BGE 110 II 199 | |||
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42. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 1er mars 1984 dans la cause S. contre S. SA en liquidation concordataire (recours en réforme) | |
Regeste |
Begünstigungsklausel in der Personenversicherung. | |
Sachverhalt | |
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b) Pierre S. avait conclu, soit personnellement, soit par l'intermédiaire de S. S.A., dix-sept contrats d'assurance, dont une police d'assurance individuelle contre les accidents de fr. 1'500'000.--contractée auprès de la Northern Assurance Company Ltd, conjointement avec les Lloyd's de Londres, No PA 78.954/17, laquelle avait été établie le 12 janvier 1967 en remplacement d'une police antérieure No PA 77.419/17. Cette substitution était intervenue à la suite d'une demande d'avenant du 5 décembre 1966 et d'une nouvelle proposition d'assurance qui portent toutes deux la signature de Pierre S. Les photocopies de cette police que détiennent les héritiers de feu Pierre S., d'une part, et la société S. S.A., d'autre part, ne comportent aucune signature à l'endroit prévu pour celle du preneur d'assurance; aucune clause bénéficiaire n'y figure. En revanche, la demande d'avenant signée par Pierre S. le 5 décembre 1966 mentionne que le bénéficiaire de la nouvelle police à établir est "S. S.A. Genève". De même, la proposition d'assurance, signée également le 5 décembre 1966 par Pierre S., indique sous ch. VIII: "en cas de décès (art. 12 des conditions générales) payables à S. S.A. Genève fr. 1'500'000.--".
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c) Dans une lettre dactylographiée, datée du 3 avril 1974, adressée à S. S.A., Pierre S. a écrit ce qui suit:
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"Concerne: police d'Assurance Individuelle PA 78.954/17 (Assurance Accidents) en faveur de Pierre S.
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Messieurs,
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Pour éviter toutes incertitudes au sujet de la police susmentionnée, dont les primes sont payées par S. S.A., Genève, je confirme par la présente qu'en cas d'accident, le 50% (cinquante) du montant versé par la Northern (Lloyd's de Londres) revient à S. S.A., Genève, l'autre 50% (cinquante) à mes héritiers."
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S. S.A. a reçu cette lettre. La Northern n'a eu connaissance de son contenu qu'en janvier 1981.
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d) A la suite du décès accidentel de Pierre S., la Northern Assurance a versé à S. S.A. fr. 250'000.-- le 27 avril 1977, et les Lloyd's fr. 1'250'000.-- le 9 mai 1977. Ces sommes sont entrées dans les comptes de la société.
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e) Par lettre du 14 février 1977, signée par son administrateur Marc S., S. S.A. a communiqué au notaire X., chargé de dresser l'inventaire de la succession de feu Pierre S., un relevé des polices d'assurances conclues au nom de ce dernier; s'agissant de la police PA 78.954/17, Marc S. prévoyait l'attribution aux héritiers de feu Pierre S. du 50% du montant que devaient verser la Northern et les Lloyd's.
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A la même date, Marc S. a envoyé à l'avocat Y. un autre relevé des assurances contractées au nom de Pierre S. indiquant S. S.A. comme seule bénéficiaire de la somme de fr. 1'500'000.-- due par la Northern et les Lloyd's.
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f) Le 1er octobre 1980, le Tribunal de première instance du canton de Genève a accordé à S. S.A. un sursis concordataire.
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Se fondant sur la lettre envoyée par Pierre S. à S. S.A. le 3 avril 1974, Danielle S. a produit en main des commissaires au sursis deux créances, l'une de fr. 12'500.--, représentant des arrérages de rente de veuve, et l'autre de fr. 325'000.--, sa quote-part sur les fr. 1'500'000.-- encaissés par S. S.A. De leur côté, les deux enfants nés du second mariage de feu Pierre S., Jean S. et Monique S., ont produit des créances de fr. 108'200.-- chacun, représentant leurs parts sur l'indemnité versée par la Northern et les Lloyd's. Les commissaires au sursis ont écarté ces productions au motif que, dans la mesure où la lettre du 3 avril 1974 pourrait être interprétée comme une disposition pour cause de mort, celle-ci serait nulle parce qu'elle ne répond pas aux exigences de forme en matière de testament.
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Danielle S., Jean S. et Monique S. ont renouvelé leurs productions dans le cadre de la liquidation concordataire de S. S.A.; elles ont derechef été écartées avec la même motivation.
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g) Dans les dix jours à compter de la publication de l'état de collocation, Danielle S., Jean S. et Monique S. ont introduit action devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. Disant agir conjointement et solidairement, ils ont conclu à ce que S. S.A. en liquidation concordataire (ci-après: S. S.A.) fût condamnée à payer, avec intérêts, à Danielle S. fr. 35'000.-- et fr. 187'500.--, à Jean S. fr. 93'750.-- et à Monique S. fr. 93'750.--. Pour ce qui concerne le montant de fr. 35'000.--, dame S. a fait valoir que, depuis le décès de son mari, S. S.A. lui avait versé une rente de veuve mensuelle de fr. 2'500.--, qui avait été supprimée dès le mois d'octobre 1980. Elle réclamait le paiement des quatorze mois échus jusqu'à l'introduction de la demande. S'agissant des autres montants, les demandeurs invoquaient les "instructions" contenues dans la lettre de feu Pierre S. du 3 avril 1974, de même que la "confirmation" adressée le 14 février 1977 au notaire X. par S. S.A., confirmation équivalant, selon eux, à une reconnaissance de dette.
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La défenderesse a conclu au rejet de la demande.
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Par jugement du 16 septembre 1982, le Tribunal de première instance du canton de Genève a débouté les demandeurs de toutes leurs conclusions. Faisant siennes les objections de S. S.A., il a considéré que la lettre de Pierre S. du 3 avril 1974 n'était pas un avenant à la police d'assurance No PA 78.954/17, sur la base de laquelle la Northern et les Lloyd's avaient payé au total fr. 1'500'000.--, mais qu'elle constituait une disposition pour cause de mort, nulle pour vice de forme. Il a d'autre part estimé que la lettre de S. S.A. au notaire X. du 14 février 1977 n'était pas une reconnaissance de dette, et que son contenu serait de toute façon dénué de cause valable parce que découlant d'une disposition nulle. Il a enfin constaté que le dossier ne contenait aucun élément permettant d'admettre que S. S.A. aurait assumé l'obligation de verser une rente de veuve à Danielle S.
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B.- Danielle S., Jean S. et Monique S. ont interjeté appel auprès de la Cour de justice du canton de Genève contre le jugement de première instance. Ils ont modifié les chefs de demande qu'ils avaient articulés devant le premier juge et ont conclu à ce qu'il fût prononcé:
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- que l'action en contestation de l'état de collocation qu'ils ont intentée l'a été en temps utile;
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- que les créances qu'ils ont régulièrement produites ont été écartées à tort et qu'elles doivent être portées à l'état de collocation de S. S.A., en liquidation concordataire, soit pour un montant de
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Fr. 187'500.-- pour Danielle S., avec intérêt à 5% à compter du jour
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où la défenderesse et intimée a reçu ce montant de l'assurance,
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Fr. 93'750.-- pour Monique S., avec intérêt à 5% à compter du même jour,
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Fr. 93'750.-- pour Jean S., avec intérêt à 5% à compter du même jour.
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Par arrêt du 23 septembre 1983, la Cour de justice a rejeté l'appel formé par les demandeurs contre le jugement précité, qu'elle a confirmé.
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Extrait des considérants: | |
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Vu la clause précitée (VIII a), stipulée dans la proposition d'assurance, les assureurs (Northern et Lloyd's) étaient en droit, à la suite du décès accidentel de Pierre S., de verser la somme assurée à S. S.A., car le contenu de la lettre susmentionnée de Pierre S., du 3 avril 1974, n'avait pas été porté à leur connaissance.
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Le ch. VIII a de la proposition d'assurance, prévoyant le paiement de la somme assurée à S. S.A. en cas de décès accidentel de Pierre S., constitue une clause bénéficiaire au sens des art. 76 ss LCA. Cela est confirmé par la "demande d'avenant" signée par Pierre S. le 5 décembre 1966, en vue du remplacement de la police No PA 77.419/17 par la police No PA 78.954/17, établie le 12 janvier 1967, à la suite de la proposition d'assurance précitée du 5 décembre 1966, afin de porter la somme assurée à fr. 1'500'000.--; cette demande d'avenant, signée par Pierre S., sous la rubrique "le preneur d'assurance", contient la mention "le bénéficiaire: S. S.A. Genève". S. S.A. est désignée comme bénéficiaire de l'assurance. Cette désignation a été faite lors de la conclusion du contrat, puisqu'elle figurait dans la proposition d'assurance signée par Pierre S. (cf. KOENIG, FJS 110, Contrat d'assurance XVIII, Clause bénéficiaire, p. 2). La clause bénéficiaire se trouvait ainsi communiquée par écrit à l'assureur par le disposant (cf. ATF 62 II 173 /174, 61 II 280/281).
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Pierre S. n'avait pas renoncé par écrit signé à la révocation dans la police même (art. 77 al. 2 LCA). Il pouvait partant révoquer partiellement cette clause et désigner d'autres bénéficiaires en plus de S. S.A. (cf. KOENIG, op.cit., p. 3). Il l'a fait par lettre du 3 avril 1974 adressée à S. S.A., lettre qui confirmait des dispositions qu'il disait avoir exprimées antérieurement. Comme on l'a vu, le contenu de cette lettre n'a pas été communiqué par Pierre S. lui-même, ni par S. S.A., aux assureurs Northern et Lloyd's.
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Fondée sur la jurisprudence (ATF 62 II 173 /174, ATF 61 II 280 /281) et la doctrine qu'elle cite (AMSLER, Donation à cause de mort et désignation du bénéficiaire d'une assurance de personnes, thèse Lausanne 1979, pp. 69/70; PIOTET, Libéralités portant sur une assurance-vie et réserve héréditaire, RSJ 1972/68, p. 197 ss; Réduction et rapport des libéralités portant sur une assurance-vie, RSJ 1960/56, p. 172), la cour cantonale estime que la clause bénéficiaire contenue dans la lettre de Pierre S. à S. S.A., du 3 avril 1974, ne produit pas d'effets dès lors qu'elle n'a pas été communiquée à l'assureur, la désignation d'un bénéficiaire étant une déclaration de volonté soumise à réception.
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b) Dans l'arrêt ATF 62 II 173 /174, le Tribunal fédéral s'est exprimé en ces termes:
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"... de ce que la désignation du bénéficiaire est, d'après la loi de 1908, un acte unilatéral et dégagé de toute forme particulière et que - à défaut de disposition contraire - on doit en conclure qu'elle peut se faire aussi bien verbalement que par écrit, il ne s'ensuit pas pour autant qu'elle soit acquise du seul fait qu'il serait établi que le preneur d'assurance a voulu effectivement attribuer le bénéfice de l'assurance à telle personne déterminée.
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Il faut encore que la volonté du déclarant parvienne à la connaissance de la personne à laquelle elle est destinée, c'est-à-dire à l'assureur. C'est ce que, dans la terminologie allemande, on exprime en disant que la désignation du bénéficiaire est une "empfangsbedürftige Willenserklärung".
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Cette condition découle en effet de la nature même de l'acte entre vifs, qui suppose le concours de deux personnes, à savoir, en l'occurrence, celle de qui émane la déclaration de volonté, et celle à l'égard de laquelle cette déclaration doit produire ses effets et qui ne peut être obligée qu'à la condition au moins d'en avoir eu connaissance, du vivant même du disposant. Il s'ensuit donc que pour produire ses effets, il ne suffit pas que le preneur d'assurance ait ... exprimé sa volonté par écrit; il faut, pour que cette déclaration produise un effet juridique, ou que l'écrit respecte les formes du testament, ou que l'expression de cette volonté soit adressée et parvienne à l'assureur.
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Des considérations d'ordre pratique conduiraient d'ailleurs au même résultat et non seulement en ce qui concerne les rapports entre l'assureur et le bénéficiaire, mais aussi entre deux bénéficiaires successifs. Il suffirait en effet, dans l'hypothèse contraire, qu'un tiers quelconque vînt prouver que le preneur d'assurance a manifesté l'intention de le désigner comme bénéficiaire ou de révoquer à son profit une désignation antérieure, pour mettre ou les héritiers légaux ou le premier bénéficiaire désigné dans l'obligation de restituer le montant de l'assurance, plusieurs années après peut-être, et alors qu'au moment du paiement rien ne révélait qu'ils n'étaient pas les véritables ayants droit. Or il suffit de penser aux difficultés et aux abus mêmes auxquels l'administration de cette preuve pourra donner lieu pour écarter cette solution. S'il est un domaine en lequel il importe que les droits des intéressés soient fixés d'une manière certaine et définitive, c'est bien celui de l'assurance, et ce n'est donc pas trop exiger du preneur d'assurance, qui ne veut pas user de la forme du testament, qu'il donne avis de la désignation à l'assureur lui-même."
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Dans l'arrêt antérieur, ATF 61 II 280, le Tribunal fédéral a également dit que la désignation du bénéficiaire doit, pour sortir des effets, parvenir à la connaissance de l'assureur.
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La cour cantonale reconnaît que cette jurisprudence est critiquée par divers auteurs, spécialistes du droit des assurances. Elle considère toutefois qu'il n'y a pas de raison de s'en écarter.
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Le Tribunal fédéral ne saurait maintenir cette jurisprudence déjà ancienne sans examiner l'opinion divergente d'auteurs importants, (tels JAEGER, Kommentar zum schweizerischen Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag vom 2. April 1908, III, pp. 111/112, n. 18 ad art. 76 LCA; KOENIG, Schweizerisches Versicherungsrecht, 3e éd. 1967, pp. 425/426, Der Versicherungsvertrag, Schweizerisches Privatrecht VII/2, p. 698, FJS 110, p. 2; MAURER, Einführung in das schweizerische Privatversicherungsrecht, p. 346 n. 58) et d'autres encore, mentionnés notamment dans la thèse précitée de AMSLER (p. 70; BECK, Die Versicherung zu Gunsten Dritter, thèse Berne 1910, p. 59; RÜEGGER, Die Lebensversicherung, thèse Zurich 1929, p. 34; BOSSARD, Die Rechtsnatur der Begünstigungsklausel nach schweizerischem Versicherungsrecht, thèse Berne 1940, pp. 48-50; PÉQUIGNOT, La stipulation pour autrui, thèse Berne 1942, pp. 90/91). Il faut reconnaître, avec ces auteurs, tout d'abord que l'exigence posée par la jurisprudence précitée, selon laquelle la désignation d'un bénéficiaire d'une assurance par le preneur, ou encore, suivant les cas, par l'assuré s'il n'est pas lui-même preneur (ATF 61 II 278 /279 consid. 2), doit nécessairement, pour sortir ses effets, être communiquée à l'assureur, non seulement n'est pas exprimée dans la loi fédérale sur le contrat d'assurance, mais encore ne découle pas non plus, de façon qui s'impose, de son interprétation. JAEGER (loc.cit.) relève pertinemment que la désignation du bénéficiaire peut fort bien être efficace (wirksam) et déployer ses effets, dans les rapports entre le preneur et le bénéficiaire, sans que l'assureur en ait connaissance. La clause bénéficiaire n'est pas un contrat bilatéral entre le preneur d'assurance et le bénéficiaire, mais un acte unilatéral de disposition auquel ni l'assureur ni le bénéficiaire ne participent. La circonstance que l'assureur, tant qu'il n'a pas eu connaissance d'une clause bénéficiaire, peut fournir sa prestation au preneur d'assurance et que le bénéficiaire ne peut pas faire valoir un droit contre celui-ci avant que l'assureur ait reçu communication de la clause bénéficiaire n'y change rien. Comme le dit pertinemment KOENIG (FJS 110 p. 2), "la clause bénéficiaire est une déclaration de volonté du preneur d'assurance devant parvenir à la connaissance de l'assureur, uniquement dans ce sens que l'assureur peut payer à l'ancien bénéficiaire avec effets libératoires aussi longtemps qu'il n'a pas connaissance d'une nouvelle clause bénéficiaire et qu'il est de bonne foi". Si l'assureur de bonne foi fournit sa prestation à l'ancien bénéficiaire parce qu'il ignorait une nouvelle clause bénéficiaire révoquant totalement ou partiellement la précédente, le nouveau bénéficiaire peut, le cas échéant, actionner en enrichissement illégitime l'ancien bénéficiaire qui a reçu la prestation (JAEGER, op.cit., p. 112). La communication de la désignation d'un bénéficiaire à l'assureur n'est pas, comme le dit justement KOENIG (Der Versicherungsvertrag, p. 698), une condition de validité de la clause bénéficiaire. Celle-ci produit ses effets indépendamment de cette communication. Mais le défaut de communication fait qu'elle n'est pas opposable à l'assureur, qui peut fournir sa prestation, sans risque de devoir payer deux fois, au preneur d'assurance ou au précédent bénéficiaire. Ce n'est que dans ce sens que la désignation du bénéficiaire, qui est l'exercice d'un droit formateur, est un acte soumis à réception en ce qui concerne l'assureur.
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En conclusion, la désignation d'un bénéficiaire est valide indépendamment de la communication à l'assureur, en particulier dans les rapports entre le preneur d'assurance ou l'assuré qui l'a faite et le bénéficiaire. Elle ne produit d'effets, en ce qui concerne l'assureur, que si elle lui a été communiquée: si elle ne le lui a pas été, ou qu'il n'en ait pas eu connaissance d'une autre manière, il peut exécuter sa prestation envers le preneur ou le bénéficiaire désigné par celui-ci dans une clause différente parvenue à sa connaissance. Dans ce cas, un autre bénéficiaire désigné, sans que l'assureur en ait été informé, peut actionner en enrichissement illégitime le preneur ou le précédent bénéficiaire, dans la mesure où celui-ci était au courant de la nouvelle clause bénéficiaire par laquelle celle qui le désignait a été révoquée entièrement ou partiellement. C'est au bénéficiaire différent de celui qui a reçu la prestation de l'assurance qu'il incombera alors de prouver que ce dernier avait connaissance de la nouvelle clause bénéficiaire. Les considérations d'ordre pratique dont fait état l'arrêt ATF 62 II 174 ne mettent ainsi pas obstacle à cette solution.
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La jurisprudence de l'arrêt ATF 62 II 173 /174 doit être modifiée dans le sens qui précède. Cela correspond mieux à l'intention du législateur de favoriser la conclusion de contrats d'assurance en faveur de tiers, comme le relève pertinemment BOSSARD (op.cit., pp. 49/50). Il n'y a pas lieu de se prononcer ici sur la question de savoir si, ainsi que le dit cet auteur, la communication de la désignation du bénéficiaire à l'assureur devrait cependant être exigée de lege ferenda. Selon PIOTET (RSJ 68/1972, p. 199), la désignation d'un bénéficiaire de l'assurance, quand bien même elle n'est pas soumise à l'acquiescement de l'assureur, doit cependant lui être communiquée pour produire ses effets, de même que le congé donné par le locataire au bailleur, qui n'a pas non plus à l'approuver, ne déploie ses effets qu'au moment où il l'a reçu. Mais ce raisonnement n'est pas pertinent. Les situations sont différentes. La clause bénéficiaire ne met pas fin à un contrat, comme c'est le cas du congé en matière de bail; elle se limite à indiquer à l'assureur à qui il doit fournir la prestation d'assurance à laquelle il s'est obligé.
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Dans l'espèce, la première clause bénéficiaire en faveur de S. S.A., contenue dans la proposition d'assurance signée par Pierre S. le 5 décembre 1966, a été, par sa lettre du 3 avril 1974, adressée à ladite société, partiellement révoquée, c'est-à-dire réduite au 50% de la somme assurée, et ses héritiers désignés comme bénéficiaires de l'autre 50%. Cette nouvelle clause bénéficiaire était valide et déployait ses effets bien qu'elle n'eût pas été communiquée aux assureurs, ni par Pierre S. lui-même, ni par S. S.A. Au moment où les assureurs ont versé la somme assurée à S. S.A., ils ignoraient cette nouvelle clause bénéficiaire, en sorte qu'ils se sont libérés régulièrement. En revanche, S. S.A., qui avait reçu la lettre précitée du 3 avril 1974 et qui partant savait que le 50% de la somme assurée revenait aux héritiers de Pierre S., est tenue à restitution de la partie de la somme assurée qu'elle a touchée indûment. Les créances des recourants à cet égard sont dès lors fondées et doivent être admises à l'état de collocation du concordat par abandon d'actif et colloquées en cinquième classe. Le recours doit être admis dans ce sens.
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La Northern a versé à S. S.A. fr. 250'000.-- le 27 avril 1977, et les Lloyd's, fr. 1'250'000.-- le 9 mai 1977. Ces sommes sont entrées dans les comptes de la société. Les intérêts moratoires à 5% seront dus à partir de la deuxième date, la somme de fr. 250'000.-- versée précédemment étant inférieure au montant total des créances des demandeurs (fr. 375'000.--).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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Admet le recours et réforme l'arrêt attaqué en ce sens que les créances produites par les recourants, savoir celle de dame Danielle S., s'élevant à fr. 187'500.--, avec intérêt à 5% dès le 9 mai 1977, celle de demoiselle Monique S., s'élevant à fr. 93'750.--, avec intérêt à 5% dès le 9 mai 1977, celle de Jean S. s'élevant à fr. 93'750.--, avec intérêt à 5% dès le 9 mai 1977, sont admises à l'état de collocation de S. S.A., en liquidation concordataire, en cinquième classe.
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