BGE 114 II 353 | |||
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66. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 28 octobre 1988 dans la cause F. contre R. et R. AG (recours en réforme) | |
Regeste |
Gerichtsstand für arbeitsrechtliche Streitigkeiten. | |
Sachverhalt | |
A.- F. a travaillé depuis le 1er juin 1966, en qualité de visiteur médical, pour le compte d'une entreprise de la branche pharmaceutique; son rayon d'activité couvrait la Suisse romande. Il habitait Genève et avait fait installer, à ses frais, un répondeur automatique à son domicile, où il établissait les rapports journaliers qu'il envoyait chaque semaine au siège de la société à Zurich. Les commandes que le voyageur de commerce ne prenait pas sur place étaient passées directement à la société ou transmises à celle-ci par son intermédiaire lorsqu'elles étaient faites par téléphone. F. ne s'occupait ni de la facturation ni de l'encaissement.
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Par lettre du 26 février 1987, l'employeur a résilié le contrat de travail pour le 31 mai 1987.
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B.- Le 5 mai 1987, F. a assigné R., personnellement, et R. AG devant la juridiction des prud'hommes, à Genève, en faisant valoir diverses prétentions découlant des rapports de travail.
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Par jugement incident du 28 septembre 1987, le Tribunal des prud'hommes s'est déclaré compétent à raison du lieu.
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Statuant le 23 mars 1988, sur appel des défendeurs, la Chambre d'appel des prud'hommes a annulé le jugement de première instance et décliné la compétence locale des tribunaux genevois pour connaître de la présente affaire.
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C.- Agissant par la voie du recours en réforme, F. demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal et de constater la compétence à raison du lieu de la juridiction genevoise des prud'hommes.
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Le Tribunal fédéral rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué.
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Extrait des considérants: | |
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a) L'art. 343 du projet de loi revisant les titres dixième et dixième bis du code des obligations ne réglait pas la question de la compétence de jugement ratione loci en matière de litiges relevant du contrat de travail (FF 1967 II 460). La disposition topique a été introduite dans le code des obligations ensuite d'une proposition de la commission du Conseil des Etats adoptée sans opposition par les Chambres fédérales. En instituant un for alternatif, le législateur visait à faciliter l'accès aux tribunaux aux travailleurs occupés par des entreprises ayant des sièges secondaires ou des établissements dans des cantons éloignés du siège social (BO CE 1970 p. 316 [Bodenmann] et 364 [Borel]; BO CN 1970 p. 827 [Hofstetter]). Cela supposait, d'une part, que l'on transposât au niveau fédéral la règle du for du domicile commercial que connaissaient déjà plusieurs procédures cantonales et, d'autre part, que l'on appliquât une telle règle à des établissements ne jouissant pas d'une autonomie suffisante pour être considérés comme des succursales (BO CE, ibid., [Bodenmann]).
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b) L'art. 343 al. 1 CO a pour but de faciliter l'action en justice des parties au contrat de travail. Il tend à écarter les difficultés, souvent insurmontables, que celles-ci pourraient rencontrer lorsque les rapports de travail revêtent un caractère intercantonal, si elles étaient tenues d'agir au for ordinaire de l'art. 59 Cst. C'est la raison pour laquelle le point de rattachement que constitue le lieu de l'exploitation ne doit pas faire l'objet d'une interprétation restrictive. Telle est du reste l'opinion dominante qui ressort de la lecture des arrêts cantonaux et des ouvrages de doctrine (cf. BJM 1975, p. 226/227, et 1976, p. 321; Jahrbuch des Schweizerischen Arbeitsrechts [JAR] 1983, p. 282 ss, 1986, p. 241/242, 1987, p. 347, 349 et 351 ss; AUBERT, Quatre cents arrêts sur le contrat de travail, n. 319 à 321; VISCHER, Le contrat de travail, in Traité de droit privé suisse, vol. VII/1 (traduction française), p. 236; SCHWEINGRUBER, Kommentar zum Arbeitsvertrag, 2e éd., n. 2 ad art. 343 CO; BRÜHWILER, Handkommentar zum Einzelarbeitsvertrag, n. 1 ad art. 343 CO; STREIFF, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 4e éd., n. 2 ad art. 343 CO; KUHN, Aktuelles Arbeitsrecht für die betriebliche Praxis, vol. 4, 18/5, p. 3; COTTER, Das Luzerner Arbeitsgericht und die Bestimmung des Art. 343 OR, thèse Fribourg 1979, p. 56 ss).
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Cela étant, il ne faut pas perdre de vue que l'employeur peut, lui aussi, agir au lieu de l'exploitation et qu'il est en droit de le faire, à l'instar du travailleur, même après l'extinction des rapports de travail (ATF 109 II 33 /34 et les références). Cette constatation implique la nécessité de fixer le point de rattachement au moyen de critères un tant soit peu sûrs, afin qu'il ne dépende pas du pur hasard ou de simples coïncidences. Doit dès lors être rejetée, pour ce motif et parce qu'elle est inconciliable avec le texte légal, l'assimilation du lieu de l'exploitation au lieu de l'exécution du travail, que d'aucuns préconisent (cf., par exemple, SCHWEINGRUBER, op.cit., p. 330; JAR 1987, p. 351, ch. 5). Le lieu de l'exécution du travail ne fonde la compétence locale pour les litiges relevant du contrat de travail que s'il est également celui d'une exploitation et, précision utile, d'une exploitation de l'employeur (sur ce dernier point, cf. l'arrêt du Tribunal fédéral du 29 juillet 1981 publié in JAR 1983, p. 278 ss et critiqué à tort par l'Obergericht du canton de Zurich in JAR 1987, p. 349).
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En définitive, c'est bien la notion d'exploitation qui constitue le critère décisif. Pour être plus large que celle de succursale, au sens de l'art. 935 CO et de la jurisprudence y relative (ATF 108 II 124 consid. 1 et les références), elle n'en suppose pas moins l'existence d'installations fixes établies durablement par l'employeur dans un lieu déterminé (JAR 1983, p. 283; STREIFF, ibid.; COTTER, op.cit., p. 57; MEYER, Das Anstellungsverhältnis des Handelsreisenden, thèse Zurich 1978, p. 148 ss). Ce pourrait être le cas d'un bureau avec permanence téléphonique (ZR 1983 n. 101; BJM 1976, p. 321). En revanche, cette condition ne serait pas réalisée si l'on avait affaire, par exemple, à un monteur travaillant pour une entreprise ne possédant aucun établissement dans le canton où il réside, ou encore à une personne accomplissant un travail de démarchage par téléphone depuis son propre domicile pour le compte d'une société étrangère au canton (cf. AUBERT, op.cit., n. 319 et 321; STREIFF, ibid.; MEYER, ibid.).
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c) Sans doute ne saurait-on méconnaître que la notion du lieu de l'exploitation, ainsi définie, ne conduit pas toujours à un résultat satisfaisant, en particulier pour les collaborateurs en service extérieur qui seront bien souvent privés de la possibilité de choisir le for devant lequel ils assigneront leur employeur (cf. KUHN, ibid.). Cet état de choses ne suffit pourtant pas à justifier le remplacement de la notion du lieu de l'exploitation par celle du lieu d'exécution du travail, car une telle interprétation extensive serait inconciliable avec la lettre, l'esprit et le but de la disposition considérée. Il est donc exclu de conclure à l'existence d'une lacune praeter legem, contrairement à ce qui a été soutenu dans un arrêt cantonal isolé (JAR 1987, p. 353, ch. 13). Du reste, on ne peut en général tirer pareille conclusion lorsque le législateur a eu l'occasion d'édicter de nouvelles dispositions sur le point en cause et qu'il ne l'a pas fait (ATF 82 II 229 consid. 3e). Or, l'Assemblée fédérale a modifié la teneur de l'art. 343 CO, le 18 mars 1988, tout en maintenant tel quel le premier alinéa de cette disposition (RO 1988 1476). Quant à une lacune improprement dite, le juge n'est pas autorisé à la combler, en dehors des conditions d'application de l'art. 2 al. 2 CC (cf. DESCHENAUX, Le Titre préliminaire du code civil, in Traité de droit civil suisse, t. II/1, p. 94; MEIER-HAYOZ, n. 295 ss ad art. 1 CC).
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2. En l'occurrence, la cour cantonale a constaté souverainement l'absence de tout établissement fixe de l'employeur à Genève, où le voyageur de commerce ne faisait d'ailleurs qu'établir ses rapports journaliers. Le seul instrument utilisé par le demandeur était un répondeur automatique qu'il avait fait installer à ses frais et qui servait également à ses besoins personnels. Aussi est-ce à juste titre que les juges précédents ont refusé de considérer Genève comme lieu de l'exploitation, au sens de l'art. 343 al. 1 CO.
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Au demeurant, l'application de cette disposition ne saurait constituer un abus de droit dans le cas particulier. En effet, le demandeur connaissait, depuis le début des rapports contractuels, l'organisation de l'entreprise de son employeur et il savait que ce dernier n'avait aucun lien matériel avec Genève.
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