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12. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause Cremo SA Fribourg contre Organisme intercantonal de certification, Commission de recours de l'Organisme intercantonal de certification et Office fédéral de l'agriculture (recours en matière de droit public) |
2C_11/2010 du 25 novembre 2011 | |
Regeste |
Art. 16 Abs. 2 lit d, Art. 166 Abs. 1 und Art. 180 LwG; Art. 16 Abs. 1 und 3 und Art. 18 ff. GUB/GGA-Verordnung; Art. 1 ff. der Verordnung über die Kontrolle der GUB und GGA; Rechtsnatur (Privatrecht/öffentliches Recht) der Beziehungen zwischen der Interkantonalen Zertifizierungsstelle (IZS) und den von ihr kontrollierten Produzenten von "Gruyère AOC"; Rechtswege gegen eine Sanktion der IZS wegen Verletzung des Pflichtenhefts; Delegationsnorm für hoheitliche Befugnisse. |
- die Kriterien der Interessentheorie (E. 4.2), der Funktionstheorie (E. 4.3) und der Subordinationstheorie (E. 4.4) erscheinen nicht entscheidend, insbesondere - soweit die beiden letzteren Kriterien betroffen sind - mit Blick auf die Natur der Tätigkeit (Zertifizierung) und auf das in der Schweiz eingeführte Akkreditierungssystem, welches aus sich selbst heraus keine Kompetenzübertragung der hoheitlichen Befugnisse aufgrund von Art. 35 AkkBV enthält (E. 4.6); |
- ist der Käse nicht zertifiziert, darf die Beschwerdeführerin ihn nicht unter der Bezeichnung "Gruyère" verkaufen. Sie würde somit eine sehr starke Beschränkung ihres Marktzugangs erleiden, wenn ihr die IZS (später) die Genehmigung aufgrund der fraglichen Streitpunkte entziehen würde. Weil eine solche Einschränkung auf dem öffentlichen Recht basiert, gilt das Gleiche für die ausgesprochene Sanktion (Anwendung der modalen Theorie; E. 4.5 und 4.6). |
Art. 180 LwG stellt eine genügende formell-gesetzliche Grundlage dar, um der IZS die Aufgabe zu übertragen, die Produzenten zu kontrollieren, deren Produkte zu zertifizieren und zu diesem Zweck die notwendigen Entscheidungen zu treffen, namentlich die beschwerdefähigen Sanktionen gemäss Art. 166 Abs. 1 LwG (E. 5). | |
Sachverhalt | |
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Cremo SA, à Fribourg (ci-après: la Société), exploite une fromagerie qui bénéficie d'une certification délivrée par l'Organisme intercantonal de certification (OIC) pour produire du "Gruyère AOC". A la suite d'un contrôle de sa fromagerie, la Société a été sanctionnée par l'OIC, le 6 février 2008, de deux points de pénalité en raison d'une "non-conformité majeure" au cahier des charges de l'appellation "Gruyère AOC"; elle était en outre tenue de remédier immédiatement à la situation sous peine de retrait du certificat d'agrément.
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Par arrêt du 11 novembre 2009, le Tribunal administratif fédéral a rejeté dans la mesure de sa recevabilité le recours déposé par la Société contre la décision précitée de l'OFAG. En substance, les juges ont considéré que la sanction de l'OIC n'était pas une décision attaquable prise par une organisation ou une entreprise au sens des art. 166 al. 1 et 180 de la loi fédérale du 29 avril 1998 sur l'agriculture (loi sur l'agriculture, LAgr; RS 910.1), mais qu'elle relevait uniquement de relations contractuelles fondées sur le droit privé et qu'elle devait, comme telle, être contestée devant les juridictions civiles ordinaires.
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La Société a interjeté un recours en matière de droit public contre l'arrêt précité du 11 novembre 2009. Après en avoir délibéré en séance publique le 25 novembre 2011, le Tribunal fédéral a admis le recours, annulé la décision attaquée et renvoyé le dossier à l'OFAG pour examen de la cause au fond.
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(résumé)
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Extrait des considérants: | |
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4.1 Le Tribunal fédéral s'appuie sur plusieurs critères pour déterminer si une contestation relève du droit public ou du droit privé: le critère des intérêts, qui qualifie les normes juridiques ainsi que les rapports de droit dont elles sont le fondement de droit public ou de droit privé selon qu'elles sauvegardent exclusivement ou principalement l'intérêt public ou les intérêts privés; le critère dit fonctionnel, qui qualifie les normes juridiques de droit public lorsqu'elles réglementent la réalisation de tâches publiques ou l'exercice d'une activité publique; le critère du sujet ou de la subordination, qui soumet au droit public les rapports dans lesquels une partie est supérieure à l'autre en fait ou en droit et au droit privé ceux où les parties traitent d'égal à égal à tous points de vue; et enfin le critère modal (ou critère de la sanction) qui attribue une norme à l'un ou l'autre droit selon que sa violation entraîne une sanction relevant du droit privé (par exemple, nullité d'un acte juridique) ou une sanction relevant du droit public (par exemple, révocation d'une autorisation). Aucune de ![]() | 8 |
C'est à l'aune de ces considérations qu'il faut examiner si, comme l'a jugé le Tribunal administratif fédéral, la relation entre l'OIC et la recourante relève du droit privé et de la compétence des tribunaux civils ou si, comme le soutient la recourante, elle est fondée sur le droit public et ressortit à la compétence des autorités (juridictionnelles) administratives.
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4.2.2 La réglementation concernant la désignation des produits agricoles (art. 14 à 16b LAgr) s'inscrit dans les conditions-cadre que la Confédération doit mettre en place pour favoriser la production et ![]() | 12 |
Selon une interprétation littérale et systématique de la loi, il apparaît ainsi que le système de protection des AOP et des IGP s'apparente, dans ses fondements, à une mesure de politique économique destinée à soutenir l'agriculture suisse. Dans son Message du 27 juin 1995 concernant le Paquet agricole 95, le Conseil fédéral a précisé que cette nouvelle réglementation visait à favoriser l'écoulement des produits agricoles au vu des nouveaux défis auxquels le secteur agricole se trouvait confronté (saturation des marchés agricoles; tourisme alimentaire; ouverture progressive des frontières). Elle devait également permettre de réduire peu à peu le soutien de la Confédération aux prix des produits agricoles et des produits agricoles transformés, le but étant que le revenu des paysans soit davantage assuré, à l'avenir, par la vente de leur production et par l'octroi de paiements directs complémentaires. Le système de protection des AOP et des IGP contribuait à ces objectifs dans la mesure où il donnait à la filière agricole suisse un moyen de conserver des parts de marché et de valoriser ses produits (Message précité, FF 1995 IV 624, 633 s., 648). Enfin, il s'agissait encore, indirectement, de répondre aux nouvelles attentes des consommateurs, qui voulaient être mieux renseignés sur les produits agricoles, notamment quant à leur mode de production et leur provenance (origine géographique), et obtenir des produits de qualité (cf. Message précité, FF 1995 IV 635, 642, 648 et 659).
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Il est certain que la création du registre fédéral des AOP et des IGP et sa gestion sont conçues comme de véritables tâches publiques (de manière générale, sur la tenue des registres publics, cf. TOBIAS JAAG, Hoheitliche und nicht-hoheitliche staatliche Tätigkeiten, in L'homme et l'Etat, Mélanges Thomas Fleiner, p. 619 ss, 636); la procédure d'enregistrement d'une dénomination protégée relève en effet clairement du droit administratif: demande d'enregistrement de la dénomination, décision de l'OFAG, éventuelle opposition et décision sur opposition, puis encore procédure de recours devant la juridiction administrative (cf. art. 5 ss ord. AOP et art. 166 al. 2 LAgr; cf. HIRT, op. cit., p. 146 s.; HOLZER, op. cit., p. 287 ss). C'est seulement à l'issue de cette procédure, en cas d'admission de la demande, que la dénomination est finalement inscrite au "registre des appellations" avec publication à la Feuille officielle suisse du commerce (art. 12 ord. AOP). L'OFAG tient ce registre, qui contient notamment la dénomination et le cahier des charges (art. 13 al. 2 let. a et c ord. AOP).
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Le cahier des charges comprend le nom de la désignation protégée et détaille les conditions à respecter pour avoir le droit d'utiliser celle-ci (délimitation de l'aire géographique; description du produit; etc.; cf. art. 7 al. 1 let. a à d ord. AOP); il désigne également le ou les organismes de certification chargés du contrôle et fixe les exigences minimales relatives au contrôle (cf. art. 7 al. 1 let. e ord. AOP). Le cahier des charges constitue le coeur de l'inscription (cf. HIRT, op. cit., p. 137; HOLZER, op. cit., p. 315) et sa modification est ![]() | 20 |
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4.3.4 L'organisme de certification constitue l'acteur central du contrôle des AOP et des IGP. Celui qui utilise une AOC ou une IGP doit en effet confier à un organisme de certification défini dans le cahier des charges le contrôle de la production, de la transformation ou de l'élaboration du produit (art. 18 al. 1 ord. AOP). En vertu de l'art. 19 al. 1 ord. AOP, ces organismes de certification doivent être accrédités conformément à l'ordonnance du 17 juin 1996 sur le système suisse d'accréditation et la désignation de laboratoires d'essais et d'organismes d'évaluation de la conformité, d'enregistrement et d'homologation (ordonnance sur l'accréditation et la désignation, OAccD; RS 946.512). Cette dernière ordonnance a été édictée en exécution de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les entraves techniques au commerce (LETC; RS 946.51). L'accréditation tire en effet sa raison d'être de l'objectif de réduire les entraves techniques au commerce (cf. art. 1 al. 1 LETC), notamment au plan des échanges internationaux, où elle constitue un instrument essentiel pour harmoniser les normes techniques entre les Etats (cf. LILIANE SUBILIA-ROUGE, Aspects juridiques de l'audit environnemental, 2000, p. 144 s.). L'accréditation vise également, plus largement, à susciter la confiance du public dans les produits bénéficiant d'une certification délivrée par un ![]() | 22 |
L'art. 1 al. 1 let. a OAccD règle l'accréditation des organismes qui procèdent à des essais ou à des évaluations de la conformité de produits dans le but de reconnaître formellement leur compétence de procéder à de tels essais ou évaluations conformément aux critères internationaux pertinents (art. 2 OAccD). L'art. 5 OAccD confie la tâche d'accréditation au Service d'accréditation suisse (SAS). Celui- ci doit répondre aux critères internationaux définis à l'annexe I de l'ordonnance et est placé sous la surveillance de l'Office fédéral de Métrologie et d'Accréditation (metas) (cf.VAUTIER EIGENMANN, op. cit., n° 248). L'art. 7 al. 1 OAccD prévoit que seuls peuvent être accrédités par le SAS les organismes répondant aux critères internationaux mentionnés à l'annexe 2. Les annexes 1 et 2 de l'OAccD renvoient à des normes de droit privé édictées par des organismes internationaux de normalisation, notamment les normes internationales ISO et les normes européennes de la série EN 45000; les secondes sont appelées à être remplacées par les premières dont elles émanent et auxquelles elles sont sur certains points déjà identiques (cf. document du SECO disponible sur son site internet et intitulé "Interprétation donnée par le SAS à diverses exigences particulières des normes de la série EN 45000 et ISO/CEI 17000 pour l'accréditation d'organismes de certification", éd. novembre 2010, p. 3); ces normes internationales établissent notamment les qualités que doivent présenter les organismes d'accréditation (soit le SAS) et les organismes de certification (comme l'OIC) en termes d'indépendance, d'impartialité et de compétence (cf. VAUTIER EIGENMANN, op. cit., no s 226 et 248 ad note bas de page 523; HANS CHRISTIAN RÖHL, Akkreditierung und Zertifierung im Produktsicherheitsrecht, Zur Entwicklung einer neuen Europäischen Verwaltungsstruktur, 2000, p. 83 ss). L'art. 7 al. 2 OAccD précise que le requérant désirant être accrédité comme organisme de certification pour une procédure réglementée par des dispositions du droit public devra également être en mesure d'appliquer les prescriptions pertinentes et, le cas échéant, répondre aux exigences supplémentaires qu'elles contiennent. Pour le surplus, l'accréditation comme telle fait l'objet d'une procédure administrative (demande; examen; décision; cf. art. 8 ss OAccD; sur les possibilités de recours, cf. VAUTIER EIGENMANN, op. cit., nos 263 ss). Elle peut être assortie de charges ou de conditions et est octroyée pour une durée limitée (art. 14 al. 3 et 4 OAccD) pendant laquelle les organismes ![]() | 23 |
La Suisse a donc opté pour un système d'accréditation étatique sous la forme d'un monopole de droit confié au SAS (cf. VAUTIER EIGENMANN, op. cit., nos 248 et 335; SUBILIA-ROUGE, op. cit., p. 149 s.). Les relations qu'entretient le SAS, comme organe d'accréditation, avec les organismes de certification, ressortit donc clairement au droit public. Le premier assure en effet, à l'égard des seconds, les rôles respectivement d'autorité compétente pour l'octroi de l'accréditation et d'autorité de surveillance de leur activité de certificateur (cf. Message du 15 février 1995 concernant la loi fédérale sur les entraves techniques au commerce [ci-après: Message LETC], FF 1995 II 489,558; cf. VAUTIER EIGENMANN, op. cit., nos 335 s.).
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4.3.5 En confiant la certification des AOP et des IGP à un organisme accrédité, le législateur suisse s'est largement inspiré du droit européen applicable en la matière (cf. HIRT, op. cit., p. 112). Son but était en effet d'adapter le droit suisse à cette réglementation pour permettre à notre pays d'être reconnu comme "pays tiers" de l'UE (sur cette notion, cf. HOLZER, op. cit., p. 146 ss; ANDREA E. FLURY, Grundprobleme des Rechts der geographischen Herkunftsbezeichnungen, 2003, p. 50) et de pouvoir, à ce titre, bénéficier à terme du système de protection des AOP et des IGP mis en place au sein de l'Union (cf. Message Paquet agricole 95, FF 1995 IV 638 ss, 646). A cette fin, il a élaboré un système équivalent à celui de l'UE concernant l'enregistrement des désignations - ce qui supposait l'établissement d'un registre fédéral - mais aussi leur contrôle (Message précité, FF 1995 IV 650 et 660). L'incorporation, expressément voulue par le législateur (cf. Message précité, FF 1995 IV 651 et 653), des normes européennes EN 45011 au droit interne (art. 7 al. 1 OAccD en lien avec l'annexe 2 let. f OAccD), traduit cette volonté d'établir un système suisse d'accréditation et de certification compatible avec la réglementation européenne. Outre, comme on l'a vu (cf. supra consid. 4.3.4), les qualités que doivent remplir les organismes de certification pour être accrédités en termes d'indépendance, d'impartialité et de compétence, ces normes (privées) européennes règlent également certains aspects de la relation entre les organismes de certification et les entreprises soumises à leur contrôle, comme la ![]() | 25 |
La réglementation européenne ne définit pas la nature juridique des relations entre les organismes de certification et les entreprises soumises à leur contrôle; cette question relève de la législation interne des Etats membres (cf., s'agissant de l'Allemagne, RÖHL, op. cit., p. 23 ss). La réglementation européenne prévoit seulement que les organismes de certification accrédités conformément aux normes de la série EN 45000 sont présumés répondre aux exigences découlant des directives dites "nouvelle approche" en matièred'harmonisation technique et d'évaluation (cf. VAUTIER EIGENMANN, op. cit., n° 235; RÖHL, op. cit., p. 4 ss). Adoptée en 1985 par les Etats membres, la "nouvelle approche" limite le rôle du législateur européen à ne prévoir dans ses règlements que des "exigences essentielles" de sécurité (appelées "règles techniques" ou "prescriptions techniques") qui sont détaillées dans des normes privées harmonisées (appelées "normes techniques") élaborées sur mandat par des organismes européens de normalisation. Les entreprises désirant mettre un produit sur le marché doivent établir sa conformité aux "exigences essentielles" de sécurité; cette condition, assortie de la présomption que les produits fabriqués conformément aux "normes techniques" répondent aux "exigences essentielles", a pour effet de rendre ces normes obligatoires en dépit de leur caractère privé (cf. SUBILIA-ROUGE, op. cit., p. 146; VAUTIER EIGENMANN, op. cit., nos 192 ss, 195, 235, 240 ss). La "nouvelle approche" a été complétée en 1989 par "l'approche globale" en matière d'évaluation de la conformité qui, dans le souci d'éviter que la non-reconnaissance des certifications entre Etats membres ne crée de nouvelles entraves techniques au commerce, a mis en place des procédures uniformes pour évaluer la conformité des produits avec les directives "nouvelle approche". En vertu de ces procédures, la preuve de la conformité doit être établie, selon le type de produit concerné, par le producteur lui-même (évaluation première partie) ou, le plus souvent, par des organismes tiers (évaluation tierce partie) dont les compétences, l'indépendance et ![]() | 26 |
4.3.6 La LETC a repris l'essentiel de ces principes et concepts du droit européen harmonisé. Il en va notamment ainsi de la distinction entre "prescriptions techniques" et "normes techniques" (cf. art. 3 let. b et c LETC) ou de la définition donnée aux notions "d'évaluation" et "d'attestation de la conformité" (art. 3 let. h et i LETC), de "surveillance du marché" (art. 3 let. p LETC) ou "d'exigences essentielles" (art. 4 al. 5 let. a LETC), ou encore de la présomption voulant qu'un produit fabriqué conformément aux "normes désignées" (soit les normes internationales harmonisées) satisfait aux "exigences essentielles" (art. 4 al. 5 let. c LETC) (cf. Message LETC, FF 1995 II 532 ss, 542, 559). La LETC s'applique à tous les domaines où la Confédération édicte des "prescriptions techniques", soit des règles de droit fixant des exigences - concernant notamment l'évaluation de la conformité d'un produit - dont la réalisation constitue une condition de l'offre, de la mise sur le marché, de l'utilisation, de la mise en service ou de l'élimination du produit en question (cf. art. 2 al. 1 en relation avec l'art. 3 let. b ch. 3 LETC). Selon le Message du Conseil fédéral du 25 juin 2008 concernant la révision partielle de la loi fédérale sur les entraves techniques au commerce (FF 2008 6643, 6650 s.), la réglementation relative aux AOP et aux IGP ne contiendrait pas de "prescription technique" au sens de la LETC. Pourtant, l'art. 16 al. 1 et 3 ord. AOP prévoit que les mentions AOC et IGP ne peuvent être utilisées que pour les produits dont la dénomination a été enregistrée et certifiée conformément à la présente ordonnance. Certes est-il vrai que l'obligation de faire certifier un produit n'est pas indispensable pour sa mise sur le marché; à défaut, il ne peut toutefois pas être commercialisé sous la ![]() | 27 |
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4.3.8 Au titre du "contrôle", l'ordonnance sur la protection des AOP et des IGP (ord. AOP) prévoit que l'organisme de certification ![]() | 29 |
En l'espèce, le Manuel de contrôle, dans sa version du 23 juin 2003 (version 3) a été approuvé le 23 juin 2006 par le Service d'accréditation suisse (SAS), le 23 août 2006 par l'interprofession du Gruyère (IPG) et le 8 septembre 2006 par le Comité de l'OIC. Le chiffre 1.1, première phrase, du Manuel de contrôle dispose que celui-ci "régit ![]() | 30 |
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- aussi bien l'accréditation de l'OIC que ses rapports avec le SAS relèvent clairement du droit public;
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- l'OIC est placé sous la double surveillance du SAS et de l'OFAG auxquels il est tenu de démontrer qu'il remplit les exigences de l'accréditation et/ou qu'il accomplit les tâches qui lui reviennent conformément aux normes applicables; à ce titre, il doit notamment tenir l'OFAG et d'autres autorités compétentes informés des irrégularités constatées lors des contrôles et des sanctions prises pour y remédier;
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- le cadre et les exigences minimales du contrôle (type et nombre de contrôles) sont réglés par voie d'ordonnances;
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- bien que le "Manuel de contrôle" qui concrétise ces exigences soit établi par l'OIC en collaboration et fait, selon l'art. 8 de l'ordonnance de contrôle, "partie intégrante" du système d'assurance de qualité de l'OIC; par cette intégration, ses dispositions revêtent dès lors également un caractère de droit public, le système d'assurance de la qualité formant les prescriptions que l'OIC doit respecter comme organisme de certification accrédité par l'Etat (cf. Message LETC, FF 1995 II 502; VAUTIER EIGENMANN, op. cit., nos 129 ss).
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"Lors de la future réglementation qui sera élaborée sur la base de la LETC et qui réglera la situation juridique des organismes accrédités et les effets de leur activité, les principes suivants guideront les travaux d'élaboration.
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De par l'accréditation, l'Etat ne transfère pas de compétences étatiques aux organismes concernés. L'accréditation sert plutôt à reconnaître, à l'instar d'un certificat de maîtrise, une certaine capacité. Les organismes pourront se prévaloir du droit, dont l'exercice est soumis à certaines conditions, d'avoir été qualifiés par l'Etat et de pouvoir offrir les services pour lesquels ils ont été accrédités, à savoir procéder à des essais ou à des certifications, dans un marché par ailleurs libre (...). Le droit public ne régit que la relation entre, d'une part, l'organisme d'essai ou de certification et, d'autre part, l'organe d'accréditation ou l'autorité compétente pour le domaine de produits concerné. Ceci vaut en particulier pour les moyens de recours. Par contre, la relation juridique entre le fabricant ou la personne qui met le produit sur le marché, d'une part, et l'organisme accrédité, d'autre part, fait l'objet d'un contrat de droit privé. Si l'organisme prend une décision qui ne convient pas au destinataire contractuel, celui-ci peut faire valoir un droit à la réparation du dommage éventuel selon les règles contractuelles. Il peut, en outre, dénoncer à l'autorité de surveillance compétente une prétendue violation par l'organisme accrédité des prescriptions publiques, notamment de celles prévues par l'ordonnance sur l'accréditation."
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Il apparaît ainsi que, tandis que l'ensemble des rapports juridiques entre l'organisme d'accréditation (SAS) et les entreprises accréditées reposent sur le droit public, la certification est principalement conçue en Suisse comme une activité de droit privé (cf. Message LETC, FF 1995 II 551, qui parle à ce sujet de "service privé") soumise aux règles du mandat voire du contrat d'entreprise (cf. VAUTIER EIGENMANN, op. cit., n° 223; SUBILIA-ROUGE, op. cit., p. 142; EVELYNE CLERC, Management et assurance de la qualité dans la construction, in Journées du droit de la construction, 1995, vol. II, p. 39 ss, 56 s.). Dans cette conception, les relations entre l'organisme de certification et les entreprises contrôlées sont pour l'essentiel réglées de ![]() | 39 |
Qu'un organisme de certification ne reçoive, du seul fait de l'accréditation, aucune compétence relevant de la puissance publique, n'exclut pas qu'une législation sectorielle puisse lui déléguer une tâche publique. Une telle délégation doit toutefois pouvoir se déduire de la législation sectorielle en cause. On ne saurait en effet la tirer des caractéristiques du système d'accréditation mis en place, comme l'existence de rapports de droit public entre l'organisme accrédité et le SAS ou le fait que le premier soit placé sous la surveillance du second. A défaut, cela reviendrait, en contradiction avec la volonté du législateur, à soumettre de manière quasiment systématique au droit public les rapports entre un organisme de certification et les entreprises contrôlées. Cela étant, dans son Message concernant le Paquet agricole 95, le Conseil fédéral a évoqué la tâche de contrôle dévolue aux organismes de certification des AOC et des IGP dans des termes qui manifestent plutôt une volonté, dans la ligne de l'art. 35 OAccD, de confier cette tâche, sous la surveillance de l'Etat, à des acteurs privés et sur une base de droit privé. Il relève notamment, en se référant expressément aux normes européennes de la série EN 45000, l'importance de confier le contrôle de la conformité des produits à des organisations privées accréditées par l'Etat, présentant des garanties d'indépendance vis-à-vis des groupements professionnels et bénéficiant de connaissances spécifiques suffisantes pour mener à bien leur tâche. Il rappelle également que, d'une manière générale, la dénomination des produits agricoles "doit rester l'affaire des producteurs" et qu'il incombe au secteur privé de supporter les coûts du contrôle (cf. Message Paquet agricole 95, FF 1995 648 s., 651 et 653).
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Par conséquent, l'interprétation de la loi ne permet pas, sous l'angle du critère fonctionnel, de qualifier de tâche publique l'activité de contrôle que la réglementation confie à l'OIC. Il faut élargir l'analyse aux autres critères reconnus pour déterminer la nature juridique des rapports entre l'OIC et les entreprises contrôlées.
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D'une part, les entreprises désirant utiliser une AOP sont obligées de conclure, puisque la réglementation leur impose de faire certifier leurs produits par un tiers accrédité par l'Etat; bien plus, elles ne disposent pas de la liberté de choisir leur cocontractant, mais sont forcées de se tourner vers l'OIC qui est, comme on l'a vu, le seul organisme désigné par le cahier des charges pouvant effectuer des certifications pour l'appellation "Gruyère"; à cette fin, elles doivent "signer un contrat de contrôle et de certification" avec l'OIC (ch. 1.1 et 4.1 du Manuel de contrôle) aux termes duquel elles s'engagent notamment à "accepter tout contrôle de l'Interprofession du Gruyère et de l'OIC et de leurs mandataires liés à la vérification de la conformité du Gruyère à son cahier des charges" (cf., dans le cas d'espèce, le contrat d'achat de la production de Gruyère pour l'année 2006/2007 signé par la recourante). De son côté, l'OIC n'est pas non plus libre de choisir ses partenaires. Il est en effet tenu de contracter avec toutes les entreprises qui s'adressent à lui pour faire certifier leur production. Ce devoir découle de l'obligation de non-discrimination que doivent respecter les organismes de certification en vertu du ![]() | 45 |
D'autre part et surtout, l'autonomie des parties est également restreinte par la réglementation applicable en ce qui concerne le contenu même de leurs relations "contractuelles". L'ordonnance sur le contrôle édictée par le DFE fixe en effet des "exigences minimales" contraignantes concernant le type de contrôle à effectuer et leur fréquence (un contrôle des conditions structurelles lors de l'agrément initial; au minimum tous les deux ans, un contrôle des conditions liées au processus; au minimum une fois par année, un test du produit final) (cf. art. 1 à 5 de l'ord. DFE; ch. 4 du Manuel de contrôle). Par ailleurs, comme on l'a vu, l'OIC doit respecter le Manuel de contrôle déposé auprès de l'OFAG qui fait partie intégrante de son système d'assurance de qualité (cf. supra consid. 4.3.9); or, ce document contient de nombreuses prescriptions qui détaillent la procédure de contrôle et de certification et limitent d'autant la liberté contractuelle des parties.
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D'une part, afin de mener à bien sa tâche et de garantir le respect continu des conditions de certification, la réglementation octroie à l'OIC d'importantes prérogatives qui sont en principe réservées à l'Etat. VAUTIER EIGENMANN parle à ce sujet de "pouvoirs exorbitants du droit privé" (op. cit., n° 370). Ainsi, l'art. 7 ord. DFE prévoit que l'OIC doit s'assurer qu'il a accès en tout temps aux entreprises (let. a) et qu'il peut consulter tous les documents utiles à la certification (let. b); le chiffre 4 du cahier des charges, qui précise la manière dont les contrôles sont concrètement effectués dans les fromageries, désigne les documents que celles-ci sont tenues de fournir à l'OIC et autorise ce dernier à effectuer des prélèvements d'échantillons dans les entreprises; en outre, le chiffre 1.4 du Manuel de contrôle dispose qu'en plus des contrôles prévus par la réglementation et le cahier des charges, l'OIC peut, en cas de doute, "faire des contrôles inopinés en opérant de manière indépendante"; enfin, selon le ch. 8.2 du Manuel de contrôle, la plupart des non-conformités donnent lieu à une "réinspection" ou à la mise en place d'une "inspection régulière" et toute "entrave au contrôle" est sanctionnée d'une pénalité d'un point. Certes, le simple fait que la loi impose une ![]() | 48 |
D'autre part, le rapport de subordination est attesté par le système de sanctions à disposition de l'OIC si les entreprises ne se conforment pas à leurs obligations découlant du cahier des charges et du Manuel de contrôle. Ce dernier prévoit en effet que chaque "non-conformité" donne lieu, en fonction de sa gravité, à une pénalité de un à quatre points comptabilisés pendant une période de trois ans et que si l'entreprise atteint ou dépasse la limite de quatre points pendant cette période, "l'OIC peut prononcer une décision de retrait d'agrément ou de certificat de produit". Un tel système de sanctions unilatérales est davantage le propre du droit public que du droit privé, même si des acteurs privés peuvent également y recourir, par exemple dans le monde associatif, pour garantir l'intérêt général des membres de l'association.
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4.4.4 Enfin, en troisième lieu, la réglementation elle-même prévoit une procédure et des garanties propres au droit administratif pour régler les contentieux entre l'OIC et les entreprises soumises à son contrôle. En particulier, les refus ou les retraits de certification doivent, en vertu du renvoi de l'art. 7 al. 1 OAccD aux critères internationaux applicables aux organismes de certification (annexe 2 OAccD), faire l'objet d'une décision motivée, respectant le droit d'être entendu du destinataire (cf. VAUTIER EIGENMANN, op. cit., no 307; SUBILIA-ROUGE, op. cit., p. 137; RÖHL, op. cit., p. 93), et susceptible d'un recours interne devant une commission indépendante (cf. VAUTIER EIGENMANN, op. cit., no 303); il s'agit là typiquement d'obligations de droit public (cf. VAUTIER EIGENMANN, op. cit., no 344). Et c'est bien la procédure qui a été suivie en l'espèce par l'OIC et sa ![]() | 50 |
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4.5.2 A l'origine, l'art. 16 ord. AOP, libellé "utilisation de la mention AOP ou IGP", disposait que "seule une appellation d'origine enregistrée pouvait être assortie de la mention appellation d'origine (AO), appellation d'origine protégée (AOP) ou appellation d'origine contrôlée (AOC)" (al. 1); son alinéa 2 prévoyait la même règle pour les indications géographiques (RO 1997 1198, 1202). Depuis une novelle du 14 novembre 2007, entrée en vigueur le 1er janvier 2008 (soit postérieurement à la décision litigieuse), l'art. 16 ord. AOP prévoit ![]() | 54 |
4.5.3 Certes, comme on l'a vu, il n'est pas certain que l'obligation de certification prévue à l'art. 16 al. 3 ord. AOP puisse être assimilée à une "prescription technique" au sens étroit du terme, en ce sens que les produits peuvent être mis sur le marché sans avoir été ![]() | 55 |
Il s'ensuit que, sous l'angle du critère modal, le litige doit être rangé dans la catégorie du droit public, car un retrait de la certification litigieuse constitue une importante restriction d'accès au marché en vertu de l'interdiction (de droit public) prévue à l'art. 16 al. 3 ord. AOP.
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4.6 En conclusion, l'analyse des différents critères montre, en l'espèce, que celui de l'intérêt penche légèrement en faveur du droit public (information et protection des consommateurs; supra consid. 4.2), tandis que ceux de la fonction et de la subordination (supra consid. 4.3 et 4.4) n'apparaissent, en eux-mêmes, pas déterminants pour qualifier les rapports juridiques entre l'OIC et la recourante en raison de la nature de l'activité de certification, qui implique un rapport de subordination, et du système particulier d'accréditation mis en place en Suisse, qui n'emporte en principe pas la délégation de la puissance publique (cf. art. 35 OAccD). Au final, le critère modal (supra consid. 4.5) est le plus approprié pour déterminer la nature juridique de tels rapports, en ce sens que, lorsque la certification se présente comme une obligation pour commercialiser un produit, elle doit être considérée comme relevant du droit public dès lors que le fondement légal de cette obligation réside, comme en l'espèce, dans une norme de droit public (en ce sens, s'agissant du droit allemand, ![]() | 57 |
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1 La Confédération et les cantons peuvent associer des entreprises ou des organisations à l'exécution de la loi ou créer des organisations appropriées à cet effet.
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2 La coopération de ces entreprises et de ces organisations est surveillée par les pouvoirs publics. L'autorité compétente doit définir leurs tâches et leurs attributions. Leur gestion et leurs comptes sont soumis à cette autorité. Le contrôle parlementaire de la Confédération et des cantons est réservé.
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3 Le Conseil fédéral et les cantons peuvent autoriser ces entreprises et ces organisations à percevoir des émoluments appropriés afin de couvrir les frais de leur activité. Le tarif de ces émoluments doit être approuvé par le département.
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L'art. 166 al. 1 LAgr prévoit qu'un recours peut être formé auprès de l'office compétent contre les décisions des organisations et des entreprises mentionnées à l'art. 180. Sont considérées comme des décisions, au sens de l'art. 5 PA, les mesures prises par les autorités dans des cas d'espèce, fondées sur le droit public fédéral et ayant pour objet de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations (let. a) ou de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de tels droits ou obligations (let. b).
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Selon la jurisprudence, la compétence de rendre des décisions au sens de l'art. 5 PA, soit de pouvoir définir concrètement un régime juridique touchant les droits et les obligations de tiers de manière unilatérale, est un privilège - et un monopole - de souveraineté de la puissance publique. Pour que des personnes juridiques extérieures à l'administration soient habilitées à le faire, une base légale formelle est nécessaire (cf. arrêts 2C_715/2008 du 15 avril 2009 ![]() | 64 |
5.2 En l'espèce, l'art. 180 LAgr constitue sans conteste une base légale formelle qui donne de manière générale à la Confédération la compétence de déléguer l'exécution de la loi sur l'agriculture à un organisme extérieur à l'administration. Par ailleurs, il ressort clairement des dispositions prises par le Conseil fédéral pour réglementer la question du contrôle des AOP et des IGP (selon la délégation de compétence prévue l'art. 16 al. 2 let. d LAgr), que cette tâche a été confiée, selon le voeu du législateur (cf. supra consid. 4.3.9 avant-dernier paragraphe), à des organismes indépendants accrédités placés sous la surveillance de l'OFAG et du SAS (cf. art. 18 al. 1 et 21 al. 4 ord. AOP). Ces organismes doivent agir dans le respect des exigences minimales précisées dans l'ordonnance sur le contrôle édictée par le DFE (art. 18 al. 2 ord. AOP) et il leur appartient notamment, à ce titre, de faire les différents contrôles détaillés aux art. 1 à 5 ord. DFE afin de pouvoir certifier la conformité des produits au cahier des charges (cf. art. 16 al. 3 en lien avec l'art. 18 al. 1 ord. AOP). Ils doivent également signaler à différentes autorités les irrégularités constatées lors des contrôles (art. 20 ord. AOP) et fournir à l'OFAG un rapport annuel détaillant notamment "le nombre et le type des actions coercitives (entreprises) et des retraits de certification (prononcés)" (art. 6 let. c ord. DFE). Certes, aucune disposition légale ou réglementaire ne confère formellement à l'OIC le ![]() | 65 |
5.3 Partant, l'OIC doit être considéré comme délégataire d'une tâche publique et investi du pouvoir de rendre des décisions administratives sujettes à recours auprès de l'OFAG (art. 180 LAgr) à l'encontre des entreprises soumises à son contrôle. Dans la mesure où une voie de recours interne est prévue (cf. supra consid. 4.3.7 in fine), on peut se demander s'il ne serait pas préférable que la décision de la Commission de recours puisse être portée directement devant le Tribunal administratif fédéral. Il n'appartient toutefois pas au Tribunal fédéral d'en décider, mais au législateur, car l'art. 166 LAgr ne souffre pas d'exception sur la possibilité de recourir contre les décisions prises par un organisme délégataire d'une tâche prévue dans la loi sur l'agriculture.
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