BGE 108 II 184 | |||
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38. Arrêt de la Ire Cour civile du 13 septembre 1982 dans la cause Carlin S.A. contre Etat de Vaud (recours en réforme) | |
Regeste |
Art. 58 OR; Haftung des Werkeigentümers. |
2. Verschulden des Lenkers, der eine Strasse befährt, die sich im Umbau befindet; Ausschluss der Haftung des Werkeigentümers (E. 2). | |
Sachverhalt | |
A.- En août 1979, l'Etat de Vaud procédait à des travaux de correction et de réfection de la route cantonale de 3e classe du Mollendruz, au lieu dit "Crêt-Blanc". En descendant, la route y décrit un léger tournant à gauche. La chaussée - d'ordinaire goudronnée - avait alors été modifiée et se trouvait recouverte de tout-venant roulé; sa largeur était alors réduite à 6,5 m et elle était bordée à droite en descendant par trois barrières de chantier et par un talus en contrebas. Les travaux s'étendaient sur une longueur d'environ 1 km. Aux deux extrémités du tronçon, une signalisation fixe avait été mise en place. Les travaux se sont déroulés sans interruption notable du trafic; un passage alterné était organisé en cas de nécessité. L'aménagement de la chaussée était ainsi conforme aux normes de l'Union suisse des professionnels de la route.
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Dans le tournant mentionné ci-dessus, la chaussée a été rehaussée par l'apport de tout-venant.
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Dans le cadre de ces travaux, Carlin S.A. effectuait pour l'Etat de Vaud des transports de matériaux au moyen de son camion dit "à deux essieux" (mais en comportant en réalité trois) portant plaques VD 3393.
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Le 17 août 1979, le chauffeur Dupraz conduisait ce camion chargé de pierre, sur ledit tronçon, à la descente en direction de L'Abbaye. Arrivé au lieu dit "Crêt-Blanc", il dut croiser un train routier chargé de billes. Dans des conditions qui n'ont pas pu être établies avec précision, la chaussée céda à l'extrême droite du camion de Carlin S.A., qui bascula dans le talus et se renversa sur le flanc; il était irréparable et le dommage s'élève à 70'000 francs; la location d'un véhicule de remplacement a en outre coûté 3'850 francs.
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B.- Carlin S.A. a actionné l'Etat de Vaud en paiement de 73'850 francs avec intérêt à 5% dès le 18 octobre 1979.
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Par arrêt du 5 février 1982, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté la demande.
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C.- Carlin S.A. a ensuite interjeté un recours en réforme contre cet arrêt; admettant une minime faute concurrente, elle a conclu au paiement de 59'080 francs avec intérêt à 5% dès le 18 octobre 1979.
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Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
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Extrait des considérants: | |
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Cependant, comme le relève à juste titre la recourante, le propriétaire répond selon l'art. 58 CO dans la mesure où il affecte l'ouvrage en construction ou en réparation, à son usage normal (ATF 94 II 154, ATF 63 II 147, 46 II 257). Il n'y a point de raison de soustraire les routes de l'application de ce principe général.
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Il ne saurait en aller autrement lorsque le propriétaire affecte l'ouvrage à son usage normal, mais seulement de manière restreinte, en raison de travaux de construction ou de réfection. Quand l'usager peut se rendre compte de cette restriction, le propriétaire répond selon l'art. 58 CO de ce qui représente un défaut de construction ou d'entretien en fonction de cet usage restreint. Aussi le "propriétaire" d'une route en réfection, mais laissée ouverte à la circulation publique, répond-il selon l'art. 58 CO de ce qui doit être considéré comme un défaut de construction ou d'entretien pour une telle route; le propriétaire doit maintenir la route dans un état offrant une sécurité suffisante aux usagers eu égard à la circulation restreinte à laquelle elle est affectée (cf. ATF 102 II 345 /346); en revanche, il n'est donc point responsable d'inconvénients inhérents à de tels travaux, dont peuvent se rendre compte des usagers normalement attentifs. Ceux-ci, tenus de s'adapter aux conditions de la route et de la circulation (art. 31 et 32 LCR), sont astreints à une prudence particulière lorsqu'ils parcourent une route en réfection; ils doivent prendre en considération l'état de la chaussée en réfection, notamment en ce qui concerne sa largeur, son profil, son revêtement, la résistance de son sol, et s'efforcer de l'utiliser sans qu'il en résulte de dommage (ATF 102 II 345, 98 II 44).
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Ces considérations relèvent en partie du fait - ce qui exclut un réexamen par le Tribunal fédéral en dehors d'hypothèses non réalisées en l'occurrence (art. 63 et 64 OJ) - et en partie du droit, soumis à la revision du Tribunal fédéral. Il n'est pas indispensable de faire, en l'occurrence, le départ exact de l'un et l'autre.
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Le Tribunal fédéral examine librement au regard du droit si le chauffeur Dupraz a respecté les règles de circulation. Or, les explications que la recourante donne elle-même dans son recours, jointes aux constatations de l'arrêt attaqué, démontrent que tel n'était pas le cas. Tout d'abord, le chauffeur pouvait et devait se rendre compte que le sol en réfection, constitué de tout-venant non enrobé de bitume, nouvellement mis en place, ne présentait pas la même résistance que celle d'une route goudronnée, spécialement en bordure de route; conduisant un gros camion, particulièrement lourd lorsqu'il est chargé, il devait être spécialement attentif à cet élément, en parcourant la route en réfection. Il devait aussi tenir compte du rétrécissement de la route et des difficultés qui en résultaient pour le croisement d'autres véhicules; il devait y attacher d'autant plus d'attention qu'en raison de la résistance amoindrie du sol, l'usage de l'extrême bord de la route pouvait apparaître dangereux et que son camion était large et chargé près de la limite autorisée. De surcroît, la ridelle à l'arrière ayant été arrachée, la charge de pierres qu'il transportait avait été avancée sur l'avant du pont, ce qui déplaçait le centre de gravité à l'avant et augmentait la charge sur l'essieu avant. Il pouvait s'attendre qu'en cas de freinage, il en résulterait une force supérieure sur les roues avant et ne devait pas méconnaître non plus qu'il s'engageait à la descente, de sorte que le freinage exigeait une force supérieure qui se traduit sur les roues et la route. Enfin, il ne devait pas oublier qu'il s'engageait sur un tracé comportant un léger virage à gauche et prévoir qu'un freinage dans le tournant pouvait le déporter à droite et créer une force accrue sur les roues droites. Dans ces conditions, la vitesse de 42 km/h avec laquelle il s'est engagé sur cette route en réfection, rétrécie, à la descente et à proximité d'un léger tournant à gauche, était évidemment excessive; apparemment surpris par le croisement d'un poids lourd auquel - à tort - il ne s'attendait pas, selon les constatations déterminantes de l'arrêt attaqué, il fut "forcé, lors du croisement, à freiner brusquement, et son véhicule s'est trouvé de ce fait déporté vers la droite. C'est ainsi que (...) l'extrême bord de la chaussée (...) a pu céder". Il saute aux yeux que cette manoeuvre intempestive de Dupraz est due exclusivement à ce qu'il n'a point pris en considération les éléments ci-dessus qui auraient dû lui dicter sa conduite; s'il l'avait fait, il n'aurait pas eu besoin de freiner brusquement - ce qui a déporté son véhicule à l'extrême droite -, le freinage intempestif n'aurait pas accumulé au lieu de l'accident la force élevée qui a fait céder la chaussée et celle-ci aurait vraisemblablement résisté.
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Que d'autres véhicules aient aussi circulé à cet endroit à une allure de 40 à 50 km/h est sans portée. En effet, d'une part on ignore dans quelles conditions exactes ils l'ont fait et par ailleurs la faute éventuelle d'autres chauffeurs ne saurait rendre licite le comportement du chauffeur Dupraz.
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