BGE 119 II 40 | |||
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11. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 3 février 1993 dans la cause M. contre B. S.A. en liquidation concordataire (recours en réforme) | |
Regeste |
Werkvertrag; Abgrenzung zwischen unentgeltlicher Offerte und entschädigungspflichtiger Vorarbeit. | |
Sachverhalt | |
A.- En 1987, M., qui avait déjà confié en 1983 à B. S.A. le soin d'édifier une halle industrielle, décida d'en bâtir une nouvelle. Il reprit contact avec B. S.A., à qui il demanda de lui soumettre une offre. Dans ce but, il eut une entrevue sur place avec S., ingénieur auprès de ladite société, et lui expliqua ce qu'il désirait faire. S. dessina sur-le-champ un croquis en se fondant sur les données fournies et les souhaits exprimés par M.
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Une fois les plans établis par elle, sur la base de ce croquis ainsi que des voeux formulés par l'intéressé, qui s'était rendu à plusieurs reprises dans les bureaux de la société pour discuter du projet, B. S.A. fit une première offre à fin octobre 1987. Ces plans furent joints à la demande d'autorisation de construire déposée le 10 mars 1988 par M. et admise le 22 juin 1988 par la Commission cantonale des constructions.
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Entre-temps, M. avait sollicité plusieurs modifications du projet initial. Celles-ci exécutées, B. S.A. fit son offre finale le 30 mars 1988. Par lettre du 20 avril 1988, elle informa M. que, dans l'hypothèse où les travaux ne lui seraient pas adjugés, tous les frais en rapport avec l'établissement des plans et la mise à l'enquête du projet lui seraient facturés. M. lui répondit, le lendemain, qu'il ne lui avait rien demandé d'autre qu'une offre gratuite. Finalement, il écarta cette offre et adjugea les travaux de construction à l'entreprise W. qui les exécuta, pour l'essentiel, conformément au projet établi par B. S.A.
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Le 13 juillet 1988, cette dernière adressa à M. une facture de 29'000 francs pour ses prestations, laquelle demeura impayée.
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B.- Par mémoire-demande du 24 novembre 1988, B. S.A. a ouvert action en paiement de 29'000 francs plus intérêts contre M.
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Statuant le 28 janvier 1992, la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais a condamné le défendeur à payer la somme de 25'694 fr. 65, plus intérêts, à la demanderesse.
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C.- Le défendeur interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation du jugement cantonal.
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La demanderesse conclut principalement à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, au rejet de celui-ci.
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Le Tribunal fédéral rejette le recours, dans la mesure où il est recevable, et confirme le jugement attaqué.
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Extrait des considérants: | |
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a) Les pourparlers en question avaient pour objet un contrat d'entreprise totale, soit l'une des diverses formes du contrat de construction (ATF 114 II 53 ss). Il est constant que la demanderesse, en dressant les plans initiaux de la halle, puis en les modifiant selon les voeux du défendeur, a fourni en tout cas une partie des prestations caractérisant un tel contrat. Mais il est tout aussi vrai que ces pourparlers n'ont pas débouché sur la conclusion d'un contrat d'entreprise totale proprement dit, le maître ayant confié la réalisation de l'ouvrage à un tiers. Faut-il néanmoins reconnaître à la demanderesse le droit à une rémunération pour le travail qu'elle a effectué? Tel est le problème à résoudre en l'espèce.
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b) Le défendeur avait invité la demanderesse à lui soumettre une offre pour la construction d'une halle industrielle. L'évaluation du coût de cet ouvrage supposait l'établissement préalable d'un projet, lequel fut dressé par la demanderesse sur la base des souhaits exprimés par le défendeur et des données fournies par lui à l'ingénieur S. lors de l'inspection des lieux.
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L'étude préliminaire devait servir, notamment, à la détermination du coût probable de l'ouvrage et, partant, à l'établissement de l'offre y relative. Dans cette mesure, les dépenses qu'elle a occasionnées entraient dans la catégorie des frais de pourparlers. Sauf accord contraire, de tels frais doivent, en principe, être supportés par l'entrepreneur, même si les travaux subséquents ne lui ont pas été adjugés; il n'en va autrement que si la partie avec laquelle il a conduit les pourparlers a commis une culpa in contrahendo (GAUTSCHI, n. 12c ad art. 363 CO; GAUCH, Der Werkvertrag, 3e éd., p. 92/93, n. 318, p. 94, n. 328 et p. 102 ss, n. 357 ss; Tribunal supérieur du canton de Lucerne, in LVGE 1980, I, p. 628/629, n. 561 = Droit de la construction [DC] 1982, p. 56, n. 47).
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En revanche, l'entrepreneur peut prétendre une rémunération de nature contractuelle lorsqu'il a été convenu qu'il serait rétribué pour l'établissement du projet initial ou encore lorsque l'on peut inférer des faits de la cause que les intéressés ont passé - à tout le moins par actes concluants - un contrat partiel spécial portant sur l'étude préliminaire. Cette dernière hypothèse revêt une importance particulière en matière de prestations d'architecte, car, dans ce domaine, le principe de la confiance interdit, en règle générale, au destinataire de ce genre de prestations de partir de l'idée qu'une activité d'une certaine ampleur, déployée pour l'établissement d'un projet de construction, ne doit pas être rémunérée (GAUCH, Vom Architekturvertrag, seiner Qualifikation und der SIA-Ordnung 102, in Le droit de l'architecte, p. 4, n. 14; TERCIER, La formation du contrat et les clauses d'architecte, in op.cit., p. 50/51, n. 153 ss).
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Cependant, le droit de l'auteur du projet à une rémunération peut découler également du fait que le destinataire de cette prestation, même si elle ne constitue qu'une simple offre suivant le stade des négociations auquel elle intervient, en tire effectivement parti, c'est-à-dire réalise ou fait réaliser les idées qui y sont incorporées. En ce cas, le bénéficiaire de la prestation la met à profit alors qu'il ne peut ignorer, puisque cela correspond au cours ordinaire des choses, que celui qui la lui a fournie n'entendait pas le faire à titre gracieux; en agissant de la sorte, il s'oblige à effectuer une contre-prestation dont le montant doit être déterminé suivant les principes applicables en matière contractuelle (cf. let. d ci-dessous). En revanche, celui qui utilise dans son propre intérêt une prestation d'autrui qui ne lui était pas destinée ou qui ne lui a pas été fournie dans ce but-là devra indemniser l'auteur de ladite prestation conformément aux règles concernant l'enrichissement illégitime (art. 62 CO) ou la gestion d'affaires imparfaite (art. 423 CO; cf. J. SCHMID, Die Geschäftsführung ohne Auftrag, p. 237 ss et 549 ss), selon qu'il a agi de bonne ou de mauvaise foi.
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aa) Dans un arrêt du 17 mars 1986, le Tribunal cantonal tessinois a reconnu à l'auteur de l'offre litigieuse le droit à une rémunération découlant des règles sur le contrat d'entreprise, au motif que l'offre en question allait bien au-delà de cette notion et constituait déjà, en réalité, un projet précis et détaillé (Rep. 120/1987, p. 211 ss). TERCIER approuve cet arrêt. A son avis, lorsque les travaux nécessaires à l'établissement de l'offre dépassent ce que l'on peut raisonnablement attendre du pollicitant, qu'ils exigent en particulier l'établissement de plans et de projets détaillés correspondant aux premières prestations décrites par les règlements d'honoraires de la SIA, il est conforme aux règles de la bonne foi que l'auteur de l'offre reçoive une rémunération (DC 1988, p. 64/65, n. 63).
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bb) La Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a précisé, dans un arrêt du 5 juin 1990, que le seul fait de remplir une liste de prix sur la base des documents fournis par le maître ne peut pas fonder le droit à une rémunération. En revanche, une rémunération est due si le travail dépasse celui que l'on peut exiger de qui fait une simple offre de concurrence. Il en est ainsi, par exemple, si l'entrepreneur doit se livrer à une activité consistant en études, en relevés, en plans, en recherches, et si le maître devait savoir que l'établissement du devis comportait plus que l'indication de montants tirés des prix courants (RSJ 87/1991, p. 397, n. 8). Commentant cet arrêt, Tercier, tout en approuvant la solution adoptée par les juges cantonaux, précise cependant que, du point de vue contractuel, une rémunération n'est due qu'à la double condition que les travaux exécutés dépassent le cadre d'une offre normale et qu'il ait été convenu expressément ou tacitement entre les parties que ces travaux se feraient à titre onéreux (DC 1992, p. 37, n. 70).
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cc) Dans un jugement du 2 décembre 1991, le Tribunal cantonal neuchâtelois a tracé les limites entre la simple offre ne donnant pas droit à une rémunération et l'étude technique, qui relève du contrat d'entreprise et doit être rémunérée (RJN 1991, p. 52/53). TERCIER approuve ce jugement et met l'accent sur le fait que la notion d'étude technique suppose des recherches et l'établissement de documents qui puissent effectivement être utiles au maître pour la réalisation de l'ouvrage (DC 1992, p. 93, n. 153a).
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d) La jurisprudence cantonale susmentionnée, qui concorde pour l'essentiel, ne peut qu'être approuvée. Celui qui utilise dans son propre intérêt une prestation qui lui a été fournie, et qui ne l'est ordinairement que contre rémunération, doit effectuer une contre-prestation selon les principes applicables aux contrats, même si cette contre-prestation n'avait pas encore été stipulée et n'était donc pas déterminée au moment où la prestation a été fournie. Dans ce cas, l'utilisation de la prestation supplée le défaut d'accord au sujet de la contre-prestation (cf. SCHMID, op.cit., p. 559 ss). C'est là une conséquence de l'application correcte du principe de la confiance: une partie est liée, non pas parce qu'elle avait une certaine volonté interne, mais parce qu'elle a adopté un comportement dont l'autre partie pouvait de bonne foi déduire une certaine volonté (ATF 69 II 322). Par conséquent, celui qui, dans le cadre de pourparlers visant à la conclusion d'un contrat d'entreprise totale, demande à un entrepreneur d'effectuer une étude préliminaire allant bien au-delà des travaux nécessaires à l'établissement d'une simple offre, afin d'évaluer le coût de la construction projetée, étude dont il sait ou doit savoir qu'elle n'est effectuée en règle générale que moyennant finance, ne peut pas se soustraire à son obligation de rémunérer l'entrepreneur en faisant valoir qu'il n'a finalement pas accepté l'offre globale faite par ce dernier. A défaut d'une réserve claire sur ce point, l'entrepreneur peut, au contraire, partir de l'idée qu'il sera rétribué pour un tel travail, quand bien même la réalisation de l'ouvrage ne lui serait pas confiée.
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Ce principe s'applique en tout cas sans restriction lorsque, avec l'accord de l'auteur du projet, celui qui l'a commandé l'utilise à des fins personnelles, en tire profit et ne le restitue pas. Ce faisant, le destinataire de la prestation noue en effet, par actes concluants, une relation contractuelle avec la personne qui la lui a fournie. Si cette prestation - comme c'est le cas pour l'établissement de plans - forme l'objet d'un contrat d'entreprise, la contre-prestation est régie par l'art. 374 CO. En pareille hypothèse, le destinataire de la prestation ne peut pas éluder son obligation de la rémunérer en exprimant simplement son refus de le faire au moment où il s'apprête à s'en servir, sauf à commettre un abus de droit manifeste (art. 2 CC: "protestatio facto contraria non valet"; sur cette question, cf., par exemple, MERZ, Vertrag und Vertragsschluss, 2e éd., p. 4 ss, n. 4 ss et les auteurs cités). En revanche, si la prestation est utilisée sans le consentement de son auteur, la rémunération de celui-ci a pour fondement juridique les règles sur l'enrichissement illégitime ou sur la gestion d'affaires improprement dite (cf. let. b ci-dessus).
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e) Sur la base du projet et des plans établis par la demanderesse, le défendeur a obtenu une autorisation de bâtir et a fait construire la halle. Selon les constatations de la cour cantonale, les prestations fournies par la demanderesse - travail préparatoire, étude préliminaire, avant-projet, projet définitif et appel d'offres - représentaient une partie (31%) des prestations prévues dans la norme SIA 103 relative aux honoraires d'ingénieurs. Il est donc indéniable qu'elles constituaient déjà en soi un ouvrage au sens de l'art. 363 CO. Le défendeur, qui avait une certaine expérience dans le domaine de la construction, ne pouvait pas ignorer que de telles prestations, de par leur nature et leur ampleur, ne sont généralement pas fournies sans contrepartie. Il devra, dès lors, en payer le prix.
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3. Ce prix n'ayant pas été fixé d'avance, les premiers juges l'ont déterminé, à juste titre, au moyen des critères mentionnés à l'art. 374 CO. Le défendeur ne critique pas la manière dont ils ont appliqués ces critères en l'espèce pour allouer finalement la somme de 25'694 fr. 65 à la demanderesse. Par conséquent, le Tribunal fédéral ne peut pas examiner d'office cette question.
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