BGE 102 II 427 | |||
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62. Arrêt de la Ire Cour civile du 7 décembre 1976 dans la cause Schmidt-Agence S.A. et consorts contre Société coopérative d'achat et de distribution des négociants en tabacs et journaux | |
Regeste |
Kartellgesetz. |
Massnahme, die darauf abzielt, eine im Gesamtinteresse erwünschte Struktur des Verkaufs von Zeitungen und Zeitschriften zu fördern (Art. 5 Abs. 2 lit. c KG; E. 5). | |
Sachverhalt | |
Par exploit du 6 avril 1965, la Société coopérative d'achat et de distribution des négociants en tabacs et journaux (ci-après: la Coopérative) a assigné devant la Cour de justice de Genève la Librairie Hachette S.A., à Paris (Hachette), les Nouvelles Messageries de la presse parisienne, à Paris (les Nouvelles Messageries), Naville et Cie S.A., à Genève (Naville), et Schmidt-Agence S.A., à Bâle (Schmidt). Elle demandait à la Cour de déclarer illicites les entraves à la concurrence exercées contre elle par les défenderesses, d'ordonner la cessation de ces entraves, d'ordonner aux deux premières défenderesses de lui livrer, aux mêmes conditions qu'aux autres agences, tous les périodiques et journaux français dont elles assument la distribution en Suisse et de condamner les défenderesses à des dommages-intérêts et à réparation du tort moral. Elle exposait à l'appui de ses conclusions que les agences suisses de journaux, au nombre de quatre, dont Naville et Schmidt, ont conclu le 28 janvier 1959 un "arrangement général" destiné à éviter la concurrence et par lequel elles se sont partagé le marché suisse; le 28 mars 1961, des détaillants en journaux qui n'étaient plus liés à Naville ou entendaient s'en séparer ont créé la Coopérative demanderesse, dans le but de lui assurer la livraison directe de journaux et périodiques français; Hachette et les Nouvelles Messageries, qui assument la distribution exclusive en Suisse de ces journaux et périodiques, ont refusé d'approvisionner la Coopérative en invoquant un accord d'exclusivité conclu avec les quatre agences suisses de journaux. La demanderesse faisait valoir en droit que l'accord d'exclusivité liant ces agences à leur fournisseur français, joint à l'arrangement de 1959, constitue un cartel vertical doublé d'un cartel horizontal, tous deux illicites au regard de la loi fédérale du 20 décembre 1962 sur les cartels et organisations analogues (LCart).
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Hachette et les Nouvelles Messageries ont décliné la compétence des tribunaux suisses. Le Tribunal fédéral a admis le déclinatoire par arrêt du 21 mars 1967 (ATF 93 II 192 ss) et déclaré les tribunaux du for de Genève incompétents pour connaître de l'action, en tant qu'elle était dirigée contre Hachette et les Nouvelles Messageries. Le procès s'est poursuivi entre la demanderesse et les deux autres défenderesses.
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Le 1er novembre 1965, la Coopérative a également ouvert devant la Cour de justice de Genève une action fondée sur les mêmes faits contre Librairie-Commission S.A., à Genève, devenue ultérieurement Presse-Import S.A., à Fribourg (PISA), qui a pour mandat de surveiller la vente des produits Hachette en Suisse, établissant notamment les factures destinées aux agences suisses.
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Parallèlement à ces actions civiles, la Coopérative a saisi en été 1964 le Département fédéral de l'économie publique, en lui demandant d'inviter la Commission des cartels à procéder à une enquête sur la situation du marché dans le domaine de la distribution des journaux et périodiques en Suisse. A la suite d'une enquête fondée sur l'art. 18 al. 1 LCart, cette Commission a déposé le 7 juillet 1971 un rapport sur les conditions de concurrence en matière de distribution des journaux et périodiques (Publications de la Commission suisse des cartels 1971, p. 159 ss).
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Par arrêt du 17 mai 1974, la Cour de justice de Genève a ordonné la jonction des causes Naville et Schmidt d'une part, PISA d'autre part.
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Dans ses conclusions finales, la demanderesse a invité la Cour, notamment, à déclarer illicites les ententes cartellaires conclues par les défenderesses tant entre elles qu'avec les Nouvelles Messageries et Hachette, ainsi que les entraves à la concurrence exercées contre elle par les défenderesses; ordonner à PISA de ravitailler immédiatement la demanderesse aux mêmes prix et conditions que les autres distributeurs suisses et aux défenderesses de transmettre à Hachette et aux Nouvelles Messageries les commandes en journaux et périodiques français de la demanderesse et de faire en sorte que celle-ci "soit ravitaillée aux mêmes conditions, dans les mêmes délais et au même prix que les autres distributeurs suisses des mêmes articles"; condamner les défenderesses à payer à la demanderesse diverses sommes à titre de dommages-intérêts et de réparation du tort moral pour le boycott exercé contre elle; ordonner la publication de l'arrêt.
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Statuant le 14 mars 1975, la Cour de justice de Genève a constaté l'illicéité des mesures prises par les défenderesses contre la demanderesse, l'empêchant d'avoir en Suisse romande une activité de grossiste dans le marché des journaux, périodiques et livres à grand tirage de langue française; ordonné la cessation immédiate de ces mesures; condamné Naville et en tant que de besoin PISA à transmettre immédiatement, comme les leurs, toutes les commandes de tels imprimés émanant de la demanderesse aux éditeurs de France, à Hachette et aux Nouvelles Messageries et à en assurer l'exécution afin de permettre à la demanderesse d'obtenir ces imprimés aux conditions, délais et prix des distributeurs suisses; condamné d'une part Naville, PISA et Schmidt à payer solidairement à la demanderesse 126'000 fr. avec intérêt a 5% dès le jour du jugement, d'autre part Naville et PISA à verser solidairement à la demanderesse 174'000 fr. avec intérêt de 5% dès la même date.
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Ce jugement ne renferme pas d'état de fait; la Cour de justice déclare se référer à celui de son arrêt incident du 17 mai 1974.
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Naville et Cie S.A. et Presse-Import S.A. recourent en réforme au Tribunal fédéral contre les arrêts du 17 mai 1974 et du 14 mars 1975. Elles concluent à l'annulation de ces deux jugements et au déboutement de la demanderesse, subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle procède à des mesures probatoires.
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Par acte séparé, Schmidt-Agence S.A. recourt également en réforme au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 14 mars 1975. Elle conclut à la réformation de ce jugement "dans la mesure où la recourante y a un intérêt", et au déboutement de la demanderesse de toutes ses conclusions envers elle.
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La demanderesse propose la confirmation des deux arrêts du 17 mai 1974 et du 14 mars 1975.
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Les défenderesses ont également formé deux recours de droit public pour violation de l'art. 4 Cst. que la cour de céans a rejetés en tant qu'ils étaient recevables, par arrêt du 27 avril 1976.
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Considérant en droit: | |
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b) Il ressort des conclusions de la demande et de leur motivation que le marché en cause, au sens des art. 2 et 3 LCart, est celui des "journaux et périodiques français" fournis par Hachette et les Nouvelles Messageries. La Cour de justice a donc méconnu l'objet du procès en définissant le marché comme "celui des "imprimés" ou "titres" concernant les journaux, périodiques et livres à grand tirage, principalement en langue française" et en déterminant en conséquence, dans le dispositif de son arrêt du 14 mars 1975, l'activité de grossiste que la demanderesse a été empêchée d'exercer. Cette définition étend indûment le marché litigieux aux livres à grand tirage et aux journaux et périodiques autres que ceux fournis par Hachette et les Nouvelles Messageries.
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Au point de vue territorial, les entraves à l'exercice de la concurrence dont se plaint la demanderesse concernent uniquement le marché des journaux et périodiques en question en Suisse romande, soit dans la zone d'influence réservée à Naville par l'arrangement de 1959.
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c) La demanderesse fonde ses conclusions sur les art. 2 à 6 LCart exclusivement. Cette loi ne s'appliquant qu'aux faits postérieurs au 15 février 1964 (ATF 90 II 505), le Tribunal fédéral n'a pas à juger des entraves à l'exercice de la concurrence que la demanderesse a pu subir avant cette date. L'arrêt déféré constate d'ailleurs que "c'est seulement à dater du 15 février 1964 que la demanderesse réclame réparation de son préjudice", et il fixe en conséquence à 133 mois (février 1964 à mars 1975) la "période du boycott" déterminante pour le calcul du dommage. La demanderesse n'élève aucune critique à cet égard.
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d) Il convient encore de distinguer, à l'intérieur de cette période, avant et après 1968. Deux événements, de nature à influer sur la solution du litige, se sont en effet produits cette année: d'une part, la cession par Hachette à Naville Holding S.A. (actuellement Financière de Presse S.A.) des actions de Librairie-Commission S.A. (devenue PISA), contre une participation de 11,07% de Hachette au capital de la société holding. D'autre part, la cession par Schmidt à Naville de ses 150 points de vente en Suisse romande. Du fait de cette cession, relève la Cour de justice, "les conclusions de la demanderesse en cessation de l'entrave apportée par Schmidt n'ont plus d'objet, elle le reconnaît"; quant aux autres conclusions, seule la période de 1964 à 1968 entre en considération pour cette défenderesse.
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2. A propos des conclusions 3 de la demanderesse, l'arrêt déféré considère en substance qu'il n'est pas contesté qu'il y ait cartel horizontal entre les quatre agences suisses de journaux - dont Naville et Schmidt -, celles-ci étant liées par des accords très stricts; depuis le rachat du "marché romand" de Schmidt, Naville Holding exerce un vrai monopole des imprimés de langue française en Suisse romande. Sur le plan vertical, l'existence d'un véritable cartel n'est pas démontrée à satisfaction de droit, mais il y a "organisation analogue" au sens de l'art. 3 LCart: "en premier lieu la trame tissée par Naville avec l'étranger est impressionnante autant qu'efficace grâce à son rôle prépondérant dans la holding qui porte son nom et qui lie notamment Hachette et PISA"; "en second lieu, l'organisation verticale de Naville descend aux détaillants par ses contrats d'exclusivité avec 1200 d'entre eux en Suisse romande". Pour la Cour de justice, "on peut en définitive souscrire à la thèse de la Coopérative ... selon laquelle "l'efficacité du cartel horizontal présuppose des accords d'exclusivité, notamment avec les maisons Hachette et NMPP'". Il ne fait aucun doute, estime l'autorité cantonale, qu'il y a eu "entrave" au sens de l'art. 4 LCart pour la demanderesse, qui a fait l'objet d'un boycott au sens de la définition courante. Quant au rapport de causalité entre l'organisation en cause et le refus des éditeurs français de ravitailler la demanderesse, l'arrêt déféré admet que "la puissance de l'organisme Naville et la durée même de ses relations avec les éditeurs ne pouvaient qu'influer sérieusement sur leur liberté de décision ... La tradition qui s'était instaurée dans leurs relations avec le consortium Naville et le cartel des agences empêchait qu'ils répondent favorablement à l'outsider qu'était la demanderesse." Vu l'"effet massif du boycott dont (la demanderesse) est l'objet depuis plus de 13 ans", conclut la Cour de justice, les obstacles mis à sa liberté économique par les défenderesses sont illicites au regard de l'art. 4 LCart.
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Les défenderesses se plaignent d'une violation des art. 8 CC et 2 à 5 LCart. Elles reprochent à la Cour de justice d'avoir renversé le fardeau de la preuve et refusé d'administrer les preuves offertes à l'appui de divers faits allégués à l'encontre de la thèse soutenue par la demanderesse. Naville et PISA contestent notamment l'existence d'une organisation analogue au sens de l'art. 3 LCart. Schmidt soutient qu'elle n'a jamais boycotté la demanderesse, "qui ne lui a jamais demandé livraison comme sous-agence ou avec un contrat spécial à définir".
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Les défenderesses nient l'existence d'un tel accord et contestent leur participation au refus de Hachette et des Nouvelles Messageries de ravitailler la demanderesse. Ce refus s'explique selon elles par la volonté unilatérale des éditeurs, qui restent propriétaires de la marchandise et assument donc le risque des invendus, de ne traiter qu'avec des distributeurs auxquels ils font entièrement confiance pour la mise en oeuvre d'un système de diffusion aussi rationnel que possible.
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a) Il appartient à la demanderesse, qui se prévaut de l'existence d'un cartel ou d'une organisation analogue et de l'illicéité des mesures prises à son encontre, d'établir que les conditions d'application des art. 2 à 4 LCart sont remplies (art. 8 CC; ATF 90 II 513 ss consid. 9).
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L'existence d'une organisation analogue à un cartel, au sens de l'art. 3 litt. b LCart, n'implique pas un lien contractuel entre les entreprises intéressées. Il suffit qu'elles "accordent tacitement leur comportement", si elles arrivent par là à dominer le marché en cause ou à l'influencer de manière déterminante (ATF 90 II 509). Mais cet accord ne peut pas être déduit de la seule concordance des attitudes; l'"organisation" analogue à un cartel suppose une action concertée, une communauté d'intentions qui ne soit pas simplement dictée par des réactions découlant normalement des particularités du marché considéré (SCHÜRMANN, Bundesgesetz über Kartelle und ähnliche Organisationen, p. 56; KUMMER, Der Begriff des Kartells, Abhandlungen zum schweizerischen Recht, vol. 372, p. 27 ss).
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b) L'arrangement par lequel les agences suisses de journaux se sont partagé le marché en 1959 ne permet pas de conclure à l'existence de l'accord vertical d'exclusivité litigieux. Cette convention de cartel horizontale, incontestée, régit les rapports des grossistes entre eux et avec les détaillants, et non pas les relations entre grossistes et éditeurs. Elle ne dispense nullement la demanderesse d'établir la réalité des relations d'exclusivité, dont elle déduit ses prétentions, entre les parties à l'arrangement de 1959 et les fournisseurs français. Contrairement à ce qu'admet la Cour de justice, la convention cartellaire horizontale des agences suisses ne forme pas un seul complexe juridique avec la prétendue "organisation analogue" entre celles-ci et Hachette et les Nouvelles Messageries. Elle peut très bien n'être qu'un moyen des grossistes suisses de répondre à une exigence unilatérale des éditeurs. Il y a lieu de relever à cet égard que Hachette n'a qu'un distributeur en Belgique, en Allemagne et en Italie, ce qui donne à penser que cette maison entend traiter avec un seul distributeur par pays. Il en allait vraisemblablement de même jusqu'en 1968 en Suisse, où Librairie-Commission S.A., devenue par la suite PISA, était l'instrument de Hachette.
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c) La "trame tissée par Naville avec l'étranger", la puissance de cette société, la durée de ses relations avec les éditeurs français et la tradition qui s'était instaurée dans les relations entre ceux-ci et le cartel des agences suisses, éléments que retient la Cour de justice pour admettre l'existence d'un rapport de causalité entre l'entrave incriminée et l'"organisation analogue" alléguée en demande, ne suffisent pas à établir que les conditions de l'art. 3 litt. b LCart sont remplies. L'arrêt déféré constate en effet que "ce sont bien ces éditeurs à qui le produit est commandé qui l'ont refusé à la demanderesse". Or, dans la mesure où ils l'ont fait de leur propre initiative et pour défendre leurs propres intérêts, indépendamment des voeux et des intérêts des agences suisses, il n'y a pas entre leur attitude et celle des défenderesses d'accord tacite de comportement au sens de l'art. 3 litt. b LCart (ATF 90 II 509 s.). Les circonstances invoquées par l'arrêt déféré ne constituent, à l'instar d'autres qualités telles que le sérieux en affaires, la solvabilité, l'appareil technique et commercial, que des arguments d'ordre économique de nature à influencer la décision de l'éditeur, qui ressortit à la liberté de contracter, et à le convaincre de s'en tenir à ses distributeurs traditionnels plutôt que de courir un risque en désorganisant le système de vente en place. Elles ne sauraient être considérées comme des preuves, ni même des indices de l'appartenance des défenderesses à une organisation analogue à un cartel, sur le plan vertical.
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En considérant que la puissance de Naville ne pouvait "qu'influer sérieusement" sur la liberté de décision des éditeurs français, la Cour de justice méconnaît la portée du marché dominé par cette défenderesse. Ce marché concerne les rapports entre grossistes et détaillants, réglés par l'arrangement de 1959 entre les agences suisses de journaux. Rien n'indique que, dans les rapports entre fournisseurs et grossistes, la position de Naville impose à Hachette et aux Nouvelles Messageries le choix de leur distributeur en Suisse romande. Même si l'importance du système de distribution joue un rôle, ce choix relève du pouvoir de décision de l'éditeur. Il est normal que celui-ci, qui supporte la charge des invendus, préfère recourir aux services d'une agence qui a fait ses preuves et offre de solides garanties commerciales, plutôt qu'à un nouveau venu dont la clientèle est incertaine. Une telle décision n'implique pas à elle seule l'existence d'un accord avec le distributeur, visant à dominer le marché des journaux et périodiques en question.
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La Cour de justice déduit en outre l'"influence de Naville" de l'intervention de celle-ci auprès des Nouvelles Messageries, en 1961, afin de faire cesser le ravitaillement clandestin d'un détaillant suisse en France, ravitaillement découvert grâce à la mise en oeuvre d'un détective et interrompu à fin novembre 1961. Mais cet épisode, d'ailleurs antérieur à l'entrée en vigueur de la loi sur les cartels, ne saurait suffire à établir l'existence d'une entente cartellaire entre Naville et les Nouvelles Messageries, ni à plus forte raison Hachette. Il ne suppose pas nécessairement que la première ait inspiré à l'origine aux éditeurs français la décision de ne pas ravitailler la demanderesse.
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d) Les arguments de l'arrêt déféré relatifs au "double rôle" commercial de Naville, à la fois grossiste et détaillante, et aux conditions des contrats qu'elle a imposés à ses dépositaires lors de la mise en place du cartel de 1959 sont sans pertinence pour juger s'il existe entre cette défenderesse et ses fournisseurs français une organisation analogue à un cartel. Ces considérations concernent les rapports entre grossistes et détaillants et sortent du cadre de ce procès, qui vise les relations d'éditeurs à grossistes. Si la situation des détaillants qui résulte de la position de Naville en Suisse romande et de l'arrangement intervenu entre les agences suisses de journaux peut expliquer la fondation de la Coopérative demanderesse, elle ne prouve nullement que le refus auquel celle-ci s'est heurtée de la part des éditeurs français soit en rapport de causalité avec un accord entre ces éditeurs et les défenderesses.
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e) La Cour de justice relève encore que "nombreux sont les éditeurs qui opposèrent à la demande de livraison, formulée par la Coopérative, l'"exclusivité" qui les lie à Naville ..., tandis que d'autres invoquent des accords ou des engagements". Elle donne dans son arrêt du 17 mai 1974 une liste, par ordre chronologique, de la correspondance échangée à cet égard. Les refus qui ressortent de cette correspondance sont toutefois sans pertinence, dans la mesure où ils concernent des requêtes émanant non pas de la demanderesse, mais de détaillants ou de la section genevoise de l'Union suisse des négociants en cigares, et où ils se rapportent à des journaux et périodiques autres que ceux diffusés par Hachette et les Nouvelles Messageries, qui seuls font l'objet du présent procès (cf. consid. 2 b ci-dessus). Pour le surplus, ils établissent la difficulté pour la demanderesse d'obtenir les journaux et périodiques en cause, c'est-à-dire l'entrave à l'exercice de la concurrence dont elle est victime, mais non pas que cette entrave serait imputable aux défenderesses. Selon les constatations de la Cour de justice, le refus auquel s'est heurtée la demanderesse est le fait des éditeurs français, et non pas des agences suisses. La demanderesse ne prétend d'ailleurs pas s'être adressée à ces agences pour obtenir lesdits journaux et périodiques. Elle entend au contraire être approvisionnée directement par les éditeurs et sans passer par l'intermédiaire de Naville, qui est sa concurrente.
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Dans le cadre du présent litige, il n'y a en définitive lieu de retenir, de la correspondance citée par l'arrêt du 17 mai 1974, que la déclaration des Nouvelles Messageries, selon laquelle Naville est leur "mandataire en Suisse" et "répond des conditions dans lesquelles la distribution et la vente sont effectuées" et le refus de Hachette, déclarant qu'elle ne voulait pas "multiplier de façon déraisonnable le nombre des points de vente" et que le "statu quo actuel est conforme aux intérêts des éditeurs, des distributeurs, des dépositaires ainsi que du public en général". Or ces déclarations ne permettent nullement d'admettre que l'exclusivité dont bénéficie Naville résulterait d'un accord entre elle et Hachette, et non pas simplement d'une décision unilatérale de l'éditeur, dictée par le souci de ne confier la distribution de ses produits qu'à une entreprise lui offrant les meilleures garanties commerciales. La référence expresse aux "intérêts des éditeurs" paraît plutôt s'opposer à la thèse de la demanderesse.
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f) Se référant à une lettre du 21 janvier 1966 de la Commission des cartels au conseil de la demanderesse, la Cour de justice relève que cette commission "pense qu'il est "impossible à un dissident d'être fourni en journaux étrangers (français) étant donné que les sociétés étrangères ... de distribution (NMPP, Hachette, etc.) sont liées par des accords d'exclusivité ou cartels'". Il s'agit là, comme l'indique le terme "pense", d'une opinion de la Commission des cartels et non pas d'une constatation de fait de l'autorité cantonale, qui lierait le Tribunal fédéral en instance de réforme. Dans la lettre en question, antérieure au début de son enquête, la Commission des cartels n'indique d'ailleurs pas d'autres circonstances à l'appui de ces "accords d'exclusivité" que "le cas de la "Coopérative" qui, boycottée par le cartel, a cherché vainement à s'approvisionner chez des commerçants étrangers". Quant au rapport du 7 juillet 1971, auquel se réfère le même passage de l'arrêt attaqué, il constate seulement "que les organes français de presse ... sont importés presque exclusivement par la maison Naville, et qu'elle les distribue à tous les points de vente situés dans sa zone d'influence", exerçant ainsi dans cette zone "le contrôle effectif de la distribution exclusive des journaux français".
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4. a) Les circonstances relevées par l'arrêt déféré ne permettent donc pas d'admettre que le boycott dont se plaint la demanderesse résulte d'un accord tacite de comportement au sens de l'art. 3 litt. b LCart entre Hachette et les Nouvelles Messageries d'une part, qui refusent de livrer les journaux et périodiques qu'elles diffusent, et les défenderesses Naville et Schmidt d'autre part. La position occupée par Naville en Suisse romande en vertu de l'arrangement de 1959 et la tradition de ses relations commerciales avec Hachette, en particulier, n'emportent pas la preuve que cette défenderesse ait exercé sur la décision de l'éditeur français une influence sortant du cadre de ce que l'on peut attendre du jeu de la libre concurrence, eu égard aux particularités du marché des journaux et périodiques. La thèse des défenderesses en revanche, selon laquelle le refus des fournisseurs français serait dû non pas à une intervention des agences suisses, mais à la volonté de l'éditeur de ne pas augmenter le nombre des points de vente, afin d'"éviter la multiplication des invendus, qui sont l'un des soucis majeurs de tous les éditeurs", trouve appui dans la position adoptée par le Département étranger Hachette, notamment dans une lettre du 12 juin 1963, en réponse à la demande d'approvisionnement de la Coopérative. Cette lettre fait état des raisons, déjà exposées en 1960, "pour lesquelles le monde de l'édition, en général, ne désire pas agrandir le nombre de ses correspondants à l'étranger", et a pour but de "réaliser le chiffre de vente maximum tout en réduisant autant qu'il est possible la proportion des exemplaires invendus, élément important du prix de revient", et, pour cela, "de ne pas multiplier de façon déraisonable le nombre des postes de vente, au risque de voir s'élever dangereusement le coefficient d'invendus". Le rapport de la Commission des cartels constate dans le même sens (op.cit., p. 184): "A réitérées reprises, les éditeurs ont fait observer que le journal représente une marchandise donnée en commission; autrement dit, le risque de vente de ce produit incombe a l'éditeur. Par conséquent, le groupement optimum des points de vente l'intéresse au plus haut point ... Les éditeurs en ont conclu ... qu'il est préférable de confier presque exclusivement leur marchandise en commission aux quatre agences pilotes et de renoncer aux services d'autres partenaires commerciaux, bien que la possibilité de livrer directement soit tout à fait réalisable, en soi."
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La Cour de justice a méconnu l'art. 3 litt. b LCart en admettant, sur la base des faits retenus dans son arrêt du 17 mai 1974, que les entraves à la concurrence dont se plaint la demanderesse ont été prises par une organisation analogue à un cartel au sens de cette disposition, existant entre Hachette et les Nouvelles Messageries d'une part, les défenderesses Naville et Schmidt d'autre part. La demanderesse, à qui incombait le fardeau de la preuve, n'a pas établi l'existence d'une telle organisation. En ce qui concerne Schmidt, elle n'a d'ailleurs même pas allégué que cette défenderesse aurait contribué, autrement que par sa participation à l'arrangement de 1959, au boycott incriminé.
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b) La demanderesse invoque en outre l'art. 3 litt. c LCart en faisant état de la participation de 11,07% de Hachette dans Naville Holding S.A. et en affirmant que "la position dominante de Naville résulte du fait que sa partenaire française, Hachette, qui est son actionnaire, lui assure l'exclusivité de sa distribution qu'elle exerce de son côté soit directement, soit par son influence dans NMPP de façon quasi monopolistique". Mais cette argumentation ne tient pas compte du fait que seule Naville et C;e S.A. est partie au procès. La société holding Naville, qui contrôle plusieurs sociétés dans le domaine de la diffusion des livres, journaux et périodiques, dont les défenderesses Naville et PISA, n'a jamais été prise à partie et n'a donc pas eu l'occasion de se défendre. Au surplus, la participation de 11,07% de Hachette au capital de la société holding ne permet pas, à elle seule, d'imputer aux défenderesses que celle-ci contrôle le refus de l'éditeur de ravitailler la demanderesse.
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La situation de la défenderesse PISA se présente en revanche différemment pour la période où elle appartenait à Hachette, soit jusqu'en 1968, année où celle-ci en a cédé les actions à Naville Holding S.A. Jusqu'alors, elle était l'instrument de l'éditeur français dont elle suivait les décisions. C'est donc à tort que la Cour de justice s'est bornée à appliquer sans autre à cette défenderesse les considérations développées à propos de Naville, en omettant de distinguer la période à partir de laquelle PISA a été incorporée au groupe Naville de celle où elle dépendait de Hachette. Or cette distinction s'impose pour juger de la participation de PISA à un cartel ou à une organisation analogue avec Hachette et les Nouvelles Messageries. L'autorité cantonale ne l'ayant pas faite, il conviendrait de lui renvoyer la cause pour qu'elle examine si la demanderesse a satisfait, selon les règles de la procédure cantonale, à son obligation d'alléguer les faits et de proposer les preuves nécessaires à l'appui de ses conclusions contre Librairie-Commission S.A., devenue Presse-Import S.A., pour la période du 15 février 1964 à une date en 1968 qu'il y aurait lieu de préciser.
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On peut toutefois se dispenser de ce renvoi si les entraves à la concurrence dont se plaint la demanderesse sont licites au regard de l'art. 5 LCart, comme le soutiennent les défenderesses, les conclusions de la demande étant alors de toute façon privées de fondement, aussi bien contre PISA que contre Naville et Schmidt, et cela pour toute la période considérée.
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5. Selon l'art. 5 al. 1 LCart, les entraves à la concurrence sont licites lorsqu'elles sont justifiées par des intérêts légitimes prépondérants et ne restreignent pas la libre concurrence de manière excessive par rapport au but visé ou du fait de leur nature ou de la façon dont elles sont appliquées. L'art. 5 al. 2 litt. a à e indique des exemples de mesures qui peuvent être justifiées par des intérêts légitimes prépondérants. Il appartient aux auteurs des entraves incriminées d'établir l'existence de circonstances exceptionnelles au sens de l'art. 5 (ATF 91 II 490).
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a) En l'espèce, les défenderesses se prévalent de l'art. 5 al. 2 litt. c LCart. Elles soutiennent que "la volonté des éditeurs français de limiter le nombre des distributeurs suisses est d'autant plus légitime qu'elle vise à promouvoir dans la vente des journaux et périodiques concernés une structure souhaitable dans l'intérêt général".
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La Cour de justice admet avec la Commission des cartels que l'organisation actuelle de distribution des imprimés de langue française en Suisse romande est l'aboutissement de techniques raisonnables et a promu une structure souhaitable dans l'intérêt général. Elle considère toutefois que ces circonstances ne sont pas décisives et reproche aux défenderesses de n'avoir pas "fourni de faits précis dont il résulterait que ces éléments positifs de leur cartellisation étaient "prépondérants" par rapport à la grande nuisance que celle-ci occasionnait à la demanderesse". Les défenderesses, relève l'arrêt attaqué, ont d'emblée refusé l'idée d'une autre mesure que le boycott et s'en sont tenues sans plus à leurs "avantages concurrentiels importants, face aux propriétaires de kiosques indépendants".
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b) La Commission des cartels admet dans son rapport qu'à l'échelon du commerce de gros, la collaboration instituée par la convention générale entre les agences s'est traduite par une rationalisation et une amélioration importante de l'appareil de distribution. Quant au commerce de détail, la limitation de la concurrence devrait avoir pour effet de supprimer des frais superflus, sans aucune justification économique. Selon la Commission, l'économie publique et la politique nationale tirent avantage et profitent à coup sûr du fait que sont coordonnées l'expédition et la livraison des journaux et périodiques aux différents points de vente; en effet, le maintien d'une presse politique et d'opinion suffisamment diversifiée suppose que celle-ci soit distribuée aussi rapidement que possible. A propos des structures, que la convention générale contribue à maintenir, le rapport considère qu'elles "sont rationnelles en soi et qu'elles fonctionnent bien". Examinant la situation particulière de la Suisse romande, la Commission des cartels constate que Naville occupe une position prédominante sur le marché de gros des journaux, des périodiques et des livres, position dont elle a indubitablement la possibilité d'abuser; l'enquête n'a toutefois relevé aucun indice concluant qui permettrait d'affirmer qu'elle tire un profit abusif de cette position de force.
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Sur le vu de ces considérations, auxquelles se rallie l'autorité cantonale, et compte tenu de l'intérêt public à une diffusion rapide et rationnelle de la presse écrite, il y a lieu d'admettre que l'exclusivité dont les agences suisses de journaux jouissent dans leur réseau de distribution, et notamment celle de Naville en Suisse romande pour la diffusion des journaux et périodiques fournis par Hachette et les Nouvelles Messageries, vise à promouvoir une structure souhaitable dans l'intérêt général.
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c) La Cour de justice considère toutefois que les intérêts poursuivis par les défenderesses ne peuvent être tenus pour prépondérants et que l'entrave apportée à l'exercice de la concurrence est excessive par rapport au but recherché.
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Pour juger de ces questions, il faut mettre en balance les intérêts qui s'affrontent et rechercher si les mesures incriminées respectent le principe de la proportionnalité, compte tenu des circonstances du cas particulier (ATF 99 II 235 s. consid. 3, 98 II 376).
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En l'espèce, l'intérêt de la Coopérative demanderesse, fondée par des détaillants qui n'étaient pas d'accord de signer le nouveau contrat proposé par Naville, consiste à pouvoir fournir à ses membres et à ses clients les journaux et périodiques diffusés par Hachette et les Nouvelles Messageries, afin de les soustraire à la dépendance des défenderesses et plus spécialement de Naville, seul grossiste en Suisse romande pour ces produits. Du fait du refus opposé par les éditeurs en général et par Hachette en particulier, la Coopérative a dû limiter son activité, selon le rapport de la Commission des cartels, à la distribution de "certains articles de kiosque tels que tabacs et confiseries, cartes de géographie, romans-magazines, articles de papeterie, accessoires pour photographies, etc.", et de quelques périodiques.
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A cet intérêt s'oppose celui des éditeurs, qui restent propriétaires des journaux qu'ils diffusent et supportent par conséquent le risque des invendus, à une distribution rationnelle et rapide de leurs publications, condition qu'ils estiment garantie de façon optimale par le système actuellement en vigueur. A cet égard, on ne saurait suivre la Cour de justice lorsqu'elle considère que "le problème de la prolifération des invendus manque de pertinence". De par sa nature, un journal quotidien ou un hebdomadaire est un produit "périssable" qui se déprécie pratiquement en vingt-quatre heures, respectivement en sept jours, c'est-à-dire dès la parution du prochain numéro. L'intérêt de l'éditeur à une diffusion rapide est donc évident. D'autre part, la proportion des exemplaires invendus par rapport aux exemplaires vendus constitue un facteur essentiel au point de vue de la rentabilité. L'éditeur est donc fondé à viser le maintien d'un système de distribution qui réduit au maximum le risque de mévente de sa marchandise.
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La Cour de justice fait valoir à tort qu'"un cartel d'entreprises n'est jamais d'utilité publique". L'art. 5 LCart ne postule nullement l'existence d'un intérêt public. Outre l'intérêt général - qui est compris dans la notion d'"intérêts légitimes" -, et pourvu qu'ils ne lui soient pas opposés, des intérêts particuliers peuvent déjà suffire à l'application de cette disposition (ATF 98 II 377). Mais en l'espèce, on l'a vu, les mesures litigieuses visent à promouvoir une structure souhaitable dans l'intérêt général.
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La Cour de justice considère que, vu "la pénétration, dans presque tous les foyers et lieux de rassemblement public, des émissions" de radio et télévision, "l'intérêt général ne commande plus que la presse assure avec la même urgence qu'autrefois la diffusion des nouvelles ... Ainsi, une diffusion très rapide, comme les défenderesses prétendent l'assurer à elles seules, n'est plus un élément de l'intérêt général envisagé par la LCart". Cette argumentation méconnaît totalement d'une part les difficultés notoires de la presse écrite, dues notamment à la concurrence de la radio et de la télévision, d'autre part et surtout l'intérêt général de l'ensemble de la population au maintien d'une presse diversifiée, ce qui suppose une diffusion rapide des informations et des opinions non seulement par les moyens audio-visuels, mais aussi par l'imprimé. Ainsi que le relève la Commission des cartels, l'économie et la politique du pays profitent à coup sûr de la coordination efficace de l'expédition et de la livraison des journaux et périodiques aux différents points de vente. Il est donc dans l'intérêt général de sauvegarder cette coordination. Or, dans ses considérations sur les conséquences possibles de l'annulation totale ou partielle de la convention de 1959, considérations fondées notamment sur une comparaison avec la situation qui avait précédé la conclusion de la première convention en 1954, la Commission des cartels admet qu'avec un régime de libre concurrence dans le secteur du commerce de gros, toute collaboration en matière de distribution des organes de presse serait presque inconcevable.
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Il y a dès lors lieu d'admettre que, dans la mesure où il serait imputable aux défenderesses, soit à PISA pour la période de 1964 à 1968, le refus de livrer des journaux et périodiques opposé à la demanderesse par Hachette et les Nouvelles Messageries ne restreindrait pas la libre concurrence de manière excessive par rapport au but visé, ni du fait de sa nature ou de la façon dont il est appliqué.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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1. Admet les recours et annule le jugement rendu le 14 mars 1975 par la Cour de justice du canton de Genève.
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