BGE 118 II 307 | |||
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60. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 22 avril 1992 dans la cause Commune de P. contre H. (recours en nullité) | |
Regeste |
Miete; Schlichtungsverfahren (Art. 274a OR). | |
Sachverhalt | |
A.- Jusqu'au 1er juin 1990, H. a loué un appartement propriété de la commune de P. Par action ouverte le 27 mai 1991 devant le Tribunal civil du district de L., cette dernière lui a réclamé le paiement des dommages causés à la chose louée. H. a soulevé l'exception d'incompétence du Tribunal, la cause devant au préalable être portée devant l'autorité de conciliation. Par décision préjudicielle du 9 septembre 1991, le Tribunal de district a rejeté l'exception.
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Sur recours de H., la Cour de cassation civile du canton de Neuchâtel a cassé le jugement rendu par le Tribunal de district et renvoyé la commune à saisir l'autorité régionale de conciliation.
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B.- La commune de P. interjette un recours en réforme, concluant à l'annulation de l'arrêt attaqué, au rejet de l'exception d'incompétence et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision.
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Traitant le recours en réforme comme un recours en nullité, le Tribunal fédéral l'a rejeté.
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Extrait des considérants: | |
3. Dans les contestations de bail à loyer également, les cantons sont compétents pour désigner les autorités et la procédure (art. 274 CO), à moins toutefois que le droit fédéral règle obligatoirement la matière. Les cantons doivent ainsi instituer des autorités de conciliation chargées, en cas de litige relatif aux baux de choses immobilières, de tenter d'amener les parties à un accord (art. 274a al. 1 let. b CO) et de rendre les décisions prévues par la loi (art. 274a al. 1 let. c CO). En cas de conflit portant sur les baux d'habitation et de locaux commerciaux, les cantons prévoient une procédure simple et rapide, soumise à la maxime d'office et, devant l'autorité de conciliation, gratuite (art. 274d CO). Cette dernière autorité s'efforce d'amener les parties à un accord et, en cas d'échec, elle statue dans les cas où la loi le prévoit (art. 274e CO). La partie qui persiste dans sa demande ou qui a succombé devant l'autorité de conciliation a la faculté de saisir le juge dans les trente jours (art. 274f CO).
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Le droit fédéral prévoit expressément la compétence matérielle de l'autorité de conciliation pour les litiges concernant la consignation des loyers (art. 259h et i CO), le congé et la prolongation de bail (art. 273 CO) et, enfin, en cas de contestation du loyer (art. 270 ss CO). En revanche, pour les prétentions en réparation du dommage - comme en l'espèce -, la loi ne règle rien expressément. Reste, dès lors, à examiner si la compétence de l'autorité de conciliation doit, pour des conflits de cette nature, être admise par voie d'interprétation.
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a) La loi s'interprète d'abord par elle-même, c'est-à-dire selon sa lettre, son esprit et son but ainsi que d'après les jugements de valeur sur lesquels elle repose. A elle seule, l'interprétation historique, fondée sur les travaux préparatoires, n'est pas décisive; elle révèle cependant l'intention du législateur et permet de donner une réponse à la question de savoir si la modification des circonstances générales de la vie peut ou doit être prise en considération. Chaque interprétation historique contient nécessairement un élément téléologique, servant de ligne directrice, la finalité de l'interprétation n'existant pas pour elle-même, mais procédant, une fois encore, d'une analyse grammaticale, historique et systématique. Et l'affirmation selon laquelle les travaux préparatoires constituent un matériau d'interprétation d'autant plus significatif qu'ils se rapportent à des lois récentes ne doit pas être comprise dans un sens différent (ATF 116 II 527 consid. b et les références).
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b) aa) Dans le cas particulier, la lettre de l'art. 274a CO ne répond pas clairement à la question posée. Que l'autorité de conciliation soit chargée de trouver un accord entre les parties dans les litiges portant sur des baux de choses immobilières ne signifie pas encore qu'elle doive nécessairement intervenir ou, en d'autres termes, que l'action matérielle dépende impérativement d'une procédure de conciliation préalable. Par contre, la procédure pour les contestations relatives aux baux d'habitation et locaux commerciaux apparaît plus clairement; dans ce cadre, en effet, les cantons ont l'obligation de prévoir une procédure gratuite devant l'autorité de conciliation (art. 274d al. 2 CO), cette dernière devant, par ailleurs, appliquer la maxime inquisitoriale (art. 274d al. 3 CO); enfin, le juge n'intervient qu'après l'échec de la conciliation moyennant respect d'un délai (art. 274f al. 1 CO). En conséquence, pour ces litiges, la procédure devant l'autorité de conciliation est prévue par le droit fédéral.
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bb) Le Message du Conseil fédéral du 27 mars 1985 concernant la revision du droit de bail à loyer et du bail à ferme (FF 1985 I 1369 ss) prévoyait encore une législation scindée en deux avec, d'une part, les dispositions du CO et, d'autre part, celles d'une loi fédérale instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif (ci-après: LMSL; FF 1985 I 1386). Etaient prévues des autorités cantonales de conciliation pour les contestations générales en matière de baux portant sur des choses immobilières (art. 274a ss Projet CO) et des commissions de conciliation en cas d'abus (art. 16 ss LMSL). Puis, le Conseil fédéral a exprimé le voeu que les parties puissent recourir à des autorités de conciliation; non seulement ces autorités rendent les décisions prévues par la loi, mais elles sont tenues de le faire dans tous les cas (FF 1985 I 1399). Elles doivent impérativement être saisies en cas de contestation du congé ou en procédure de prolongation de bail (FF 1985 I 1445) ou lors de la consignation des loyers (FF 1985 I 1448). Selon la volonté du Conseil fédéral, les règles de compétence fédérales ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation du droit fédéral; pour le reste, les cantons restent libres de régler la procédure et de définir les règles de compétence des autorités de conciliation (FF 1985 I 1448). En particulier, les cantons peuvent prévoir, pour toutes les contestations relevant du bail, une conciliation préalable à l'intervention du juge (eod.loc.). Il faut en déduire que, selon la volonté du législateur, la compétence des autorités de conciliation peut, comme pour le présent litige, reposer sur le droit cantonal. Toutefois, il faut bien constater que le projet ne contenait pas, en matière de procédure, une disposition telle que l'actuel art. 274f CO.
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Au cours des débats parlementaires, les deux projets ont été fondus dans une seule loi. N'ont été conservées que les autorités cantonales de conciliation pour tous les litiges (Bull.stén. CN 1989 p. 541, Votum Guinand). Devant le Conseil national, la question a été discutée de savoir si seule la procédure devant l'autorité de conciliation devait être gratuite, du moins jusqu'à une valeur litigieuse déterminée, ou si - à l'instar du droit du travail (art. 343 al. 3 CO) - elle devait l'être également devant le juge. Ainsi que le proposait le représentant du Conseil fédéral (Bull.stén. CN 1989 p. 543, Votum Koller), la gratuité devant l'autorité de conciliation a été finalement tenue pour socialement suffisante. Ensuite, discutant de la compétence de l'autorité de conciliation en vertu du droit fédéral, le rapporteur de la commission a expressément exprimé l'idée que cette autorité devait être saisie de tous les conflits entre bailleur et locataire (Bull.stén. CN 1989 p. 545, Votum Guinand). Aussi faut-il en déduire sans aucun doute que, selon la volonté du législateur, la procédure judiciaire au sens de l'art. 274f CO doit être précédée de l'intervention de l'autorité de conciliation. L'interprétation historique se recoupe ainsi avec le résultat provisoire des interprétations grammaticale et systématique.
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cc) Dans la doctrine, les avis sur la question sont partagés. Pour certains auteurs, en dehors de celles dévolues à l'autorité de conciliation de façon impérative, les compétences seraient fixées par le droit cantonal, notamment pour les contestations ayant pour objet des prétentions en dommages-intérêts du bailleur pour usage anormal de la chose louée (SVIT-KOMMENTAR, Mietrecht, n. 8 ad art. 274-274a CO; voir en revanche n. 14 ad art. 274d CO, où, par renvoi aux débats devant le Conseil national cités plus haut, est mentionnée une procédure de conciliation obligatoire). En revanche, pour GUINAND, "tout litige relatif aux baux d'immeubles doit être porté en premier lieu devant une autorité de conciliation avant de pouvoir faire l'objet d'une action en justice" (Université de Neuchâtel, 6e Séminaire sur le droit de bail, sujet 5, p. 1). La majorité des auteurs partagent plus ou moins expressément cet avis (LACHAT/MICHELI, Le nouveau droit du bail, p. 64, ch. 2.3; LACHAT, Übersicht über das neue Mietrecht, mp 1990, p. 230 let. b; MICHEL DUCROT, Procédure et contentieux en matière de bail à loyer ..., in RVJ 1991, p. 138/139). Quant à RAPP, s'il admet que la conciliation est obligatoire là où la loi exclut expressément la saisine directe du juge (art. 259i, 270 à 270d et 273 CO), il paraît finalement la tenir pour obligatoire pour tous litiges portant sur des baux d'habitation et de locaux commerciaux, qui doivent être tranchés rapidement en vertu de l'art. 274d CO (Autorité et procédure en matière de bail à loyer. Observations critiques, in: Droit cantonal et Droit fédéral, Mélanges publiés par la Faculté de droit à l'occasion du 100e anniversaire de la loi sur l'Université de Lausanne, p. 273 ss, spéc. 276 et note de pied 47). Quoi qu'il en soit, s'agissant de la question à résoudre, l'avis majoritaire parle en faveur d'une conciliation préalable, eu égard, notamment, à la question des frais et à la règle de l'art. 274f CO; le délai que cette dernière disposition fixe n'aurait, en cas contraire, aucune signification évidente. Aussi faut-il en déduire que la prétention en dommages-intérêts pour dommage causé à la chose louée doit faire l'objet d'une conciliation préalable à l'intervention du juge.
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dd) Enfin, l'exigence d'une interprétation conforme à la constitution de la législation fédérale ne modifie en rien le résultat découlant des autres modes d'interprétation (sur ce point, voir ATF 115 II 132 consid. 6 et les références). De toute façon, ce principe ne peut conduire à l'annulation d'une norme de procédure fédérale au motif qu'elle ne respecterait pas ou pas suffisamment la limite de compétence constitutionnelle entre la Confédération et les cantons (art. 113 al. 3 Cst.). La règle de compétence fédérale ne peut, comme telle, être remise en question par le principe d'interprétation susmentionné. Cela conduit au rejet du recours en nullité.
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