licenciement, avait pris à Genève toute une série d'engagements et n'avait pu envisager un transfert dans des délais normaux; il estimait que le F.C. Servette avait rompu unilatéralement le contrat et trouvait abusif que le club pût le retenir en exigeant pour un transfert une somme qui n'avait jamais été fixée. Le F.C. Servette a précisé à ce propos, dans une lettre du 2 août 1972, que lors de pourparlers avec le F.C. Martigny, "le prix de transfert à discuter avait été fixé à 80'000 fr.", somme ramenée par la suite à 50'000 fr. pour faciliter le transfert. La Ligue nationale a organisé le 22 août une séance de médiation, qu'elle a résumée dans une lettre du lendemain: le F.C. Servette était prêt à réintégrer Perroud dans ses cadres, aux conditions fixées par l'entraîneur Sundermann, et un contrat n'étant conclu que sur proposition de celui-ci; il s'engageait à céder Perroud au cours de la deuxième période de transfert à n'importe quel club pour un montant de 30'000 fr.; cette offre était valable jusqu'au 15 septembre. Perroud a toutefois refusé de reprendre l'entraînement sans engagement précis du club. Le 15 janvier 1973, Perroud a mis en demeure le F.C. Servette de le libérer jusqu'au 25 janvier, afin qu'il pût éventuellement jouer dans une équipe de Ligue nationale dès la reprise du championnat; il faisait état des exigences financières exorbitantes du club, en raison desquelles il perdait le bénéfice de douze ans de sacrifices consacrés à l'entraînement de son sport favori. Servette a répondu le 26 janvier en relevant notamment qu'aucun transfert n'était plus possible jusqu'au mois de juillet, que Perroud avait été informé à fin septembre 1971 du montant de son transfert éventuel et que l'échec des ![]() | 6 |
Pendant les deux ans qui ont suivi son licenciement, Perroud n'a pas pu jouer dans un club de Ligue nationale. Il a été entraîneur au F.C. Versoix, avec un gain de 150 fr. par mois, puis a joué au F.C. Savièse.
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B.- Perroud a assigné Servette Football Club devant le Tribunal des prud'hommes de Genève, par requête du 9 février 1973, en paiement de 36'000 fr. pour "salaire + indemnité" (perte de salaire pour la période du 1er juillet 1972 au 30 juin 1974) et de 60'000 fr. pour "perte de gain" (primes de match perdues pendant deux ans et tort moral).
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Après avoir rejeté une exception d'incompétence du défendeur, le Tribunal des prud'hommes de Genève a débouté le demandeur par jugement du 26 mars 1975.
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La Chambre d'appel des prud'hommes a annulé ce jugement par arrêt du 15 décembre 1975 et condamné le défendeur à payer au demandeur 29'000 fr., soit 24'000 fr. à titre de dommages-intérêts et 5'000 fr. à titre de réparation du tort moral.
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C.- Servette Football Club recourt en réforme au Tribunal fédéral en concluant à libération, subsidiairement à la réduction à 5'000 fr. de l'indemnité due au demandeur.
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Perroud propose le rejet du recours.
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Considérant en droit: | |
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Le demandeur objecte toutefois avec raison que l'interdiction de jouer dont il a été frappé a continué de déployer ses effets en tout cas pendant les deux ans qui ont suivi la résiliation de son contrat, soit jusqu'au 30 juin 1974. L'atteinte illicite ayant subsisté jusqu'à cette date au moins, la prescription n'a pu commencer à courir auparavant, selon la jurisprudence ![]() | 14 |
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b) La convention du 10 août 1971 déclare en outre applicable le statut du joueur non amateur, partie intégrante de la convention selon l'art. 3 de celle-ci, ainsi que les dispositions de transfert de l'ASF et de la Ligue nationale, réservées après l'abrogation de la convention (art. 5). Dans la mesure où elles concernent les rapports entre joueur et club, les dispositions ainsi désignées doivent donc être considérées comme incluses dans le contrat de travail conclu par les parties, au même titre que celles figurant dans la convention elle-même. Le demandeur, qui affirme que "ni les statuts ni les règlements ne (lui) ont jamais été remis", ne prétend pas avoir ignoré les règles sur le transfert, qui sont d'ailleurs notoires dans les milieux intéressés au football (cf. STÜCHELI, Zivilrechtliche und strafrechtliche Aspekte des Spielertransfers im bezahlten Fussballsport, thèse Berne 1975, p. 44 s.).
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5. Il est constant qu'après avoir résilié le contrat de travail pour son échéance, au 30 juin 1972, le défendeur n'a pas délivré de lettre de sortie au demandeur. Sans ce document, le joueur ne pouvait être transféré dans un autre club de Ligue nationale en vertu de l'art. 6 du règlement pour la qualification des joueurs de Ligue nationale. Selon ce même article, il ne pouvait dès lors, et pour une durée de deux ans, obtenir de qualification en Ligue nationale que pour le club défendeur, qui venait de mettre fin à son contrat. Aux termes de l'art. 3 litt. a dudit règlement, la qualification pour joueur "libre" est en effet réservée aux joueurs qui n'ont disputé aucun match officiel en Ligue nationale pendant les deux ![]() | 20 |
La prohibition de concurrence, qui limite après la fin du contrat de travail le droit du travailleur d'exercer une activité économique, est réglementée de façon stricte par les art. 340 ss CO (356 ss CO ancien, en vigueur au moment de la conclusion de la convention du 10 août 1971). L'art. 340 al. 2 subordonne sa validité à des conditions qui ne sont aucunement réalisées ici. En outre et surtout, la prohibition cesse si l'employeur résilie le contrat sans que le travailleur lui ait donné un motif justifié (art. 340c al. 2), comme c'est le cas en l'occurrence.
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En dehors de ces conditions, auxquelles il ne peut pas être dérogé au détriment du travailleur (art. 362 CO), les parties à un contrat de travail ne sauraient valablement restreindre le droit du travailleur d'exercer une activité économique après la fin du contrat. Les dispositions du règlement pour la qualification des joueurs de Ligue nationale sont donc inopposables au demandeur, dans la mesure où elles autorisaient le défendeur à refuser de lui délivrer une lettre de sortie, et partant à l'empêcher de jouer pour un autre club de Ligue nationale pendant une durée de deux ans après la fin de son contrat de travail.
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L'ensemble de ces dispositions a pour effet de remettre à la discrétion du club la décision concernant le transfert de ses joueurs dans une autre équipe. Si le club n'est pas disposé à donner l'accord écrit dont dépend ce transfert, le joueur qui entend néanmoins changer d'employeur n'a d'autre solution que de renoncer à exercer son activité sportive en Ligue nationale pendant deux ans. Aucune exception n'étant prévue en cas de résiliation du contrat par le club, le joueur peut se trouver, sans sa volonté, privé de toute possibilité de jouer pour une équipe de Ligue nationale, pendant ce laps de temps. Il est également exposé au risque de devoir accepter, pour échapper à cette période d'inactivité et obtenir sa qualification, les conditions moins favorables que pourrait lui imposer son ancien club. Celui-ci peut en outre, tout en acceptant de délivrer la lettre de sortie, fixer le montant du transfert de telle façon que les chances du joueur de changer de club soient compromises, voire supprimées. L'établissement d'une lettre de sortie en blanc, c'est-à-dire dépourvue de l'indication du nouveau club, étant prohibée (art. 7 in fine du règlement pour ![]() | 25 |
Cette réglementation - assortie de sanctions graves pour les clubs et les joueurs en cas d'infraction - restreint de manière inadmissible la liberté des "joueurs non amateurs" de football de Ligue nationale d'exercer leur activité sportive. Certes, le statut prévoit pour ces joueurs l'obligation d'"exercer une profession leur garantissant le minimum vital" (art. 2). Mais cette disposition, à supposer qu'elle soit respectée, ne saurait justifier une atteinte aussi grave portée à la liberté des joueurs de pratiquer un sport qui constitue pour eux une source de revenus à tout le moins importante. L'art. 27 al. 2 CC ne protège d'ailleurs pas seulement la liberté dans le domaine économique, il s'oppose aux atteintes excessives à la liberté personnelle en général (ATF 95 II 57). La réglementation litigieuse apparaît particulièrement choquante lorsque le contrat a été résilié par le club, sans qu'un motif de congé soit imputable au joueur. Or tel est le cas en l'espèce. L'arrêt déféré constate de manière à lier le Tribunal fédéral que le demandeur "a été remercié car le nouvel entraîneur du Servette F.C. avait changé le style de jeu de l'équipe" et qu'il "ne saurait se voir reprocher des faits précis dans son comportement de joueur". Certes, l'autorité cantonale ajoute: "cependant Perroud aurait été conservé s'il avait accepté une réduction de salaire". Mais un contrat de travail qui permet à l'employeur de congédier un travailleur tout en refusant de lui délivrer un document dont dépend l'accès à un autre emploi, et partant de lui dicter les conditions d'un nouvel engagement, restreint la liberté du travailleur d'une manière incompatible avec l'art. 27 al. 2 CC. Il ne saurait être légitimé par des avantages financiers accordés au travailleur au moment de la conclusion du contrat, ces avantages pouvant d'ailleurs être partiellement annulés par l'effet de nouvelles conditions imposées par l'employeur. La réglementation litigieuse est dès lors immorale dans la mesure où elle permet aux clubs de Ligue nationale d'empêcher à l'expiration d'un contrat un joueur d'exercer son activité sportive au service d'un autre club et de lui imposer les conditions d'un nouvel engagement.
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7. Le règlement pour la qualification des joueurs de Ligue nationale et le statut pour joueurs non amateurs ![]() | 27 |
8. Aux termes de l'art. 28 al. 2 CC, celui qui subit une atteinte illicite dans ses intérêts personnels ne peut intenter une action en dommages-intérêts que dans les cas prévus par la loi. Cette action suppose, outre l'illicéité de l'atteinte, l'existence ![]() | 28 |
a) On a vu que l'atteinte portée par le défendeur à la liberté du demandeur était illicite, tant au regard de la législation sur le contrat de travail (consid. 5) que de l'interdiction d'aliéner contractuellement sa liberté dans une mesure contraire aux moeurs (art. 27 al. 2 CC, 20 CO; consid. 6) et de la jurisprudence du Tribunal fédéral relative au boycott (consid. 7).
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b) Après avoir résilié le contrat de travail du demandeur pour le 30 juin 1972, le défendeur a refusé de lui délivrer sa lettre de sortie, bien qu'il eût été formellement mis en demeure de le faire, le 15 janvier 1973. Il savait qu'en vertu du règlement pour la qualification des joueurs de Ligue nationale, il privait ainsi le demandeur de toute possibilité d'exercer son activité sportive en Ligue nationale pendant deux ans dès la fin de la saison d'été 1972. Le défendeur a dès lors commis une faute en refusant sa lettre de sortie au demandeur. Il ne saurait se disculper en faisant valoir qu'il s'est conformé à la réglementation de la Ligue nationale, applicable aux rapports des parties en vertu de la convention du 10 août 1971, puisque cette réglementation est nulle selon l'art. 20 CO, et partant inopposable au demandeur, dans la mesure où elle autorisait le défendeur à refuser la lettre de sortie à l'expiration du contrat.
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c) Le défendeur conteste l'existence d'un lien de causalité entre sa faute et l'impossibilité dans laquelle s'est trouvé le demandeur de s'engager dans un autre club. En effet, dit-il, à aucun moment depuis le 1er juillet 1972 le demandeur n'a annoncé qu'il avait trouvé un autre club disposé à l'engager; c'est en raison de ses "prétentions jugées inacceptables par ses nouveaux employeurs potentiels" qu'il se serait trouvé sans emploi. Le défendeur n'aurait dès lors pu lui délivrer qu'une lettre de sortie en blanc, qui ne lui aurait été d'aucune utilité puisqu'elle aurait été nulle et de nul effet selon l'art. 7 du règlement pour la qualification.
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Il ressort toutefois clairement de l'arrêt déféré que l'autorité cantonale admet l'existence d'un lien de causalité naturelle - ce qui relève du fait et lie le Tribunal fédéral en instance de réforme (ATF 98 II 291 en haut) - entre le refus de la lettre ![]() | 32 |
d) Statuant ex aequo et bono, l'autorité cantonale a arrêté à 24'000 fr., soit à 1'000 fr. par mois pendant deux ans, les dommages-intérêts dus au demandeur. Elle a notamment admis que celui-ci aurait pu "au mieux vraisemblablement jouer dans une équipe de Ligue nationale B" et que, "libéré de ses occupations sportives, Perroud était à même d'exercer avec plus d'ardeur, donc de profit, son activité professionnelle". Le défendeur invoque une violation des art. 8 CC et 42 al. 2 CO, en alléguant que le demandeur n'a ni prouvé, ni même rendu vraisemblable un quelconque indice répondant aux exigences de ces dispositions.
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Etant donné que le demandeur n'a pas pu trouver de nouvel emploi dans un club de Ligue nationale à cause du refus de la lettre de sortie par le défendeur, le dommage ne saurait être remis en cause dans son principe. Vu ce refus, le demandeur n'a pas été en mesure d'entreprendre des démarches utiles auprès des clubs de Ligue nationale qui auraient pu l'engager. Il ne lui était donc pas possible d'établir quelle aurait été sa rémunération au cours des deux années qui ont suivi son licenciement. La procédure a cependant fourni aux juges assez d'éléments pour leur permettre de déterminer équitablement le montant du dommage, d'après le cours ordinaire des choses.
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Compte tenu du gain annuel moyen de 43'000 fr. réalisé par le demandeur pendant les trois ans précédant la période d'inactivité en question, l'autorité cantonale n'a en tout cas pas excédé son pouvoir d'appréciation au détriment du défendeur en allouant au demandeur, pour cette période, une perte ![]() | 35 |
L'arrêt déféré doit donc être confirmé dans la mesure où il alloue au demandeur 24'000 fr. de dommages-intérêts.
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Le demandeur objecte qu'en dépit de deux transferts dont il a fait l'objet, il n'était pas conscient des inconvénients du système; ce n'est qu'en juin 1972 que la violation de ses droits élémentaires lui est apparue, lorsque le défendeur a refusé de lui délivrer sa lettre de sortie en application des art. 5bis, 6 et 7 du règlement pour la qualification des joueurs de Ligue nationale. Cette objection est fondée. Lors de la conclusion de son contrat avec le défendeur, rien ne permettait au demandeur de prévoir les circonstances dans lesquelles ce contrat serait résilié, et de réaliser que les avantages financiers qui lui étaient alors consentis étaient liés à la renonciation à des droits inaliénables. Par ailleurs, les avantages financiers importants retirés par le demandeur durant sa carrière de joueur non amateur étaient la contrepartie justifiée de ses prestations de footballeur appartenant à l'élite nationale. Le moyen tiré de l'abus de droit doit dès lors être rejeté.
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