![]() ![]() | |||
| |||
Bearbeitung, zuletzt am 15.03.2020, durch: DFR-Server (automatisch) | |||
![]() | ![]() |
47. Extrait de l'arrêt de la Ière Cour de droit public du 11 septembre 1996 dans la cause X. contre Office fédéral de la police (recours de droit public et de droit administratif) | |
Regeste |
Auslieferung an die Türkei; Art. 3 EAUe; Art. 3 EMRK. |
Tragweite von Art. 3 Abs. 2 EAUe, der die Auslieferung ausschliesst, wenn das Auslieferungsersuchen aus Gründen gestellt worden ist, die mit der Rasse, der Religion, der Nationalität oder den politischen Ansichten der verfolgten Person zusammenhängen (E. 2a und b). Vorliegend ist kein Fall, im Sinn von Art. 3 Abs. 2, 1. Halbsatz EAUe gegeben (E. 2c). Hingegen rechtfertigt es sich im Hinblick auf Art. 3 Abs. 2, 2. Halbsatz EAUe, die Auslieferung des Beschwerdeführers von Zusicherungen des ersuchenden Staates betreffend die Haftbedingungen der ausgelieferten Person abhängig zu machen (E. 2d). | |
Sachverhalt | |
![]() | 1 |
Arrêté le 20 janvier 1996 à Genève et placé en détention extraditionnelle, X. s'est opposé à son extradition.
| 2 |
Le 13 mai 1996, l'Office fédéral de la police a accordé l'extradition de X. à la Turquie pour les faits qui font l'objet de la demande; toutefois, il a réservé le cas où la Commission fédérale de recours en matière d'asile accorderait celui-ci à X.
| 3 |
B.- Agissant séparément par la voie du recours de droit administratif et du recours de droit public, X. demande préalablement au Tribunal fédéral de procéder à l'audition des témoins entendus dans la procédure pénale ouverte dans l'Etat requérant, ainsi que d'une personne ayant appartenu autrefois à l'armée turque; il requiert principalement l'annulation de la décision du 13 mai 1996 et, à titre subsidiaire, le renvoi de la cause à l'Office fédéral pour nouvelle décision. Il demande en outre l'assistance judiciaire. A l'appui du recours de droit administratif, il invoque les art. 12 et 33 PA, 104 let. a et b OJ, l'art. 3 al. 2 CEExtr, ainsi que les art. 2 et 3 CEDH. Dans le cadre du recours de droit public, il se plaint de la violation de son droit d'être entendu garanti par l'art. 4 Cst.
| 4 |
5 | |
Dans le cadre d'un second échange d'écritures, les parties ont maintenu leurs conclusions.
| 6 |
Extrait des considérants: | |
7 | |
b) La décision de l'Office fédéral accordant l'extradition peut faire l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral en vertu de l'art. 55 al. 3 EIMP, mis en relation avec l'art. 25 de la même loi. Le recourant, qui peut manifestement se prévaloir d'un intérêt digne de protection à obtenir l'annulation ou la modification de la décision attaquée, a qualité pour agir au sens de l'art. 21 al. 3 EIMP (ATF 118 Ib 442 consid. 2b et c p. 445-448; ATF 116 Ib 106 consid. 2a p. 109/110, et les arrêts cités). Le recours de droit public est ainsi irrecevable au regard de l'art. 84 al. 2 OJ. Toutefois, dans les domaines qui relèvent de la juridiction administrative fédérale, le recours de droit administratif permet aussi de soulever le grief tiré de la violation des droits constitutionnels en relation avec l'application du droit fédéral (ATF 120 Ib 379 consid. 1b p. 381/382; ATF 118 Ia 8 consid. 1b p. 10; ATF 116 Ib 10, 175 consid. 1 p. 178, et les arrêts cités). Les griefs soulevés à l'appui du recours de droit public concernant la violation du droit d'être entendu du recourant peuvent ainsi être examinés dans le cadre du recours de droit administratif.
| 8 |
c) Les conclusions qui vont au-delà de l'annulation de la décision attaquée sont recevables (art. 25 al. 6 EIMP; art. 114 OJ; ATF 118 Ib 269 consid. 2e p. 275; ATF 117 Ib 51 consid. 1b p. 56, et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral examine le recours avec une cognition pleine. C'est cependant au juge du fond, et non au juge de l'extradition, qu'il appartient de se prononcer sur la culpabilité de la personne visée par la demande d'extradition (ATF 112 Ib 215 consid. 5b p. 220; ATF 109 Ib 60 consid. 5a p. 63, et les arrêts cités). Il n'est fait exception à cette règle que lorsque ![]() | 9 |
En l'espèce, il n'appartient pas aux autorités suisses de vérifier le bien- fondé de l'accusation portée contre le recourant - lequel ne se prévaut au demeurant plus, devant le Tribunal fédéral, de l'art. 53 EIMP. En particulier, il n'y a pas lieu de procéder à l'audition des témoins entendus dans la procédure pénale ouverte dans l'Etat requérant et dont le compte-rendu des déclarations est joint à la demande. Le grief de violation du droit d'être entendu, tiré des art. 4 Cst., 12ss et 33 PA, doit ainsi être écarté.
| 10 |
d) En se prononçant sur l'opposition, l'Office fédéral a aussi statué formellement sur l'application de l'art. 3 al. 2 CEExtr. alors qu'il devait, conformément à l'art. 55 al. 2 EIMP, transmettre le dossier au Tribunal fédéral avec sa proposition (ATF 111 Ib 138 consid. 1 p. 140/141). Cela ne porte toutefois guère à conséquence; le recourant a pu se déterminer, devant le Tribunal fédéral, sur les considérations de l'Office fédéral. Il convient d'examiner celles-ci comme une simple proposition, en statuant librement sur l'objection formée par le recourant.
| 11 |
12 | |
a) Le juge de l'extradition doit faire preuve d'une prudence particulière dans l'examen des conditions d'application de l'art. 3 al. 2 CEExtr., qui implique un jugement de valeur sur les affaires internes de l'Etat requérant, en particulier son régime politique, sur ses institutions, sur sa conception des droits fondamentaux et leur respect effectif, et sur l'indépendance et l'impartialité du pouvoir judiciaire (ATF 109 Ib 317 ![]() | 13 |
b) A cet égard, le recourant fait valoir que l'accusation d'homicide portée contre lui aurait été fabriquée de toutes pièces par son beau-père, lequel éprouverait à son égard une haine "raciale" liée à son origine kurde et souhaiterait se venger de son refus d'infiltrer, pour le compte du gouvernement turc, les mouvements kurdes. Le recourant prétend être menacé de tortures ou de mort s'il est remis à l'Etat requérant.
| 14 |
Confrontées aux troubles liés à l'activité de groupes séparatistes kurdes, les autorités turques ont édicté des normes réprimant le séparatisme et recouru à la force armée pour maintenir l'ordre dans les provinces du sud-est du pays où l'état d'urgence a été décrété. Cette politique a suscité de nombreuses critiques de la part de la communauté internationale, en raison des graves violations des droits démocratiques et des droits de l'homme, y compris le recours systématique à la torture, auxquelles elle a conduit (Rapport du Comité des Nations-Unies contre la torture, du 9 novembre 1993, par. 38-39, HRLJ 1993 p. 426ss; Déclaration publique relative à la Turquie du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines et traitements inhumains ou dégradants, adoptée le 15 décembre 1992, RUDH 1992 p. 522ss, HRLJ 1993 p. 49ss; cf. aussi la Résolution 985 adoptée par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe le 30 juin 1992, HRLJ 1992 p. 464ss; CHRISTIAN RUMPF, The Protection of Human Rights in Turkey and the Significance of International Human Rights Instruments, HRLJ 1993 p. 394ss, 395, 398; du même auteur, Notstandsdiktatur in Teilen der Türkei und ihre rechtlichen Auswirkungen auf das Regime der Normalverfassung im übrigen Staatsgebiet der Republik. Anmerkung zu den Rechtsverordnungen mit Gesetzeskraft Nr. 424 und 425 vom 9. Mai 1990, EuGRZ 1990 p. 249ss, 285/286).
| 15 |
Le Tribunal fédéral a déjà refusé, au regard de l'art. 3 al. 2 CEExtr., l'extradition à la Turquie d'un Kurde pour de tels motifs (ATF 109 Ib 64). De même, la Commission européenne des droits de l'homme a eu à connaître ces dernières années de plusieurs requêtes formées par des ressortissants ![]() | 16 |
"A la lumière de toutes les informations en sa possession, le Comité ne peut que conclure que la pratique de la torture et d'autres formes de mauvais traitements graves de personnes détenues par la police reste largement répandue en Turquie et qu'il en est fait usage à la fois à l'égard des suspects de droit commun et de personnes détenues en vertu de la législation contre le terrorisme" (par. 21, RUDH 1992 p. 522ss, 525.).
| 17 |
c) Le recourant ne prétend pas être exposé à des représailles parce qu'il appartiendrait à une organisation séparatiste kurde en lutte contre l'Etat central. Il n'a pas davantage fait état d'un engagement quelconque dans des groupes politiques ou des associations anti-gouvernementales. Il a indiqué au contraire avoir appartenu à une formation politique d'extrême-droite hostile aux Kurdes, ce qui paraît étrange puisqu'il se dit persécuté précisément à cause de ses origines. Le recourant n'a fourni aucun élément propre à prouver, comme il l'affirme, que son beau-père serait un haut fonctionnaire du gouvernement turc et que la procédure pénale ouverte contre lui dans l'Etat requérant sous la prévention d'homicide aurait été fabriquée de toutes pièces, sur la base d'un faux rapport d'autopsie et de témoignages mensongers, extorqués par le chantage et la torture. Faute de preuves ou d'indices concrets étayant la thèse d'une telle machination, il ![]() | 18 |
d) Le recourant craint, pour les mêmes motifs, d'être exposé au risque d'une aggravation de sa situation s'il est remis à l'Etat requérant (art. 3 al. 2, 2ème partie, CEExtr.). La question est délicate et mérite un examen circonstancié. D'une part, sur le vu de la documentation internationale (cf. consid. 2b ci-dessus), il est notoire que les personnes détenues pour des crimes et des délits de droit commun sont exposées à de mauvais traitements, même si ce risque paraît plus important au stade de l'arrestation que de celui de la détention préventive ou de l'exécution des peines (cf. arrêt non publié G. du 18 mars 1994 consid. 5b et le par. 22 de la Déclaration publique adoptée le 15 décembre 1992 par le Comité européen pour la prévention de la torture, précitée). D'autre part, il convient, sur le plan des principes, d'examiner la question de savoir si un Etat membre du Conseil de l'Europe depuis 1949, qui n'a reconnu le droit de recours individuel (art. 25 CEDH) que le 28 janvier 1987 et la juridiction obligatoire de la Cour européenne des droits de l'homme (art. 46 CEDH) que le 22 janvier 1990, présente aujourd'hui, de ce seul fait, toutes les garanties institutionnelles permettant d'écarter, sur le plan juridique, les risques que prend l'Etat requis - la Suisse, en l'occurrence - d'extrader une personne vers la Turquie. A cet égard, il y a lieu de rappeler qu'il "incombe au premier chef aux autorités nationales et notamment aux juridictions des Etats contractants d'assurer la protection des droits de l'homme et des libertés énoncés dans la Convention", car "on ne peut escompter de la Cour de Strasbourg qu'elle fasse davantage qu'assister les juridictions internes et notamment les cours suprêmes dans la tâche qui leur est dévolue : assurer la protection des droits et libertés de l'individu" (ROLV RYSSDAL, La CEDH, bilan et perspectives, Conférence à l'Institut des hautes études internationales, prononcée à Paris le 9 février 1996, documents du Conseil de l'Europe, Cour (96) 105 du 18 mars 1996, p. 8). Le dépôt par la Turquie des déclarations relatives aux art. 25 et 46 CEDH ne saurait par conséquent décharger la Suisse de la tâche de vérifier si, dans un cas concret, la remise d'une personne dont l'extradition est demandée par un Etat partie à la CEDH expose cette personne au risque visé par l'art. 3 CEDH. Cette règle, qui ne souffre aucune exception (art. 15 al. 2 CEDH), crée à cet égard des obligations positives pour la Suisse (cf. JAAC 58/1994 no 86 et 89). Au demeurant, le Tribunal fédéral tient les art. 3 CEDH et 3 al. 2 CEExtr. comme des normes ![]() | 19 |
Compte tenu de l'ensemble des circonstances de la cause, il se justifie, en vue d'assurer l'efficacité de la CEDH en tant qu'"instrument constitutionnel de l'ordre public européen" (arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme Loizidou, précité, par. 75), de subordonner l'extradition du recourant à des assurances de l'Etat requérant, garantissant le droit de l'Ambassade suisse à Ankara de rendre régulièrement et librement visite au recourant durant sa détention préventive et d'être tenue informée, par l'autorité compétente, du lieu et des conditions de détention du recourant, ainsi que de son état de santé. De même, le recourant devra pouvoir s'adresser librement à l'Ambassade de Suisse, qui sera aussi autorisée à suivre librement, le cas échéant, l'audience de jugement et à y déléguer des observateurs. Ces mesures devraient suffire pour parer aux dangers que redoute le recourant. Elles ne sont pas pour le surplus inhabituelles, la Suisse ayant déjà par le passé subordonné l'extradition - notamment à la Turquie - à des garanties semblables (cf. les arrêts G., précité, B., du 10 juillet 1991 et S., du 10 juillet 1987).
| 20 |
Il convient en outre de réserver expressément, comme l'a fait l'Office fédéral, le cas où le recourant obtiendrait l'asile, au terme de la procédure distincte actuellement en cours, ceci afin d'éviter que les obligations résultant du droit conventionnel de l'extradition n'entrent en conflit avec les engagements internationaux de la Suisse découlant de la Convention relative au statut de réfugié, du 28 juillet 1951, RS 0.142.30 (arrêt non publié B., du 16 mai 1995). L'extradition doit en effet être refusée, au regard de l'art. 3 al. 2 CEExtr., lorsque la personne recherchée remplit les conditions posées à la reconnaissance du statut de ![]() | 21 |
Par ces motifs,
| 22 |
le Tribunal fédéral,
| 23 |
1. Déclare le recours de droit public irrecevable.
| 24 |
2. Rejette le recours de droit administratif.
| 25 |
3. Admet la demande d'extradition pour les faits figurant dans l'acte d'accusation établi le 23 juin 1993 par le Ministère public d'Adana aux conditions suivantes:
| 26 |
a) l'Etat requérant accordera à l'Ambassade de Suisse à Ankara le droit de visiter librement l'extradé, si celui-ci est placé en détention;
| 27 |
b) l'Etat requérant tiendra l'Ambassade de Suisse à Ankara régulièrement informée du lieu de détention de l'extradé, de ses conditions de détention et de son état de santé;
| 28 |
c) l'Etat requérant autorisera l'extradé à s'adresser librement à l'Ambassade de Suisse à Ankara;
| 29 |
d) pour le cas où l'extradé serait renvoyé en jugement, l'Etat requérant autorisera l'Ambassade de Suisse à Ankara à suivre les débats et à y déléguer des observateurs.
| 30 |
4. Dit qu'en communiquant la décision d'extradition aux autorités de l'Etat requérant, l'Office fédéral leur fixera un délai de quarante jours pour donner expressément les assurances requises ci-dessus, faute de quoi l'extradition ne sera pas exécutée et la mesure de détention extraditionnelle levée.
| 31 |
5. Dit que l'extradition ne sera pas exécutée jusqu'à droit jugé sur le recours formé devant la Commission fédérale de recours en matière d'asile contre la décision rendue le 21 mars 1996 par l'Office fédéral des réfugiés.
| 32 |
33 | |
© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR). |