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47. Extrait de l'arrêt de la Ière Cour de droit public du 3 novembre 1995 dans la cause X. contre Office fédéral de la police (recours de droit administratif) | |
Regeste |
Auslieferung an die Vereinigten Staaten von Amerika; Art. 3 und Art. 6 EMRK. |
Weder die Dauer der Freiheitsstrafe noch die Art und Weise von deren Festsetzung stehen im vorliegenden Fall einer Auslieferung entgegen (E. 4). |
Der Vollzug einer lebenslangen Freiheitsstrafe verletzt Art. 3 EMRK selbst bei fehlender Möglichkeit einer bedingten Entlassung nicht (E. 5). | |
Sachverhalt | |
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Le 30 novembre 1994, l'Ambassade des Etats-Unis d'Amérique à Berne a remis à l'Office fédéral de la police (ci-après: l'OFP) une demande d'extradition de X. formée par le Procureur adjoint du district fédéral du Colorado. X. fait l'objet d'un acte d'accusation dressé le 18 novembre 1993 par un Grand Jury du Tribunal du district fédéral du Colorado, qui retient à son encontre les chefs d'accusation suivants:
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- complot d'importation de marijuana;
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- importation de marijuana;
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- possession avec intention de distribuer de la marijuana, infraction également commise en complot;
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- participation à une entreprise criminelle;
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- blanchissage d'argent.
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Il est en substance reproché à X. d'avoir importé, à partir de 1971, plus de 250000 livres de marijuana.
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Un mandat d'arrêt en vue d'extradition a été notifié à X. le 17 janvier 1995. Entendu le même jour, ce dernier a déclaré s'opposer à son extradition. Dans son mémoire d'opposition du 23 février 1995, il soutenait qu'il risquait une condamnation à perpétuité pour les infractions mentionnées dans l'acte d'accusation, sans aucune possibilité de libération anticipée, ce qui constituerait un traitement contraire à l'art. 3 CEDH. Par ailleurs, la procédure américaine violerait l'art. 6 CEDH, la fixation de la peine ne faisant l'objet d'aucun débat contradictoire.
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Par décision du 28 avril 1995, l'OFP a rejeté l'opposition; les délits reprochés à l'opposant constituaient des délits de droit commun; une éventuelle réclusion à vie, d'ailleurs aussi prévue en droit suisse, n'apparaissait pas contraire à l'art. 3 CEDH; la Constitution américaine prévoyait des garanties suffisantes au regard de l'art. 6 CEDH.
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Agissant par la voie du recours de droit administratif, X. demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision de l'OFP et de rejeter la demande d'extradition, subsidiairement d'inviter l'autorité requérante à compléter sa demande en produisant l'ensemble des dispositions légales applicables, notamment en matière de fixation de la peine, et à se prononcer à bref délai sur les objections soulevées.
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Extrait des considérants: | |
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b) Le Traité d'extradition conclu le 14 mai 1900 entre les Etats-Unis d'Amérique et la Suisse (RS 0.353.933.6; ci-après: le traité) ne se réfère pas aux principes énoncés dans les instruments internationaux relatifs à la protection des droits de l'homme; on peut donc se demander si ces ![]() | 14 |
c) En définitive, la question de savoir dans quelle mesure chacune des dispositions conventionnelles invoquées par le recourant constituerait, sous ses différents aspects, un principe général du droit des gens au sens de l'art. 53 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des Traités (RS 0.111), et pourrait, en tant que norme d'ordre public international, motiver un refus de l'extradition (cf. ATF 120 Ib 189 consid. 2b p. 191 et les arrêts cités), peut demeurer indécise; en effet, les conditions d'un tel refus ne sont pas réalisées en l'espèce.
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4. a) La durée de la peine n'apparaît pas en soi comme un motif (d'ordre public international) pour s'opposer à l'extradition; aucun des instruments internationaux dont se prévaut le recourant n'interdit une peine de réclusion à vie (décision de la CommEDH du 6 mai 1978, citée par VELU/ERGEC, La Convention européenne des droits de l'homme, Bruxelles 1990, p. 207). La sévérité particulière dont ferait preuve l'Etat requérant en matière de stupéfiants ne saurait constituer une violation des droits de l'homme. Dans le cadre d'une procédure d'extradition, la Suisse n'a pas en principe à émettre des considérations sur la manière dont l'Etat requérant envisage sa politique criminelle. On peut certes se demander si, comme le ![]() | 16 |
b) Le recourant soutient que, dans le système américain, la fixation de la peine se ferait de manière automatique, selon un barème fixé d'avance, ne laissant aucune marge d'appréciation au juge et sans tenir compte de la situation personnelle de l'accusé. Le recourant se prévaut toutefois en vain de l'art. 6 par. 3 CEDH car, contrairement à ce qu'il soutient, cette disposition conventionnelle s'adresse à l'autorité judiciaire, et ne s'applique pas à la réglementation relative à la fixation et la quotité de la peine (arrêt non publié du 27 décembre 1994 en la cause A./consid. 7).
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a) Il se réfère principalement à l'arrêt Soering précité, aux termes duquel l'extradition vers un pays en vue de l'exécution d'une peine de mort violait en l'espèce l'art. 3 CEDH, en raison non de la peine elle-même, mais de la dégradation psychologique provoquée par la perspective de l'exécution (syndrome du "couloir de la mort"). Le recourant évoque aussi le rapport général sur le traitement des détenus de longue durée du Sous-comité no XXV du Conseil de l'Europe. Selon ce dernier, tout détenu doit se voir accorder - sous réserve du danger qu'il peut représenter, notamment du risque de récidive - une libération conditionnelle (Comité européen pour les problèmes criminels, Traitement des détenus en détention de longue durée, Strasbourg 1977, par. 61). A propos des condamnés à perpétuité, le Sous-comité estime qu'il est "inhumain d'emprisonner une personne à vie sans lui laisser aucun espoir de libération... Personne ne devrait être privé de la possibilité d'une libération éventuelle". Dans sa résolution (76) 2 sur le traitement des détenus en détention de longue durée, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe recommande aux Gouvernements de s'assurer que les cas de tous les détenus seront examinés aussitôt que ![]() | 19 |
aa) Selon la jurisprudence des organes de Strasbourg, un traitement doit, pour tomber sous le coup de l'art. 3 CEDH, atteindre un minimum de gravité, les notions de traitements dégradants, inhumains et de torture allant dans un ordre croissant suivant l'intensité des souffrances infligées. L'appréciation de ce minimum dépend des circonstances de la cause, notamment de la nature et du contexte du traitement, de sa durée, de ses effets physiques et mentaux, voire du sexe, de l'âge et de l'état de santé de l'intéressé (ACEDH Costello-Roberts, du 25 mars 1993, série A vol. 247-C, par. 30). Tel peut être le cas d'un traitement propre à causer sinon de véritables lésions, du moins de vives souffrances physiques ou morales, de nature à créer des sentiments humiliants de peur, d'angoisse et d'infériorité, et à briser éventuellement la résistance physique ou morale (arrêt Soering précité, par. 100 et la jurisprudence citée). La notion de traitement dégradant, à l'instar de la torture et des traitements inhumains, ne suppose pas nécessairement un élément intentionnel de la part de leur auteur (VELU/ERGEC, op.cit. p. 200).
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bb) L'exécution d'une condamnation à la réclusion à vie, même sans possibilité de libération conditionnelle, est sans commune mesure avec le traitement dénoncé dans l'affaire Soering. Dans ce dernier arrêt, la Cour européenne a relevé que la peine de mort n'est pas en soi un châtiment contraire aux art. 2 et 3 CEDH, et qu'une telle sanction pourrait, le cas échéant, donner lieu à extradition (sous réserve du protocole no 6 à la Convention); seules la durée et les conditions de la détention en attente de l'exécution paraissaient contraires à la Convention. Or, comme cela a été relevé ci-dessus (consid. 3a), la condamnation à l'emprisonnement à vie qu'encourt le recourant ne violerait pas la Convention (décision de la ![]() | 21 |
L'argumentation du recourant doit être écartée pour ce motif déjà; elle doit l'être également parce que les craintes du recourant quant à la peine susceptible de lui être infligée apparaissent sans fondement.
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b) A la requête du Tribunal fédéral, l'Etat requérant a été interpellé et invité à faire savoir si une peine incompressible de réclusion à vie était la seule peine susceptible d'être prononcée en cas de condamnation, quelles seraient les possibilités de l'atténuer et les modalités de son exécution.
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aa) La prise de position du 18 août 1995 émane du chef de la Brigade spéciale des stupéfiants de la région des Montagnes Rocheuses du Ministère de la Justice des Etats-Unis, Procureur principal dans la cause dirigée contre X. Ce magistrat confirme l'avis de droit produit par le recourant quant à l'exposé des principes régissant la fixation de la peine, mais il en conteste les conclusions dans le cas particulier, estimant qu'elles reposent sur des hypothèses théoriques. Il relève en particulier les points suivants.
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Il n'est pas certain que le recourant pourra être reconnu coupable de tous les chefs d'accusation, lesquels font l'objet d'un examen séparé et doivent chacun faire l'objet d'un avis de culpabilité unanime du jury. Lorsque le délit de blanchiment se trouve, comme dans le cas de X., en étroite connexité avec le délit de trafic de drogue, il n'y aurait pas lieu d'augmenter le niveau de peine relatif à ce dernier; le niveau global resterait donc 42, ce qui impliquerait une peine de prison située entre 360 mois et la prison à vie. En plaidant coupable, l'intéressé pourrait obtenir une réduction de trois niveaux, et encourir entre 262 et 327 mois de prison. Le condamné bénéficie par ailleurs d'un crédit de 54 jours par année après la première année de prison; sur une peine de 360 mois de prison, il pourrait être remis en liberté après 25,6 ans. La durée de la ![]() | 25 |
bb) Le recourant met en cause l'indépendance, l'impartialité et les compétence du Procureur. Il relève que la pratique du "plea bargain", en soi critiquable, ne devrait pas être prise en compte. S'appuyant sur un nouvel avis de son expert américain, il conteste - en se référant à des décisions judiciaires - que l'infraction de blanchiment puisse être "absorbée" par celles relatives au trafic de stupéfiants, de sorte que le niveau de peine encouru serait bien 43 (en cas de condamnation pour un seul des chefs d'accusation relatifs à l'un et à l'autre types d'infractions), ce qui implique la réclusion à vie sans libération possible.
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cc) Selon la jurisprudence, c'est en premier lieu à l'autorité requérante qu'il convient de se référer pour l'interprétation du droit étranger. Il n'y a pas en principe à lui préférer une expertise privée (ATF 117 Ib 64 consid. 5f p. 91-92). En l'espèce, le Procureur a répondu aux questions posées au nom de l'Etat requérant. Magistrat depuis 1977, il expose avoir représenté le Gouvernement, depuis l'entrée en vigueur des "Federal Sentencing Guidelines", pour la détermination des peines de prison dans plus de 300 procédures se rapportant à des infractions à la réglementation sur les stupéfiants. Rien ne permet de mettre en doute ses connaissances dans ce domaine. Procureur principal dans la procédure dirigée contre X. qu'il suit depuis quatre ans, et auteur de la "déposition à l'appui de la demande d'extradition", il apparaît manifestement comme une personne particulièrement apte à évaluer la peine susceptible d'être prononcée dans le cas présent. En dépit de son rôle d'accusateur, on ne saurait mettre en ![]() | 27 |
Or, selon cet avis, les règles relatives à la fixation de la peine sont appliquées avec moins de rigidité que ne le prétend le recourant. Supposé coupable d'une ou de plusieurs infractions en rapport avec le trafic de stupéfiants et, simultanément, d'une infraction de blanchiment d'argent, le recourant n'encourrait pas forcément la prison à vie (niveau de peine 43), mais une peine située entre 360 mois et la perpétuité (niveau 42). De nombreux facteurs viendraient, dans ce cas, atténuer la peine, notamment le "crédit" de 54 jours par année accordé après la première année; le recourant a aussi la possibilité de plaider coupable pour bénéficier d'une réduction de trois "niveaux". La pratique du "plea bargain" n'est certes pas dans les conceptions de la procédure pénale suisse, mais cela ne suffit pas pour en faire abstraction - en tant que simple indication de fait - dans l'estimation de la peine concrètement encourue dans l'Etat requérant. Compte tenu des explications qui précèdent, on ne saurait partager les craintes du recourant de se voir condamner à une peine incompressible de réclusion à vie.
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