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56. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 25 juin 1991 dans la cause Association Canes contre Nestlé S.A. (procès direct) | |
Regeste |
Erhöhung des Grundkapitals durch Ausgabe von Vorratsaktien; Klage auf Aufhebung von Beschlüssen der Generalversammlung (Art. 706 OR). |
2. Der Verstoss gegen das Gesetz oder die Statuten, auf den sich die Klage nach Art. 706 OR stützt, hat konkret und nicht bloss virtuell zu sein. |
a) Die Statutenbestimmung, mit der dem Verwaltungsrat die Befugnis eingeräumt wird, unter bestimmten Bedingungen die Eintragung von Namenaktionären rückgängig zu machen, ist nicht gesetzwidrig (E. 6b aa). |
b) Voraussetzungen, unter denen die Statuten ohne Verletzung des Gebots der Gleichbehandlung der Aktionäre Ausnahmen von einer allgemeinen Beschränkung des Stimmrechts vorsehen können (E. 6b bb). |
3. Mit Art. 705 OR ist vereinbar, wenn für die Abberufung der Mitglieder der Verwaltung ein besonderes Quorum und ein qualifiziertes Mehr verlangt wird (E. 7a). |
4. Aufhebung einer Statutenbestimmung, mit der die in Art. 648 Abs. 1 OR zwingend vorgeschriebenen Bedingungen betreffend Stimmquorum erleichtert werden (E. 7b). | |
Sachverhalt | |
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C.- Le 25 juillet 1989, Canes a ouvert action contre Nestlé devant le Tribunal fédéral. Elle a conclu à la nullité, subsidiairement à l'annulation tant de la décision de l'assemblée générale portant la seconde augmentation du capital à 364'000'000 francs qu'à celles entraînant diverses autres modifications statutaires.
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Nestlé a conclu, principalement, à l'irrecevabilité de la demande et, subsidiairement, à son rejet.
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Aux débats principaux de ce jour, le Tribunal fédéral, après avoir entendu les plaidoiries des parties, a partiellement admis l'action; il a annulé la décision de l'assemblée générale du 25 mai 1989 portant modification de l'art. 15ter des statuts en ce sens que les cinq derniers mots de l'alinéa 1 de cette disposition sont biffés.
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Extraits des considérants: | |
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a) Société de capitaux, la société anonyme se caractérise par la participation financière de ses membres. Au caractère personnel de ![]() | 7 |
En droit suisse, l'augmentation du capital social est réglée à l'art. 650 CO, sous le titre marginal "émission d'actions nouvelles"; les prescriptions régissant la fondation de la société anonyme lui sont applicables. Ainsi, la décision de l'assemblée générale constate que les nouvelles actions ont été souscrites et que le montant légal ou un montant supérieur fixé par les statuts a été libéré (art. 653 al. 1 CO en relation avec les art. 635 al. 2, 638 ch. 2, 640 al. 2 et 641 ch. 4 CO). Le caractère inaliénable de la compétence dévolue à l'assemblée générale pour la modification des statuts exclut, en principe, un capital autorisé (art. 698 al. 2 CO; FORSTMOSER, Schweizerisches Aktienrecht, vol. I/1, p. 476, n. 183). Cela correspond déjà à l'opinion dominante d'avant la réforme de 1936 (WEISS, Berner Kommentar, Einleitung zum Aktienrecht, n. 82 ss; WIELAND, même citation). La révision de 1990 approuvée par les Chambres fédérales prévoit expressément le système du capital autorisé.
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En l'absence d'une solution légale, de nombreuses sociétés suisses ont, lors d'augmentations du capital, fait souscrire les actions par des fiduciaires qui tenaient les titres à leur disposition (FORSTMOSER, op.cit., p. 476, n. 188; VON GREYERZ, SPR VIII/2, p. 260). Ces émissions avaient, notamment, pour but de garantir le droit de conversion ou le droit d'option résultant d'emprunts par obligations ou de permettre l'émission d'actions en faveur des collaborateurs ou encore de réaliser l'achat d'une participation. La défenderesse a elle-même déjà émis des actions de réserve en 1984. L'institution s'est considérablement élargie en Suisse pour ![]() | 9 |
b) Les actions de réserve sont des actions émises pour être tenues à la disposition future de la société, après exclusion du droit de souscription préférentiel des actionnaires. L'actionnaire, qui a souscrit et libéré de telles actions, est lié à la société par une convention traitant, en particulier, de la vente et de la disposition des titres (ZOBL, Rechtliche Probleme mit der Schaffung von Vorratsaktien, SAG 1991, p. 1 ss, notamment 2 et les renvois). Pour l'essentiel, il existe un rapport fiduciaire entre la société et le souscripteur des actions de réserve. Dans les rapports externes, ce dernier apparaît seul titulaire des droits. Dans les rapports internes avec la société, il se trouve limité dans l'exercice des droits rattachés aux actions et soumis à directives. A la fin du contrat de fiducie, le fiduciaire est tenu de céder sa qualité de titulaire du titre (WILLENER, Vorratsaktien, insbesondere Übernahme von Vorrats- bzw. Reserveaktien durch abhängige und nahestehende Gesellschaften, thèse Zurich 1985, p. 7 et 47 ss; voir aussi ATF 115 II 468; autre avis, niant le rapport fiduciaire: ROLF KORMANN, Die Wandelanleihe im schweizerischen Recht, thèse Zurich 1965, p. 91).
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En l'occurrence, eu égard tant au point 6.2 de l'ordre du jour qu'au rapport explicatif s'y rapportant, il n'est pas douteux - et cela n'est pas contesté - que, avec la deuxième augmentation du capital social, la défenderesse a émis des actions de réserve. Et la convention passée le 18 mai 1989 entre la défenderesse et un consortium de banques n'a précisément d'autres buts que de régler le rapport de fiducie entre les parties. En effet, les banques s'engageaient à prendre ferme les actions de la deuxième augmentation du capital social ainsi qu'à les libérer (art. II), à les conserver dans un dépôt spécial, à les tenir à disposition pour les buts déterminés de la société et à les utiliser conformément aux directives (art. III); elles s'obligeaient également, en ce qui concerne les droits rattachés aux actions, à renoncer à percevoir un dividende et, en cas de nouvelles augmentations de capital ou d'émissions d'emprunts convertibles ou à options ou de bons de participation, à exercer le droit de souscription préférentiel ou alors à le faire conformément aux directives; enfin, en cas de négociation des actions au-dessus de la valeur nominale au terme de la fiducie, ces mêmes banques prenaient l'engagement de verser ![]() | 11 |
c) Le rapport entre la convention de fiducie et la décision d'augmenter le capital social appelle une remarque préliminaire.
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Tant selon la jurisprudence que selon l'opinion majoritaire de la doctrine, l'activité fiduciaire est admissible pour autant qu'elle implique la pleine acquisition des droits par le fiduciaire; encore faut-il que le transfert des droits ait été sérieusement voulu et non pas simplement simulé. Dans ses rapports avec le fiduciant, le fiduciaire apparaît seulement lié par une convention de caractère obligatoire; à l'égard des tiers, le fiduciaire apparaît comme le véritable titulaire du droit avec, notamment, le pouvoir d'en disposer (ATF 85 II 99 consid. 1 et les références; parmi d'autres, JÄGGI/GAUCH, n. 176 ss ad art. 18 CO; KRAMER, n. 128 ss ad art. 18 CO; WIEGAND, Fiduziarische Sicherungsgeschäfte, RJB 116/1980 p. 537 ss, 541 et 549 avec les renvois). Il n'en va d'ailleurs pas différemment lorsque, lors de la fondation d'une société anonyme, les actions sont souscrites par un homme de paille (ATF ATF 115 II 470 consid. 1 et les références; KRAMER, n. 139 ad art. 18 CO).
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Lors de la souscription d'actions, l'acquisition de la qualité d'actionnaire est abstraite; elle se réalise indépendamment de l'acte générateur d'obligation sur lequel elle se fonde. En tout cas, une fois la fondation de la société ou l'augmentation du capital social inscrite au registre du commerce, elle ne peut plus être attaquée pour, par exemple, simulation ou vice de la volonté (ATF 102 Ib 24 et les références). Qui souscrit et libère des actions de réserve acquiert ainsi la qualité d'actionnaire même si le rapport fiduciaire à la base de l'acquisition n'était pas valable (WILLENER, op.cit., p. 59). Par ses effets, l'acte de disposition peut donc aller même plus loin que l'acte générateur d'obligation. Et l'engagement du fiduciaire de, notamment, restituer les actions présente un caractère purement contractuel. Quant au tiers, non partie au ![]() | 14 |
Par contre, le rapport fiduciaire est nul au sens de l'art. 20 CO lorsqu'il se révèle être un moyen de contourner des dispositions légales impératives, celles du droit de la société anonyme notamment (ATF 113 II 36 consid. c, 85 II 102 consid. 3, ATF 81 II 540 consid. 2). Savoir si, dans un cas particulier, un procédé tend à contourner la loi dépend de l'interprétation téléologique de la disposition légale ou statutaire concernée. Vise, en définitive, à éluder la loi le comportement qui, tout en respectant la lettre même d'une mesure d'interdiction, en méconnaît l'esprit (ATF 114 Ib 15 consid. 3a, 107 II 445/446). Dans ces conditions, une souscription fiduciaire d'actions pourra, le cas échéant, être déclarée entièrement ou partiellement nulle, si les parties au contrat de fiducie y introduisent des obligations juridiquement inadmissibles, constituant un procédé de fraude; tel sera, par exemple, le cas lorsque le droit de vote du fiduciaire prévu dans la convention recherche un but manifestement contraire aux statuts (GLATTFELDER, Die Aktionärbindungs-Verträge, RDS 78/1959 II 144a ss, 178a ss; JÄGGI, Diskussionsvotum in RDS 78/1959 II 733a s).
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En l'occurrence, la convention de souscription du 18 mai 1989 présente un caractère purement obligatoire. Ne relevant pas du droit des sociétés, elle échappe à l'action en annulation prévue à l'art. 706 CO. Peut, dès lors, rester indécis si et dans quelle mesure l'assemblée générale devait prendre une décision valant acceptation de l'accord précité. N'a pas davantage à être résolue la question de la compétence pour conclure une telle convention; à cet égard, on pourrait se demander si elle n'entre pas dans les attributions du Conseil d'administration, l'action de l'art. 706 CO ne pouvant, en pareille hypothèse, pas entrer en ligne de compte (ATF 91 II 303 et les références; BÜRGI, n. 6 ad art. 706 CO). N'ont ainsi à être examinés dans la présente procédure ni la validité des engagements à caractère obligatoire découlant de la convention précitée, ni si des prétentions peuvent être élevées de ce chef.
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d) Par contre, il faut se demander si la décision attaquée conduit à éluder des dispositions impératives du droit de la société anonyme, à savoir l'interdiction pour la société d'acquérir ses propres actions (art. 659 CO), d'émettre des actions au-dessous du ![]() | 17 |
aa) L'art. 659 al. 1 CO interdit, en principe, à la société d'acquérir ses propres actions. Cette norme ne vise que l'acquisition dérivée d'actions, l'acquisition originaire n'étant pas expressément réglée par la loi (SIEGWART, n. 13 ad art. 659 CO). Savoir si ce mode d'acquisition tombe aussi sous le coup de l'interdiction de l'art. 659 al. 1 CO doit être recherché par voie d'interprétation.
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Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'acquisition de ses propres actions par une société anonyme est interdite essentiellement pour le motif qu'elle lui permettrait d'exercer, par le biais de ses organes, une influence inadmissible lors des votes à l'assemblée générale (ATF 96 II 21 /22 et les références). Mais le but et le sens de la norme vont cependant plus loin. Des considérations économiques interviennent au premier plan. En effet, si des actions étaient acquises au moyen du capital social, il y aurait restitution aux actionnaires de leurs versements et, par conséquent, violation de l'art. 680 al. 2 CO. En cas d'achat au moyen du disponible, la société acquerrait un élément patrimonial se trouvant déjà en sa propriété; et, tant qu'elle ne le réalise pas, cet élément de fortune représente une "non-valeur". Par ailleurs, le risque économique découlant de la participation passerait de l'actionnaire à la société, les pertes éventuelles touchant alors cette dernière non seulement comme entreprise, mais encore en raison de sa participation. L'absence de rentabilité aurait ainsi pour elle des effets doubles (VON GREYERZ, op.cit., p. 138; SIEGWART, n. 4 ss ad art. 659 CO). Visant donc en priorité le maintien de l'ensemble de la fortune sociale et non seulement du capital social, l'art. 659 CO tend essentiellement à protéger les créanciers (ZOBL, op.cit., p. 3).
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Mais le sens de l'art. 659 CO interdit également l'acquisition originaire de ses actions par une société anonyme. Souscrire ses propres actions contredit, en effet, le principe de la libération effective du capital social (art. 632 et 680 al. 1 CO; DALLÈVES, L'obligation convertible en droit comparé et spécialement en droit suisse, thèse Genève 1963, p. 143; ADELRICH FURRER, Erwerb eigener Aktien, thèse Zurich 1933, p. 44; ZOBL, op.cit., p. 3 note de pied 6). Cela va aussi à l'encontre de l'interdiction de conclure avec soi-même (NIKLAUS C. STUDER, Die Quasifusion, thèse Berne 1974, p. 71; PAUL SCHERRER, Der Erwerb eigener Aktien, thèse ![]() | 20 |
Pour une partie de la doctrine, l'émission d'actions de réserve violerait l'art. 659 CO dans la mesure où la société mettrait elle-même à disposition les moyens nécessaires à la libération des actions ou, du moins, garantirait les crédits bancaires nécessaires; il s'agirait, en définitive, d'une libération purement fictive du capital social (VON GREYERZ, op.cit., p. 260 et 268/269; PETER OBRECHT, Bezugsrecht und Vinkulierung, thèse Berne 1984, p. 27). Apparaît toutefois déterminante l'opinion selon laquelle l'art. 659 CO ne serait éludé que si la société supportait le risque économique lié à l'émission des actions de réserve; il ne le serait en revanche pas si ce risque passait réellement à l'actionnaire fiduciaire (ZOBL, op.cit., p. 3; MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, op.cit., n. 33 p. 235; MARTIN FORSTER, Das autorisierte Kapital der Aktiengesellschaft, thèse Zurich 1970, p. 99; BEAT HESS, Die mangelhafte Kapitalerhöhung bei der Aktiengesellschaft, thèse Fribourg 1977, p. 61; MARIANNE HENSLER, Die bedingte Kapitalerhöhung, thèse Berne 1980, p. 31 s.).
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Dès lors que l'art. 659 CO protège aussi bien la structure corporative de la société que les droits sociaux des actionnaires, l'émission d'actions de réserve ne peut a priori constituer un moyen de contourner des normes impératives du droit de la société anonyme. Le fiduciaire ayant qualité de véritable actionnaire, son indépendance est garantie en tant que sociétaire. Et, à l'égard de la société, d'éventuelles limitations à ses droits sociaux ont un caractère purement obligatoire; elles n'entraînent aucun effet en droit de la société anonyme.
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Savoir si des limitations à la liberté d'agir de la société visée ont été contournées par la création des actions de réserve dépend du sens et du but des dispositions instituant ces limitations. Le maintien de la fortune sociale visé par l'art. 659 CO servant tant les intérêts des créanciers que ceux des actionnaires, il faut rechercher si, lors de la création de ce type d'actions, les risques du fiduciaire, en tant qu'actionnaire, sont supportés par lui ou par la société. Par exemple, si le prix des actions chute au-dessous du prix d'émission ou si la société devient insolvable, il y aura lieu de déterminer qui supporte finalement les pertes, notamment si ![]() ![]() | 23 |
En définitive, la décision attaquée ne viole pas l'interdiction contenue à l'art. 659 CO, ni ne constitue un procédé visant à contourner cette disposition; cette dernière n'est, au demeurant, qu'une prescription d'ordre (ATF 110 II 299 consid. 3a et les références).
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bb) Les actions de réserve ont été offertes à leur valeur nominale. L'interdiction d'émettre au-dessous du pair au sens de l'art. 624 al. 1 CO n'est ainsi manifestement pas transgressée.
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cc) Quant à l'art. IX de la convention, il n'est pas davantage contraire à l'art. 680 al. 2 CO. Cette disposition n'institue, en effet, pas pour la défenderesse l'obligation de fournir une prestation en violation de l'interdiction de rembourser le capital. De toute façon, elle ne fait pas l'objet de la décision attaquée et n'a qu'une portée obligatoire. Elle n'a de surcroît encore suscité aucune application.
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e) Aux termes de l'art. 652 CO, chaque associé a le droit de souscrire une fraction des nouveaux titres proportionnée au nombre de ses actions, sauf disposition contraire des statuts ou de sa décision portant augmentation du capital. Comme cela ressort clairement du texte légal, le droit préférentiel de souscription n'est pas un droit acquis de l'actionnaire, à moins que les statuts ne le garantissent expressément (ATF 99 II 59 consid. 3, ATF 98 II 100 consid. c, ATF 91 II 300 consid. 2). L'exclusion de ce droit de souscription n'est cependant pas laissée au bon vouloir de l'assemblée générale. Elle exige au contraire une justification objective, respectant tant le principe de l'égalité de traitement que le principe selon lequel un droit doit être exercé avec ménagement (Prinzip der schonenden Rechtsausübung; ATF 91 II 298; ZOBL, op.cit., p. 4 et les renvois de la note de pied No 21).
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aa) L'exclusion ou le retrait du droit préférentiel de souscription se justifie objectivement lorsqu'il est décidé dans l'intérêt de la société et apparaît nécessaire pour la poursuite de ses buts légitimes (ATF 91 II 309 consid. 7). La société possède un tel intérêt lorsque, après une pesée des intérêts en présence, le but poursuivi requiert l'augmentation du capital social, les intérêts des titulaires du droit de souscription préférentiel passant après cet objectif. Apparaît ainsi fondé le retrait qui doit permettre l'émission d'actions en faveur d'employés ou de cadres, des apports en nature ou l'acquisition de participations, voire d'entreprises ou de parties d'entreprise par échange d'actions (prise ![]() | 28 |
Ainsi qu'on l'a vu, le retrait du droit de souscription préférentiel doit s'avérer indispensable à la réalisation des buts fixés, même si ces buts ne doivent pas nécessairement apparaître décisifs pour le maintien ou le développement de la société (voir ZINDEL, op.cit., p. 239); à cet égard, l'arrêt publié à l' ATF 93 II 309 peut prêter à malentendu dans la mesure où sa formulation pourrait laisser croire le contraire. En définitive, le retrait du droit doit obéir au principe de la nécessité, qui est une émanation du principe de la proportionnalité; il se rapproche également du principe selon lequel un droit doit s'exercer avec ménagement ou de la manière la moins dommageable possible (DESCHENAUX, Le titre préliminaire du Code civil, in TDP tome II/I, p. 171).
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S'agissant du retrait du droit de souscription préférentiel lors d'une augmentation du capital social, cette mesure apparaît objectivement justifiée si elle sert les intérêts de la société, ceux des actionnaires exclus devant néanmoins être pris en considération. Savoir quand les conditions d'une telle limitation sont remplies ne peut être décidé une fois pour toutes, mais dépend des circonstances de chaque cas particulier (ATF 102 II 268 consid. 3).
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En l'espèce, selon la décision attaquée, les actions de réserve sont destinées, d'une part, à garantir le droit de conversion ou d'option résultant d'emprunts obligataires et, d'autre part, à servir à la ![]() | 31 |
Pour le reste, l'administration devra toujours veiller au respect des exigences légales en matière de suppression du droit litigieux lors de la négociation effective des titres. Cela pose, en réalité, la question de la délégation de compétence en faveur du conseil d'administration (voir consid. cc) ci-après).
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bb) Quant au principe selon lequel un droit doit être exercé avec ménagement, il est violé lorsque les décisions de la majorité compromettent les droits de la minorité alors même que le but poursuivi dans l'intérêt de la société aurait pu être atteint de manière peu ou pas dommageable pour cette minorité et sans inconvénient pour la majorité (MEIER-HAYOZ/ZWEIFEL, Der Grundsatz der schonenden Rechtsausübung im Gesellschaftsrecht, in Festschrift Harry Westermann, p. 383 ss, 393; ZINDEL, op.cit., p. 244). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, ce principe connaît ses limites dans le principe de la majorité régissant le droit de la société anonyme, auquel se soumet tout actionnaire au moment de l'acquisition de sa qualité de membre (ATF 102 II 268 consid. 3, ATF 99 II 62 consid. b). Mais, dans le cas particulier, il n'est pas nécessaire de trancher cette question controversée, les droits faisant l'objet de la décision attaquée n'ayant pas encore été mis en oeuvre, mais leur exercice seulement délégué à l'administration par l'assemblée générale. Reste, dès lors, le problème de cette délégation de compétence.
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cc) L'art. 698 CO confère à l'assemblée générale une série de droits inaliénables. Cette dernière doit remplir des tâches qui, en raison de la hiérarchie au sein des organes de la société anonyme, ![]() ![]() | 34 |
Si l'on admet le principe de la délégation de compétence, il n'y a plus guère de discussion; un retrait du droit de souscription préférentiel par l'administration est admissible aux mêmes conditions qu'il le serait si la décision émanait de l'assemblée générale. Par ailleurs, celle-ci ne peut investir l'administration d'une attribution qui lui serait défendue. En définitive, l'administration peut, sur la base d'une délégation, exclure le droit si cette mesure peut reposer sur des motifs objectifs et respecte l'égalité de traitement notamment. L'avis exprimé par la majorité des auteurs doit être approuvé. Si l'assemblée générale est compétente pour exclure le droit, rien ne s'oppose à ce qu'elle ne prenne pas définitivement la décision, mais la fasse dépendre de modalités laissées à l'appréciation de l'administration; la délégation reste bien en deçà du pouvoir de l'assemblée générale d'exclure ce droit. De surcroît, à supposer que l'actionnaire touché puisse faire valoir ses droits contre la décision de l'administration sans plus de difficultés que si elle émanait de l'assemblée générale, le juge devra, dans les deux cas, décider, selon les mêmes principes, si la mesure est ou non admissible. Certes, la décision de l'administration est soustraite à l'action de l'art. 706 CO (ATF 91 II 303); mais l'action en responsabilité des administrateurs demeure cependant à la disposition de l'actionnaire. Reste à savoir si cette restriction constitue une entrave à la délégation.
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Selon l'arrêt publié à l' ATF 91 II 298, la délégation à l'administration de la faculté d'exclure le droit de souscription préférentiel n'est pas valable si elle donne le pouvoir de prendre une mesure lésant gravement le principe de l'égalité de traitement entre actionnaires (p. 303/304); dans l'arrêt précité, l'exclusion n'avait été ordonnée qu'à l'égard de certains actionnaires dans le but avoué d'affaiblir leur influence dans la société. Toutefois, cet arrêt n'exclut pas de manière générale une telle délégation de compétence. En réalité, son admissibilité dépend des circonstances du cas particulier. Elle n'est pas valable lorsqu'elle tente d'éluder les limites légales à l'exclusion du droit de souscription préférentiel et si, en raison de ce transfert de compétence, l'actionnaire est mis hors d'état d'exercer ses droits de sociétaire ou si les moyens d'agir d'une minorité d'actionnaires se trouvent amoindris d'une façon intolérable. En pareille hypothèse, on ne peut exiger de l'actionnaire visé qu'il se contente d'une action en responsabilité ![]() | 36 |
En l'espèce, la décision litigieuse n'autorise pas l'administration à s'écarter des règles permettant d'exclure le droit de souscription préférentiel. Au contraire, elle définit assez précisément le cadre dans lequel les actions de réserve doivent être utilisées. Peu importe à cet égard que la délégation ne mentionne pas que les principes de l'égalité de traitement et de proportionnalité doivent être respectés; l'administration en est tenue de par la loi. Dans ces conditions, la décision emportant la délégation de compétence en faveur de l'administration ne souffre aucune critique.
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Au demeurant, la demanderesse ne détient qu'une seule action au porteur d'une valeur nominale de 100 francs, alors que la défenderesse est une multinationale avec un capital supérieur à 300 millions. De surcroît, les actions sont cotées en bourse. Dans ces conditions, la demanderesse a toujours la possibilité de maintenir sa participation dans la société en acquérant des actions sur le marché. Son droit digne de protection présente ainsi un caractère purement pécuniaire. Aussi bien l'action en responsabilité (art. 754 CO) que l'action en annulation sont, dès lors, de nature à garantir ses intérêts. Une diminution de sa protection juridique n'est pas à craindre dans les circonstances particulières, de sorte que les conditions pour attaquer la décision emportant délégation ne sont pas données en l'espèce. Il reste que l'administration de la défenderesse devra, le moment venu, utiliser les actions de réserve incriminées dans l'intérêt de la société conformément à la décision, respecter les principes du droit de la société anonyme comme, par exemple, l'égalité de traitement, et, selon le mode d'augmentation du capital social choisi, veiller, dans la mesure du possible, à garantir indirectement aux actionnaires leur droit de souscription, notamment lors d'émissions d'obligations convertibles ou à option. A défaut, les administrateurs ![]() | 38 |
La délégation de compétence étant ainsi admissible en l'occurrence, les objections de la demanderesse concernant une information prétendument insuffisante des actionnaires et l'indétermination quant à l'utilisation des actions de réserve ou encore à la personne qui, le cas échéant, reprendra finalement les actions de réserve tombent à faux. Au surplus, les modalités d'utilisation de ces actions devront résulter de décisions de l'administration au moment de la négociation définitive des titres; elles dépendront également des directives données par l'administration aux banques fiduciaires. Leur conformité au droit ne peut donc pas être examinée dans le cadre de la présente procédure.
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f) Selon la demanderesse, les actions de réserve devraient être déchues du droit de vote; cette situation serait incompatible avec le droit de la société anonyme interdisant que des actions soient dépourvues des droits relevant du sociétariat, dont le droit de vote (interdiction de "place libre").
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L'intéressée ne fait cependant pas valoir que la décision constatant la deuxième augmentation du capital social ne serait pas valable en raison de l'exercice non autorisé du droit de vote à titre fiduciaire par les banques. Savoir si les actions détenues par les banques tombent sous le coup de l'art. 659 al. 5 CO peut rester indécis, s'il s'avère que, de toute façon, l'interdiction précitée n'est pas violée.
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A cet égard, l'interdiction d'actions dépourvues des droits sociaux est une émanation du principe selon lequel le nombre des places dans le sociétariat est constant; autrement dit, les droits sociaux délivrés doivent nécessairement correspondre au nombre des actions ni plus ni moins. Une société anonyme peut compter autant de membres que d'actions émises, de sorte que, sans modification du capital social, aucune exclusion ni aucune sortie n'est possible. Pour ces motifs d'ailleurs, un actionnaire ne peut renoncer aux droits sociaux qui servent non seulement ses intérêts, mais encore garantissent le fonctionnement des structures organiques de la société; il en va notamment ainsi pour le droit de vote. L'actionnaire n'a cependant pas l'obligation de voter. En l'espèce, les titulaires des actions de réserve n'ont renoncé qu'à l'exercice du droit de vote, mais non au droit lui-même (voir ATF 114 II 61 consid. bb). Et seules les actions sans droit de vote violent l'interdiction précitée. Ne tombent, en revanche, pas sous le coup ![]() | 42 |
g) En outre, les actions de réserve ne constituent pas des actions à droit de vote privilégié déguisées, même si elles ont été acquises à la valeur nominale de 100 francs, alors que, en bourse, elles sont cotées à quelque 7'500 francs. Le quorum de l'art. 648 al. 1 CO - disposition de droit impératif (SIEGWART, n. 13 ad art. 648 CO; FORSTMOSER, op.cit., p. 172 n. 81) - ne leur est, en conséquence, pas applicable. Au demeurant, les actions à droit de vote privilégié sont des actions à valeur nominale moins élevée que les autres actions, mais qui donnent néanmoins droit à une voix; c'est l'application du système "une action = une voix", cela quelle que soit sa valeur nominale (art. 693 CO). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, lors d'une augmentation du capital social par émission d'actions à droit de vote privilégié, le quorum qualifié de l'art. 648 al. 1 CO doit être respecté seulement lorsque la situation juridique des anciens actionnaires se trouve amoindrie en raison du privilège accordé à une catégorie d'actions (ATF 116 II 525 ss).
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Les actions à droit de vote privilégié créent une brèche dans le système du droit de vote proportionnel à l'importance de la participation financière (art. 692 CO). Et le quorum qualifié de l'art. 648 al. 1 CO tend, en définitive, à la protection de la minorité contre la volonté d'une majorité simple. Pour le droit de vote est seulement déterminante la participation de chaque actionnaire au capital social, mais non le prix d'acquisition pour cette participation. Aussi bien l'émission d'actions nouvelles en dessous de leur valeur intrinsèque ne porte pas atteinte aux droits patrimoniaux acquis de l'actionnaire, de la même manière elle ne touche pas le droit de vote proportionnel à l'importance de la participation. En définitive, la mise en oeuvre de la protection prévue à l'art. 648 al. 1 CO ne se justifie pas lors d'émission d'actions en dessous de la valeur intrinsèque, même si le droit de souscription préférentiel a été exclu dans le même temps. L'action est aussi mal fondée sur ce point.
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a) En conformité de l'art. 706 al. 1 CO, l'action dirigée contre des décisions de l'assemblée générale doit toujours se fonder sur une atteinte portée ou à la loi ou aux statuts. Est assimilée à une décision contraire à la loi celle qui heurte un principe général non écrit du droit de la société anonyme (ATF 100 II 386 consid. 1). L'art. 706 CO peut ainsi être invoqué pour se plaindre, notamment, d'une violation du principe de l'égalité de traitement entre actionnaires (BÜRGI, n. 35 ad art. 706 CO; FORSTMOSER, Einführung in das schweizerische Aktienrecht, § 21 II n. 15; DE STEIGER, op.cit., p. 233; PATRY, Précis de droit suisse des sociétés, vol. II, p. 242/243; KUNO WALTER ROHRER, Aktienrechtliche Anfechtungsklage, thèse Berne 1979, p. 59 ss). Pour être attaquable, la décision de l'assemblée générale ne doit pas porter atteinte au droit de l'actionnaire de manière seulement générale, mais de façon concrète. Cette atteinte doit représenter une entrave injustifiée à l'exercice d'un droit inaliénable (BÜRGI, n. 29 ad art. 706 CO). En revanche, n'est pas attaquable la décision qui ne contrevient ni à la loi ni aux statuts, mais qui apparaît simplement inappropriée ou inopportune (ATF 100 II 392 /393; BÜRGI, n. 27 ad art. 706 CO).
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b) A l'appui de ses conclusions tendant à la nullité, voire à l'annulabilité, des nouveaux art. 6 al. 6 et 14 des statuts, la demanderesse fait, pour l'essentiel, valoir que l'exigence de clarté de ces nouvelles normes ne serait pas remplie; telles que formulées, les dispositions statutaires précitées ouvriraient la voie à des "interprétations les plus larges" ou "inadmissibles", pouvant aboutir à des situations choquantes. Outre qu'elle conduirait à renforcer exagérément les pouvoirs du Conseil d'administration et, par voie de conséquence, à porter atteinte au principe de la prééminence de l'assemblée générale, cette situation comporterait encore un risque d'inégalité de traitement entre les actionnaires.
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Les prétendues atteintes que porteraient les normes incriminées à plusieurs principes généraux non écrits ne sont, en réalité, que virtuelles. En l'état, et cela est décisif, la demanderesse n'a pas ![]() | 49 |
Cela étant, en l'absence d'une violation claire de la loi ou des statuts, le Tribunal fédéral n'a pas à se livrer à une analyse des interprétations qui seraient conformes à la loi et de celles qui ne le seraient pas. Telle n'est pas la finalité de l'art. 706 CO. Au demeurant, la demanderesse admet elle-même que les effets des règles attaquées ne pourront être appréciés "complètement" que lors de leur application "au cas concret". Et rien n'indique que la défenderesse - elle s'en défend d'ailleurs vigoureusement - n'interprétera pas ces nouvelles normes statutaires conformément à la loi.
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Deux points méritent cependant une attention particulière.
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aa) Le premier concerne le nouvel art. 6 al. 6 let. f des statuts. La demanderesse critique le pouvoir accordé par cette disposition ![]() | 52 |
Pour la doctrine, la compétence du Conseil d'administration doit assez largement être admise sauf disposition statutaire contraire (BÜRGI, n. 21 ad art. 685 CO; ULRICH BENZ, Aktienbuch und Aktionärswechsel, thèse Zurich 1981, p. 23 et les renvois; ANDRE KUY, Der Verwaltungsrat im Übernahmekampf, thèse Zurich 1989, p. 86/87) en raison de la présomption générale de compétence découlant de l'art. 721 al. 2 CO. Quant à la jurisprudence du Tribunal fédéral, elle laisse la société anonyme libre de déterminer l'organe compétent pour procéder à l'inscription au registre (ATF 76 II 68). Il en résulte, en l'espèce, que la dévolution de la compétence au Conseil d'administration ne viole en rien la loi. On ne voit, au demeurant, pas pourquoi l'organe compétent pour inscrire au registre ne le serait pas pour opérer les radiations. Le moyen peut ainsi être rejeté sans plus ample examen.
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De manière générale, les auteurs admettent que si l'inscription au registre des actions procède d'un vice de consentement de la part de la société, la décision y relative peut être attaquée. Quant à la question de savoir si la société peut de son propre chef annuler ou radier l'inscription d'un actionnaire du registre des actions, elle divise la doctrine. Si certains auteurs ne prennent pas clairement position (PETER LUTZ, Vinkulierte Namenaktien, thèse Zurich 1988, p. 79; DANIEL WÜRSCH, Der Aktionär als Konkurrent der Gesellschaft, thèse Zurich 1989, p. 123/124; KUY, op.cit., p. 88), d'autres conditionnent la radiation à l'intervention obligatoire du juge (BÜRGI, n. 9 ad art. 685, qui ne motive cependant pas son opinion; MANFRED KÜNG, Aberkennung der Aktionärseigenschaft durch den Verwaltungsrat? in SAG 1989, p. 181 ss et Die Prüfungspflicht des Handelsregisterführers in materiellrechtlichen Fragen, in Revue suisse de droit des affaires 1990, p. 45 ss). Enfin, d'autres auteurs soutiennent que la société peut, de son propre chef, radier un actionnaire du registre lorsqu'un vice du consentement a influencé la décision d'admission (FORSTMOSER, Die Rückgängigmachung von Eintragungen im Aktienbuch - problemlos oder unzweideutig rechtswidrig? in SAG 1989, ![]() | 54 |
Ces arguments n'apparaissent toutefois pas décisifs. Selon la jurisprudence, l'inscription ou le refus d'inscription sur le registre des actions n'a pas une signification propre, mais n'est qu'une mesure d'exécution de la décision prise; elle n'opère pas le transfert de la propriété des actions, mais le suppose. Cette mesure ne saurait donc déterminer qui la société peut et doit traiter comme actionnaire. Ni la personne inscrite ni la société ne peuvent invoquer une inscription à laquelle on aurait procédé sans avoir cette preuve (ATF 90 II 172 /173 et les arrêts cités). L'inscription n'a donc pas un effet constitutif (BÜRGI, n. 9 ad art. 685 CO). Aussi doit-on admettre que l'inscription concerne au premier chef le rapport entre l'acquéreur d'une action nominative et la société anonyme concernée. Entre ces parties s'établit un rapport juridique bilatéral auquel les dispositions générales du code des obligations, notamment celles concernant les vices du consentement, s'appliquent. Ainsi, dans l'hypothèse où une personne est inscrite au registre des actions en violation des conditions d'admission énoncées par les statuts, parce qu'elle a fourni des informations incomplètes, erronées ou fallacieuses, la société trompée ne se trouve pas liée par la décision d'admission et peut s'en départir si elle en fait la déclaration (art. 31 CO). Mais elle ne pourra le faire que si, au moment de son admission, l'actionnaire ne remplissait pas les conditions statutaires; si ces dernières ne se trouvent plus réalisées seulement à un moment où l'actionnaire est déjà inscrit, la société ne pourra, en revanche, plus radier sans être au bénéfice d'une décision judiciaire (voir sur ce point la distinction ![]() | 55 |
Il suit de là que l'art. 6 al. 6 let. f des statuts n'est pas contraire à la loi.
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bb) Le deuxième point concerne la prétendue inégalité de traitement engendrée par la règle du nouvel art. 14 al. 5 des statuts. Cette disposition institue une exception à la limite du droit de vote à 3% en faveur des banques et des institutions financières qui assument des mandats de représentation.
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En principe, les actionnaires ont droit au même traitement. Cette garantie n'est toutefois pas absolue. Un traitement différencié peut ainsi être licite à condition de ne pas être arbitraire, mais de constituer un moyen approprié pour atteindre un but justifié. L'égalité de traitement de tous les actionnaires n'implique, notamment, pas que les conséquences économiques soient les mêmes pour tous (ATF 102 II 267 consid. 1 et les arrêts cités; ROHRER, op.cit., p. 61 et les références; DE STEIGER, op.cit., p. 191/192).
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S'agissant d'une telle inégalité en faveur des banques, la demanderesse part de l'idée que celles-ci renoncent le plus souvent à consulter les déposants et votent en faveur des propositions du Conseil d'administration. Dès lors que cette hypothèse n'est en rien vérifiée mais est, au contraire, contredite par le dossier, elle ne saurait fonder le grief d'inégalité de traitement entre actionnaires. Par conséquent, les craintes de la demanderesse de voir se consolider, par le biais de cette disposition, une majorité au sein de l'assemblée générale n'apparaissent pas sérieuses.
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Quant aux institutions boursières ou financières (Nominees), elles agissent en qualité de "fiduciaires stables de porteurs-changeants"; en tant que telles, leur situation en qualité d'actionnaires ne peut être assimilée à celle d'un actionnaire ordinaire. S'agissant, en définitive, de deux types d'actionnariat différents, une égalité de traitement absolue ne peut dès lors être exigée. Au demeurant, l'exception instituée à l'art. 14 al. 5 en faveur de ces institutions apparaît être la contrepartie tolérable de l'admission d'actionnaires nominatifs étrangers et de la cotation internationale des titres de la défenderesse.
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Le principe d'égalité de traitement entre actionnaires n'a ainsi en rien été violé.
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a) Selon l'intéressée, le quorum renforcé et la majorité aggravée prévus au nouvel art. 15ter des statuts seraient incompatibles avec l'art. 705 CO, qui consacre le droit inaliénable de révoquer les administrateurs; or, dans le cas de la société défenderesse, des majorités si élevées seraient pratiquement impossibles à réunir, l'introduction de telles exigences dans les statuts apparaissant ainsi illicite.
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aa) Aux termes de l'art. 705 al. 1 CO, l'assemblée générale peut révoquer les administrateurs et les contrôleurs, ainsi que tous les fondés de procuration et mandataires nommés par elle. Ce droit ne peut être supprimé ni par les statuts, ni par convention (BÜRGI, n. 6 ad art. 705 CO). Si, en vertu de l'art. 703 CO - disposition non impérative -, l'assemblée générale peut prendre une telle décision à la majorité absolue des voix attribuées aux actions représentées, elle peut également, en vertu des statuts, le faire à une majorité différente; dès lors que la loi n'impose ni majorité ni quorum qualifiés pour la décision prévue à l'art. 705 CO, la révocation d'un administrateur peut aussi être prononcée à une majorité aggravée (BÜRGI, n. 25 ad art. 703 CO). Il reste que la mesure de l'aggravation ne doit pas rendre impossible la révocation (BÜRGI, n. 25-27 ad art. 703 CO; TANNER, op.cit., p. 175; ULRICH GEILINGER, Die erschwerten Beschlüsse der Generalversammlung der Aktionäre, thèse Zurich 1948, p. 46/47). Quant à la limite de cette aggravation, elle ne peut être fixée que de cas en cas, mais elle ne devrait jamais consacrer le principe de l'unanimité. Pour BÜRGI (n. 26 ad art. 703 CO), elle ne devrait pas dépasser une majorité ou un quorum des 3/4, TANNER (op.cit., n. 136, p. 176) tenant cependant cette limite pour illusoire s'il s'agit - comme en l'espèce - de sociétés publiques.
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bb) Si, en l'occurrence, les parties admettent le principe de l'aggravation de la majorité, il reste à déterminer si, dans la pratique, la mesure adoptée à l'art. 15ter rend impossible le droit de révoquer plus de 1/3 des administrateurs. Certes, eu égard à la dimension internationale de la défenderesse, réunir une participation à l'assemblée générale des actionnaires représentant les 2/3 du capital-actions apparaît difficile. Toutefois, malgré la dispersion des actions sur les marchés boursiers, il n'en demeure pas moins que par le biais de la représentation des actionnaires à l'assemblée générale notamment (art. 689 al. 2 CO), une telle majorité n'est pas ![]() | 65 |
b) En outre, dans la mesure où il soumet sa propre modification à l'exigence d'un quorum des 2/3 du capital social et de la majorité des 3/4 des actions représentées, le nouvel art. 15ter violerait, selon la demanderesse, la règle impérative de l'art. 648 al. 1 CO.
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aa) Selon cette disposition, les décisions ayant, notamment, pour objet la suppression de clauses statutaires qui aggravent les conditions sous lesquelles l'assemblée générale peut prendre une décision doivent être approuvées par les voix des 2/3 au moins de l'ensemble du capital social. Cette règle est impérative et ne peut, par conséquent, être modifiée ni par les statuts ni même par décision de l'assemblée générale.
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bb) Si, au regard du grief précédent, un tel moyen apparaît quelque peu paradoxal, il s'avère néanmoins fondé. La disposition incriminée est contraire à l'art. 648 al. 1 CO, puisqu'elle en allège les conditions; elle peut, en effet, être modifiée par une décision prise, en définitive, à la moitié des voix (soit 2/3 des 3/4) au lieu de la majorité obligatoire des 2/3 prévue par la norme précitée.
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Que l'art. 15 al. 3 des statuts réserve expressément les dispositions contraires impératives de la loi ne saurait rien y changer. En effet, dans le même temps, cette norme "réserve" également les art. 15bis et 15ter. Aussi, contrairement à ce qu'affirme la défenderesse, l'art. 15 ne peut avoir la portée d'une "disposition générale" à l'égard, notamment, de l'art. 15ter. En réalité, la question paraît avoir échappé au Conseil d'administration qui, dans son rapport relatif à l'art. 15, s'est référé à l'art. 648 CO, sans toutefois en tirer les conséquences qui s'imposaient. Peu importe enfin le contenu - hypothétique - du nouveau droit de la société anonyme, dès lors que la norme statutaire incriminée va à l'encontre d'une disposition impérative de la loi en vigueur.
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cc) Enfin, s'agissant de la portée de l'annulation sur le texte de l'art. 15ter al. 1, elle se limitera aux cinq derniers mots de la disposition incriminée, à savoir "et modifier le présent article". L'annulation partielle ne nuit, en effet, pas à l'économie de la ![]() | 70 |
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