BGE 120 II 144 | |||
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30. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 7 avril 1994 dans la cause Tekel contre Yeni Raki SA (recours en réforme) | |
Regeste |
Markenschutz: Klagerecht; Gemeingut bildende Marke; notorisch bekannte ausländische Marke. |
Das neue Markenrecht erlaubt dem Markeninhaber, gegen jede Verwendung seiner Marke als Kennzeichen im Geschäftsverkehr vorzugehen, einschliesslich der Verwendung als Firma (E. 2b). |
Die Marke "Yeni Raki" gehört, wenn sie zur Bezeichnung eines orientalischen Branntweins - des Raki - dient, zum Gemeingut (E. 3). |
Voraussetzungen, unter welchen der Schutz notorisch bekannter ausländischer Marken gemäss Art. 6bis PVUe Anwendung findet (E. 4). | |
Sachverhalt | |
A.- Tütün, Tütün Mamulleri, Tuz ve Alkol Isletmetleri Genel Müdürlügü (ci-après: Tekel ou le demandeur), à Istanbul, est un établissement public de droit turc qui détient le monopole de la vente et de la distribution en Turquie de différents produits, dont l'alcool. En 1973, cette société a fait enregistrer en Suisse la marque "Yeni Raki". La société Yeni Raki SA, dont le siège est à Fribourg, a été constituée le 21 septembre 1990; elle a pour but l'importation, la fabrication et la commercialisation en Suisse de raki turc. Le 8 avril 1991, elle a requis l'enregistrement de la marque "Yeni Raki".
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Par ordonnance du 24 décembre 1991, le Président de la Cour civile du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, agissant sur requête de Tekel, a fait défense à Yeni Raki SA, ainsi qu'à ses organes, d'utiliser la dénomination "Yeni Raki" dans sa raison sociale, dans sa publicité ou comme marque. L'intimée a déposé par la suite la marque "Eski Raki" que Tekel a tenté en vain de faire interdire par une nouvelle requête de mesures provisionnelles.
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B.- Le 29 janvier 1992, Tekel a ouvert action contre Yeni Raki SA. Il a demandé à l'autorité de jugement de constater que la raison sociale Yeni Raki SA est illicite et d'ordonner, en conséquence, aux organes de la défenderesse de la modifier dans un délai de trente jours dès l'entrée en force de l'arrêt cantonal. Le demandeur a encore requis que soit constatée la nullité de la marque "Yeni Raki" déposée par la défenderesse et que les organes de celle-ci soient invités à la faire radier dans le même délai.
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Par arrêt du 17 juin 1993, la Cour civile du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg a rejeté la demande et constaté la caducité des mesures provisionnelles susmentionnées. Pour elle, le demandeur n'ayant pas établi l'usage de sa marque après la levée des restrictions administratives empêchant un tel usage, il ne peut pas opposer à la défenderesse la priorité découlant du dépôt de la marque "Yeni Raki" (art. 5 LMF). Quant à l'art. 6bis de la Convention d'Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle (CUP; RS 0.232.01-04), qui traite des marques notoirement connues, la cour cantonale considère, d'une part, qu'il n'est pas applicable à la Turquie, d'autre part et en tout état de cause, qu'il suppose un usage de la marque en Suisse, contrairement à l'avis d'une partie de la doctrine, usage qui n'est pas établi en l'occurrence. Au demeurant, la marque incriminée est générique et appartient au domaine public, si bien qu'elle ne peut pas être protégée. S'agissant de loi fédérale sur la concurrence déloyale (LCD; RS 241), les premiers juges rappellent qu'elle ne saurait être invoquée pour réprimer un comportement qui ne tombe pas sous le coup de la loi protégeant les marques et considèrent, partant, que la question du risque de confusion, au sens de l'art. 3 LCD, ne se pose pas en l'espèce, vu le caractère générique de l'appellation en cause ainsi que l'absence de preuve quant à l'antériorité de l'usage de celle-ci. Enfin, ils estiment que l'art. 10bis CUP, qui traite de la même question, n'est pas non plus applicable à la Turquie.
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C.- Le demandeur interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Il y reprend ses précédentes conclusions et requiert, à titre subsidiaire, le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement dans le sens des considérants de l'arrêt fédéral.
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La défenderesse propose le rejet du recours.
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Extrait des considérants: | |
1. La cour cantonale a rendu son arrêt sur la base des dispositions de la loi fédérale du 26 septembre 1890 concernant la protection des marques de fabrique et de commerce (LMF). Cette loi a été abrogée par la loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance, qui est entrée en vigueur le 1er avril 1993, à l'exception de son art. 36 (LPM; RS 232.11; RO 1993 p. 274 ss). En vertu de l'art. 76 al. 1 LPM, les marques déjà déposées et les marques encore enregistrées au jour de l'entrée en vigueur de ladite loi sont régies dès cette date par le nouveau droit. Comme les juges cantonaux ont statué le 17 juin 1993, ils auraient dû examiner le litige au regard du nouveau droit. Toutefois, l'erreur qu'ils ont commise sur ce point ne porte pas à conséquence en l'espèce dès lors que le nouveau droit (art. 2 let. a LPM), à l'instar de l'ancien (art. 3 al. 2 et 14 al. 1 ch. 2 LMF), tient également pour un motif absolu d'exclusion l'appartenance d'un signe au domaine public et qu'il s'agit là du noeud de l'affaire. Quoi qu'il en soit, le Tribunal fédéral examinera le cas à la lumière des dispositions du nouveau droit.
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a) Aux termes de cette disposition, a qualité pour intenter une action en constatation d'un droit ou d'un rapport juridique prévu par la présente loi toute personne qui établit qu'elle a un intérêt juridique à une telle constatation. En règle générale, cet intérêt fait défaut lorsque le demandeur peut immédiatement exiger une prestation exécutoire en sus de la simple constatation (dans ce sens, à propos de la disposition citée, cf. HEINZELMANN, Der Schutz der berühmten Marke, in AJP/PJA 1993, p. 532, note 6). Il peut exister, en revanche, lorsqu'une incertitude plane sur les relations juridiques des parties et qu'une constatation judiciaire touchant l'existence et l'objet du rapport de droit pourrait l'éliminer. Il ne suffit pas cependant d'une quelconque incertitude. Encore faut-il que la persistance de celle-ci entrave le demandeur dans sa liberté de décision au point d'en devenir insupportable pour lui (ATF 114 II 253 consid. 2a et les arrêts cités; voir aussi: GUYET, Les voies de droit et les sanctions, in La nouvelle loi fédérale sur la protection des marques, CEDIDAC 1994, p. 105 à 107).
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b) Si la violation de son droit à la marque était avérée - question qui sera examinée plus loin -, le demandeur reprocherait certes avec raison aux premiers juges d'avoir méconnu l'art. 52 LPM en ne constatant pas la nullité de la marque enregistrée par la défenderesse. C'est le lieu d'observer, à cet égard, que l'art. 54 LPM prescrit aux tribunaux de transmettre à l'Office fédéral de la propriété intellectuelle les jugements exécutoires qui entraînent la modification d'un enregistrement, de sorte que la conclusion du demandeur tendant à ce que l'autorité de jugement ordonne aux organes de la défenderesse de requérir eux-mêmes la radiation dans un certain délai est sans objet. Dans la même hypothèse, c'est-à-dire une fois constatée la violation de son droit à la marque, le demandeur aurait invité à juste titre la cour cantonale, non pas à ordonner elle-même la radiation de la raison sociale de la défenderesse, mais à enjoindre les organes de celle-ci d'y procéder dans un délai approprié (cf. TF in SJ 1973 p. 244 ss, 250/251 consid. 8; DAVID, Der Rechtsschutz im Immaterialgüterrecht, Schweizerisches Immaterialgüter- und Wettbewerbsrecht, I/2, p. 42). Il s'agit là d'une faculté que lui offre la nouvelle loi, plus précisément son art. 13 al. 2 let. e, et qui n'existait pas auparavant. En effet, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'ancienne loi ne réprimait que la violation du droit à la marque d'un tiers par l'usage d'un signe à titre de marque (ATF 113 II 73 consid. 2a). Au contraire, le nouveau droit permet au titulaire d'agir contre tout usage de sa marque comme signe distinctif dans les affaires, y compris comme raison sociale (Message du Conseil fédéral du 21 novembre 1990 concernant la LPM, in FF 1991 I 1 ss, 25; DESSEMONTET, Droit à la marque, in La nouvelle loi fédérale sur la protection des marques, CEDIDAC 1994, p. 46).
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Cela étant, on ne voit pas en quoi le demandeur, qui a la charge de la preuve sur ce point (cf. ATF 116 II 196 consid. 2b), pourrait avoir un intérêt spécifique à la constatation souhaitée, qui ne trouve pas déjà son fondement dans les dispositions protégeant les marques ou sanctionnant la concurrence déloyale. Lui-même n'invoque que ces dispositions-là à l'appui de sa conclusion topique. Il n'expose nullement en quoi l'incertitude qui subsisterait par hypothèse quant au droit à la marque litigieuse, si ces dispositions n'étaient pas applicables, lui serait préjudiciable, ni ne prétend que sa liberté économique serait mise en péril si d'aventure la défenderesse tentait de lui interdire l'usage des mots "Yeni Raki" en se prévalant de l'enregistrement de la marque qui les inclut, tentative qui n'aurait, au demeurant, que peu de chances d'aboutir.
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D'où il suit que le moyen pris de la violation de l'art. 52 LPM n'est en tout cas pas fondé en tant que le demandeur le fait valoir en dehors des dispositions protectrices du droit de la propriété intellectuelle dont il impute la violation à la cour cantonale.
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a) Toute personne ayant un intérêt digne de protection peut invoquer la nullité absolue de l'enregistrement d'une marque, par voie d'action ou d'exception. Tel est le cas, notamment, du titulaire d'une marque plus récente recherché pour violation du droit à la marque par le titulaire d'une marque antérieure (ATF 99 II 104 consid. 5 p. 112, ATF 90 II 43 consid. 4).
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b) L'art. 2 let. a LPM, applicable in casu en vertu de l'art. 76 al. 1 LPM, exclut de la protection légale les signes appartenant au domaine public, sauf s'ils se sont imposés comme marques pour les produits ou les services concernés. Cette règle n'est pas nouvelle (cf. art. 3 al. 2 et 14 al. 1 ch. 2 LMF), si bien que les principes jurisprudentiels posés sous l'empire de l'ancien droit sont toujours d'actualité (voir le Message précité, FF 1991 I 19).
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aa) Appartiennent au domaine public les références à la nature, aux propriétés, à la composition ou à l'emploi d'un produit. Des associations d'idées ou des allusions qui n'ont qu'un rapport lointain avec la marchandise ne sont toutefois pas suffisantes; si la marque consiste en une désignation générique, son rapport avec le produit doit être tel que son caractère descriptif soit reconnaissable sans effort particulier de raisonnement ou d'imagination (ATF 116 II 609 consid. 1c, ATF 114 II 371 consid. 1 et les arrêts cités). Relèvent également du domaine public les signes qui ne permettent pas d'établir une distinction entre les différents produits ou services, par exemple les figures géométriques ou les simples chiffres (ATF 118 II 181 et les références). Dans l'examen d'une marque composée de plusieurs mots appartenant au domaine public, il convient de se fonder sur l'impression d'ensemble laissée par la combinaison des termes pour déterminer si la marque présente un caractère distinctif suffisant. Il est, en effet, possible que l'association de deux mots en eux-mêmes tirés du domaine public crée une désignation de fantaisie susceptible d'être protégée (ATF 104 Ib 138 consid. 2).
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Pour juger du caractère descriptif ou non d'une marque verbale, il faut considérer d'une part l'effet auditif, d'autre part l'effet visuel du ou des mots utilisés sur les destinataires du produit commercialisé sous cette marque. La jurisprudence attache cependant une importance prédominante au premier, qui se grave le mieux dans le souvenir de l'acheteur moyen (ATF 100 Ib 250 consid. 3 et les arrêts cités). Au demeurant, le fait qu'une marque se compose de mots tirés d'une langue qui ne compte pas au nombre des langues officielles ou nationales de la Suisse - soit de mots qui ne sont compris comme décrivant une caractéristique du produit que par un cercle de personnes limité - n'exclut pas que cette marque soit considérée, le cas échéant, comme ressortissant au domaine public (ATF 108 II 487 consid. 2, ATF 104 Ib 65 consid. 1).
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D'après les constatations de cette autorité, qui lient le Tribunal fédéral en instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ), la marque "Yeni Raki" est destinée essentiellement aux consommateurs turcs, pour lesquels le raki est une boisson nationale. Est, partant, décisive, s'agissant de décider si cette marque relève ou non du domaine public, l'impression qu'elle produit sur l'acheteur moyen, membre de la communauté turque de Suisse.
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Pour une telle personne, il est évident que le mot "Raki" revêt un caractère purement descriptif, ce que le demandeur est d'ailleurs le premier à reconnaître. D'origine turque, le terme en question désigne une liqueur traditionnelle d'Orient confectionnée à base d'eau de vie parfumée à l'anis. Il fait partie, notamment, du vocabulaire français et allemand (LE GRAND ROBERT de la langue française: "liqueur d'Orient, eau-de-vie de marc de raisin parfumée à l'anis"; DUDEN, Das Grosse Wörterbuch der deutschen Sprache: "türkischer Branntwein aus Anis u. Rosinen").
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Cependant, le demandeur soutient que l'élément caractéristique de sa marque réside dans le terme "Yeni", qui signifie "nouveau". Selon lui, il est important de savoir que le produit en cause est vendu dès qu'il est fabriqué et qu'il n'y a aucun processus de vieillissement dans sa fabrication. L'usage de cet adjectif serait donc de pure fantaisie, si l'on en croit l'intéressé, qui en veut pour preuve le fait que la défenderesse a déposé la marque "Eski Raki" - "Eski" signifiant "vieux" - pour le même produit lorsqu'elle s'est vu interdire provisoirement le droit d'utiliser la dénomination "Yeni Raki" comme marque. Cette argumentation n'est pas convaincante. L'adjectif "nouveau", étant donné son caractère tout à fait général, ne permet en aucun cas d'établir une distinction entre les différents produits ou services et constitue de surcroît, à l'instar de son antonyme "vieux", un élément essentiel du langage, qui est indispensable au commerce et ne souffre pas d'être monopolisé. Pour le surplus, sa combinaison avec le terme "Raki", lui aussi purement descriptif, ne débouche pas sur quelque chose d'original. L'adjectif "Yeni" est par trop commun pour que sa seule présence aux côtés d'un mot désignant le produit même auquel la marque est destinée puisse conférer une force distinctive à ce mot et, partant, à la marque dans laquelle il figure. De ce point de vue, les termes "Yeni Raki" ne sont pas plus originaux et parlants que ne le seraient des combinaisons de mots, telles que "nouveau kirsch", "whisky nouveau" ou "vieille prune". Au surplus, il n'est pas du tout certain, quoi qu'en dise le demandeur, que l'acheteur moyen sache qu'il n'y a prétendument aucun processus de vieillissement dans la fabrication du produit qui lui est destiné, et l'arrêt attaqué ne contient du reste aucune constatation à ce sujet. Enfin, comme le souligne avec raison la défenderesse, si l'adjectif "Yeni" était à ce point caractéristique de la marque du demandeur, on ne comprend pas pourquoi ce dernier s'est empressé de lui faire interdire l'utilisation du terme "Eski", qu'elle avait substitué à ce qualificatif.
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Dans ces conditions, la Cour civile a vu à bon droit dans la marque litigieuse un signe appartenant au domaine public.
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c) En ne protégeant pas les signes relevant du domaine public, la loi veut notamment éviter que des désignations descriptives ne soient monopolisées par un particulier, qui bénéficierait ainsi d'un avantage commercial sur ses concurrents (ATF 114 II 371 consid. 1 p. 374). Une exception ne se justifie que pour les signes qui se sont imposés comme marques pour les produits ou les services concernés (art. 2 let a LPM). Le demandeur, qui s'en prévaut implicitement, oublie toutefois qu'en vertu du principe de la territorialité, le signe générique ou descriptif doit s'être imposé en Suisse (ATF 103 Ib 268 consid. 2 et les arrêts cités). Or, selon les constatations souveraines de la cour cantonale, il n'a rien établi de plus que des livraisons isolées à deux grossistes suisses, sans préciser, au demeurant, quand et comment ceux-ci ont écoulé les bouteilles de raki sur le marché suisse. Aussi ne saurait-on admettre que la marque "Yeni Raki" s'est imposée, par le fait même de son usage en Suisse, comme étant celle qui individualise les produits du demandeur. Que ladite marque se soit peut-être imposée à l'étranger n'est pas déterminant sous cet angle. En effet, cette circonstance ne peut pas suppléer, en règle générale, le défaut d'usage en Suisse, sauf à vider de sa substance le principe de la territorialité. Il conviendra, en revanche, de la prendre en considération, le cas échéant, au titre de la protection conventionnelle des marques notoirement connues (voir le consid. 4 ci-après).
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d) Comme la désignation "Yeni Raki" n'est pas susceptible de protection selon le droit suisse des marques, parce qu'elle appartient au domaine public, la cour cantonale a rejeté avec raison, en tant qu'elle se fondait sur ce droit, l'action du demandeur tendant à la constatation de la nullité de la marque similaire utilisée par la défenderesse. Pour le surplus, du moment que le caractère générique de la marque en cause constitue un motif suffisant pour justifier la solution retenue par les juges précédents, il n'est pas nécessaire d'examiner s'il en existe un autre, tiré du défaut de priorité du demandeur relativement à la marque litigieuse (art. 5 LMF en relation avec l'art. 76 al. 2 let. a LPM), comme ceux-ci l'ont admis.
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a) Selon la cour cantonale, cette disposition ne serait pas applicable à la Turquie. Il n'en est rien. Contrairement à son avis, le fait que ce pays n'a pas adhéré à la CUP revisée à Lisbonne le 31 octobre 1958 (RS 0.232.03) et n'a ratifié que les art. 13 à 30 de la CUP revisée à Stockholm le 14 juillet 1967 (RS 0.232.04) n'impose nullement une telle conclusion. Les deux parties en conviennent du reste. Il a, en effet, échappé aux premiers juges que l'art. 6bis figurait déjà dans la CUP revisée à Londres le 2 juin 1934 (RS 0.232.02), qui a été ratifiée par la Turquie et qui reste en vigueur dans sa totalité à l'égard de ce pays en vertu de l'art. 27 al. 2 let. b CUP revisée à Stockholm (à ce sujet, cf. BODENHAUSEN, Guide d'application de la CUP, p. 219 let. b).
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La défenderesse objecte que l'art. 6 let. B al. 1 ch. 2 CUP revisée à Londres s'opposerait à l'application de l'art. 6bis CUP, dans la mesure où il permet à un pays de l'Union d'exclure la protection d'une marque enregistrée dans le pays d'origine, mais dépourvue de tout caractère distinctif. L'objection ne sera pas retenue. D'abord, contrairement à ce que soutient la défenderesse dans sa réponse au recours, la disposition qu'elle cite n'oblige pas le pays où la protection d'une marque générique est réclamée à la refuser, mais lui accorde simplement le droit de le faire (BAUMBACH/HEFERMEHL, Warenzeichenrecht, 12e éd., n. 5 in fine ad art. 6quinquies CUP revisée à Stockholm, disposition qui est le pendant de la disposition en cause). Ensuite, cette disposition précise - ce que la défenderesse passe sous silence - que, dans l'appréciation du caractère distinctif d'une marque, on devra tenir compte de toutes les circonstances de fait, notamment de la durée de l'usage de la marque. Enfin et surtout, la jurisprudence constante du Tribunal fédéral interprète la disposition similaire de l'art. 6quinquies let. B ch. 2 et 3 CUP de la même manière que la disposition correspondante du droit interne (ATF 117 II 327 consid. 1a). Or, le droit suisse des marques protège même le signe relevant du domaine public, s'il s'est imposé comme étant la marque d'une entreprise déterminée. Il y aurait donc une certaine contradiction à adopter la solution inverse dans le cadre des relations internationales.
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b) Force est ainsi de constater que la Cour civile a violé le droit fédéral en jugeant l'art. 6 bis CUP inapplicable en l'espèce. Dès lors, la cause doit lui être renvoyée afin qu'elle examine si les conditions d'application de cette disposition sont réalisées dans le cas particulier, autrement dit si la marque "Yeni Raki" est "notoirement connue", ce qui suppose qu'elle procède aux constatations de fait qui s'imposent pour répondre à cette question (art. 64 al. 1 OJ).
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C'est le lieu d'observer, avec la doctrine dominante et contrairement à l'opinion de la cour cantonale sur ce point, que la protection des marques étrangères notoirement connues, prescrite par l'art. 6bis CUP, représente une exception au principe de la territorialité. Elle se fonde sur la notoriété acquise par la marque étrangère, sans qu'il importe que cette notoriété découle de l'usage de ladite marque en Suisse ou à l'étranger. La marque étrangère n'a donc pas besoin d'être employée en Suisse pour y acquérir la notoriété voulue; il suffit, mais il est aussi indispensable, qu'elle y soit notoirement connue (cf., notamment, TROLLER, Das internationale Privat- und Zivilprozessrecht im gewerblichen Rechtsschutz und Urheberrecht, Bâle 1952, p. 117; BODENHAUSEN, op.cit., p. 94 let. f; ANTONIAZZI, La Convention d'Union de Paris et la loi fédérale sur la protection des marques de fabrique et de commerce, thèse Lausanne 1966, p. 145). Il appartiendra, par conséquent, à l'autorité cantonale de rechercher si tel est le cas en ce qui concerne la marque "Yeni Raki", en dépit du fait que le demandeur ne l'a utilisée que de manière très limitée en Suisse. Comme la marque en question est destinée essentiellement aux ressortissants turcs résidant en Suisse, son éventuelle notoriété devra être examinée par rapport à ceux-ci. Si elle était établie, elle impliquerait, d'une part, la constatation de la nullité de l'enregistrement de la marque similaire utilisée par la défenderesse et la communication du jugement à l'Office fédéral de la propriété intellectuelle pour radiation de cet enregistrement, d'autre part, la fixation d'un délai approprié à la défenderesse pour qu'elle modifie sa raison sociale.
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a) Pour le même motif que celui qui a été indiqué à propos de l'art. 6bis CUP, la cour cantonale a refusé à tort au demandeur le droit de se prévaloir de l'art. 10bis CUP revisée à Londres.
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b) De jurisprudence constante, on ne peut, par le moyen des normes réprimant la loi sur la concurrence déloyale, interdire à autrui d'utiliser une désignation appartenant au domaine public. Chacun doit avoir la faculté de désigner les marchandises en se servant d'expressions qui en indiquent la nature ou les propriétés, sans en être empêché par la marque d'un autre. Sinon, on accorderait à celui-ci, par le détour de la loi sur la concurrence déloyale, une protection que la législation sur les marques lui refuse expressément (ATF ATF 84 II 221 consid. 3). Seules des circonstances particulières peuvent faire apparaître l'imitation comme déloyale; tel est le cas si l'utilisateur est induit en erreur de façon évitable quant à la provenance du produit imité ou si l'imitateur exploite de façon parasite le renom des produits d'un concurrent (ATF 116 II 471 consid. 3a/aa et les arrêts cités). L' ATF 117 IV 45 consid. 2d, auquel se réfère le demandeur, ne dit pas autre chose.
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En l'occurrence, si la marque litigieuse n'était pas protégée par la législation en la matière, du fait de son caractère générique et parce qu'elle ne serait - par hypothèse - pas notoirement connue, sa seule utilisation par la défenderesse n'impliquerait pas déjà en soi un comportement déloyal au regard du droit de la concurrence. Il faudrait pour cela que d'autres circonstances révèlent l'intention de la défenderesse de créer une confusion entre ses propres produits et ceux du demandeur. Ce pourrait être le cas, par exemple, d'une imitation de la présentation du produit (ATF 116 II 365). Le demandeur avait invoqué semblable circonstance devant la cour cantonale, en soutenant que l'étiquette apposée sur les bouteilles commercialisées par la défenderesse est quasiment identique à la sienne et que l'intéressée s'en est servie pour faire de la publicité pour son produit dans un journal turc populaire, très lu par les travailleurs turcs résidant en Suisse. Les premiers juges n'ont pas examiné cet aspect du problème et le demandeur leur en fait expressément grief, à juste titre d'ailleurs. Aussi devront-ils procéder aux constatations nécessaires (art. 64 al. 1 OJ) et en tirer les conclusions qui s'imposent lors du réexamen de la présente cause.
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