BGE 109 II 81 | |||
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20. Arrêt de la IIe Cour civile du 21 avril 1983 dans la cause dame Bernaudat contre Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel (recours en réforme) | |
Regeste |
Art. 30 Abs. 1 ZGB. Namensänderung bei einer in der Schweiz wohnhaften geschiedenen Frau ausländischer Staatsangehörigkeit. | |
Sachverhalt | |
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Par jugement du 6 novembre 1981, devenu définitif et exécutoire le 20 novembre 1981, le Tribunal civil du district du Val-de-Travers a prononcé le divorce des époux Appy-Bernaudat et attribué à la mère l'autorité parentale sur les enfants.
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Dame Bernaudat est domiciliée à Fleurier, où elle vit avec ses deux enfants. Elle travaille comme ouvrière à la Fabrique d'horlogerie de Fontainemelon S.A. depuis le 2 juin 1980.
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Par requête du 12 février 1982, dame Bernaudat a sollicité du Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel l'autorisation de changer de nom et de porter désormais le patronyme Appy. Elle a joint à cette requête un acte qu'Aimé Appy a signé le 14 décembre 1981 et dans lequel il déclare "autoriser ... dame Monique Bernaudat ... à reprendre le nom de Appy après le divorce prononcé par le Tribunal civil du district du Val-de-Travers le 6 novembre 1981". Elle a invoqué l'art. 30 CC et fait valoir qu'elle était connue depuis un temps relativement long sous le nom de son ex-conjoint, que les enfants mineurs vivant avec elle et placés sous son autorité parentale portent le nom de leur père et que ces circonstances constituent des motifs suffisants de changement de nom.
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Par décision du 22 décembre 1982, le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel a rejeté la requête.
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B.- Dame Bernaudat recourt en réforme au Tribunal fédéral. Elle demande que la décision attaquée soit annulée et qu'elle soit autorisée à porter dorénavant le nom de Appy; subsidiairement, que l'affaire soit renvoyée au Conseil d'Etat pour qu'il prenne une nouvelle décision dans le sens des considérants.
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Le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel propose le rejet du recours.
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Considérant en droit: | |
1. a) Aux termes de l'art. 30 al. 1 CC, le gouvernement du canton de domicile peut, s'il existe de justes motifs, autoriser une personne à changer de nom. Le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel admet que le fait d'être connue depuis un temps relativement long sous le nom de l'ex-conjoint et le fait de vivre en commun avec ses enfants mineurs portant le nom du père peuvent constituer pour la mère, à qui l'autorité parentale sur lesdits enfants et leur garde ont été attribuées, de justes motifs de changer de nom (ATF 100 II 295 /296). Il se reconnaît compétent pour statuer sur la requête en changement de nom présentée par dame Monique Bernaudat; il relève que, depuis l'abrogation de l'art. 8 LRDC par la loi fédérale du 25 juin 1976, modifiant le droit de la filiation du Code civil suisse, la question peut se poser de savoir devant quelle autorité et selon quel droit les actions d'état civil des étrangers doivent être traitées. Il retient qu'en ce qui concerne la détermination du nom, le Tribunal fédéral est d'accord avec la tendance actuelle à appliquer la loi du domicile (ATF 106 II 241); il souligne que l'Office fédéral de la Justice se rallie à cette opinion (JAAC 1982, fasc. 46/I no 3, p. 28/29; cf. JAAC 1981, fasc. 45/IV no 70, p. 404 ss; no 74, p. 420 ss; no 78, p. 434). Il juge toutefois ne pas pouvoir donner suite à la requête de dame Bernaudat parce qu'il n'a pas reçu l'assurance que son autorisation éventuelle en changement de nom serait suivie d'effets quant à l'état civil de la requérante. En effet, dit-il, à défaut d'une telle assurance, sa décision pourrait rester lettre morte et créer des difficultés si la France ne reconnaît pas sa décision autorisant le changement de nom de la requérante. Il concède avoir admis, non seulement sa compétence pour statuer sur une demande en changement de nom présentée par une femme d'origine belge, domiciliée en Suisse, dont le divorce avait été prononcé par un tribunal neuchâtelois, mais également l'application du droit suisse à cette demande, sans se préoccuper de la question de la reconnaissance de sa décision par la Belgique (cf., au sujet de cette décision, LALIVE, Annuaire suisse de droit international XXXIV (1978) p. 337/338). Il dit cependant que cette décision est "restée isolée parmi la pratique des autres Etats confédérés, et qu'elle ne sera pas renouvelée en l'état actuel de la législation et de la jurisprudence".
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b) La recourante soutient que le gouvernement neuchâtelois n'avait pas à faire dépendre sa décision au fond d'autoriser le changement de nom sollicité de la condition que cette décision fût susceptible d'être reconnue par les autorités françaises. A la suite de l'abrogation de l'art. 8 LRDC, il existe, dit-elle, une lacune en matière de nom, laquelle doit être comblée par voie de jurisprudence en ce sens que le gouvernement du canton où un étranger a son domicile est compétent pour autoriser un changement de nom en application du droit suisse, sans égard au fait que sa décision sera ou non reconnue par les autorités du pays d'origine du requérant.
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"Art. 8.- L'état civil d'une personne, notamment sa filiation, légitime ou illégitime, la reconnaissance volontaire ou l'adjudication des enfants naturels et l'adoption, est soumis à la législation et à la juridiction du lieu d'origine.
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Dans ces cas, le canton d'origine est celui de l'époux, du père ou de l'adoptant."
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Eu égard à cette disposition, il était incontesté, en doctrine et en jurisprudence, que le nom qui résulte de la situation familiale est une question d'état civil soumise à la loi nationale de celui qui le porte, laquelle dit qui est en droit de porter un nom déterminé et précise quand et comment une personne peut changer de nom (cf. VISCHER, Droit international privé suisse, t. I, 4 du Traité de droit privé suisse, Fribourg 1974, p. 55 et les références; STAUFFER, Praxis zum NAG, 1973, n. 7 ad art. 8 p. 55).
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b) La loi du 25 juin 1976 a abrogé, comme on l'a vu, l'art. 8 LRDC créant ainsi une lacune voulue par le législateur. Cela ressort du Message du Conseil fédéral, du 5 juin 1974, à l'appui de cette loi (FF 1974 II p. 111), où il est écrit ce qui suit:
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"Dans le cadre de cette revision (celle du droit de la filiation), l'article 8 LRDC peut être biffé. Il existe des cas qui ne concernent ni la filiation, ni l'adoption, et qui doivent être examinés à la lumière de l'actuel article 8 LRDC. Désormais, la jurisprudence devra déterminer le for et la loi applicable en appliquant les nouvelles dispositions par analogie..."
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La lacune ouverte par la disparition de l'art. 8 LRDC, et par le fait qu'il n'a pas été remplacé par une règle légale, doit être comblée en matière de nom, conformément à l'art. 1 al. 2 et 3 CC. Ce dernier prescrit qu'"à défaut d'une disposition légale applicable, le juge prononce selon le droit coutumier et, à défaut d'une coutume, selon les règles qu'il établirait s'il avait à faire acte de législateur" (al. 2), en s'inspirant dans l'exécution de cette tâche "des solutions consacrées par la doctrine et la jurisprudence" (al. 3).
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Il n'existe pas de coutume que le juge puisse appliquer en matière de droit international privé concernant le nom, en particulier le changement de nom. Il incombe dès lors au gouvernement du canton, saisi notamment d'une demande en changement de nom présentée par un étranger domicilié sur son territoire, et au Tribunal fédéral, devant lequel est porté un recours en réforme contre une décision de refus de changement de nom, de statuer selon les règles qu'ils établiraient s'ils avaient à faire acte de législateur.
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La pratique des gouvernements cantonaux dans le domaine des changements de noms sollicités n'est guère publiée. Il semble que les autorités du canton de Bâle-Ville aient la même retenue que le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel, craignant, elles aussi, les difficultés qui surgiraient si leur décision de changement de nom n'était pas reconnue dans le pays d'origine du requérant (cf. D. MANGOLD, Familiennamensänderungen im Kanton Basel-Stadt unter Berücksichtigung von Fällen aus dem Bereiche des IPR, thèse Bâle 1981, p. 139).
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Dans son arrêt précité, ATF 106 II 241 consid. 4b, ainsi que dans l'arrêt ATF 106 II 104 consid. 1, la cour de céans a jugé que, pour combler la lacune résultant de l'abrogation de l'art. 8 LRDC en matière de droit international privé concernant le nom, il convient d'appliquer, conformément à la tendance actuelle et en vertu d'un rattachement autonome, la loi du domicile du porteur du nom. Cette jurisprudence est en accord avec le projet de loi fédérale sur le droit international privé de la commission d'experts, art. 35, 36 et 37, relatifs au nom, et avec les motifs exposés par les experts à l'appui de ces dispositions (p. 195/196, 270/271 du recueil édité par la Division de la Justice du Département fédéral de Justice et Police, contenant les textes français et allemand desdits projets et le rapport explicatif), comme aussi avec le projet du Conseil fédéral d'une loi sur le droit international privé, art. 35, 36 et 37, et les commentaires concernant ces règles, figurant dans le Message du 10 novembre 1982 (FF 1983 I p. 324-326, 465). Les articles précités ont la teneur suivante:
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"Art. 35
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IV Nom
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1. Droit applicable
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Le nom d'une personne domiciliée en Suisse est régi par le droit suisse, celui d'une personne domiciliée à l'étranger par le droit que désigne la règle de conflit de l'Etat dans lequel cette personne est domiciliée.
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Toutefois, une personne peut demander que son nom soit régi par son droit national.
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Art. 36
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2. Changement de nom
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Les autorités suisses du domicile du requérant sont compétentes pour connaître d'une demande en changement de nom.
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Un Suisse sans domicile en Suisse peut demander un changement de nom à l'autorité de son canton d'origine.
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Les conditions et les effets d'un changement de nom sont régis par le droit suisse.
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Art. 37
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3. Changement de nom intervenu à l'étranger
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Un changement de nom intervenu à l'étranger est reconnu en Suisse s'il est valable dans l'Etat du domicile ou dans l'Etat national du requérant."
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Le projet de la commission d'experts, comme celui du Conseil fédéral, rencontre l'approbation des auteurs (BUCHER, Conséquences de la suppression de l'art. 8 LRDC, Revue de l'état civil 1977, p. 333/334; KNOEPFLER, Le nom et quelques autres questions de l'état civil en droit international privé suisse aujourd'hui et demain, Revue de l'état civil 1978, p. 321-323; VISCHER/VON PLANTA, Internationales Privatrecht, 2e éd., p. 50-52). Ces projets sont d'ailleurs en harmonie avec la modification apportée à l'art. 30 al. 1 CC par la loi fédérale du 25 juin 1976, quand la compétence pour autoriser le changement de nom a été transférée du gouvernement du canton d'origine du requérant au gouvernement du canton de domicile.
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Si l'on estime, conformément à la tendance de la doctrine moderne du droit international privé en Suisse, que le gouvernement du canton de domicile d'un étranger doit avoir la compétence d'autoriser en application du droit suisse un changement de nom, il n'y a pas de raison de faire dépendre son pouvoir de prendre une telle décision de la reconnaissance de celle-ci par les autorités du pays d'origine du requérant. Certes, il pourra se produire qu'il y ait divergence entre le nom de cette personne d'après sa loi nationale et celui qu'elle a été autorisée à porter par la décision de changement de nom prise par le gouvernement du canton où elle est domiciliée. Mais cela n'est pas décisif. Ce qui importe, c'est qu'elle porte en Suisse, pays où elle vit et où elle a le centre de ses intérêts, le nom par lequel elle tient à être désignée, c'est-à-dire personnalisée. Il est loisible d'ailleurs à l'étranger qui a obtenu un changement de nom en Suisse d'introduire dans son pays d'origine une requête pour obtenir un changement de nom correspondant, dans la mesure où la loi nationale le prévoit (sur le changement de nom en droit français, cf. notamment Répertoire du droit civil, 2e éd., t. V, mise à jour 1982, vo nom-prénom, nos 171 ss).
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Dans le domaine du divorce, le projet de loi de droit international privé, tant de la commission d'experts que du Conseil fédéral, renonce à la double condition de l'art. 7h LRDC, qui prévoit qu'un étranger peut intenter son action en divorce devant le juge de son domicile s'il établit que les lois ou la jurisprudence de son pays d'origine admettent la cause de divorce invoquée et reconnaissent la juridiction suisse (Projet de la commission d'experts cit., pp. 201 et 288 ss; Message, FF 1983 I 348 et 469 ss).
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c) De ces considérants il suit que le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel doit se prononcer sur la requête en changement de nom de dame Bernaudat, en appliquant le droit suisse et sans se préoccuper de la question de savoir si sa décision sera reconnue ou non par les autorités françaises. Comme il n'a pas statué sur le fond de l'affaire, il y a lieu de la lui renvoyer pour qu'il décide si dame Bernaudat a de justes motifs de changer de nom et de porter à nouveau celui de Appy, en conformité de l'accord que lui a donné son ex-mari, et, dans l'affirmative, prononce le changement de nom. Il n'importe pas à cet égard que ce changement de nom ne puisse pas être porté dans un registre de l'état civil en Suisse.
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