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Bearbeitung, zuletzt am 15.03.2020, durch: Philippe Dietschi | |||
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38. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause X. SA contre Office cantonal de l'inspection et des relations du travail ainsi que Tribunal administratif du canton de Genève (recours de droit administratif) |
2A.118/2003 du 13 juillet 2004 |
Art. 6 Ziff. 1 EMRK; Art. 26 ArGV 3; Anspruch auf eine öffentliche Verhandlung in einem verwaltungsrechtlichen Streit im Bereich des Arbeitnehmerschutzes. |
Art. 6 ArG; Art. 26 ArGV 3; Art. 328 und 328b OR; Satelliten-Lokalisierungssystem GPS in den Fahrzeugen eines Unternehmens. | |
Sachverhalt | |
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Le 8 janvier 2002, la Société a installé sur ses véhicules un système de localisation satellite GPS (ci-après désigné: le système de localisation) d'un coût de 40'000 fr.; les collaborateurs avaient préalablement été informés de cette mesure. Le 31 janvier suivant, un technicien-vérificateur a saisi l'Office cantonal genevois de l'inspection et des relations de travail (ci-après: l'Office cantonal) d'une plainte, au motif qu'il se sentait constamment surveillé par l'employeur depuis l'installation du système de localisation, si bien qu'il estimait que ce dernier était attentatoire à sa personnalité.
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Après avoir entendu son directeur ainsi que plusieurs techniciens-vérificateurs, l'Office cantonal a ordonné à la Société, par décision du 5 avril 2002, de retirer de ses véhicules le système de localisation. En bref, il a considéré que ce dispositif était contraire à l'art. 26 de l'ordonnance 3 du 18 août 1993 relative à la loi sur le travail (OLT 3; RS 822.113; ci-après: ordonnance 3), car il mettait en danger la santé psychique des travailleurs en permettant "une surveillance systématique, durable, ciblée et préventive de (leurs) comportements."
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La Société a recouru contre la décision précitée de l'Office cantonal, en faisant valoir que le système de localisation ne tombait pas sous le coup de l'interdiction prévue à l'art. 26 OLT 3, car il n'était pas destiné à surveiller le comportement des travailleurs, mais poursuivait les objectifs suivants:
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"- équiper les véhicules d'entreprise d'un système antivol efficace;
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- rationaliser la gestion du travail et optimaliser les temps de déplacement des collaborateurs;
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- contrôler l'activité des collaborateurs (en particulier leurs horaires de travail et, dans une certaine mesure, la qualité de leur travail)."
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L'Office cantonal a maintenu que le système de localisation visait en priorité à surveiller le comportement des travailleurs sur leur lieu de travail, en ajoutant que, dans la mesure où il était destiné à contrôler leur rendement, il ne respectait pas le principe de la proportionnalité, car ce but pouvait être atteint par d'autres procédés moins intrusifs, comme par exemple la remise de fiches ou de rapports d'activité journaliers contresignés par les clients visités.
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Par arrêt du 11 février 2003, le Tribunal administratif du canton de Genève a rejeté le recours, en admettant les arguments de l'Office cantonal.
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Agissant par la voie du recours de droit administratif, la Société demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt précité et de "valider en tant que de besoin le système GPS mis en place au sein de l'entreprise X. SA". Le recours a été admis et l'affaire renvoyée au Tribunal administratif pour instruction complémentaire et nouvelle décision dans le sens des considérants.
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Extrait des considérants: | |
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2.1 Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (cf. ATF 125 I 209 consid. 9b p. 219; ATF 122 II 464 consid. 4c p. 469), ni celui d'obtenir ![]() | 13 |
En l'espèce, le point de savoir si les premiers juges auraient dû, avant de statuer, entendre le directeur de la Société ou procéder à l'audition de témoins en vue d'éclaircir certains faits, est une question qui n'a pas de portée propre par rapport au grief tiré d'une constatation inexacte des faits et d'une mauvaise appréciation des preuves. Il se justifie donc de l'examiner avec le fond du litige (cf. infra consid. 6.4-6.6).
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La notion de "droits et obligations de caractère civil" est autonome: lart. 6 CEDH ne donne par lui-même aucun contenu matériel déterminé dans lordre juridique des Etats contractants. Cette disposition implique lexistence d'une "contestation" réelle et sérieuse; elle peut concerner aussi bien lexistence même dun droit que son étendue ou ses modalités dexercice. Lissue de la procédure doit être directement déterminante pour le droit en question. Un lien ténu ou des répercussions lointaines ne suffisent pas à faire entrer en jeu lart. 6 par. 1 CEDH (cf. ATF 127 I 115 consid. 5b p. 120/121 et les arrêts cités). En définitive, le droit à un tribunal ne vaut que pour les "contestations" relatives à des "droits et obligations de caractère civil" que lon peut prétendre, au moins de manière défendable, reconnus en droit interne, quils soient ou non protégés de surcroît par la Convention; bien que de caractère autonome, cette notion implique donc lexamen de la prétention selon le droit interne (ATF 127 I 115 consid. 5b p. 121).
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Par contestation, au sens de lart. 6 par. 1 CEDH, il faut entendre tout litige surgissant entre deux particuliers ou entre un particulier et une autorité étatique, par exemple lorsque cette dernière ![]() | 17 |
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Bien qu'elle vise la poursuite d'un objectif d'ordre social (protection de la personnalité des travailleurs) ou de santé publique et qu'elle tire sa force du droit public, la décision d'interdiction litigieuse influence directement le contenu même du contrat de travail liant la Société et les techniciens-vérificateurs, en ce sens qu'elle trace certaines obligations de l'employeur en matière de protection de la personnalité des travailleurs. Dans cette mesure, elle porte donc, indépendamment de son rattachement au droit public, sur des droits et des obligations de caractère civil au sens étroit (ou classique) du terme. D'ailleurs, les employés eux-mêmes auraient pu saisir un juge civil pour faire respecter leurs droits en vertu des art. 328 à 328b CO (cf. infra consid. 3.3, 2e paragraphe).
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Au demeurant, à ce que prétend la recourante, le système de localisation qu'elle a acquis pour un prix de 40'000 fr. lui permet d'augmenter de manière substantielle son rendement, en améliorant l'organisation du travail et la surveillance de ses employés. La mesure d'interdiction qui la frappe constitue donc une restriction importante, sinon à l'exercice de son droit de propriété tel qu'il est garanti à l'art. 26 al. 1 Cst. (et aux art. 641 ss CC), du moins à sa liberté économique: ancrée à l'art. 27 Cst., celle-ci comprend en effet le libre exercice d'une activité économique lucrative privée soit, notamment, ![]() | 20 |
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En l'espèce, la recourante a sollicité devant le Tribunal administratif "la fixation d'une audience de comparution personnelle", en ajoutant qu'elle souhaiterait également "entendre et poser des questions à l'inspecteur de (l'Office) ayant procédé à l'instruction de la cause, ce qui pourra également se faire lors d'une éventuelle comparution personnelle, l'intimée n'étant elle-même pas opposée à un tel procédé" (lettre du 23 octobre 2002). Il est douteux qu'une telle demande puisse être interprétée autrement que comme une simple requête de preuves n'obligeant pas les premiers juges à organiser des débats publics. La question peut toutefois rester indécise, car le recours doit de toute façon être admis pour un autre motif.
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Erwägung 3 | |
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"1 L'employeur est tenu, pour protéger la santé des travailleurs, de prendre toutes les mesures dont l'expérience a démontré la nécessité, que l'état de la technique permet d'appliquer et qui sont adaptées aux conditions d'exploitation de l'entreprise. Il doit en outre prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger l'intégrité personnelle des travailleurs.
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2 L'employeur doit notamment aménager ses installations et régler la marche du travail de manière à préserver autant que possible les travailleurs des dangers menaçant leur santé et du surmenage.
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(...)
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4 Les mesures de protection de la santé qui doivent être prises dans les entreprises sont déterminées par voie d'ordonnance."
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"1 Il est interdit d'utiliser des systèmes de surveillance ou de contrôle destinés à surveiller le comportement des travailleurs à leur poste de travail.
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2 Lorsque des systèmes de surveillance ou de contrôle sont nécessaires pour d'autres raisons, ils doivent normalement être conçus et disposés de façon à ne pas porter atteinte à la santé et à la liberté de mouvement des travailleurs."
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Dans sa réponse à la motion (BO 1985 CN p. 725), le Conseil fédéral a rappelé que de nombreuses entreprises avaient déjà recours à des systèmes de surveillance en vue de satisfaire des buts clairs tels que prévenir les risques d'accidents (par exemple dans l'industrie) ou assurer la sécurité des personnes et des biens (par exemple dans les banques ou les centres commerciaux). Implicitement, il a ![]() | 32 |
3.3 Par son but, à savoir protéger la santé, la liberté de mouvement et la personnalité des travailleurs (cf. art. 26 al. 2 OLT 3; GABRIEL AUBERT, La protection des données dans les rapports de travail, in Journée 1995 de droit du travail et de la sécurité sociale, Zurich 1999, p. 145 ss, 168 in initio; HANS UELI SCHÜRER, Datenschutz im Arbeitsverhältnis, Zurich 1996, p. 61), et les moyens qu'il met en oeuvre, soit interdire les systèmes de surveillance ou de contrôle destinés à surveiller le comportement des travailleurs, l'art. 26 OLT 3 s'insère parfaitement dans le cadre de la délégation de compétence prévue à l'art. 6 al. 4 LTr (en relation avec l'art. 40 al. 1 let. a LTr). En effet, l'art. 6 LTr vise non seulement à protéger la santé physique et psychique des travailleurs, mais aussi leur "intégrité personnelle" (cf. art. 6 al. 1 in fine), soit leur personnalité au sens des art. 328 ss CO. D'autre part, même si leurs effets exacts sur la santé ne sont pas définitivement connus (cf. Workers' privacy, Part II: Monitoring and surveillance in the workplace, in Conditions of work digest, éd. par le Bureau international du Travail, Genève 1993, p. 22), il est généralement admis que les systèmes de surveillance induisent le plus souvent chez les personnes observées des sentiments négatifs et détériorent le climat général de l'entreprise et que, par conséquent, ils nuisent au bien-être, à la santé psychique et, finalement, à la capacité de rendement des travailleurs (op. cit., p. 19 ss; voir aussi Santé au travail: Commentaire des ordonnances 3 et 4 relatives à la loi sur le travail, éd. par le secrétariat d'Etat à l'économie, 2e mise à jour, Berne 1999 [ci-après cité: directives du seco], p. 1 ad art. 26 OLT 3; AUBERT, op. cit., p. 166/167); au reste, c'est spécifiquement en vue de protéger la santé psychique des ![]() | 33 |
Par ailleurs, en dépit des doutes émis par RIESSELMANN-SAXER (in Datenschutz im privatlichen Arbeitsvertrag, Berne 2002, p. 112), l'art. 26 OLT 3 se laisse concilier avec l'art. 328b CO qui, complétant et précisant la protection de la personnalité des travailleurs prévue à l'art. 328 CO, désigne le type de données personnelles concernant le travailleur que l'employeur peut "traiter", en renvoyant pour le surplus aux dispositions de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD; RS 235.1; cf. BRUNNER/BÜHLER/ Waeber, Commentaire du contrat de travail, Lausanne 1996, p. 107; SCHÜRER, op. cit., p. 64/65). En vertu de l'art. 3 let. e LPD, le traitement des données au sens de l'art. 328b CO comprend notamment leur récolte, leur conservation et leur exploitation (cf. ATF 123 III 129 consid. 3b/cc p. 134; MANFRED REHBINDER, Schweizerisches Arbeitsrecht, 15e éd., Berne 2002, n. 236). Contrairement à l'opinion de RIESSELMANN-SAXER (loc. cit.), l'employeur ne peut cependant pas surveiller de façon générale ou systématique le comportement des travailleurs sous prétexte de récolter des données dont le traitement serait permis par l'art. 328b CO. Certes, les données personnelles qui, selon les termes de cette disposition, "portent sur les aptitudes du travailleur à remplir son emploi ou sont nécessaires à l'exécution du contrat de travail", bénéficient de la présomption légale qu'elles ne portent pas atteinte à la personnalité du travailleur (cf. art. 13 al. 1 LPD; AUBERT, op. cit., p. 150). Il n'en demeure pas moins que le procédé utilisé pour les récolter doit, lui aussi, respecter la personnalité des travailleurs, conformément à l'art. 328 CO, et observer les principes généraux du droit, en particulier ceux de la bonne foi et de la proportionnalité (cf. SCHÜRER, op. cit., p. 64/65; REHBINDER, op. cit., n. 236; AUBERT, op. cit., p. 150/151; BRUNNER/BÜHLER/ WAEBER, op. cit., p. 108; RIESSELMANN-SAXER, op. cit., p. 25 ss, 111/ 112). Or, l'art. 328 CO protège notamment la santé des travailleurs et leur intégrité physique et psychique, ainsi que leur sphère privée, leur image, leur dignité, ou encore certaines libertés personnelles (cf. BRUNNER/BÜHLER/WAEBER, op. cit., p. 97; REHBINDER, op. cit., n. 221; JÜRG BRÜHWILER, Kommentar zum Einzelarbeitsvertrag, 2e éd., 1996, n. 4a ad art. 328 CO; ADRIAN VON KAENEL, Arbeitsrecht, Saint-Gall/ Zurich 1999, p. 55). C'est dire que seules sont admissibles, en vertu de la disposition précitée, les mesures de surveillance objectivement justifiées qui satisfont un intérêt prépondérant de l'employeur (cf. ![]() | 34 |
En d'autres termes, les choses ne sont pas fondamentalement différentes selon qu'on les envisage sous l'angle des art. 328 et 328b CO ou de l'art. 26 OLT 3, l'application de cette dernière disposition impliquant aussi de respecter le principe de la proportionnalité (cf. infra consid. 5.2 ss). Cette relative similitude se comprend d'ailleurs aisément si l'on garde à l'esprit que l'adoption de l'art. 26 OLT 3 a notamment visé à étendre au droit public la protection de la personnalité du travailleur qui existait déjà depuis longtemps en droit privé à l'art. 328 CO (cf. BO 1985 CN p. 724; directives du seco, op. cit., p. 1 ad art. 26 OLT 3; AUBERT, op. cit., p. 167). En tout état de cause, l'art. 26 OLT 3 est donc conforme au principe de la légalité.
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Erwägung 4 | |
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4.2 Au titre des "autres raisons" susceptibles de justifier le recours à un système de surveillance ou de contrôle, l'on songe, en premier lieu, dans le droit fil de la réponse du Conseil fédéral à la motion parlementaire, à des impératifs liés à la prévention des accidents ou à la protection ou la sécurité des personnes et des biens (ci-après: les impératifs de sécurité). Ainsi, pour autant qu'ils soient dans un rapport de proportionnalité avec le but recherché, des systèmes de surveillance peuvent, en principe, être disposés à des endroits stratégiques ou sensibles de l'entreprise, tels les extérieurs des bâtiments, les parkings, les accès, les entrées, les guichets, les caisses, les étals, les salles contenant des valeurs ou des documents sensibles ou ![]() | 37 |
Selon les circonstances et le type d'activité considérée, il n'est pas exclu que des motifs tenant à l'organisation ou à la planification du travail puissent justifier la mise en place de certains systèmes de surveillance. On peut, par exemple, penser à des sociétés qui offrent des services financiers en ligne (telle la possibilité de passer des ordres de bourse) et qui, pour des motifs de preuve, doivent pouvoir enregistrer les conversations téléphoniques entre leurs collaborateurs et les clients (avec l'accord de ces derniers). On peut également avoir à l'esprit certaines activités (agences de sécurité, entreprises de taxi ou de transport routier ...) qui requièrent, afin de rationaliser le travail et d'améliorer la qualité des prestations offertes aux clients, que l'employeur ait la possibilité de localiser en tout temps et aussi vite que possible la position de chacun des véhicules en service. Là encore, une telle surveillance n'est cependant admissible que si le moyen utilisé apparaît, au vu des circonstances, proportionné au but recherché.
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Par ailleurs, il est dans la nature même des relations de travail que l'employeur puisse exercer un certain contrôle sur l'activité et les prestations de son personnel. D'une part, la faculté qui lui est reconnue - voire même, dans certains cas, l'obligation qui lui incombe, notamment pour des motifs de sécurité (cf. ATF 102 II 18; ATF 100 II 352) - d'établir des directives générales et de donner des instructions particulières sur la manière d'exécuter le travail ou de se conduire dans l'entreprise (cf. art. 321d CO; cf. REHBINDER, op. cit., n. 227; STREIFF/VON KAENEL, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 5e éd., Zurich 1992, n. 14 s. ad art. 328 CO; WYLER, op. cit., p. 223/ 224) a pour corollaire qu'il doit pouvoir s'assurer - quand il n'y est pas tenu - que ses consignes sont correctement suivies par les travailleurs (cf. REHBINDER, op. cit., n. 233). D'autre part, le contrat de travail se caractérise par un rapport d'échange en vertu duquel le travailleur fournit une prestation de travail à l'employeur contre une rémunération: ce dernier doit par conséquent être en mesure de vérifier que les termes de cet échange répondent à ses attentes ou, du moins, sont conformes à ce qui avait été convenu avec le travailleur. C'est pourquoi, en accord aussi bien avec la doctrine que la pratique administrative, il faut admettre que, outre des impératifs de sécurité ou des motifs tenant à l'organisation ou à la planification du travail, ![]() | 39 |
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"Tombent sous la surveillance du rendement, par exemple, le comptage automatique des pièces produites ou du nombre de frappes journalières sur une installation de traitement de textes. Une saisie détaillée, permettant la répartition temporelle des tâches et, par ce biais, l'appréciation du comportement, n'est (en revanche) pas admise. Si, en plus d'une surveillance de rendement, un contrôle visuel des travailleurs pendant leur activité est mis en place, ce dernier constitue également une surveillance du comportement. L'enregistrement du rendement doit aussi être utilisé raisonnablement (principe de proportionnalité)."
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Les possibilités techniques exactes offertes par le système de localisation litigieux sont contestées par la recourante (sur cette question, cf. infra consid. 6.4) qui admet néanmoins qu'elle est en mesure, grâce à ce système, de savoir a posteriori, au moyen d'un "listing", l'heure à laquelle ses collaborateurs commencent et terminent leur activité, quels clients ils visitent durant la journée et à quelle heure, ainsi que le temps qu'ils consacrent à chaque client. L'accès à ces informations lui permet ainsi de connaître de manière relativement précise l'emploi du temps de ses collaborateurs durant une journée de travail. Bien qu'il soit, à proprement parler, utilisé en dehors de l'enceinte de l'entreprise, et qu'il ne porte pas directement sur la personne même des techniciens-vérificateurs, le système de localisation en cause a donc bien pour effet de saisir un aspect particulier de leur comportement à leur poste de travail, soit, selon les termes du seco, "la répartition temporelle des tâches" (cf. supra consid. 4.3); il n'échappe ainsi pas aux exigences découlant de l'art. 26 OLT 3. En revanche, le fait que la surveillance ne soit qu'indirecte (ou médiate) n'est pas sans importance pour apprécier la proportionnalité de la mesure (cf. infra consid. 6.5).
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Il convient dès lors d'examiner si le système de localisation - dont il est constant que les travailleurs ont été préalablement avertis de l'installation et de l'utilisation - poursuit des objectifs légitimes qui le font apparaître, au vu des circonstances, comme un moyen proportionné pour atteindre le but recherché.
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5.2 Selon la jurisprudence, le principe de la proportionnalité se compose traditionnellement de trois volets: la règle d'aptitude ou d'adéquation, qui exige que le moyen choisi - ici: le système de localisation - soit propre à atteindre le but visé - ici: les objectifs invoqués par l'employeur à titre de motifs justificatifs; la règle de nécessité, qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts en cause - ici: la santé, la liberté de mouvement et la personnalité des travailleurs; et la règle de proportionnalité au sens étroit, qui requiert de mettre ![]() | 46 |
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Si, comme le soutient la recourante, le système de localisation lui permet seulement de connaître d'une manière rétrospective ("a posteriori"), le soir, quand et où les véhicules ont stationné pendant la journée, on comprend mal cet argument qui jette, à vrai dire, un doute sur l'étendue réelle des possibilités de surveillance offertes par le système en question.
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Quoi qu'il en soit, il apparaît que le rayon d'action des techniciens-vérificateurs, qui sont au nombre d'une quinzaine pour toute la Suisse, est pré-défini en fonction des codes postaux des clients dont ils ont la charge, si bien que chacun d'eux s'occupe, en définitive, d'une région déterminée. Ainsi, la clientèle des cantons de Vaud et de Genève est du ressort de deux collaborateurs. On ne voit par ![]() | 51 |
Le système de localisation est donc un moyen qui n'apparaît ni adéquat ni même nécessaire pour effectuer des interventions en urgence.
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La recourante ne donne cependant pas d'exemples tangibles des "procédures" que le système de localisation lui aurait permis - ou lui permettrait - de prendre pour optimaliser les temps de déplacement. Quoi qu'il en soit, on ne voit pas quelles peuvent concrètement être les améliorations auxquelles elle fait vaguement allusion, surtout si l'on considère que les collaborateurs semblent jouir d'une grande autonomie dans l'organisation de leur travail, puisqu'ils ne se rendent, selon les propres déclarations de la recourante, que de manière très occasionnelle au siège de la Société et que leur contrat de travail ne contient aucune disposition laissant penser que leur indépendance serait limitée. Une relative grande autonomie est d'ailleurs un trait caractéristique des activités qui, à l'instar de celle ici en cause, relèvent de la vente à domicile ou de la représentation, et ![]() | 54 |
Certes, la recourante met également en avant le fait que la productivité aurait augmenté de 15 % depuis qu'elle a mis en place le système de localisation. Outre que la réalité de ce chiffre n'est pas démontrée - en instance cantonale, la recourante parlait même d'une augmentation de 38 % -, sa corrélation avec les prétendus avantages apportés par le système de localisation en matière d'organisation du travail prête à discussion en l'absence d'indications concrètes quant à la nature et la forme des améliorations qui ont prétendument été réalisées. Supposé que l'augmentation de la productivité de 15 % soit avérée, il semble en tout état de cause que celle-ci doive davantage aux abus auxquels l'employeur a pu mettre fin grâce à la mise en place du système de localisation (heures de travail non effectuées, rapports d'activité fantaisistes ...) qu'à de véritables améliorations en matière de rationalisation du travail.
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L'adéquation entre le système de localisation et le but prétendument poursuivi de réduire les temps de déplacement et d'intervention n'est donc pas établie.
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En l'absence de toute autre précision, il est malaisé de comprendre ce que veut exprimer l'intéressée au travers de cet argument. Il semble toutefois qu'elle cherche par là à soutenir que le système de localisation lui épargnerait d'avoir à demander à ses collaborateurs des rapports d'activité lorsqu'elle facture ses prestations aux clients.
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Si l'on en croit la recourante, les motifs d'intervention sont nombreux et variés (vente d'un extincteur; contrôle ou recharge d'un appareil; dépannage; conseils divers ...). Du moment que le système de localisation ne renseigne pas sur la nature des prestations effectuées, il ne dispense nullement l'employeur de recourir, pour la facturation, à des rapports ou des fiches de travail établis par ses collaborateurs. En revanche, on peut admettre que la possibilité de confronter le contenu de tels rapports ou fiches de travail avec les informations que fournit le système de localisation constitue un moyen adéquat - et nécessaire, dans la mesure où l'on ne voit pas par quel autre biais ce but pourrait être atteint - de rendre plus sûr et plus précis le détail des factures adressées aux clients. Quant à la proportionnalité - au sens étroit - de ce moyen pour parvenir au but ![]() | 59 |
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5.5.2 Il n'en demeure pas moins que, dans la mesure où il fournit des informations relativement précises sur l'emploi du temps de chacun des techniciens-vérificateurs lorsqu'ils utilisent leur ![]() | 62 |
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Il est certain que des fiches de travail ou des rapports d'activité détaillés contenant la date, l'heure et la description des prestations effectuées offrent davantage de renseignements utiles à l'employeur que les seules informations que lui fournit le système de localisation. Il apparaît toutefois qu'avant son introduction, certains employés n'hésitaient pas à établir des rapports d'activité fantaisistes contenant des indications erronées tant sur les heures et les jours travaillés que sur les prestations réellement effectuées. Une telle façon de procéder n'est donc pas suffisante pour contrôler efficacement l'activité et les prestations des techniciens-vérificateurs, notamment pour s'assurer que ceux-ci effectuent leur travail, et si possible ![]() | 64 |
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Erwägung 6 | |
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6.2 La gravité de l'atteinte dépend principalement de la nature et de l'ampleur de la surveillance exercée ainsi que du type de moyen utilisé pour la mettre en oeuvre. En particulier, selon qu'elle s'exerce directement sur la personne même du travailleur ou qu'elle porte sur un autre aspect, par exemple le résultat de ses prestations (surveillance directe/immédiate ou indirecte/médiate), selon qu'elle englobe toute la personne du travailleur (comme peut le faire une ![]() | 67 |
Dans tous les cas, c'est en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes du cas que devra s'apprécier cette gravité. Ainsi, tandis qu'une caméra braquée en permanence sur un employé au guichet d'une banque est, abstraitement, de nature à provoquer une atteinte importante à la personnalité du travailleur concerné, il n'en est rien si cette même caméra n'est pas reliée à une salle de contrôle, mais qu'elle ne fait qu'enregistrer sur une bande, pour des motifs de sécurité, ce qui se passe, et que l'enregistrement est ensuite détruit, sans être utilisé, sous réserve d'exceptions bien définies à l'avance (par exemple au cas où un délit est commis). Autrement dit, selon que la surveillance est strictement réglementée ou qu'elle n'est soumise à aucune réglementation précise ou selon que ses résultats sont détruits (instantanément ou à brève échéance) ou qu'ils sont durablement enregistrés sur un support pour être réutilisés (bande son ou vidéo, fichier informatique ...), l'intensité de l'atteinte ne sera pas la même.
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Quant aux motifs justificatifs avancés par l'employeur, leur importance dans la pesée des intérêts dépend principalement de leur nature, notamment du caractère privé ou public des intérêts qu'ils mettent en jeu, ainsi que des conséquences prévisibles d'une interdiction du système de surveillance incriminé. Lorsque le but poursuivi par l'employeur sert son seul intérêt personnel, il pèsera ainsi, d'une manière générale, d'un poids moindre que si d'autres intérêts, de nature privée (intérêts des travailleurs eux-mêmes ou de clients, par exemple) ou publique, viennent s'y ajouter.
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6.3 En l'espèce, il s'impose, avant toute chose, de souligner que les techniciens-vérificateurs n'ont pas le droit, sauf accord préalable de la Société, d'utiliser à des fins privées les véhicules d'entreprise mis à leur disposition. Ce point est important. En effet, s'ils y étaient autorisés, l'employeur ne pourrait pas, en principe, équiper ses véhicules ![]() | 70 |
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Il apparaît toutefois que, comme devant l'instance cantonale déjà, la recourante nie avec la dernière énergie les propriétés et les qualités prêtées au système de localisation par l'Office cantonal. Elle affirme n'être en mesure de connaître la position de ses véhicule que "a posteriori", à la fin de la journée de travail, au moyen d'un "listing" ne faisant qu'indiquer les lieux et les heures de départ et d'arrivée des véhicules au cours de la journée. A titre de moyen de preuve, elle renvoie au "listing" qu'elle avait produit en instance cantonale. Elle précise que la localisation en temps réel des véhicules n'est possible, en réalité, que "sur requête" de sa part à une centrale de télésurveillance basée en Belgique, en ajoutant que c'est là un service payant équivalent à une intervention sur alarme qu'elle n'aurait encore jamais utilisé à ce jour. Enfin, elle réfute, comme elle l'avait déjà fait en instance cantonale, les allégations de l'Office cantonal selon lesquelles le directeur de la Société appelait "très régulièrement sur leurs portables (les techniciens-vérificateurs) afin d'obtenir des justifications quant à leur positionnement".
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Au vu de ces éléments, les premiers juges ne pouvaient pas se fonder sur les seules affirmations de l'Office cantonal pour déterminer les possibilités de surveillance offertes par le système de localisation; ils devaient, au contraire, mettre en oeuvre un complément ![]() | 73 |
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En revanche, si le système de localisation permet à l'employeur, comme l'ont retenu les premiers juges, de suivre de manière continue et en temps réel le trajet emprunté par les véhicules utilisés par les techniciens-vérificateurs, il pourrait constituer un moyen de surveillance disproportionné par rapport au but poursuivi. En effet, l'intensité de l'atteinte à la santé, à la personnalité et à la liberté de mouvement des travailleurs concernés n'est pas la même selon que ![]() | 75 |
6.6 Des mesures d'instructions complémentaires s'avèrent donc nécessaires en vue d'élucider ces questions, en particulier pour déterminer - le cas échéant au moyen d'une expertise - les véritables caractéristiques techniques et l'étendue exacte des possibilités de surveillance offertes par le système de localisation. Dans le cadre de la procédure cantonale, l'employeur s'est montré peu enclin à fournir les renseignements qui lui étaient demandés, nonobstant son obligation de collaborer à l'instruction de la cause (cf. art. 45 LTr); s'il devait persister dans cette attitude, il est rendu attentif au fait qu'il devra en supporter les conséquences sur le plan du fardeau de la preuve (cf. ATF 125 V 195 consid. 2 p. 196). Dans l'hypothèse où l'instruction révélerait que le système incriminé recèle, en réalité, des possibilités de surveillance plus étendues que ne le soutient la recourante, les premiers juges se prononceront sur son admissibilité après avoir procédé à une nouvelle pesée de tous les intérêts en présence.
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