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53. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 20 décembre 1995 dans la cause C. contre Tribunal administratif du canton de Genève (recours de droit administratif) | |
Regeste |
Art. 12 Abs. 2 OHG. |
Die Lebensführung des Opfers kann im vorliegenden Fall als Mitverschulden eine Reduktion, jedoch nicht den Wegfall der Entschädigung rechtfertigen (E. 4). |
Eine vom Opfer begangene rechtswidrige Handlung als Akt der Selbstjustiz könnte ebenfalls zu einer Herabsetzung der Entschädigung führen; die Voraussetzungen dafür sind jedoch im vorliegenden Fall nicht erfüllt (E. 5). |
Bemessung des immateriellen Schadens aufgrund des Verlusts eines Auges (E. 6). | |
Sachverhalt | |
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Le 6 avril 1993, à la recherche de sa dose quotidienne d'héroïne à la Place du Molard à Genève, il rencontra S., qu'il connaissait pour lui avoir acheté de la drogue quelques jours auparavant. Il se rendit en sa compagnie dans un endroit retiré pour procéder à la transaction. S. le saisit par surprise, le traîna au sol et lui asséna plusieurs coups de genou au visage, en exigeant qu'il lui remît son argent; C. dut s'exécuter. Malgré les soins qui lui furent prodigués, il perdit définitivement la vue de l'oeil droit.
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Le 16 juin 1994, la Cour d'assises de la République et canton de Genève a condamné S. à trois ans de prison, pour brigandage. Il résulte du jugement que les causes du conflit entre l'agresseur et la victime n'ont pas pu être élucidées. Après l'agression du 6 avril 1993, la situation personnelle de C. s'est encore dégradée. En raison de son mauvais état général, il a reçu une rente AI de 100%. Il a continué à consommer des stupéfiants. Il a été condamné à quatre reprises pour des cambriolages et tentatives de cambriolages. En 1993, une expédition punitive (mise à sac de l'appartement de S.) a été décidée par son frère M. C. n'y a pas participé activement; une plainte pénale dirigée contre lui a été classée par le Ministère public.
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En raison de l'insolvabilité de S., C. a requis, le 13 septembre 1993, l'octroi de prestations fondées sur la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions, du 4 octobre 1991 (LAVI).
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Par décision du 25 avril 1994, l'Instance cantonale d'indemnisation prévue par la LAVI a refusé l'octroi de toute prestation. Il n'y avait pas lieu de réparer un dommage matériel consistant dans une perte de gain, C. ne travaillant plus depuis cinq ans. Les circonstances ne justifiaient pas non ![]() | 5 |
Par arrêt du 23 mai 1995, le Tribunal administratif du canton de Genève a rejeté un recours de C. Faute de perte de gain et d'atteinte à l'avenir économique, il a nié l'existence d'un droit à la réparation d'un préjudice matériel (art. 12 al. 1 LAVI). Une demande de réparation morale, de 30'000 fr. au moins, a également été rejetée au motif que l'atteinte à la santé avait été subie à l'occasion d'une activité illicite, impliquant une acceptation du risque, liée aux personnes qui s'y adonnent ("en évoluant dans le milieu des toxicomanes et des vendeurs de drogue depuis 1989, le recourant a pris le risque délibéré de s'exposer à la violence qui règne dans cette frange de la population"). En outre, C. s'était lui-même procuré une certaine satisfaction morale en ne s'opposant pas au projet de son frère de mettre à sac l'appartement de S.; cet acte de justice propre n'était pas conciliable avec la prise en considération par la société de la situation de la victime, d'autant qu'une condamnation importante avait été prononcée contre l'agresseur. En fin de compte, le rejet de la prétention est motivé par "le peu de respect des règles de la vie en société dont fait preuve le recourant" qui a persévéré dans la délinquance après l'agression dont il a été la victime.
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C. interjette un recours de droit administratif contre cet arrêt. Il conclut à sa réforme; renonçant à demander une indemnité pour son dommage matériel, il persiste à requérir au moins 30'000 fr. à titre de réparation morale.
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Le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours.
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Extrait des considérants: | |
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Le Tribunal fédéral est en principe lié par les faits tels qu'ils ont été constatés par la cour cantonale, autorité judiciaire (art. 105 al. 2 OJ). Il examine librement l'application du droit fédéral, alors qu'il respecte le pouvoir d'appréciation des autorités cantonales, dont il ne sanctionne que l'abus ou l'excès (art. 104 let. a OJ).
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Selon l'art. 12 al. 2 LAVI, une somme peut être versée à la victime d'une infraction à titre de réparation morale, indépendamment de son revenu, lorsque celle-ci a subi une atteinte grave et que des circonstances particulières le justifient. En prévoyant une telle indemnisation, le législateur est - comme il le pouvait - allé plus loin que ce qu'imposaient la Constitution et la Convention, puisque ces textes ne prévoient pas la réparation du tort moral subi par la victime.
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b) L'auteur de la lésion corporelle est apparemment insolvable et il n'a pas fourni de prestations à la victime (art. 1 OAVI). Celle-ci peut s'adresser à l'organisme cantonal au lieu du délit (art. 11 al. 1 LAVI) en vue d'obtenir les prestations prévues à l'art. 12 LAVI. Si une réparation morale est allouée de ce chef - le cas échéant après déduction des sommes déjà reçues à ce titre, art. 14 al. 1 3ème phrase LAVI -, le canton est subrogé, à concurrence, dans les prétentions que la victime peut faire valoir en raison de l'infraction (art. 14 al. 2 LAVI).
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aa) La définition de l'art. 12 al. 2 LAVI correspond dans une large mesure aux critères prévus aux art. 47 et 49 CO qui précisent à quelles conditions l'auteur d'un acte illicite est tenu de s'acquitter d'une réparation morale en faveur de la victime. Cela correspond aussi à l'un des buts de la loi, qui est d'accorder une réparation efficace lorsque l'auteur de l'infraction n'y pourvoit pas (cf. art. 1 LAVI). Aussi convient-il de s'inspirer, par analogie, de la jurisprudence civile relative aux art. 47 et 49 CO pour déterminer les conditions à l'octroi d'une réparation morale.
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Cependant, le débiteur d'une telle réparation et la cause juridique de la dette, de même que sa nature juridique, ne sont pas les mêmes dans les deux cas, ce qui peut conduire à des différences dans le système de la réparation. Il se pose en particulier la question de savoir quelles exceptions (au sens large) l'Etat, recherché en application de l'art. 12 al. 2 LAVI, peut opposer à la victime: les exceptions appartenant à l'auteur de l'infraction ou celles propres au canton recherché? Les motifs de suppression ou de réduction pouvant être les mêmes pour l'indemnisation et la réparation morale (cf. ATF 116 II 733 consid. 4), il apparaît indiqué d'appliquer les mêmes principes s'agissant de la suppression et de la réduction des prestations allouées en application de l'art. 12 LAVI. Or, s'agissant de la réparation du dommage, l'art. 13 al. 2 LAVI dispose que le montant de l'indemnité peut être réduit lorsque, par un comportement fautif, la victime a contribué dans une mesure importante à créer ou à aggraver le dommage. Cette dernière disposition est l'expression d'un principe général, mais recourt toutefois à une formule moins large que l'énumération des facteurs de réduction figurant à l'art. 44 al. 1 CO (FF 1990 II 939-940); elle permet en tout cas à l'autorité cantonale d'opposer à la victime l'exception de faute concurrente, même si cette exception n'est pas opposable par l'auteur de l'infraction; c'est tout particulièrement le cas lorsque le risque réside dans la (mauvaise) fréquentation de l'auteur par la victime. La Convention procède d'une ![]() | 17 |
bb) L'octroi d'une réparation morale ensuite de lésions corporelles exige que ces dernières aient une certaine importance. Tel est le cas des atteintes provoquant la perte définitive de la fonction d'un organe, tel qu'un oeil (ATF 110 II 163 consid. 2c et les arrêts cités). Cela n'est point contesté par les parties, à juste titre.
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En revanche, il y a désaccord quant à savoir si l'ensemble des circonstances particulières justifie en l'espèce l'octroi d'une réparation morale.
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b) Invité à répondre au recours, le DFJP est de l'avis que le mode de vie de la victime et la société marginale dans laquelle elle évolue ne devraient pas être pris en considération, car ils sont étrangers à la souffrance physique et morale éprouvée par elle, qui justifie l'octroi d'une réparation. Cette réflexion ne saurait toutefois libérer la victime ![]() | 21 |
c) En l'occurrence, la cour cantonale n'a certes pas abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que la participation régulière et répétée du recourant à la scène de la drogue, à ses trafics illicites et à des vols était une activité à risques importants, à prendre en compte pour la réparation. Pour la réparation du dommage, l'art. 13 al. 2 LAVI, en cas de faute concurrente, ne prévoit qu'une réduction de la réparation, à la condition que la cause concurrente ait "contribué dans une mesure importante" à la survenance ou l'accroissement du dommage. Ce principe doit aussi s'appliquer, par analogie, à la réparation morale (cf. consid. 3c/aa ci-dessus). Selon la jurisprudence relative aux art. 47 et 44 CO, la faute concurrente du lésé ne peut être prise en considération comme facteur de suppression de l'indemnité qu'à condition qu'elle soit de nature à interrompre le rapport de causalité (ATF 116 II 733 consid. 4g et la jurisprudence citée). En dehors de ce cas, l'acceptation tacite par la victime du risque inhérent à l'activité à laquelle elle se livre peut aussi conduire à la suppression de l'indemnité (cf. ATF 121 IV 249 consid. 4; arrêt du 8 février 1994 dans la cause N., consid. 3b publié in SJ 1994 557; ATF 117 II 547 consid. 3b). Cette dernière peut enfin se justifier par des considérations d'équité propres au système d'indemnisation de la LAVI.
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Or, si en l'occurrence la participation régulière du recourant à la scène de la drogue a pu contribuer dans une mesure importante à la survenance du dommage, elle n'en est certes pas la cause prépondérante, laquelle demeure dans le comportement criminel de S., condamné pour brigandage et dont les coups sont à l'origine de la perte de l'oeil du recourant. Rien ne pouvait donc justifier le refus de toute indemnité: le recourant a été victime d'une agression qu'il n'avait pas provoquée, alors qu'il s'approvisionnait en vue de sa propre consommation de stupéfiants; il n'est pas prétendu, en particulier, qu'il ait appartenu à une organisation se livrant au trafic de stupéfiants ou qu'il ait, d'une manière ou d'une autre, favorisé concrètement l'agression dont il a été la victime. La prise en compte de son mode de vie, à titre de faute concomitante, ne pouvait dès lors intervenir que comme facteur de réduction de l'indemnité, et non comme cause de suppression (cf. aussi FF 1990 II 940).
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b) Les indications de fait données à ce sujet par le Tribunal administratif permettent cependant difficilement de se rendre compte quelle fut la participation effective du recourant: "il est apparu que l'intéressé n'avait participé que de façon passive à l'expédition punitive (mise à sac de l'appartement) décidée par son frère M. pour venger le recourant de l'agression de S. De ce fait, la procédure dirigée contre C. a été classée par le Procureur général pour prévention insuffisante de complicité et par souci de paix, tandis que son frère M. a fait l'objet d'une ordonnance de condamnation à trente jours d'emprisonnement avec sursis pendant cinq ans"; "en ne s'opposant pas au projet de son frère M. de mettre à sac l'appartement de S. en novembre 1993, le recourant a accepté l'idée d'être en partie vengé par les dégâts causés au patrimoine de son agresseur". Au surplus, on ignore quelle a été la "participation passive" du recourant; ayant bénéficié d'un classement faute de charges, il n'a été considéré ni comme instigateur, ni comme coauteur, ni comme complice ou receleur; il semble seulement établi qu'il a été informé au préalable et qu'il ne s'est pas opposé à l'action punitive, de sorte qu'il paraît difficile de lui imputer une activité illicite à ce sujet. Par ailleurs, on ignore totalement l'importance des dégâts commis, ce qui empêche d'apprécier l'importance du sacrifice imposé sur ce point à l'auteur de l'agression.
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Si donc la circonstance invoquée par le Tribunal administratif mériterait en soi d'être prise en considération, il est difficile d'en apprécier l'importance objective et subjective. Sur ce point, le fardeau de la preuve eût incombé à l'autorité intimée.
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a) En soi, une réparation morale serait justifiée par la gravité de l'atteinte et la gravité de l'infraction commise, en l'occurrence un acte de brigandage (art. 140 CP); compte tenu de l'importance de l'atteinte, la ![]() | 28 |
b) Cela étant, le recourant qui a enduré des souffrances physiques et psychiques importantes en raison de la perte de son oeil ne saurait être privé d'une réparation morale partielle. En raison de sa nature, cette dernière ne peut être fixée selon des critères mathématiques, mais seulement estimée en tenant compte de la nature et de la gravité de la lésion, de sa durée, et de son incidence sur la personnalité de la victime (ATF 117 II 50 consid. 4a, 112 II 133 consid. 3 et les arrêts cités). Selon l'art. 4 OAVI, l'indemnité ne peut être d'un montant inférieur à 500 fr. ni supérieur à 100'000 fr. Ces limites ne s'appliquent en principe qu'aux indemnités pour le dommage matériel (art. 13 al. 3 LAVI), mais le maximum fixé par le Conseil fédéral doit aussi servir de ligne directrice en ce qui concerne la somme allouée à titre de réparation morale (FF 1990 II 939).
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c) Dans une cause jugée en 1978, le Tribunal fédéral avait reconnu une réparation morale de 8'000 fr. à la victime ayant perdu un oeil, tenant compte des fautes respectives (atténuées en raison du jeune âge) de l'auteur de l'atteinte et de la victime (ATF 104 II 184 consid. 5); la même somme, réduite de moitié en raison d'une faute concurrente, avait été allouée en 1967 (ATF 102 II 18 consid. 2); en 1984, l'indemnité de tort moral consécutif à la perte de l'ouïe d'un côté a été estimée à 5000 fr. (ATF 110 II 163 consid. 2c); une cécité de 80% de longue durée avec une invalidité physique à 90% et économique à 100% a conduit, en 1986 à l'allocation d'une indemnité de 50'000 fr. (ATF 112 II 138 consid. 5b).
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Le montant devra tenir compte de l'espérance de vie réduite du recourant, consécutive à l'affection dont il est atteint (cf. ATF 110 II 163 consid. 2c, ATF 104 II 184 consid. 5).
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