BGE 106 II 311 | |||
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60. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 19 décembre 1980 dans la cause hoirs Robyr et Fontannaz contre Conseil d'Etat du canton de Vaud (recours de droit public) | |
Regeste |
Art. 4 BV; Art. 704 ZGB. | |
Sachverhalt | |
A.- Pierre Robyr a exploité, jusqu'en 1972, une gravière sur des parcelles dont il était propriétaire dans la commune de Noville. Jean-Pierre Fontannaz en a fait de même, jusqu'en 1969 ou 1970, sur un terrain lui appartenant à Noville également. L'extraction des graviers a provoqué, dans les deux cas, la formation d'un étang par l'apparition à la surface de l'eau provenant de la nappe phréatique. Par la suite, Pierre Robyr et Jean-Pierre Fontannaz ont empoissonné les étangs ainsi formés, soit, respectivement, les étangs de la Mure et de la Praille.
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Le 20 février 1979, au terme d'un échange de correspondance, le Conservateur de la faune a confirmé aux hoirs de Pierre Robyr qu'il considérait l'étang de la Mure comme une eau publique soumise au droit de pêche de l'Etat de Vaud. Les dispositions sur l'exercice de la pêche en 1979, datées du 20 février 1979 et publiées dans la Feuille des avis officiels du canton de Vaud, déclarent la pêche ouverte, entre autres, dans les étangs de la Mure et de la Praille.
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B.- Les hoirs Robyr et Jean-Pierre Fontannaz ont recouru au Conseil d'Etat, qui, le 16 janvier 1980, a rejeté les deux recours. Cette décision est motivée, en substance, comme il suit:
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Les étangs de la Mure et de la Praille ne sont soumis au droit de pêche de l'Etat que s'ils font partie du domaine public. Or, ils sont alimentés par la nappe phréatique de la plaine du Rhône, laquelle appartient au domaine public tant en vertu du droit fédéral que du droit cantonal. Certes, le caractère public d'une eau souterraine n'empêche pas les sources qu'elle alimente d'être propriété privée. Mais, selon la jurisprudence fédérale récente et la doctrine, la propriété privée de sources alimentées par des eaux souterraines publiques est limitée aux cas où l'eau jaillit naturellement sur le fonds du propriétaire. Il n'en est pas ainsi en l'espèce: il n'y a pas eu émergence naturelle, dès lors que ce sont les fouilles effectuées par Robyr et Fontannaz qui ont mis la nappe d'eau au jour; sans l'exploitation des gravières, l'eau serait restée enfouie dans le sol.
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C.- Les hoirs Robyr, d'une part, et Jean-Pierre Fontannaz, d'autre part, ont recouru au Tribunal fédéral par la voie du recours en réforme et du recours de droit public.
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Le recours en réforme a été déclaré irrecevable, par le motif que la question de savoir si les étangs de la Mure et de la Praille sont soumis au droit de pêche de l'Etat de Vaud n'est pas une contestation civile au sens de l'art. 46 OJ.
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Le recours de droit public a été rejeté.
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Extrait des considérants: | |
S'agissant du cas particulier d'eaux souterraines soustraites à la propriété privée et déclarées eaux publiques en raison de leur importance pour la collectivité, la question se pose de savoir si les cantons peuvent étendre le caractère public aux sources qui jaillissent de ces eaux (Grundwasseraufstösse) sur la propriété privée. HAAB (n. 12 ad art. 704 CC) est enclin à répondre par l'affirmative; à tout le moins est-il favorable à un système de concession, si le captage augmente sensiblement le débit de la source. En revanche, LIVER (Die Entwicklung des Wasserrechts in der Schweiz seit hundert Jahren, RDS NF 71,1 (1952) p. 305 ss., spécialement p. 347/348; Öffentliches Grundwasserrecht und privates Quellenrecht, RJB 89 (1953) p. 1 ss., spécialement p. 14 ss.) et DESCHENAUX/JÄGGI (Le régime juridique des sources provenant d'eaux souterraines publiques, JdT 1959 I p. 98 ss., spécialement p. 103/104) estiment que les sources qui sont alimentées par des eaux souterraines publiques demeurent des eaux privées; toutefois, ils réduisent la notion de source privée à l'eau qui jaillit naturellement du sol, à l'exclusion de toute source captée et dérivée artificiellement, lors même qu'ils admettent que le propriétaire privé peut, par des installations de captage, en augmenter le débit dans des limites restreintes, si cela ne nuit pas à l'intérêt public. Tel est également, dans l'essentiel, l'avis du Tribunal fédéral, en tout cas pour ce qui concerne les sources alimentées par des eaux souterraines déclarées eaux publiques en vertu de la jurisprudence et non pas d'une disposition expresse du droit cantonal (ATF 93 II 182). S'il en allait autrement, le droit privé des sources, en particulier l'art. 704 al. 3 CC, serait vidé de son contenu. Or, la faculté, pour le droit public cantonal, d'attribuer un caractère public à certaines grandes nappes souterraines trouve sa limite dans le droit civil fédéral, qui règle la matière (MEIER-HAYOZ, 3e éd., n. 157 ad art. 664 CC; DAETWYLER, Ausgewählte Fragen zur rechtlichen Behandlung des Grundwassers in der Schweiz, thèse Zurich 1966, p. 87 et 91).
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Il n'est cependant pas besoin d'examiner la question plus avant. En effet, le Conseil d'Etat ne prétend pas qu'en vertu du droit cantonal les sources issues de la nappe phréatique de la plaine du Rhône relèvent sans plus du même régime juridique que la nappe. Ce qui est décisif en l'espèce, selon lui, c'est que les étangs de la Mure et de la Praille ne sont pas des sources au sens de l'art. 704 CC.
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b) Ce point de vue est loin d'être insoutenable.
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Contrairement à ce que pensent les recourants, le fait que l'eau "sort de la terre", apparaissant à l'air libre, ne suffit pas pour qu'il y ait source soumise au droit privé. Ainsi, les sources qui jaillissent sur une propriété privée et qui forment dès le début un cours d'eau ne sont pas assimilées aux sources de l'art. 704 al. 1 CC: elles sont censées faire partie du cours d'eau auquel elles donnent naissance et sont dès lors soumises au régime juridique de celui-ci (ATF 97 II 337).
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En l'espèce, il est artificiel, voire incompatible avec le sens ordinaire des mots de désigner comme source un plan d'eau formé par la mise au jour de la nappe phréatique ensuite de l'exploitation de gravières: comme c'est l'extraction des graviers qui a provoqué l'apparition de l'eau à l'air libre, l'autorité cantonale était fondée à admettre qu'il n'y avait pas eu émergence naturelle.
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